Il était une fois l'empereur Picrochole II
Son
altesse impériale Picrochole II est de méchante humeur. Ignorant la
foule de conseillers, de courtisans et de spécialistes en économie,
en art militaire et tutti quanti qui se pressent dans le salon
ovale pour cette réunion capitale au cours de laquelle les stratèges
du déclenchement d'une nouvelle guerre et les financiers doivent confronter
leurs arguments , l'empereur de la première puissance militaire de la
planète, son Altesse Picrochole II, contrariée par leur manque
d'enthousiasme, boude, se tord le nez et se gratte l'occiput.
Angoisse générale. Sa Majesté ne lit ni journaux, ni rapports de ses
propres services et expédie au diable les porteurs de mauvaises nouvelles.
Tous les membres de son entourage connaissent cette disposition particulière
de son esprit : il ne veut entendre que les bulletins de victoire, les
hommages, les félicitations, les approbations ou les compliments. Tous
savent qu'ils ont intérêt à se conformer à cette règle tacite, mais
néanmoins impérieuse, s'ils veulent conserver leur poste .
Le 11 septembre 2001, Sa Majesté promenait son désœuvrement dans une
école primaire au fin fond de ses provinces et enseignait doctement
la lecture à des bambins en tenant son livre à l'envers . Cette image
qui fit le tour de la planète confirma la rumeur que l'empereur Picrochole,
second du nom et digne descendant de l'inoubliable combattant de la
célèbre Guerre des fouaces ,
est allergique aux caractères d'imprimerie.
voir
chapitre 1, Picrocholand
Un éminent cinéaste a saisi sur le vif son air effaré et hésitant lorsqu'un
anonyme lui annonça que " l'Amérique était attaquée ".
Un coup d'œil quelque peu hagard à gauche, un autre à droite, croisant
et décroisant les jambes et se mordant la lèvre inférieure, Picrochole
est resté planté huit longues minutes sur une petite chaise de bois
au fond de la classe d'une petite école de Virginie pendant que s'écroulaient
les symboles du système financier et commercial du capitalisme mondialisé,
fondements de son empire.
Un nouveau
Messie est né. Alleluiah !
A
quoi bon, en effet, les notes de service et les conseillers. Notre empereur
n'a nul besoin de ces babioles : il possède des relations très haut
placées et les avis judicieux lui arrivent directement de la galaxie.
" J'ai entendu un appel venu des étoiles ", a-t-il confié à une
salle bondée de ses partisans lors de la Convention républicaine du
2 septembre 2004.

Leur enthousiasme s'est transformé en extase lorsqu'il s'est vanté,
avec toute la modestie qui convient , qu'il était en relations directes
avec Dieu lequel lui dictait expressément la conduite à suivre en toutes
circonstances ? " Je crois que Dieu parle à travers moi. Sans cela
je ne pourrais pas faire mon travail".

Or,
les courtisans-conseillers tiennent à leur poste. Sa Majesté est certes
lunatique, surtout lorsqu'elle a un peu trop cajolé la bouteille de
Bourbon , mais elle est joueuse : un de ses biographes rapporte qu'il
lui arrive d'organiser avec ses proches des concours de flatulences
!
Certes,
le service de la cour impose quelques obligations ; ainsi il faut se
plier à des réunions de prières quotidiennes. Beaucoup sont devenus
non seulement des experts, mais en remontreraient aux tartufes les plus
aguerris dans l'art de prendre une attitude soumise et concentrée pendant
les concours de piété. Peu d'entre eux voudraient manquer le spectacle
de leur empereur priant au téléphone avec son ami Tony à l'autre bout
du fil, les yeux mi-clos, l'écouteur collé à l'oreille et la main droite
sur le cœur .
Ah ! ce cher Tony ! Toujours prêt à rendre service. Une médaille décernée
par le Congrès a d'ailleurs récompensé ce fidèle serviteur. Mais, allez
savoir pourquoi, Anthony Blair a omis de venir la chercher et de profiter
de la belle cérémonie que le tout Picrocholand se proposait
d' organiser afin de remercier comme il se doit ce dévoué
comparse.

Et pourtant, le bon Tony a bien mérité sa médaille. Sa Majesté Picrochole
et lui forment la fine équipe de l'Axe du Bien sur lequel ils
font tourner la machine ronde.
Notre empereur aurait aimé joindre à ce duo son nouveau grand ami, Olmertius,
le dévoué remplaçant de son cher Sharonus qui, de tueur belliciste s'est
métamorphosé en " homme de paix " et en "démocrate"
depuis qu'il est devenu aussi alerte qu'un cucurbitacé.

Malheureusement,
il semble qu'il y ait de la friture sur la ligne et que l'ADSL d'Olmertius
aboutisse au terminal d'un autre Dieu . Mais les temps sont proches
où le messie nouveau, dont Picrochole prépare la venue, mettra de l'ordre
dans la stratosphère et où Olmert et les siens chanteront dans le même
chœur que les croisés du ciel picrocholien.
L'empire
dans lequel les prophètes sont aussi nombreux que les grains de sable
du désert de Gobi …
Grâce
au feu de Dieu qu'il est en train d'attiser sous la cocotte-minute mésopotamienne,
sa majesté Picrochole II , grand missionnaire et boute-feu planétaire
rêve d'un Armageddon sidéral. Il a annoncé récemment des progrès foudroyants
dans la réalisation de ce projet grandiose . En effet, lors d'une réception
donnée par Donald Rumsfeld lorsqu'il a quitté le Pentagone, l'auditoire,
médusé d'admiration, a entendu son altesse déclarer que l'invasion de
l'Irak avait représenté un "raz de marée dans l'histoire de la liberté
humaine". Quant à son second, Dick Cheney, il n'a pas hésité à proclamer
sur les ondes que l'intervention en Irak était un " énorme succès
de l'histoire ".
Picrocholand
est d'autant plus riche en prophètes que ceux-ci, comme le remarquait
un éminent observateur de leur politique, ont le talent particulier
de " provoquer la réalisation " de la prophétique dont ils font
" la promotion " (Z. Brzezinski). Mais par un étrange concours
de circonstances ou à cause d'une surdité soudaine des responsables
de la presse, cette information capitale n'a été ni reprise, ni diffusée
par les innombrables thuriféraires des exploits picrocholiens sur la
terre entière.
Et
voilà pourquoi l'alter ego de notre cher Picrochole, Dick Cheney
a pu tranquillement demander au commandement stratégique US " d'élaborer
un plan d'urgence " qui sera immédiatement mis en application "
en réponse à une nouvelle attaque terroriste du type de celle du
11 septembre contre les USA ".
On
remarquera que ce plan répond au grand classique de l'humour noir dont
le schéma a été rappelé par M. Brzezinski : "J'ai la réponse, quelle
est la question ? " Maintenant que le fameux plan d'urgence " en
réponse " est prêt, il ne manque plus que " l'attaque " appropriée.
Elémentaire, mon cher Watson .
ll
semble justement qu'un général, dénommé Tommy Franks, soit dans le secret
des dieux et qu'il ait eu des tuyaux très précis sur le sujet : "
Un événement terroriste provoquant de lourdes pertes se produira quelque
part dans le monde occidental - peut-être aux USA … " Pour le coup,
ce n'est plus une prophétie, mais carrément une prévision. Il
ne manque plus que la date et l'heure.
Un autre grand prophète de la démocratie picrocholienne , le riche banquier
David Rockefeller, avait donc toutes chances de tomber juste lorsqu'il
affirmait que " nous sommes au bord d'une transformation mondiale.
Tout ce dont nous avons besoin, c'est une bonne grosse crise majeure
".
Dès
1997, le prophète Zbigniew Brzezinski avait d'ailleurs annoncé
que l'empire subirait une attaque majeure semblable à celle qui
avait détruit sa flotte à Pearl Harbor le 7 décembre
1941. C'est pourquoi, dès son arrivée au pouvoir en 2000
l'empereur Picrochole II, exceptionnellement prévoyant avait,
dans son Projet pour un nouveau siècle américain,
fait consigner les dispositions législatives qui allaient
résulter de l'attentat qui s'est produit plusieurs mois plus
tard, le 11 septembre 2001.
Picrocholand
est donc bien le royaume magique dans lequel les événements sont connus
avant même qu'ils se soient accomplis et où les conséquences précèdent
les causes.
Problèmes
d'intendance
Mais
rien n'est parfait et aujourd'hui est un autre jour . C'est le jour
des décisions et surtout le jour des comptes . Or les financiers ont
le moral en berne. La monnaie est en capilotade, la dette de l'Etat
est si colossale que personne n'en connaît le montant exact et n'ose
se risquer à sonder le fond du gouffre .
Le
dollar, le précieux pétro-dollar, la perle de l'empire, le joyau de
la couronne, la pierre d'angle sur laquelle est construite la citadelle
impériale vacille .
Voir
chap.3
- Premiers pas sur les traces du Roi-Dollar
La géniale martingale qui avait permis à ses financiers de faire main
basse, grâce à l'invention d'une monnaie de singe, sur tant de richesses
réelles tout autour du globe, commence de présenter de dangereux signes
de faiblesse. Le ver de la méfiance ronge la pomme de la prospérité
picrocholienne.
Voir
chap. 4
- Voyage circummonétaire à la recherche du Roi-Dollar
et découverte de la caverne d'Ali-Baba
Lorsque Saddam a commencé de vendre son pétrole en euros , l'empire
avait déjà senti le vent du boulet . Damned ! Et si The Rest of the
World (ROW) se mettait à l'imiter ! D'aucuns ont affirmé que la
guerre déclenchée contre cet ancien grand ami l'avait été en vue de
s'assurer un approvisionnement en pétrole ! Fariboles ! Saddam était
prêt à vendre très bon marché autant de pétrole que l'empire en aurait
souhaité.
Certes, s'approprier à l'occasion d'une belle petite guerre les
champs pétrolifères du Moyen Orient était d'autant moins à négliger
que l'empire savourait d'avance le bonheur qu'il aurait éprouvé d'exercer
un chantage sur l'économie de la poignée d'Etats européens mollassons
, timorés, fiers de leurs ruines antiques, comme ces prétentieux "
Gréciens ", ou de leurs frites, comme les damnés Frenchies.
Ce
seul nom donnait des aigreurs d'estomac à Picrochole . Il se souvenait
du jour où son envoyé, la mine componctieuse et les joues gonflées par
la riche nourriture, avait créé une panique générale en sortant de la
poche de son veston une petite fiole qu'il avait brandie très haut .
Il avait la preuve que le moustachu maléfique que l'empire se proposait
de piller avait stocké des tonneaux et des tonneaux du poison mortel
dont il avait apporté un échantillon et qu'il agitait à hauteur de son
nez avec une mine terrifiante.
Les
délégués Rowiens réunis dans le temple de verre que l'empire
avait jusqu'à ce jour réussi à mobiliser pour la
satisfaction de ses intérêts, avaient blêmi et s'étaient
mis à trembler. La petite fiole agitée sous leur nez était bigrement
présente. Plus d'un pensait, en son for intérieur : " Pourvu qu'elle
soit bien bouchée " ; et ils s'étaient imaginé que la fiole
et son étiquette vénéneuse, avec sa tête de mort, contenait vraiment
le poison dont l'envoyé impérial prononçait le nom avec
des trémolos dans la voix.
Seul un grand escogriffe de Frenchy aux yeux d'un bleu de myosotis et
aux cheveux argentés en bataille, s'est levé d'un bond. Et il avait
ri, et il avait parlé avec beaucoup de feu de ses ancêtres et des vrais
guerriers qui ne se battent pas à coups de bacilles et de microbes et
préfèrent apprendre à lire aux enfants et leur donner à manger.
Picrochole
et sa cour ne se sont pas encore remis de la honte et du dépit qu'ils
ont éprouvés en entendant le tonnerre d'applaudissements qui avait salué
cette harangue. Aussi sa vengeance fut-elle cruelle et à la hauteur
de l'offense : suppression des frites françaises durant quatre longues
années ! Quelle jouissance ce serait de pouvoir tenir en laisse une
bonne fois pour toutes ces arrogantes petites peuplades européennes
qu'il n'arrive d'ailleurs pas à situer correctement sur la mappemonde.
Mais surtout quelle jubilation s'il pouvait par la même occasion étrangler
enfin le grouillant empire du Milieu, autrement plus redoutable, et
qui commençait à lui tailler de si désagréables croupières. Quelle volupté
s'il pouvait le priver de son approvisionnement en pétrole ! En effet,
tels d'infatigables termites les petits hommes jaunes creusaient des
galeries dans l'économie de Picrocholand et accumulaient des montagnes
de papier monnaie et de reconnaissances de dettes . Pour l'instant,
c'étaient donc les banquiers asiatiques qui tenaient l'empire picrocholien
au bout de leur ligne .
Pour
toutes ces raisons, il fallait sans tarder tuer dans l'œuf la funeste
tentative de rébellion contre le Dieu-Dollar et au nom d'une croisade
pour le Bien , la Liberté et la Démocratie châtier l'audacieux voyou
qui s'était avisé de défier le saint des saints de l'empire et en profiter
pour faire main-basse sur ses Etats et ses richesses.
Les
armées impériales avaient donc débarqué en Mésopotamie la fleur au fusil
et se préparaient à une promenade de santé emmenant dans leurs bagages
tout ce que l'empire compte de financiers , d'industriels du pétrole,
de l'armement et des travaux publics. Détruire pour reconstruire avec
de juteux bénéfices, telles sont les deux mamelles du
capitalisme florissant.

Mais
l'affaire avait mal tourné et l'armée harcelée sur terre et dans les
airs était en passe de subir une Bérézina honteuse, une Bérézina ruineuse,
comme toutes les défaites, une Bérézina qui avait déjà coûté plus cher
que la précédente expédition calamiteuse dans la jungle asiatique .

Néanmoins,
l'espoir, le fol espoir habite les cœurs . Un seul mot est sur toutes
les lèvres, un talisman , une clé magique qui ouvrira toutes grandes
les portes de la guerre en même temps que celles d'une nouvelle caverne
d'Ali Baba : I R A N .

A
suivre