" Toute
société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée,
ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution
".
Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen
Le texte que je mets
en ligne ce 1er septembre et celui qui suivra le 7 septembre
ont été rédigés au cours de la trêve estivale, bien avant que
Maurice Szafran dans Marianne, aussitôt soutenu
avec vigueur par Jean Daniel eussent, pour la première fois
en France, soulevé la question de fond de la légitimité idéologique
du CRIF, dont on sait qu'il voudrait valider le principe de
la double identité politique des juifs dans notre pays en ce
sens qu'ils jouiraient de la liberté souveraine de défendre
corps et âme les intérêts nationaux d'un Etat étranger, serait-ce
au détriment de ceux de la France sur la scène internationale.
En juillet, ma réflexion
aurait paru sacrilège. Je suis heureux qu'elle ne le soit plus
après la ferme condamnation, sous la plume de Jean Daniel, d'un
"judéocentrisme obsessionnel et névrotique". Mais mon
acquittement me renvoie devant une seconde juridiction, celle
de ma théopolitique. Depuis huit ans, je tente sur ce site de
soumettre les mythes religieux à une anthropologie critique
du sacré dont le Quai d'Orsay feint maintenant d'adopter le
principe, mais sans en connaître les méthodes et les sacrilèges.
Dans les deux textes
rédigés cet été, on verra comment MM. Szafran et Daniel me rendent
l'immense service de me faciliter l'exposé d'un élargissement
anthropologique du champ de leur réflexion mise à l'école d'une
analyse de la dichotomie psychique de l'ordre des Jésuites.
Le parallélisme entre la fécondité culturelle et philosophique
de la judéité française et des jésuites français - tous deux
sont à l'origine de la Révolution française de 1789 - ouvre
l'anthropologie critique à la pesée de la dichotomie cérébrale
d'une espèce scindée entre la terre et le songe.
Il me semble que
ce débat n'accédera à sa problématique qu'à se donner l'histoire
de France pour assise.
1 - Où la notion d'hérésie donne du fil à retordre à la
République
2
- Où les Exercices spirituels d'Ignace de Loyola débarquent
dans la politique
3
- Comment brûler vive une hérésie ?
4
- Où l'hérésie tente d'incarner sa bipolarité
5
- La République victime d'une panne de la pensée mondiale
6
- Une hérésie de plus
7
- Où l'hérésie débarque dans la psychanalyse du politique
8
- L'inconscient des hérésies
1 - Où
la notion d'hérésie donne du fil à retordre à la République
Il existe une expression frappante dans la langue de Cicéron pour
désigner une dictature déjà évidente aux yeux de tous, mais demeurée
à l'état de vapeur en suspension dans l'atmosphère, parce qu'encore
dépourvue d'une structure ayant pignon sur rue: "Certus odor
dictaturae", qu'il faut traduire par une forte odeur de
dictature.
La
France va-t-elle se retrouver dans la situation frisant l'hérésie
qu'elle a connue en 1682 quand, à l'instigation de Bossuet, la
"déclaration des quatre articles" du gallicanisme n'a évidemment
pas coïncidé par un hasard du calendrier avec le second baptême
du plus grand et du plus illustre collège des jésuites de France,
qui fut transporté en grande pompe de Clermont à Paris et qui
devint le Collège Louis le Grand un siècle avant de se trouver
non moins solennellement porté sur les fonts baptismaux d'une
troisième orthodoxie, celle d'une République qui, sous le nom
de "lycée", l'a placée sous le double sceptre d' Aristote
et de la Révolution.
Juifs
de France, mes chers compatriotes, l'immense majorité d'entre
vous a fait allégeance aux lois et à l'esprit de la République.
Ceux d'entre vous qui refuseraient de se conformer à la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 renonceraient
aux devoirs qui définissent notre identité commune et qui nous
enracinent dans une civilisation du respect de la loi. Vous savez
que notre code pénal déclare en son article 121-1: "Nul n'est
responsable pénalement que de son propre fait ". Je voudrais
vous éviter de souffrir de la même scission douloureuse de votre
personnalité que les disciples d'un saint étranger, l'auteur fameux
des Exercices spirituels qui, dès leur installation
en France se sont vus accuser de schizoïdie politique et ont fini
par se faire expulser pour déloyauté à l'égard du Royaume de France,
puis de tous les Etats de l'Europe de l'Ancien Régime pour avoir
fait, de leur pieuse soumission aux ambitions du Saint Père dans
l'ordre temporel et spirituel fâcheusement confondus, le premier
article de leur confession de foi et qui ont élevé l' illustre
guerrier et théologien espagnol au rang de pilote cérébral et
gouvernemental de leur religion dans toute la chrétienté.
Souvenez-vous : si la Compagnie de Jésus avait toujours été perçue
comme une puissance séparatrice, c'était en raison de sa vocation
même, qui était dichotomique de naissance du seul fait que son
siège apostolique et son siège temporel se trouvaient bipolarisés
à Rome. A imposer son nom au collège des jésuites, Louis
XIV rappelait fermement aux catholiques de nationalité française
leur devoir d'allégeance entière et exclusive à l'autorité tout
ensemble politique et religieuse d'une monarchie monolithique
et non point à celle d'un pape scindé entre le ciel et la terre
auquel seuls, il est vrai, les meilleurs et les plus éprouvés
des disciples de saint Ignace étaient tenus de se lier par un
serment univoque d'obéissance "perinde ac cadaver" - égale
à celle d'un cadavre. Du coup, le confesseur biphasé du monarque
- toujours un jésuite - devenait à son tour un sujet insécable
du roi de France sur un point central de doctrine et de politique,
à savoir les "quatre articles" du gallicanisme qui singularisaient
la France dans un catholicisme pourtant demeuré résolument universel
dans son principe, donc fidèle à la vocation internationale dont,
aux yeux du Saint Siège, la dogmatique ne pouvait aucunement légitimer
une scission, donc une exception.
Les jésuites étaient casuistes sur le terrain. A ce titre, ils
se mettaient à l'école de toute politique et de toute histoire,
qui sont forgées sur l'enclume du compromis depuis que le créateur
du monde a conclu un arrangement avec Caïn afin de châtier le
meurtrier et de le protéger des assassins de grand chemin. Mais
quelle casuistique divine allez-vous invoquer si, à l'instar des
jésuites, vous avez fait allégeance à la fois au centre international
du judaïsme, dont le siège insécable est à Jérusalem et aux communautés
nationales de votre foi? Quelle est votre doctrine de casuistes
du droit et de la loi?
2 - Où les Exercices
spirituels d'Ignace de Loyola débarquent dans la politique
Mais
si la distinction entre les affaires dites spirituelles et celles
de ce bas monde est demeurée vivace dans notre République, puisqu'elle
s'est expressément fondée sur la loi de séparation de l'Eglise
et de l'Etat de 1905, comment se fait-il que les instances officielles
de votre communauté aient pu demander et obtenir d'un Elysée sans
doute inexpérimenté en matière de croyance et peu informé du passé
des relations de la nation avec le sacré, qu'il adresse en votre
nom une sommation en bonne et due forme au Ministre de la Justice
de la France laïque afin qu'il fasse diligenter en toute hâte
par le Procureur général près la cour d'appel de Paris une procédure
de rétractation solennelle du jugement des jurés supposés hérétiques
et parjures d'une cour d'assises de première instance?
Quel
était le péché capital ou véniel du peuple souverain dans ce procès?
Il s'était, certes, respectueusement conformé aux réquisitions
les plus lourdes et, ô combien légitimes, du Procureur Philippe
Bilger contre l'auteur d'un crime sauvage, mais en son âme et
conscience, il avait légèrement adouci les peines d'emprisonnement
requises contre quelques complices et comparses du tortionnaire
et de l'assassin d'un jeune juif de vingt-trois ans. Quelle était
la motivation principale de ce meurtre hors du commun? L'appât
du gain et la haine raciale. La victime, supposée fort aisée en
raison de sa judéité avait été attirée dans un guet-apens par
une adolescente de seize ans.
Le jury républicain avait tenu à préciser avec soin le degré de
culpabilité pénale de chacun, parce que cette Lolita de bazar
ignorait tout des intentions meurtrières de son commanditaire,
un musulman antisémite, donc hérétique jusqu'à l'os aux yeux de
l'islam. Mais il aurait fallu, selon la doctrine nouvelle de l'Etat
pourtant qualifié "de droit", faire le procès d'une hérésie
avérée, celle de l'antisémitisme et, par conséquent, saisir
cette opportunité théologique pour condamner tout le monde à la
peine maximale, parce que les atteintes à une orthodoxie sont
collectives tant par nature que par définition, de sorte qu'elles
ignorent nécessairement le calcul trivial et chicanier des pourcentages
dans la pesée des responsabilités pénales et qu'elles entraînent
fatalement une damnation aussi éternelle que globale. Dieu ne
fait pas le détail, selon Malebranche: on ne voit pas, disait-il,
sa justice épargner petitement les chemins quand il arrose généreusement
les champs.
3 - Comment brûler vive
une hérésie ?
Mes
amis, vous savez tous, en bons gallicans, que votre requête contre
une décision du peuple français, qui est souverain dans tous les
procès pénaux intentés sur notre territoire, est anti-constitutionnelle
par définition, vous savez tous, en gallicans chevronnés, qu'un
Etat dont la casuistique violerait le principe de la séparation
des pouvoirs au profit de la catégorie particulière de citoyens
français à laquelle vous tenez à appartenir serait jésuitique
et qu'à ce titre, la nation n'aurait pas de Constitution du tout,
comme la Déclaration orthodoxe des droits de l'homme l'a fort
vigoureusement souligné. "Toute société dans laquelle la garantie
des droits n'est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée,
n'a point de Constitution ".
Pourquoi cet impératif kantien régit-il notre droit public? Parce
que le principe catégorique de juger exclusivement des individus
pour leurs actes et non pour leur appartenance à des entités conceptuelles
moralement répréhensibles, remonte au génie tout pratique des
Romains, qui ne poursuivaient et ne condamnaient que des citoyens
en chair et en os, et seulement pour des actes expressément qualifiés
de crimes ou de délits par leurs lois. C'est pourquoi il a fallu
attendre que Catilina passât à l'insurrection armée pour faire
basculer dans l'histoire vécue l'arène oratoire inaugurée par
les catilinaires.
Ce refus du jésuitisme juridique, alors que le politique est jésuitique
par nature, a mis dans l'embarras aussi bien le droit canon que
l'orthodoxie marxiste, puisque Dieu lui-même est le jésuite crucifié
du cosmos, de sorte que le marxisme a fait l'expérience de l'échec
de la sainteté de son prophète sur la terre des casuistes invétérés.
Pour l'Eglise, comment brûler saintement non point le concept
d'hérésie - cette sorcière résiste aux flammes de l'enfer lui-même
- mais un hérétique bien vivant et respirant? Aux yeux de l'Union
soviétique, il était bien impossible d'anéantir seulement la charpente
osseuse des Jdanov ou des Petkov: il fallait se venger sur la
chair et les viscères de l'infamie qualifiée de "déviation
droitière", bien qu'elle n'eût ni bras, ni jambes à marquer
du sceau de la damnation. Pour toute théologie et pour toute idéologie
dignes de ce nom, la distinction élémentaire en apparence entre
les mots et les choses est piégée; car, à l'instar du casse-tête
que présentent les péchés capitaux, une hérésie dispose nécessairement
de mille ruses plus diaboliques les unes que les autres pour paraître
s'incarner, tellement le Démon s'y connaît en confusion jésuitique
pour passer du concept au poignard en moins de temps qu'il ne
faut pour le confesser.
4
- Où l'hérésie tente d'incarner sa bipolarité
Le passage de l'hérésie seulement vocalisée à son incarnation
meurtrière est à la fois tangible et vaporeux. Enseignerons-nous
aux tribunaux français à distinguer jésuitiquement la culpabilité
casuellement attachée à un acte criminel en tant que tel de celle
qui colle aux chausses d'une pestifération indécrottable, ou bien
notre justice doit-elle apprendre à respirer l'odeur de la scolastique
attachée à une hérésie substantifique, bien que celle-ci n'ait
pas de musculature reconnaissable et qu'elle demeure désespérément
en suspension dans l'atmosphère?
Supposons
que le cerveau scissipare de la République des jésuites se voie
contraint de pactiser avec celui d'une théologie biphasée: comment
l'encéphale de la France des cassuistes du droit et de la loi
préparera-t-il la mixture entre les effluves de la terreur et
un cadavre odoriférant, et cela dans le dispositif des verdicts
rendus en toute orthodoxie par les magistrats du peuple de Descartes?
Car l'offense à toute dogmatique religieuse, donc à
toute doctrine dûment attestée et validée par le label d'un ciel
localisé s'appelle une profanation; et, en tous temps et
en tous lieux, un sacrilège dûment authentifié par un certificat
de blasphème présente nécessairement à l'examen de ses docteurs
une violation du surnaturel dont un objet ou une essence sont
réputés porteurs, détenteurs ou dépositaires.
C'est pourquoi les relations figées que le croyant entretient
avec le contenu immuable de sa raideur religieuse en appellent
aux liturgies cérémonieuses d'un culte respectueux des formes.
Si vous brûlez un drapeau français, ce n'est pas le prix de l'étoffe
qui comptabilisera le dommage, mais l'offense à un objet de vénération
dont la valeur infinie sera censée matérialiser et localiser un
personnage mental par définition, la patrie. Le champion du monde
d'échecs Bobby Fischer a été traqué pendant un quart de siècle
par l'Etat américain et emprisonné par des vassaux de cet empire
sur toute la terre habitée pour avoir brûlé publiquement un parchemin
sacré, son passeport, et n'a été sauvé in extremis de cette profanation
d'un ciboire de papier réputé substantifier une citoyenneté transcendantale
que pour avoir trouvé refuge en Islande, dont le gouvernement
a tenu à protéger les derniers jours d'un hérétique auquel Reykjavik
devait sa gloire échiquéenne mondiale depuis 1972.
5
- La République victime d'une panne de la pensée mondiale
Comment
allons-nous initier les juges de la République à la connaissance
critique de l'encéphale demeuré théologique de notre espèce sur
les cinq continents? Au stade actuel de notre évolution cérébrale,
non seulement nous substantifions encore des signes à tout vat,
mais nous concrétisons le symbolique à tour de bras; aussi l'antisémitisme
voudrait-il se définir à la fois comme un outrage à la sacralité
d'Israël et comme une profanation en mesure de substantifier la
sacralité supposée chromosomique, elle aussi, de la patrie des
droits de l'homme, bien que celle-ci se veuille l'annonciatrice
et la messagère de l'universalité d'une valeur immaculée, celle
que charrie le pur concept d'homme.
Mais
si notre jésuitisme s'étend à notre métaphysique tout entière,
qui est censée se trouver tout ensemble sonorisée et concrétisée
depuis Platon et si nous sommes casuistes à titre ontologique
sur cette terre, le châtiment des molécules et des cellules des
hérétiques qui comparaîtront devant vous répondront de l'accusation
de véhiculer l'antisémitisme dans leur ADN. Du coup, nos tribunaux
prononceront des sentences hérétiques à leur tour et à leur corps
défendant, puisqu'il leur faudra violer les principes mêmes qui
fondent l'esprit de justice de la France et qui interdisent d'incarner
des sacrilèges et de substantifier des profanations. Allez-vous
profaner l'âme de la patrie des droits de l'homme considérée en
son principe, alors que cette prophétesse impérieuse ne vous a
pas chargés de protéger la musculature de la sacralité de son
annonciation, mais seulement la sainteté de son verbe?
Messieurs les juges, les molécules et les atomes des hérésies
sont tellement vaporeux qu'il vaut mieux les combattre avec les
armes du langage, les foudres de l'éloquence, les ressources de
la dialectique et mettre à leurs trousses des essaims serrés d'argumenteurs
et de logiciens, parce que l'armure de l'hérésie est faite du
fer et de l'acier de la scolastique. Votre cuirasse de juristes
fait donc, de votre magistrature, la gardienne spirituelle d'une
laïcité rationnelle. Vous assurez la protection d'une nation qu'assailliraient
des lois indignes de l'esprit de notre droit.
Mais on vous demande tout autre chose: on voudrait vous faire
tomber dans l'hérésie de brûler vifs des concepts malfaisants.
Mais alors, comment les verdicts que vous prononceriez seraient-ils
rendus par la voix de vos idéalités ? Vos robes noires valideront-elles
cauteleusement et par la bande des arrêts que des concepts seront
censés avoir rendus dans votre dos?
Allez-vous vous agenouiller devant des mots-idoles ? Allez-vous
vous ériger en juges d'un tribunal spécialisé dans la surveillance
du vocabulaire des hérésies? Allez-vous rédiger un code pénal
jésuitique dans lequel le législateur se mettra aux ordres des
casuistes de l'exécutif? Allez-vous diviser les blasphèmes entre
les verbifiques et les substantifiques? Vos arrêts vont-ils peser
la gravité des profanations en leur essence et quintessence si
tout certus odor dictaturae fleure la casuistique?
Accoucherez-vous de l'arsenal mental des démocraties du salut
sur le même modèle que la Compagnie de Jésus?
Mais quel philosophicule acceptera-t-il jamais de définir la notion
ambiguë d'hérésie si, depuis un siècle et demi, la sociologie
a démontré que toutes les sociétés tracent leur frontière à elles
entre le sacré et le profane à la lumière de la sainteté toute
jésuitique de leurs traditions doctorales, de leurs croyances
et de leurs superstitions ? Je vous le dis : vous courez tout
droit vers la profanation suprême d'entacher d'hérésie la notion
même d'objectivité que la pensée et la raison juridiques ont élaborée
et qui a rendu toute la civilisation occidentale critique par
nature, donc sacrilège par définition.
Et d'abord qu'en sera-t-il du degré de conscience des coupables
? Supposons que, sur l'ordre impérieux d'un Etat républicain devenu
hérétique, le nouveau jury populaire adopte en cour d'assises
l'hérésie d'alourdir en appel les peines auxquelles les co-accusés
d'un assassin auront été condamnés en première instance. Dans
ce cas, ces seconds jurés se rendraient coupables de l'hérésie
de mettre en doute la loyauté multiséculaire et bien connue tant
des Français juifs que des juifs français à l'égard de la France
des droits de l'homme, leur patrie véritable, puisque tous les
juifs présents dans l'hexagone répondraient alors du chef d'accusation
de profaner la souveraineté du peuple de 1789 dûment exprimée
par le jugement précédent.
Mais sur le banc d'infamie de quel tribunal d'exception ferez-vous
comparaître des juifs relaps et renégats et les placerez-vous
dans le box des accusés aux côtés de jurés devenus hérétiques
en cours de route pour avoir indûment alourdi - et sur l'ordre
de l'exécutif - des peines pourtant régulièrement prononcées antérieurement?
Et puis, la trahison partagée des juifs et des seconds jurés de
la République aura-t-elle été dûment et malignement concertée?
Ces deux instances se seront-elles mises sciemment au service
d'un Etat diablement corrompu? Ah ! combien l'autorité de toutes
les décisions de justice de notre pays en seraient rendue peu
fiable pour longtemps!
6 - Une hérésie de plus
Supposons maintenant que le second jury populaire ait le front
de confirmer l'orthodoxie du jugement de la cour d'assise de première
instance. Alors l'arbitraire de fait de l'Etat prétendument "de
droit", mais devenu hérétique jusqu'à la moelle pour avoir
demandé au peuple de se renier, subirait une rebuffade applaudie
par les uns, mais jugée sacrilège par une partie non négligeable,
hélas, de l'opinion française, celle des défenseurs invétérés
de la sacralité qu'ils accordent viscéralement, eux, au pouvoir
exécutif du momnt; et ces apprentis de la dernière tyrannie arrivée
en gare monteraient, le cœur léger, au créneau de la vraie République
à leur yeux, afin de dénoncer l'hérésie de profaner les droits
sacrés du temporel régnant depuis un quart d'heure. Certes, le
ciel éternel du vrai peuple français aurait affirmé sa souveraineté
judiciaire avec un grand courage parmi les renégats de la démocratie;
mais ce courage même serait jugé blasphématoire par les satanés
apôtres de la "forte odeur de dictature" qui monterait
des autels d'un Etat devenu pseudo républicain à l'école de ses
derniers horlogers.
Juifs français, ferez-vous d'une République aux cadrans changeants
l'otage de votre séparatisme ethnico-religieux, vous constituerez-vous
en légions d'un arbitraire sacralisé, vous séparerez-vous des
patriotes demeurés orthodoxes, c'est-à-dire de toute la population
française qui entendra se mettre plus que jamais au service des
intérêts véritables de la nation de la Liberté? Mais alors, comment
châtierez-vous l'hérésie de ceux qui vous accuseront à juste titre
de jésuitisme? Car entre eux, les jésuites se disaient si peu
français et tellement jésuites que l'expression de "Français
jésuite" n'a jamais trouvé droit de cité dans notre langue
- on dit un "jésuite français", comme on continue
de dire un dominicain, un chartreux, un trappiste, un bénédictin
français.
Votre
minuscule "comité représentatif des institutions juives de
France" vous appelle des Juifs français. Laissez ces
microbes s'appeler ainsi entre eux. Ah ! que le Quai d'Orsay a
un long chemin à parcourir pour initier l'Etat républicain à une
véritable connaissance des identités mythifiées et de leurs relations
jésuitiques avec les identités nationales, puisque la grammaire
française n'est pas près de tomber dans la casuistique de dire
un Français catholique ou protestant, tellement l'homme de foi
appartient d'abord à sa foi, et ensuite seulement à sa patrie.
7
- Où l'hérésie débarque dans la psychanalyse du politique
Poursuivons
l'analyse du brouillamini, du capharnaüm et du salmigondis des
hérésies et des orthodoxies de plus en plus jésuitiquement enchevêtrées
dans lesquelles la France entière va tomber si notre science politique
persévérait à ignorer l'anthropologie critique du sacré, que j'appelle
la théopolitique.
Supposons
que le jury de la cour d'appel allège encore les peines prononcées
en première instance et jugées insuffisantes par le centralisme
théologique du peuple juif. Nous frôlerions alors l'hérésie la
plus catastrophique de toutes, puisqu'il faudrait que le Ministère
public de la République, ne sachant plus à quelle hérésie se vouer,
fît comparaître d'honnêtes citoyens-jurés en justice pour avoir,
certes, jugé "en leur âme et conscience", comme on dit,
mais de s'être néanmoins laissé piéger, les malheureux, par un
personnage bien connu et grand expert en hérésies et en orthodoxies,
à savoir le Diable en personne, lequel les aurait conduits par
la main à fomenter à leur insu une révolution de nature à ébranler
les fondements mêmes de l'Etat républicain.
Mais, dans ce cas, voyez comme nos magistrats devront retourner
sur les bancs de l'école afin d'y apprendre à psychanalyser les
hérésies politiques en leurs relations spécifiques avec la science
du droit. Car voici que M. Bernard Kouchner regrette que la politique
de la France à l'égard de l'Islam croie pouvoir ignorer la différence
entre les sunnites et les chiites. Mais si le sens anthropologique
de cette différence échappe au quai d'Orsay, on assistera au spectacle
ridicule que présentera au monde entier un Etat qu'on verra se
targuer d'être devenu démocratique et qui sera donc réputé se
fonder d'office sur les progrès constants des sciences humaines
depuis le XVIIIe siècle, mais qui fera néanmoins prendre autant
de retard intellectuel à la nation de l'intelligence que l'Eglise
géocentriste du XVIe siècle.
8 - L'inconscient des
hérésies
Le
régime soviétique et l'Eglise du Moyen-Age condamnaient des hérétiques
qui tombaient des nues d'avoir chu dans une hérésie sans s'en
douter pour un sou et faute d'avoir consulté les plus savants
docteurs en théologie ou en idéologie. Quand la psychanalyse de
la politique débarquera sur l'écran des démocraties semi religieuses
d'aujourd'hui, la République laïque devra se demander à son tour
s'il existe des hérésies inconscientes d'elles-mêmes et si l'on
peut se trouver coupable de péché mortel, alors même qu'on ignorera
tout de la "théologie" de la Liberté dont on aura profané
la doctrine.
Mais l'analphabétisme anthropologique dont souffre la politique
étrangère de la France est-il une excuse et faut-il invoquer des
circonstances atténuantes quand le quai d'Orsay d'une République
laïque s'ingénie le plus jésuitiquement du monde à ignorer les
ramifications secrètes d'une hérésie spectaculairement casualisée
sur son propre territoire? Car, dans ce cas, et dans l'attente
de la décision de justice dite orthodoxe qu'il entendra obtenir
du peuple français, l'Etat centralisé par sa foi démocratique
deviendra hérétique à son insu et par pure ignorance; et il ira
jusqu'à renoncer au huis clos prévu pour juger les crimes commis
par des mineurs.
Ce sera également par pure ignorance, je vous le dis, donc sans
s'en douter le moins du monde, que la France "des armes et
des lois" portera un coup mortel au principe inaugural de
tout droit public et privé - donc à rien de moins qu'au principe
fondateur de toute civilisation. Savez-vous qu'une société ne
s'évade de la barbarie qu'à l'instant où elle s'est résignée à
n'appliquer que les lois existantes, et non une législation révélée
in extremis par la voix des augures d'un ciel d'occasion?
Savez-vous qu'il vous faudra renvoyer les plus hauts représentants
de l'Etat de droit sur les bancs de l'école où nos jésuites de
la laïcité jouent les Bartole et les Cujas de la République?
Ecoutez
ces fieffés casuistes enseigner de travers la lettre et l'esprit
des lois de la France, écoutez ces hérétiques oublier qu'il n'y
a ni politique sans théologie, ni théologie sans politique et
que la séparation artificielle de ces deux disciplines est le
fait d'une ignorance abyssale des ressorts qui pilotent l'encéphale
d'une espèce dichotomisée de naissance entre le réel et le songe.
Je
vous donne rendez-vous à lundi prochain pour la suite du ballet
de la France avec la question des hérésies et avec celle du jésuitisme
de la République.
le
1er septembre 2009