La
première étape d'une guerre se déroule toujours sur le terrain du langage.
Avant la victoire des armes, il faut remporter la campagne de l'information,
donc du vocabulaire. Tous les services de la propagande savent cela.
L'un des plus grands succès d'Israël est d'avoir fait main-basse sur
les mots , d'avoir anesthésié les journalistes et neutralisé
la fameuse et vaporeuse "communauté internationale" .
Aujourd'hui, la quasi totalité de la presse mondiale est " embedded
" dans la guerre israélienne .
Il
faut malheureusement constater que les Palestiniens sont tragiquement
démunis dans ce domaine.
Les
Israéliens, en revanche, sont des champions toutes catégories!
Ah les interventions d'Avi Pazner ! Voilà un grand professionnel ! Véritable
abonné des journaux de France-Inter à 7h, à 8h, à 13h
ou à 19 h, sur le ton larmoyant qui sied à une victime institutionnelle,
ce grand professionnel est capable de distiller goutte à goutte le récit
gémissant d'une colonne de gentils chars Merkava sauvagement agressée
par trois gamins lanceurs de pierre . Si les soldats ont riposté avec
la modération qu'on leur connaît et réduit les enfants en bouillie,
c'est que la pauvre Tsahal était en état de légitime défense !

Et
quel habile " communiquant " qu' un Olivier Rafowicz ! Ce porte-parole
de l'armée vous explique avec une agilité d'esprit, une assurance ,
une maestria confondante et dans un français bien meilleur que celui
de beaucoup de journalistes français, les infinies précautions que prend"
l'armée la plus morale du monde " afin d'épargner les civils
. Si des enfants se sont trouvés sur la trajectoire des missiles, l'armée
se lamente et déplore ce grand malheur. Ne va-t-elle pas - parfois -
jusqu'à s'excuser ou à accuser une pièce défectueuse
qui expliquerait une "erreur de guidage" lorsque le
massacre est trop spectaculaire et qu'une famille d'une quinzaine de
personnes est pulvérisée?

Dans
un monde qui papillonne d'une image à l'autre , d'une interview à l'autre
et où la vérité et la réalité ont peu de poids face à des bouffées émotives,
à une savante mise en scène ou en ondes, aux raisonnements astucieusement
agencés , aux manipulations émanant de groupes de pression et
à la complicité de tous les médias, des années-lumière d'habileté
, d'efficacité et de professionnalisme séparent les
Palestiniens et les Israéliens .
Outre
le handicap de se trouver face à une puissante colonne de lobbyistes
affichés ou masqués d'Israël , il existe des raisons culturelles, linguistiques
, politiques et psychologiques propres aux Palestiniens eux-mêmes et
qui expliquent leur sidérale faiblesse face aux médias du monde entier.
Un locuteur qui s'exprime dans un anglais élémentaire
ou un français hésitant ne fait, hélas, pas le
poids dans le théâtre médiatique.
Depuis
le départ de Leila Chahid pour Bruxelles, la Palestine a quasiment disparu
des médias français. Le résultat est sans bavure : c'est une victoire
par KO du vocabulaire, donc du point de vue israélien, si bien que la
cause palestinienne est devenue quasiment inaudible.
A
titre d'exemple, je vais analyser quelques phrases d'un éditorial parmi
d'autres du journaliste Bernard Guetta - celui le 4 janvier 2007 sur
France-Inter à 8h16. Sa tonalité générale, sous une apparence objective
et balancée, reflète, en réalité d'une manière spectaculaire le seul
point de vue israélien .
suite
: Analyse de l'éditorial de Bernard
Guetta du 4 janvier 2007 : La
Démocratie pénitentiaire
Le 27 janvier 2007