L'arrière monde religieux
des théories économiques
"
L'argent
n'a pas de patrie; les financiers n'ont pas de patriotisme et ils n'ont
pas de décence; leur unique objectif est le gain."
Napoléon Bonaparte
1 - Jacques Attali,
les juifs et le capitalisme
2 - L'alliance du sang et de l'argent
3
- Un arrière-monde biblico-talmudique
4
- L'usure, un sacerdoce
5
- L'usure, l'usurier et l'Eglise
6
- L'arrière-monde religieux des théories économiques
contemporaines
7
- Panorama mondial en guise de conclusion
1
- Jacques Attali, les juifs et le capitalisme 
Avant
d'en venir à une étude aussi détaillée que
possible des conditions dans lesquelles est née la première
banque centrale européenne - la banque d'Angleterre -
puis à l'analyse de la naissance de la dynastie qui règne
sur tout ce qui, de près ou de loin concerne l'argent - la
dynastie des Rothschild - il m'a semblé important d'examiner
la psychologie de ceux qui se réclament de cette activité
à partir d'un exemple concret. On comprend alors à quel
point les financiers sont taraudés par un désir d'honorabilité.
Il s'agit de briser l'image de l'usurier et du spéculateur avides
et de la remplacer par celle d'un gestionnaire vertueux, soucieux de
la morale sociale, au service de Dieu, du progrès et du bien-être
de l'humanité, et cela par la grâce du prêt à
intérêt qui seul serait en mesure d'assurer le financement
des investissements et le développement industriel.
Alors
que Max Weber avait fait des protestants les créateurs du capitalisme
moderne, Jacques Attali rejette vigoureusement cette prétention
et attribue au judaïsme l'origine de la pensée économique
moderne tout en insistant sur la mise en place d'un capitalisme à
fois efficace et éthique.
Pourquoi
accorder autant d'importance à Attali? Parce qu'il est le seul
à avoir établi un lien direct entre la judéité
et l'argent et à s'en être ouvertement félicité.
Pour la première fois, on se trouve en face d'une réalité
anthropologique. L'activité financière débarque
dans la psychologie, dans l'étymologie, dans la sociologie et
dans la religion.
C'est
pourquoi l'ouvrage Les Juifs, le Monde et l'Argent m'a
semblé un document particulièrement éclairant à
décortiquer quelque peu, avant d'entreprendre l'analyse, sur
un terrain plus factuel, de la manière dont la naissance des
banques centrales occidentales est liée aux mythes bibliques,
aux injonctions des Talmud et à la psychologie
des membres de ce groupe humain.
*
Quel
meilleur guide que l'ancien conseiller du prince à la cour du
monarque, François Mitterrand, afin de comprendre pourquoi l'essentiel
du système financier mondial se trouve dirigé ou possédé
par des représentants du peuple juif? Dans une longue interview
parue dans l'Express du 10 janvier 2002, Jacques Attali
annonce, explicite et défend par avance le thème particulièrement
audacieux de son ouvrage - Les Juifs, le Monde et l'Argent -
thème qui aurait attiré les foudres sur quiconque aurait
osé l'aborder sans bénéficier du parapluie de l'omniprésence
médiatique de l'auteur et de sa participation à la communauté
dont il analyse les rapports à l'argent.

Attali-Mitterrand
1981
"Je
me suis toujours demandé ce qu'il y avait de fondé dans tout ce qui
était raconté, y compris le pire, sur le rapport des juifs au monde
et à l'argent. J'ai voulu aborder cette question de front, avec franchise
et honnêteté, à travers une longue enquête historique, et ma conclusion
est que les juifs ont toutes les raisons d'être fiers de cette partie
de leur histoire", écrit-il.
La
presse, accoutumée à accabler et à insulter toute
démonstration de l'évidence que décrit Attali a
accueilli cet ouvrage iconoclaste concernant les relations étroites
qui existent entre le judaïsme et le capitalisme, avec une sorte
de stupeur indignée et a finalement préféré
passer sous silence des propos qui bouleversent les codes véhiculés
par les médias officiels.
Même
si certaines affirmations prêtent à sourire dans la volonté
de l'ancien conseiller du prince de brosser une image d'Epinal des motivations
des usuriers ("Certains sages considèrent que prêter aux
non-juifs est un devoir, pour les aider à s'enrichir"
), surtout lorsqu'il ajoute candidement: "Comme les prêts
sont de très courte durée - un an ou moins - et à des taux d'intérêt
très élevés, de l'ordre de 50 à 80%, l'accumulation va très vite"
- il n'en demeure pas moins que les quarante premières pages
de son ouvrage représentent une contribution anthropologique
importante à la compréhension des relations entre le capitalisme
et le judaïsme dans sa forme talmudique.
2
- L'alliance du sang et de l'argent 
Dans
un texte intitulé L'usure,
axe central de l'histoire du monde, j'ai tenté de
brosser le tableau des aléas et des péripéties
qui, au cours des siècles ont opposé juifs et chrétiens
sur la question socialement et politiquement cruciale du prêt
à intérêt, c'est-à-dire de l'usure et j'ai
montré que le fondateur du christianisme lui-même avait
payé de sa vie sa tentative de lutter contre l'escroquerie des
marchands et des changeurs qui sévissaient à l'entrée
du Temple de Jérusalem (
Voir: 1 - La colère de Jésus contre les usuriers
du temple de Jérusalem ; 2
- A mort, le contestataire du système usuraire du temple !)
Longtemps,
le christianisme s'est élevé contre l'usure au nom des
principes évangéliques. Gagner de l'argent sans travailler
était considéré comme une activité malsaine.
Pour saint Ambroise (337-397) "tout ce qui s'ajoute au capital
est usure" (Patrologie latine, t. XIV), 778); pour
Thomas d'Aquin, "le vol usuraire est un péché
contre la justice" (Somme théologique)
En
effet, le prêteur s'enrichit par le seul écoulement du
temps, qui fait fructifier l'argent considéré comme un
bien parmi d'autres, car l'intérêt, écrit Attali,
"est la marque de la fertilité de l'argent" et
"la richesse, un moyen de servir Dieu". Il en conclut
logiquement que "pour un juif, la pauvreté est intolérable",
alors que "pour un chrétien, c'est la richesse qui
l'est".
La
nature humaine étant ce qu'elle est, l'héroïsme moral
et l'ascèse des premiers chrétiens qui se refusaient à
l'usure, se sont peu à peu fanés et ont fini par pourrir,
si bien que les sociétés chrétiennes ont suivi
la pente des vices inhérents à leurs pulsions et se sont
converties, elles aussi, aux délices du gangstérisme des
pratiques usuraires (Voir:
9 - L'Eglise catholique et l'usure)
Mais la partie la plus intéressante de l'ouvrage d'Attali concerne l'analyse
étymologique des mots hébreux, ce qu'il appelle joliment un "voyage
sémantique": "On ne peut rien comprendre à la pensée juive,
en particulier à son rapport à l'argent, si l'on ne s'intéresse pas
au sens des choses tel que le révèle la généalogie des mots qui les
désignent." (p. 37)
Le rapport du judaïsme au capitalisme est donc lié en profondeur à
la structure même de son vocabulaire et la structure de son vocabulaire
est liée à sa manière de penser, donc à son identité profonde. C'est
pourquoi, écrit l'auteur, il s'agit de "débusquer des points
communs entre des mots qui s'écrivent avec les mêmes consonnes"
- en hébreu, on n'écrit pas les voyelles - et donc de découvir "des
invariants communs" à
des faits ou à des actes apparemment étrangers les uns aux autres, par
le simple jeu de la vocalisation des voyelles.
J'en viens à l'analyse qu'il fait du mot argent au sens de richesse,
présent trois cent cinquante fois dans la Bible et qui s'écrit, précise
Attali à l'aide de
trois consonnes: KSF. Selon que ces consonnes sont vocalisées
avec la voyelle a, e ou o, on obtient le désir, la réclamation
d'un dû, l'envie, la nostalgie, le vol, la
langueur (devant un désir impossible à satisfaire), l'amour,
la passion. Tous ces mots inter-agissent entre eux si bien que
consciemment ou inconsciemment, ces sentiments sont en relations non
seulement entre eux, mais avec l'argent qui permet de les satisfaire
ou de s'en rendre le maître et qui, étymologiquement parlant, figure
leur matrice originelle. La Bible l'exprime d'ailleurs en toutes lettres:
"L'argent et le désir sont indissolubles et insatiables.
" (L'Ecclésiaste, 5-10)
Mais l'argent, c'est aussi la monnaie, c'est-à-dire le numéraire bien
concret, celui qu'on tient dans la main et qu'on peut manipuler. Et
là, les correspondances sont saisissantes. En effet, l'argent-monnaie
au sens de redevance due se dit DaMim et le sang DaM (mais il s'écrit
DaMim au pluriel). Sang et monnaies sont donc un seul et même vocable.
Attali insiste sur cette rencontre sémantique particulièrement révélatrice
- "dangereuse et lumineuse proximité", écrit-il - le mot, DaMim,
désignant à la fois l'argent sous la forme de richesse à thésauriser
et le sang, car ce liquide, comme l'argent n'est pas réductible à l'unité.
Le sang coule, il est abondant et il est bien rare qu'on ne dispose
que d'une seule pièce de monnaie. "L'argent,
substitut du sang: on asperge l'autel avec le sang (DaM) de l'animal
sacrifié acheté avec l'argent (DaMim) de celui qui offre le sacrifice."
( Attali, op.cit., p. 40).
C'est
donc au coeur même du vocabulaire hébreu que surgissent tout à coup
les tables des "changeurs" et les flots de sang des sacrifices
de bestiaux (voir: 4
- Le déroulement des sacrifices dans le temple de Jérusalem)
. La superposition du sang et de la monnaie en un même vocable interchangeable
ouvre d'un seul mouvement la porte d'accès à la chambre des sacrificateurs
et aux usuriers qui tentaient d'extorquer le plus d'argent possible
aux pauvres pèlerins qui croyaient que le temple était une "maison
de prière" et qui se retrouvaient dans une "caverne de brigands".
Lorsque
le temple érigé par Hérode sera détruit, que cesseront
les égorgements religieux de bestiaux et que les ruisseaux de sang tariront
à Jérusalem, l'argent demeurera orphelin de son lien psychologique avec
les sacrifices, c'est-à-dire avec le noyau dur de son rituel. Attali
en est conscient : "Le peuple juif, écrit Attali, fait de
la monnaie l'instrument unique et universel d'échange, tout comme il
fait de son Dieu l'instrument unique et universel de la transcendance."
(p. 41)
3
- Un arrière-monde biblico-talmudique 
Attali
est le seul théoricien du judaïsme qui ait lié d'une
manière aussi étroite l'omniprésence des juifs
dans l'univers de l'argent à leur religion. Il est impossible
de comprendre l'évolution du système financier mondial
si l'on ignore à quel point le quasi monopole que le peuple hébreu
exerce depuis les origines sur son fonctionnement en Occident est lié
au contenu de la Bible et des Talmud: "Les deux
textes fondamentaux sont le Talmud de Jérusalem, au IVe siècle, et celui
de Babylone, au VIe siècle [de notre ère], qui apportent
d'énormes innovations, souvent très détaillées, sur l'organisation sociale.
(...) Pratiquement tous les problèmes de l'économie moderne y sont traités,
qu'il s'agisse de la publicité, de l'environnement, de la fiscalité
directe et indirecte, du droit du travail, du droit de grève, de l'héritage,
de la solidarité, etc.", affirme Attali dans son interview.
L'auteur
insiste sur l'élément dominant de l'identité juive,
à savoir le nomadisme - antérieur, évidemment,
à l'occupation de la Palestine historique - nomadisme qui a permis
aux Hébreux antiques déportés à Babylone
et émigrés volontaires à Alexandrie et dans l'empire
romain dont ils suivaient les conquêtes des légions, jusqu'à
ceux de la dispersion durant des siècles dans toute l'Europe,
nomadisme, dis-je qui leur aurait permis d'acquérir une compétence
financière et commerciale particulièrement efficace: "Ils
inventèrent en particulier le chèque, le billet à
ordre, la lettre de change" vante Attali.

Internet
permet également de rectifier les affirmations d'Attali
Affirmation
présomptueuse et fausse. Attali attribue aux commerçants
juifs la création de mécanismes financiers élaborés
et d'un système économique complexe qui existaient dans
l'empire assyrien deux millénaires avant notre ère, comme
le révèlent des fouilles récentes en Anatolie,
et cela à une époque où Jérusalem
n'était même pas un village. Malgré les efforts titanesques
de l'actuel Etat, qui creuse partout où il espère trouver une trace
du passé mythique d'Israël pour tenter de donner une crédibilité historique
aux récits bibliques et grâce aux travaux des archéologues
Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman (,La
Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie,
2001 ,trad. Ed. Bayard 2002) , il est avéré qu'au Xe siècle, Jérusalem
"était un petit village de montagne qui dominait un arrière-pays
à l'habitat dispersé" (p.118), alors que de puissants empires s'épanouissaient
entre le Nil et l'Euphrate depuis plus d'un millénaire.
D'ailleurs
la totalité de "l'Israël" de l'époque (environ mille ans avant
notre ère) n'avait pas d'existence politique au sens moderne et ne comptait
que quelques milliers de fermiers et d'éleveurs nomades. Quant à
l'auteur de l'ouvrage capital sur les découvertes bibliques récentes,
l'Italien Mario Liverani (La Bible et l'invention de l'histoire,
2003, trad. Ed. Bayard 2008) il conclut
que "l'image que l'on se fait de Jérusalem à l'époque de David, et
davantage encore sous le règne de son fils, Salomon, relève, depuis
des siècles, du mythe et de l'imaginaire romanesque. "(p.208) A
l'évidence, ces deux "rois",largement légendaires,
ont, certes, existé, mais plutôt comme chefs de bande ou chefs de villages.
Il
est plus que probable que lors de leur séjour forcé à
Babylone au cinquième siècle avant notre ère, les
Judéens ont eu connaissance des techniques financières
complexes utilisées par les fonctionnaires des brillants empires
mésopotamiens et qu'ils se les ont appropriées.
Or,
l'imagination romanesque d'un économiste aliéné
par son mythe religieux présente de la horde qui était
censée avoir fui la servitude en Egypte le tableau d'un Etat
moderne, organisé et policé, bref, le frère jumeau
des Etats européens actuels: "Les exigences de la guerre
et de l'économie les y poussent. Il faut des impôts, un
budget, de la monnaie, des règles de propriété.
Dans une impressionnante éclosion de lois et de procédures
s'expérimentent certaines des valeurs et certains des principes
de l'économie de marché qui serviront de base aux lois
de l'Occident pour les trois millénaires à venir"
! (Attali, p. 43) Les biblistes s'arracheraient les cheveux s'ils
avaient le courage de lire de semblables sornettes.
D'ailleurs
ce n'est pas le seul "emprunt" que les scribes judéens
ont fait aux textes et aux dieux des empires voisins. A partir du moment
où il est établi que les tablettes de pierre ramenées par le Moïse imaginaire
sont une copie d'un épisode semblable emprunté à un dieu babylonien
et où les dix commandements sont une reprise du Code babylonien d'Hammourabi,
le Pentateuque ou Torah ainsi que les Livres
des Rois deviennent des chapitres d'une vaste épopée imaginaire
racontant sur le mode héroïque l'histoire rêvée d'une petite peuplade
sans passé glorieux, constamment vaincue ou occupée par
de puissants voisins, coincée entre deux fastueux empires - l'Egypte
des Pharaons et les empires assyro-babyloniens - il n'existe, évidemment
pas de raison de lire ces textes autrement que d'un point de vue symbolique
et anthropologique. "Il s'agit de la peinture d'un passé idéalisé,
d'une sorte d'âge d'or nimbé de gloire." (Liverani, p.201)
"L'erreur
ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiple; la vérité
ne devient pas erreur parce que nul ne la voit", écrivait le
Mahatma Gandhi.
4
- L'usure, un sacerdoce 
Dans
sa "légende dorée du judaïsme",
Attali insiste constamment sur le rôle de l'argent comme "moyen
de servir Dieu", "d'être digne de lui". Il
éprouve le besoin de préciser: "A condition que
ce soit une richesse créée, une mise en valeur du monde et non pas une
richesse prise à un autre. Les biens fertiles (la terre, le bétail)
sont donc particulièrement recherchés." Il semble que les
riches troupeaux du légendaire patriarche Abraham en route vers
le pays de Canaan ou le tableau de la prospérité agricole
de Job avant que son Dieu, quelque peu vicieux, le conduise à
la ruine, hantent l'imagination d'Attali.
Le
Vatican, directement branché sur l'au-delà, comme chacun sait, a reconnu
en 2002 que les règles morales prétendument attribuées à Moïse n'ont
pas été dictées par Dieu et le professeur Yaïr Zakovitch, spécialiste
de littérature biblique à l'université hébraïque de Jérusalem explique
que "même la sortie Égypte, sous la conduite de Moïse, ne doit plus
être envisagée sous l'angle historique, mais comme une fiction littéraire
constitutive d'une idéologie politique et religieuse...", confirmant,
si besoin est, les travaux des archéologues américains
cités ci-dessus et de l'éminent bibliste italien, Mario
Liverani.
Les fouilles archéologiques sont cruelles car la vérité est cruelle:
rien de la grandeur mythique d'Israël n'est confirmé. Il faudra donc
finir par accepter qu'Abraham, Moïse, Josué, Samuel, les Juges sont
des personnages mythiques: mythiques également la sortie d'Egypte, la
conquête de Canaan et la chute de Jéricho, mythique le fastueux royaume
unifié du roi David, mythiques les splendeurs du palais du roi Salomon,
l'homme aux sept cents épouses et aux trois cents concubines ... "L'objectif
des auteurs est d'exprimer des aspirations théologiques et non de brosser
d'authentiques portraits historiques", écrivent les auteurs
de La Bible dévoilée, Les nouvelles révélations
de l'archéologie, (p.225) Israël Finkelstein et Neil
Asher Silberman.
C'est
pourquoi, lorsqu'il quitte l'imaginaire biblique, Attali reprend pied
dans la réalité de la spécialisation financière
à laquelle les juifs se sont adonnés par goût, par
talent ou par contrainte partout où leur nomadisme volontaire
les avait conduits, puisqu'ils étaient les seuls, en Europe,
à jouer le rôle de prêteurs "l'une des rares
activités qui leur sont autorisées au milieu d'un océan d'interdictions
professionnelles." Mais, ajoute-t-il, c'était aussi
"une obligation: souvent, une communauté n'est tolérée
dans une ville que si elle accepte d'assurer ce service".
Dans
son ouvrage Deux siècles ensemble, 1795-1995, tome
I, Alexandre Soljenitsyne décrit la manière dont
les usuriers assuraient leur "service" auprès
des populations autochtones: "Ayant appris que les juifs, par
goût du lucre , soutiraient du blé lors des beuveries,
puis en faisaient derechef de l'eau-de-vie, affamant ainsi les paysans
, Derjavine ordonna de fermer leur distillerie dans le village
de Liozno. Dans la foulée, auprès de gens simples
mais raisonnables , comme auprès des nobles, des marchands et
des villageois, il recueillit des renseignements concernant la façon
de vivre des juifs , leurs industries, leur façon d'abuser et
toutes sortes de ruses et de subterfuges par lesquels ils réduisaient
à la famine les pauvres et stupides villageois." (Derjavine,
Oeuvres en 9 volumes , Saint Petersbourg. 1864-1883, t.6, pp. 690-691,
cité par Soljenitsyne, p. 51, trad. Fayard 2001)
Alexandre
Soljenitsyne, vu par David Levine
On
est loin du goût pour l'exploitation agricole, du bétail
et des terres cités ci-dessus et dont les "nomades"
juifs auraient été friands! Mais Attali n'est pas à
une contradiction près dans sa volonté d'éviter
de regarder le réel historique et de se réfugier dans
les fumées du mythe biblique.
"Service",
"obligation", mais aussi "devoir",
Attali vient d'inventer le scoutisme financier. Malgré
le "risque d'être haïs pour services rendus", "prêter
aux non-juifs est un devoir, pour les aider à s'enrichir".
Avec un intérêt annuel de cinquante à quatre-vingts
pour cent, il y a peu de chances que l'emprunteur s'enrichisse, contrairement
à l'usurier.
On
comprend, dans ces conditions, que "pour le peuple juif (...)
il n'y a aucune raison d'interdire le prêt à intérêt à un non-juif,
car l'intérêt n'est que la marque de la fertilité de l'argent. En revanche,
entre juifs, on doit se prêter sans intérêt, au nom de la charité."
D'ailleurs, le Deutéronome (23, 20) ne disait-il
pas déjà: Tu ne prêteras pas à intérêt à ton frère,
qu'il s'agisse d'un prêt d'argent ou de vivres, ou de quoi que ce soit
dont on exige intérêt. À l'étranger tu pourras prêter à intérêt, mais
tu prêteras sans intérêt à ton frère." Pas de doute, il y a
frère et frère! En l'espèce, les chrétiens ne sont pas
des "frères".
Nous
arrivons au coeur du sujet. Il y a donc des règles pour les juifs
et d'autres pour les non-juifs, et cela, d'ailleurs conformémement
aux prescriptions des textes bibliques et des Talmud qu'Attali
suit à la lettre. Quel dommage que notre talmudiste financier
ait omis de préciser comment, concrètement s'opèrerait
la discrimination ! Un certificat de judéité devrait-il
être présenté au guichet des banques? C'est avouer
que l'intérêt du prêt est une forme de vol rationalisé
et dissimulé sous l'expression "fertilité de l'argent".
Il
faut croire Kafka lorsqu'il disait que son oeuvre est comique. Comique
La Colonie pénitentiaire, comique Le Procès,
comique La Métamorphose.

Franz Kafka,
vu par David Levine
Kafka
nous fournit peut-être une clé de lecture des
Talmud à laquelle les non-juifs n'avaient pas pensé,
prenant innocemment leur contenu au pied de la lettre! Ainsi, les innombrables
conseils sur les moyens de dépouiller les "goïms"
et les précisions particulièrement crues sur les pratiques
sexuelles auxquelles il est permis aux juifs de se livrer avec des bambins
de quatre ans - non juifs, comme il se doit - ou avec des animaux, constitueraient
l'ouvrage le plus hilarant de la littérature mondiale, une manière
de condensé d'humour au second ou au troisième degré,
ou de "théologie de l'absurde",
comme il existe un "théâtre de
l'absurde".
Dans
l'introduction à son Analyse spectrale de l'Europe, le
grand connaisseur de l'esprit des peuples, Hermann von Keyserling
écrivait: "Le caractère national par lui-même ne garantit
à aucune nation une valeur quelconque. On ne peut pardonner à qui exalte
un peuple aux dépens des autres, à qui prétend qu'un peuple est supérieur
au sens absolu, tandis que les autres seraient inférieurs."
Quant
à Sigmund Freud, il insiste, dans le portrait féroce qu'il
brosse du Président Woodrow Wilson, sur la puissance d'entraînement
d'un homme ou d'un groupe obsédés par un but unique, celui
d'imposer au monde l'anomalie psychique de se prétendre d'une
essence différente à celle des autres humains et de s'imaginer
les chouchous d'une divinité particulière: "Les fous,
les visionnaires, les hallucinés, les névrosés et les aliénés ont, de
tout temps, joué un grand rôle dans l'histoire de l'humanité (...).
Ce sont précisément les traits pathologiques de leur caractère, l'asymétrie
de leur développement, le renforcement anormal de certains désirs, l'abandon
sans réserves ni discernement à un but unique qui leur donnent la force
d'entraîner les autres à leur suite et de vaincre la résistance du monde."
(Sigmund Freud, Le Président Wilson)

Sigmund
Freud, Mary-Hélène Joly
Ainsi,
"l'abandon sans réserves" d'un groupe volontairement séparé
du reste de l'humanité au "but unique" de son destin,
celui de reconquérir, après une parenthèse de mille neuf cents ans environ,
une des terres les plus anciennement habitées et politiquement organisées
de la planète - la ville de Jéricho existait déjà sept
millénaires avant que soit détectée l'existence
d'un village sur le site de Jérusalem - cet abandon "sans
réserves ni discernement" répond de manière troublante
à la pathologie psychique que décrivait Sigmund Freud à propos du Président
Woodrow Wilson et qui, pour être partagée par un groupe
d'individus, n'en demeure pas moins une pathologie.
D'ailleurs, on ne peut que constater que cette pathologie collective
a bel et bien vaincu la "résistance du monde"
et qu'elle a joué "un grand rôle dans l'histoire
de l'humanité", puisqu'elle a non seulement influencé
de manière décisive l'établissement et le fonctionnement
de tout le système financier, mais qu'elle est devenue le pilier
géopolitique de la politique internationale contemporaine.
5
- L'usure, l'usurier et l'Eglise 
Dans
la pièce d'Alfred Jarry, le père Ubu déclare que
"s'il n'y avait pas de Pologne, il n'y aurait pas de Polonais".
Parodiant cette tournure, nous pouvons dire que s'il n'y avait pas d'usuriers,
il n'y aurait pas d'usure ...et le monde vivrait dans la prospérité.
On ne peut donc écarter la psychologie et l'anthropologie de
l'analyse économique. Conçu par le cerveau humain, tout
système ne fonctionne que grâce aux innombrables petites
mains qui le mettent en mouvement.
Or,
Jacques Attali se félicite de ce que, durant des siècles,
les juifs aient été des usuriers prospères et même
qu'ils aient rempli un rôle social irremplaçable. L'analyse
des racines théologico-psychiques qu'il développe librement
éclaire les mécanismes qui ont permis aux juifs de mettre
une grande partie du commerce de l'argent entre leurs mains.
Bien
que le quatrième concile de Latran en 1215 ait durement condamné
le fait d'acquérir un profit sans travail et sans risque puisqu'il
a assimilé le prêt à intérêt, donc
l'usure, à un péché mortel,
des usuriers chrétiens, les Cahorsins - à l'origine des
marchands originaires de la région de Cahors - et les Lombards,
originaires du Piémont, furent de rudes concurrents des juifs
en Flandres et en Suisse notamment. Ainsi, à Berne, Fribourg,
Lucerne, l'achat d'un "privilège" leur permit
de tisser un véritable réseau d'établissements
gérés par des associés appartenant aux mêmes
familles. Partout où les usuriers prennent racine, ils reproduisent
ce type de développement par métastases de proche en proche.

Les usuriers,
Quentin Metsys -1465-1530
L'Eglise
a été une marâtre sévère qui a longtemps
voué les usuriers chrétiens aux flammes et aux tourments
de l'enfer ainsi qu'à l'opprobre public de sa famille, puisque
certains diocèses refusaient au défunt une sépulture
chrétienne dans le cimetière de la paroisse, lequel en
général, entoure l'église du village . La dépouille
de Molière, au XVIIe siècle eut encore à subir
cette avanie et Voltaire, le pourfendeur des papistes, se confessa en
grande pompe à la fin de sa vie afin de ne pas "finir
à la voierie".
Mais
l'Eglise sait rétropédaler sur ses principes. Comme en
l'absence de toute banque le prêt à intérêt
était devenu une quasi nécessité économique
avec le développement du commerce et de l'artisanat, devenue
une mère bienveillante elle a fini par trouver une solution qui
satisfaisait tout le monde: elle inventa le sas du purgatoire. Les
usuriers chrétiens repentis et surtout ceux qui avaient alimenté
généreusement les oeuvres pieuses du clergé, ne
seraient pas automatiquement propulsés dans les flammes de l'enfer
et feraient dorénavant un petit séjour de repentance dans
un lieu intermédiaire, où ils seraient soumis à
une purgation de leurs péchés. Il n'a pas été
précisé clairement la localisation de cette sorte de vestibule
à deux sorties, puisque l'une pouvait vous propulser dans les
cieux au bout d'un temps difficile à évaluer et l'autre
vous précipiter dans les flammes infernales en cas de récalcitrance
avérée.
Dans
la foulée, il a été créé une nouvelle
catégorie de péchés, le péché véniel
, du latin venia, qui signifie pardon, indulgence, grâce,
bienveillance. Un petit péché pardonné d'avance
figure désormais à côté des gros péchés
mortels.
Depuis lors, le purgatoire a définitivement pris place dans la
géolocalisation des stations destinées aux défunts.
Il
faut dire que le rôle économique mondial de l'Eglise chrétienne
a été particulièrement néfaste. En effet,
lorsque l'empereur Constantin (272-327) a décidé d'offrir
au nouveau pouvoir religieux le dixième de tous les revenus de
l'empire afin de lui permettre de se développer et de financer
ses oeuvres de charité, il ne se doutait pas que quelques siècles
plus tard, l'église chrétienne détiendrait entre
le tiers et la moitié de toutes les terres et de toutes les richesses
de l'empire. Le vice de la thésaurisation et de l'avarice s'étaient
glissé dans les coeurs et avait pris la place de la charité.
Au
lieu de construire des hôpitaux, des écoles ou des bibliothèques
ou de recycler l'énorme masse monétaire qui affluait dans
ses coffres tant au Vatican qu'à Constantinople, dans des actes
charitables qui auraient remis le numéraire en circulation, des
dépôts protégés par des murailles de plusieurs
mètres d'épaisseur ont été construits afin
de mettre l'or et l'argent en sécurité.
L'Eglise
catholique officiellement "épouse" mystique d'un
Christ prêchant la pauvreté et l'humilité, mais en réalité héritière
et continuatrice des Césars romains, se livra tantôt ouvertement, tantôt
en tapinois au fameux culte du Veau d'Or. Durant de nombreux siècles,
la croix et les pièces d'or, le pouvoir spirituel et le pouvoir
temporel, Jésus et le Veau d'or firent bon ménage dans
tout l'Occident chrétien.
Lorsqu'en
1260, Thomas d'Aquin rendit visite au pape Innocent IV, celui-ci voulut
l'éblouir et lui présenta toutes les richesses de la papauté. Après
avoir admiré ces trésors, Innocent déclara:
" Voyez-vous, mon brave Thomas, je ne peux pas dire comme le premier
pape [l'apôtre Pierre] : "Je n'ai ni argent, ni or."
Thomas d'Aquin acquiesça et ajouta:
- Et vous ne pouvez pas dire non plus: "Au nom de Jésus-Christ, lève-toi
et marche!"
La
condamnation des fabuleuses richesses d'une papauté dévergondée, jouisseuse
et avide de plaisirs, d'évêques et de cardinaux ignorants et arrogants,
vivant dans une pompe ostentatoire, figure en bonne place parmi les
griefs des Réformateurs allemands. Luther et tous les protestants allemands
s'élevaient d'abord contre le luxe des dignitaires de l'Eglise et dénonçaient
violemment le commerce des indulgences, véritable pompe à finances du
Vatican.
6
- L'arrière-monde religieux des théories économiques
contemporaines 
Dans
son ouvrage intitulé Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations , paru en 1776), l'économiste
anglais du XVIIIe siècle, Adam Smith, le théoricien de
la fameuse "main invisible du marché"
censée assurer la régulation heureuse des activités
humaines, plaçait la cupidité au coeur de toute
activité industrielle et marchande. Ainsi, il écrivait
que "ce
n'est que dans la vue d'un profit qu'un homme emploie son capital."
Car
"il tâchera toujours d'employer son capital dans le genre d'activité
dont le produit lui permettra d'espérer gagner le plus d'argent."
L'homme
vu par Adam Smith est non seulement cupide, mais égoïste
et ignorant: "A la vérité, son intention n'est
pas en cela de servir l'intérêt public", car
"il ne sait pas jusqu'à quel point il peut être utile
à la société".
Eurêka,
c'est là que la "main invisible" prend la direction
des opérations: "L'homme se trouve conduit par une main
invisible à remplir une fin qui n'entre nullement dans ses intentions
. (...) Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille
souvent d'une manière beaucoup plus efficace pour l'intérêt de la société
que s'il avait réellement pour but d'y travailler".

La
main invisible du marché
La
"loi du marché" n'est donc nullement une loi économique, mais
un avatar de la psychologie. Elle est la résultante de la somme des
désirs, des vices et des intérêts divergents des différents acteurs
de l'économie.
La
somme des égoïsmes individuels est donc censée produire une société
dont le fonctionnement idéal ferait le bonheur de l'humanité. On aboutit
à un mélange curieux de pessimisme sur la nature humaine qui n'est pas
sans rapport avec l'Epître aux Romains de Saint Paul et
d'optimisme sur les conséquences des vices dénoncés
avec lucidité.
Dans
l'épître de l'apôtre des Gentils, Paul de Tarse, brossait
déjà un portrait peu flatteur de la condition humaine . Il y accusait
les hommes d'être "remplis de toute espèce d'injustice, de perversité,
de cupidité, de méchanceté ; pleins d'envie, de meurtre, de querelle,
de ruse, de perfidie; rapporteurs, calomniateurs, ennemis de Dieu, insolents,
orgueilleux, fanfarons, ingénieux au mal, indociles aux parents, sans
intelligence, sans loyauté, sans cœur, sans pitié." (1-28-31).
Il
y a fort à parier qu'en bon Anglais du XVIIIe siècle nourri de la Bible,
celle-ci constituait l'arrière-monde d'Adam Smith. Néanmoins,
il faut une grosse dose d'optimisme pour fonder l'économie d'une
nation sur le fonctionnement d'une société mystérieusement auto-régulée
au moyen même des vices de ses participants.
Or,
la notion d'harmonie des intérêts et de l'équilibre heureux
et spontané des sociétés, évoque également la Théodicée
(1710) de Leibniz (1646-1716) . L'auteur y exposait déjà la théorie
selon laquelle des "lois naturelles" gouverneraient la vie des
hommes. Une théodicée (du grec theou dikè signifie la
"justice de Dieu") présente le projet de justifier la marche
harmonieuse de l'histoire conduite par un "Dieu totalement bon"
et réputé "tout-puissant" alors que, dans le même temps, chacun
peut constater que la malice, la méchanceté, l'avidité, la ruse, la
cupidité et le malheur sous toutes ses formes sont le lot quotidien
de l'humanité.
Voltaire
s'est moqué de cette vision du monde dans son Candide
ou l'optimiste, paru en 1759, soit dix-sept ans avant
les Recherches sur la nature et les causes de la richesse des
nations d'Adam Smith.
Une
formule lapidaire d'un autre philosophe, Hobbes, résume la situation:
"L'homme est un loup pour l'homme", reprenant une partie de la
locution de Plaute dans sa Comédie des Anes.
Il n'y a là rien de nouveau sous le soleil et cette description pourrait
parfaitement s'appliquer au monde d'aujourd'hui. Les conséquences de
la rapacité des acteurs de l'économie, loin d'avoir un effet
d'équilibre harmonisateur tel qu'annoncé par la théorie sont, au contraire,
désastreuses pour l'économie et pour la société. Les théoriciens
de l'économie libérale qui, depuis la chute du marxisme est devenue
la nouvelle religion planétaire, continuent cependant de se réclamer
ouvertement des principes exposés par Adam Smith. "Enrichissez-vous
par tous les moyens", clament-ils, reprenant la douce mélodie
du "Enrichissez-vous" de Guizot..
Mais
Adam Smith n'a évidemment jamais imaginé un marché dans lequel le bien
principal des échanges serait l'argent et surtout pas un argent virtuel.
L'économie de marché dans laquelle la poursuite égoïste des intérêts
particuliers de tous les membres de la société formerait miraculeusement
une gerbe harmonieuse appelée "intérêt général" ne pouvait s'appliquer,
dans l'esprit d'un philosophe du XVIIIè siècle, qu'à des échanges de
biens réels.
L'originalité
de la conception d'Adam Smith est qu'elle semble opérer une synthèse
entre le pessimisme des Voltaire, des Hobbes et des Saint Paul, d'une
part, et l'optimiste de Leibniz et de sa Théodicée, d'autre
part : les hommes sont certes méchants et surtout cupides, mais grâce
à une providentielle "main invisible" , l'ensemble de leurs vices
et de leurs malices, mystérieusement malaxés dans on ne sait quels souterrains
d'un "psychisme de groupe" virtuel, serait censé "providentiellement
" aboutir à un fonctionnement harmonieux et prospère des sociétés.
La
situation actuelle de l'économie mondiale révèle plutôt qu'en fait d'harmonie,
les mains bien visibles des tenanciers cupides de la finance internationale
sont en train de conduire la planète entière au bord du gouffre.
Mais on ne peut isoler les Recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations de l'ensemble de l'œuvre philosophique
d'Adam Smith. Dans son Histoire de l'astronomie, c'est
au divin et notamment au dieu grec Jupiter (ou Zeus) que se rapporte
le pouvoir de disposer d'une "main invisible" : "Dans toutes
les religions polythéistes (…) ce sont seulement les événements irréguliers
de la nature qui sont attribués au pouvoir de leurs dieux. Les feux
brûlent, les corps lourds descendent et les substances les plus légères
volent par la nécessité de leur propre nature; on n'envisage jamais
de recourir à la "main invisible de Jupiter" dans ces circonstances.
Mais le tonnerre et les éclairs, la tempête et le soleil, ces événements
plus irréguliers sont attribués à sa colère. "
On retrouve cette même expression dans sa Théorie des sentiments
moraux: "Les riches (…) ne consomment guère plus que les
pauvres et, en dépit de leur égoïsme et de leur rapacité naturelle (…)
ils sont conduits par une main invisible à accomplir presque la même
distribution des nécessités de la vie que celle qui aurait eu lieu si
la terre avait été divisée en portions égales entre tous ses habitants
; et ainsi, sans le vouloir, ils servent les intérêts de la société
et donnent des moyens à la multiplication de l'espèce."
Il
faut donc d'autant moins s'étonner que la "main invisible" du
marché soit impuissante à régler harmonieusement les sociétés , comme
le prouve l'état actuel de l'économie libérale, que pour Adam Smith
lui-même il ne s'agissait donc nullement d'une notion économique - bien
que d'innombrables économistes se soient acharnés à essayer d'en préciser
le sens et les contours - mais d'une métaphore théologique servant
à désigner une force occulte, une vague et indistincte puissance divine.
Dans sa Théorie des sentiments moraux, la "main invisible"
est un instrument de régulation et de maîtrise des passions,
donc le contraire même du laisser-aller moral aux vices et à la cupidité
tel que le pratique aujourd'hui le capitalisme financier débridé que
permet la dématérialisation de la finance actuelle. Le succès de cette
expression religieuse s'explique par le confort psychologique
et la bonne conscience qu'elle offre à des thuriféraires ignorants et
absous d'avance de leurs propres turpitudes.
On
voit à quel point la psychologie et l'anthropologie sont consubstantielles
à toute analyse économique.
7 -
Panorama mondial en guise de conclusion
"Lorsque
le gouvernement de l'ancienne Egypte s'effondra, quatre pour cent de
la population possédait toute la richesse.
"
Lorsque la civilisation babylonienne bascula, trois pour cent de la
population possédait toute la richesse.
"Lorsque
l'ancienne Perse fut détruite, deux pour cent de la population
possédait toute la richesse.
"Lorsque
la Grèce antique tomba en ruines, la moitié d'un pour
cent de la population possédait toute la richesse.
"Lorsque
l'empire romain s'écroula deux mille personnes possédaient
toute la richesse du monde civilisé.
"Puis
suivit l'âge sombre d'où le monde ne sortit que lorsque
les richesses ne furent plus aussi concentrées.
"Aujourd'hui,
moins d'un pour cent de la population des Etats-Unis contrôle
quatre-vingt dix pour cent de la richesse du pays.
Cité
par R. Maguire , dans Money Made Mysterious, American
Mercury Magazine, New-York, 1958.

*
(à suivre)
: La création des
banques centrales