Monsieur le Premier Ministre,
Croyez-vous
qu'une démocratie disloquée au point que les huissiers y serviront
impunément de rabatteurs à un barreau local à la recherche de
procès artificieux et entièrement fondés sur de faux constats,
serait encore une République ? Croyez-vous qu'un Etat dans lequel
les féodalités locales triompheraient au point que le gouvernement
y ordonnerait à ses procureurs d'interdire aux citoyens d'ester
en justice ne serait pas une tyrannie ?
Depuis 1789, une liberté
en proie aux tressautements et aux cahots de l'enfance s'est traînée
jusqu'au gouvernement de la France que vous dirigez aujourd'hui.
Ces convulsions ne sont pas terminées : désormais, le fractionnement
des provinces consécutif à l'émergence des féodalités locales
menace non seulement l'ordre public, mais l'unité de la République
et de la nation . L'instrument de cette montée de l'anarchie n'est
autre qu'une décentralisation hâtive et désordonnée du pouvoir
politique. Une France que la monarchie avait peu à peu rassemblée
en un seul corps envoie maintenant ses chefs de partis s'établir
dans les régions où leurs ambitions se donnent libre cours et
font retomber le pays dans l'ornière des castes et des corporations.
Quand Paris autorise ses meilleures têtes à conquérir Marseille,
Lyon, Dijon, Bordeaux, Lille, Toulouse, Strasbourg, Nantes ou
Grenoble, le premier souci de ces praticiens expérimentés des
plus hautes affaires de l'Etat est de prendre en mains l'appareil
de la justice dans le vaste territoire qui leur est dévolu et
d'en faire le moteur de leur règne, ce qui exige, en tout premier
lieu, la reconstitution des féodalités de province qui leur serviront
à la fois de garde prétorienne et de leviers de leur puissance
de connétables de haut rang.
A la suite de l'affaire
d'Outreau, M. Houillon et M. Vallini ont tous deux pris acte ,
et cela par le canal du livre, d'une procédure pénale incontrôlée
et qui conduit à un " délire judiciaire ". Mais le moment
est venu, pour la justice civile, de rendre des comptes à son
tour. Ou bien seule la pression de féodalités locales a contraint
un tribunal à rédiger un jugement qui exige la cessation d'un
dommage qu'il sait inexistant et qui ne prévoit aucune sanction
contre le perdant - ce qui serait obligatoire si la pudeur n'avait
arrêté le bras de Thémis ; ou bien l'Etat a ordonné au Parquet
de violer la loi républicaine ; ou bien le procureur a agi de
sa propre autorité . Vous pensez bien que les historiens de votre
gouvernement voudront éclaircir ces trois points .
Mais, il a toujours
existé une chapelle ardente de la France dans laquelle une poignée
de journalistes, d' hommes politiques et d'intellectuels veille
à ressusciter l'Etat de droit. Cette phalange n'attendra pas les
funérailles de la République pour exiger la mise hors la loi du
despotisme . En France, rien ne se fait que par le fer et le feu
des minorités du patriotisme . Demain, ils seront des centaines
de milliers, les citoyens du courage qui vous diront qu'un Ministère
public complice des féodalités locales conspire contre la République.
J'ai attiré votre attention sur cette situation dès le 31 mars.
La justice
française face à l'hydre de la corruption - Lettre ouverte
à un Procureur de la République, 31
mars 2008
*
1 - La corruption des Parquets est-elle compatible
avec la notion d'ordre public ?
2 - La corporation emblématique des huissiers
3 - La philosophie de la tyrannie
4 - L'unité de la République et l'unité de l'Etat
5 - Le séparatisme intérieur et la mort politique
de l'Europe
6 - " Tout est pour le mieux dans le meilleur
des mondes possibles " (Leibniz)
7 - Epilogue
*
Lettre
ouverte à M. François Fillon et à Mme Rachida Dati
Monsieur le Premier
Ministre, Madame le Garde des Sceaux,
1 - La corruption
des Parquets est-elle compatible avec la notion d'ordre public ?
Si je
me fais l'avocat d'un citoyen désireux de combattre la tyrannie,
mais condamné à garder l'anonymat afin de conserver sa liberté,
c'est pour le motif qu'il est de mon devoir de m'adresser au chef
du Gouvernement en personne. Quelles sont les relations de la
République avec Thémis ? Quelle est l'autorité de l'Athéna de
la France dont le casque et la lance rappellent que la déesse
de la justice est sortie d'un coup de hache asséné sur la tête
du dieu le plus décervelé du consortium de l'Olympe ? Attendez-vous
à ce que je mêle un brin d'ironie à mon souci de ne pas alerter
les chefs de la cité du droit et des lois pour une broutille indigne
de leurs hautes fonctions.
Mais puisque
la philosophie a fait de l'humour le glaive de la raison, voici
l'affaire d'Etat de la plus haute importance qui mérite d'alerter
les archontes ; car il n'est pas de sujet plus digne non seulement
de votre attention, Monsieur le Premier Ministre , mais également
du sceptre de Thémis, que le sort de la France de la justice.
Car, dirait M. de la Palice, un Etat n'est une République qu'à
la condition que le trône du Ministère public n'y soit pas devenu
le siège du despotisme; sinon il appartient à tous les citoyens
de combattre une démocratie dans laquelle un masque grimaçant
de la liberté est devenu le poignard de la tyrannie.
Dans une
lettre publique sur la France des lois que je vous ai adressée,
ainsi qu'à Mme le Garde des Sceaux et que je vous ai priés tous
deux de soumettre à l'écoute d'une nation convertie au règne de
l'équité par les idéaux de la démocratie, je signalais aux gardiens
de l'âme de la France que l'Etat conduirait la démocratie au tombeau
si les sentinelles de son temple, qu'on appelle les Procureurs,
se changeaient en complices des huissiers de province rongés par
la corruption.
La
justice française face à l'hydre de la corruption - Lettre
ouverte à un Procureur de la République, 31
mars 2008
Je suis
convaincu que mes propos ne vous ont en rien paru sacrilèges .
Comment profanerais-je la sacralité du Ministère public de mon
pays ? La raison n'est pas une instance blasphématoire par nature.
Vous savez qu'elle se veut une sentinelle de l'intégrité des institutions
et une prêtresse du culte des lois. Il serait donc attentatoire
à vos hautes responsabilité de vous refuser le plein exercice
d'une autorité politique que vous tenez de la souveraineté d'un
peuple que la Révolution de 1789 a mis à l'école et à l'écoute
de la République . Mais on ne pense droit au pays de Descartes
qu'à se placer sous le sceptre de la logique. C'est de la logique
interne d'un Etat fondé sur la justice, c'est de la cohérence
qui fonde toute démocratie sur une philosophie du droit public
et privé que j'ai le devoir de vous entretenir avec une rigueur
aussi euclidienne que possible.
Monsieur
le Premier Ministre et Madame le Garde des Sceaux, vos concitoyens
voudraient savoir si vous êtes demeurés attentifs à consolider
l'axiome premier de la géométrie politique selon lequel tous les
Français se trouvent placés sous le bouclier de la législation
républicaine. Car il se trouve que ce privilège n'est accordé
qu'aux citoyens dûment représentés devant les tribunaux par la
médiation d'un avocat. Cette corporation détient donc le monopole
de l'exercice effectif du droit des Français d'ester en justice.
Une tyrannie d'un genre nouveau pourrait donc s'ingénier à refuser
aux Français la faculté de recourir à un défenseur, ce qui suffirait
à anéantir les pouvoirs qui leur sont reconnus par la Constitution
, puisque le bénéfice de la protection des lois de leur pays leur
serait entièrement retiré .
C'est dire
qu'un Parquet qui userait d'une manière ouverte ou détournée de
son pouvoir de classer à sa guise les plaintes au pénal des Français
et qui tenterait, par ce moyen de leur fermer à son gré la porte
du temple de Thémis, conduirait la France au pire des despotismes
, celui où l'absence de lois écrites qui caractérisait les peuples
barbares serait remplacée par l'interdiction pure et simple de
faire appel à des lois que l'arbitraire de l'Etat aurait transportées
dans un empyrée inaccessible. Vous vous demanderez donc, en tout
premier lieu, quels obstacles peuvent bien se dresser sur la route
de M. Lambda pour qu'il se trouve empêché par le Ministère public,
donc par l'Etat de droit en personne, de faire usage d'un privilège
que la démocratie proclame non seulement fondateur de tous les
Etats civilisés, mais propre à eux seuls .
2 - La corporation emblématique des huissiers
Si les barreaux
sont les courroies de transmission chargées de concrétiser les
droits de l'homme inscrits dans les constitutions démocratiques,
les Parquets se trouvent promus au rang d'éducateurs politiques
des Français et de garants de leur liberté, puisqu'ils ont vocation
de surveiller les barreaux à leur tour et de s'assurer de leur
intégrité . En vérité, ce n'est pas un blason nobiliaire indigne
de la République que son Gouvernement soit tout entier appelé
à honorer sa mission naturelle de surveillant et de pédagogue
des Parquets; car le Ministère public est non seulement l'instrument
privilégié de l'éthique de la démocratie, mais le " guide pratique
" des civilisations de la raison, tellement les " droits de l'homme
" font une seule gerbe, celle des fleurs dont le parfum est celui
de la dignité des peuples . Mais si l'adage selon lequel les "
petites causes produisent de grands effets " s'applique en tout
premier lieu à l'histoire universelle, il nous faut observer à
la loupe les micro-outils de la tyrannie des Parquets dévoyés,
parce que les responsabilité du Ministère public se confondent
étroitement avec celles qui s'attachent aux plus hautes fonctions
dans l'Etat .
Comment
un procureur de la République s'y est-il pris pour mettre mon
client dans une situation pseudo juridique qui lui interdit de
faire usage de ses droits de citoyen français de se défendre en
justice ? Il a usé du fait que la nature même du litige contraint
M. Lambda à réfuter au civil un constat tout imaginaire, donc
délictueux, dressé à son encontre par un huissier corrompu, alors
que cette réfutation exige soit la collaboration du Parquet, soit
une mise en accusation de l'Etat par l'avocat, tant dans ses conclusions
que dans sa plaidoirie, ce qui est inimaginable en France.
La
justice française face à l'hydre de la corruption - Lettre
ouverte à un Procureur de la République, 31
mars 2008
Mais pourquoi
le Parquet refuse-t-il obstinément d'exercer les fonctions impérativement
liées à sa fonction, dès lors que la loi les précise en ces termes:
"Dans tous les cas, l'huissier de Justice reste soumis au contrôle
du Procureur de la République" ? Parce que, comme il est dit
plus haut, la décentralisation administrative a d'ores et déjà
conduit la France à une provincialisation du politique qui dresse
des féodalités locales gangrenées contre l'unité de la République
et de la nation , ce qui permet à la corporation des huissiers
de tenir la dragée haute à l'Etat , si j'en crois le procureur
que j'accuse. En effet, " en cas de fautes commises par (…)
des huissiers de justice, il (le Procureur) peut également saisir
le tribunal de première instance ou la cour d'appel, en vue du
prononcé de sanctions, allant de la simple réprimande ou de l'avertissement
jusqu'à la destitution ou la révocation. " (loi n° 783
du 15 juillet 1965, art. 156 et s. )
Ces faits
, je vous les ai exposés preuves à l'appui dans trois " lettres
ouvertes " adressées, la première à un Président de Tribunal de
grande Instance:
Où
la justice française en est-elle ? Lettre ouverte à un Président
de Tribunal de grande Instance,
4 février 2008
la seconde
à la Cour européenne de justice :
Où
la justice française en est-elle ? (suite) M. Lambda se rend
devant la Cour européenne de Justice, 11
fév. 2008
la troisième
à un Procureur coupable de faire obstacle à l'expression des droits
naturels et imprescriptibles attachés à la condition de citoyen
français:
La
justice française face à l'hydre de la corruption - Lettre
ouverte à un Procureur de la République, 31
mars 2008
3
- La philosophie de la tyrannie
Comme cette
situation met en péril la crédibilité des fondements mêmes de
l'Etat de droit, alors que la légitimation de cette crédibilité
sur tout le territoire de la nation conditionne l'existence même
de la République aux yeux des citoyens, quelles formes de la tyrannie
se trouvent-elles mises en évidence par des violations de la loi
de ce genre? Car un Ministère public que sa vocation conduit désormais,
semble-t-il, à combattre l'unité de la République démontre, du
même coup, qu'il n'est pas d'autre chemin, pour un citoyen ennemi
du despotisme que de s'adresser sans intermédiaire à l'autorité
du chef du Gouvernement. Mais cette situation me permet également
de vous entretenir du drame de la violation frauduleuse des lois
auquel l'histoire sert de théâtre depuis belle lurette.
L'arbitraire
d'un Parquet dont s'amusent les corporations et dont elles se
font désormais un spectacle enseigne que le Ministère public n'a
pas estimé suffisante l'impossibilité, pourtant bien évidente
, pour M. Lambda, de jamais trouver un avocat français qui consentirait
à plaider, primo contre un confrère, secundo contre
un huissier, tertio, contre le Parquet lui-même. Mais pourquoi
a-t-il jugé indispensable de signifier de surcroît au Président
du Tribunal de son for qu'il devra impérativement s'en tenir au
seul fait que M. Lambda n'aura pas trouvé la perle rare qu'il
lui est demandé de dénicher et de la faire jaillir comme un diable
de sa boîte au jour fixé par l'ordonnance de clôture, c'est-à-dire
de la date-limite que le juge fixe aux parties pour le dépôt de
leurs conclusions ? Pourquoi a-t-il estimé qu'il suffira, pour
que le tour soit joué, que mon client se trouve purement et simplement
empêché par le barreau lui-même d'exposer son affaire devant le
tribunal ? Car dans ce cas, une fiction juridique surgit des coulisses
et bondit sur la scène : le juge sera censé non seulement avoir
entendu les deux parties échanger leurs arguments dans un débat
qualifié de " contradictoire ", mais il se trouvera contraint
par cette mythologie judiciaire de tenir pour valables les seules
allégations du demandeur .
Vous voyez
que si le Parquet classe sans suite une plainte au pénal, alors
que l'enquête du Procureur est constitutive de l'objet même du
litige au civil, l'issue du procès aura été décidée d'avance,
de sorte que toute la procédure ne sera rien de plus qu'un simulacre
destiné à revêtir d'un habillage de pure forme un enrichissement
délictueux de l'avocat véreux et de l'huissier, son complice;
et nos deux larrons auront fait fi de la déontologie de leur profession
respective avec la bénédiction du Parquet. Vous semble-t-il ,
M. le Premier Ministre et Madame le Garde des Sceaux que la France
de l'absolution de la corruption par la main de l'Etat soit encore
une République et que votre gouvernement peut se permettre d'affubler
la nation d'un lambeau de démocratie si l'Etat se trouve à l'
école d'une scolastique du droit sous le regard effaré du peuple
de la Liberté?
4
- L'unité de la République et l'unité de l'Etat
Résumons
: primo, seule la complicité avouée ou cachée des Parquets
rend possible qu'un huissier dresse impunément de faux constats
au profit du client qui l'aura acheté; secundo, seul un
Ministère public coupable de violer les droits de l'homme et du
citoyen en pleine connaissance de cause rend possible la collusion
délibérée entre les huissiers et les barreaux locaux aux fins
de monter de conserve des procès sans fondement ; tertio,
seul un gouvernement décidé à oublier les principes fondateurs
de la démocratie et de la République rend possibles des procédures
fictives en fait et en droit .Celles-ci seraient-elles rendues
nécessaires à l'entretien d'une armée de quarante sept mille avocats
pour une population de quatre millions d'escarcelles suffisamment
bien garnies pour assurer le maintien permanent sur pied de guerre
des régiments de la chicane dont les expéditions amaigries ne
connaissent pas de morte saison ?
Pour éclaircir
ce point difficile, demandez-vous pourquoi un Parquet qui aurait
pu tout aussi bien se fier au béton armé des corporatismes qui
cimente entre eux les membres des barreaux locaux - vous savez
déjà qu'aucun de ses membres ne consentirait à démontrer la collusion
délictueuse d'un confrère avec un huissier de son for - pourquoi,
dis-je, ce Parquet tient-il à renforcer un barrage naturel aussi
sûr par son refus d'examiner la plainte au pénal de mon client
, pourquoi ce Parquet se hâte-t-il de classer " sans suite
" le litige, comme s'il s'agissait de recourir à un surcroît de
précautions en muselant d'avance et de toute urgence un fantôme
de défenseur de mon client, alors que ce spectre se verrait contraint
d'attaquer également l'Etat lui-même ? Quel monde à l'envers que
celui d'une audience qui verrait un Procureur de la République
et un huissier comparaître côte à côte sur le banc des accusés
! Ces scènes-là n'ont d'autre théâtre que le tribunal imaginaire
devant lequel un Zola s'est écrié : " J'accuse ! " Pourquoi verrouiller
d'avance l'affaire pour le cas improbable où un don Quichotte
du barreau se présenterait devant le tribunal ?
5 - Le séparatisme intérieur et la mort politique
de l'Europe
C'est qu'il
fallait aller au-delà d'une hypothèse que son absurdité ne suffisait
pas à exclure entièrement. Car il existe plusieurs types de viols
de la légalité républicaine. On connaît celle des généraux factieux
qui prétendent ne violer la loi qu'au nom même de la loi et pour
son bien. Ceux-là feignent d'en appeler au peuple souverain afin
qu'il les aide à défendre à leurs côtés et de toute urgence une
République qu'ils proclament subitement menacée par des conspirateurs
redoutables, mais inconnus et insaisissables. Une seconde est
quotidienne : les Parquets classent les affaires pénales que l'Etat
de droit leur demande de conclure par un non lieu pour des raisons
d'opportunité politique dont il se déclare le seul juge. Une troisième
était entièrement inconnue en France et se présente donc comme
une novation si extraordinaire qu'il convient d'en peser la portée
politique dans le contexte d'une décentralisation administrative
dont l'hypertrophie menace désormais l'unité de la République
et de l'Etat.
Il s'agit
de priver d'accès aux tribunaux les citoyens dont l'exercice naturel
de leur droit d'ester en justice mettrait en danger les privilèges
de caste et de classe des féodalités locales reconstituées et
qui ramènent à force de rames la France à la situation antérieure
à 1789 . L'époque se prête à cette gigantesque contre-révolution
à l'échelle de la planète, parce que le droit au séparatisme -
au Kosovo, au Tibet et ailleurs - conditionne l'occupation du
Vieux Monde par le Nouveau.
La
France et l'occupation américaine de l'Europe,
19 mai 2008
Sans le
séparatisme politique, sans le fractionnement lent des Etats au
nom des droits de l'homme et de la démocratie, pas d'extension
sans fin du bras armé d'outre Atlantique aux cinq continents par
le vol de l'aigle américain sous le couvert d'un Otan messianique.
Tout se tient : une géopolitique du salut politique placée
sous la banderole d'un mythe de la " Liberté " parcellisée
vient au secours de la régionalisation d'une France glorifiée
par une hyper validation culturelle de ses folklores. Seule une
cassure radicale de l'unité de la République et de l'Etat est
en mesure de donner corps à une ambition girondine devenue internationale
au profit de l'expansion d'un empire étranger .
Monsieur
le Premier Ministre, Madame le Garde des Sceaux, cette situation
est-elle de nature à alerter la vigilance d'un gouvernement de
la Vème République ? Afin de vous permettre d'en juger en toute
connaissance de cause, je vous informe qu'à la suite de ma lettre
publique du 31 mars à vous-mêmes, votre silence a enhardi le Parquet
à convaincre le Président du Tribunal de grande Instance à passer
en force et à trancher l'affaire " sans autre forme de procès
", comme on dit , alors qu'il s'était d'abord préoccupé de l'absurdité
de cette procédure et des preuves matérielles de la fausseté du
constat.
Je vous
informe en outre, Monsieur le Premier Ministre et Madame le Garde
des Sceaux, que mon client s'est vu signifier, le 14 mai dernier,
le jugement rendu par le tribunal du for le 17 avril 2008 et que
l'huissier chargé de la remise de l'acte n'était autre que le
coupable du faux constat ; je vous informe, enfin que le Procureur
a cru devoir flanquer l'huissier corrompu d'un gendarme , sans
doute afin d'impressionner la simplicité de mon client.
6 - " Tout est pour le mieux dans le meilleur
des mondes possibles " (Leibniz)
Que M. Lambda
fasse donc appel du jugement, me direz-vous et le Candide de M.
de Voltaire dont vous défendez la cause comme celle d'un Calas
de la démocratie pourra vérifier toute la justesse de la thèse
déjà républicaine de M. Leibniz selon laquelle " tout est pour
le mieux dans le meilleur des mondes possibles " . Mais c'est
ici que le dispositif mis en place par le Parquet révèle les derniers
ressorts de sa logique interne ; car si mon héros trouvait un
avocat suffisamment leibnizien, non seulement pour attaquer l'huissier
en appel, mais également tout le barreau local , avec les Bâtonniers
successifs qui se sont tous refusés à rappeler à leurs confrères
qu'il existe une déontologie de leur profession, comment voulez-vous
que cet optimiste invétéré attaque de surcroît le Parquet du Tribunal
de première instance devant celui de la cour d'appel ? Comment
voulez-vous que le Parquet de la Cour invalide le non-lieu du
premier for ? Comment voulez-vous que l'Etat se réfute lui-même
à désavouer sa propre hiérarchie ? Tout le montage vise donc
à rendre d'avance la procédure d'appel aussi stérile et vouée
à l'échec qu'en première instance .
Monsieur
le Premier Ministre, Madame le Garde des Sceaux , permettez-moi
de prononcer devant votre tribunal une péroraison un peu amusée.
Car les gouvernements de la France sont placés jour est nuit sous
le regard de la nation tout entière. Dois-je demander à Clio de
détourner les yeux du miroir où la République se réfléchit et
se raconte heure par heure ? Mais comment voulez-vous que les
historiens, les historiographes et les mémorialistes de demain
ne fassent pas à nos enfants et à nos petits-enfants un triste
récit des relations que votre Gouvernement aura entretenues avec
l'esprit de justice de la France ?
Je lis
dans un futur livre d'histoire qui m'est venu entre les mains
par je ne sais quel prodige: " Sous le gouvernement de M. Fillon,
dans lequel Mme Rachida Dati se trouvait à la tête du Ministère
de la Justice, la décentralisation administrative avait reconduit
les tribunaux de province à la liberté dont ils jouissaient avant
François 1er . Aussi y voyait-on des avocats servis par des huissiers
rabatteurs monter de toutes pièces des procès fictifs avec la
complicité des procureurs. Non seulement une Vème République devenue
farouchement décentralisatrice sous la présidence de M. François
Mitterrand n'ignorait rien de cette révolution antirépublicaine
et antidémocratique, mais des motivations électoralistes l'avaient
décidée à la promouvoir avec la dernière vigueur.
"Certes,
le gouvernement Fillon avait eu le courage d'alléger une carte
judiciaire devenue plus dense que sous l'Ancien Régime. Mais cet
amaigrissement de l'Etat ne pouvait qu'accélérer la corruption
des auxiliaires de justice dont le régime de Vichy avait reconstitué
les corporations afin de redonner tout son poids à la France rurale
et catholique. Il y fallait une renaissance sournoise de l'esprit
monarchique antérieur au XVIe siècle. C'est ainsi que, sous
le couvert démocratique de la souveraineté peu à peu retrouvée
et surtout réhabilitée des régions, des pans entiers du droit
français n'étaient plus que des villages Potemkine de la République.
En amont, voici la loi du 20 avril 1810 et en aval, celle du 28
décembre 1973. Mais le cours du fleuve vous permettra de visiter
une ribambelle de musées de la vertu républicaine, celui du 29
février 1956, de l'ordonnance du 19 décembre 1958, des décrets
du 2 août 1960 , du 29 novembre 1966, du 25 juin 1973, du 28 décembre
1973, du 12 juillet 1988, du 31 décembre 1990. Les centaines d'articles
de cette législation étaient entièrement consacrés à l'entretien
d'un gigantesque théâtre ; la pièce dont les représentations avaient
commencé sous Napoléon était chargée d'entretenir la fiction selon
laquelle la sainte corporation des huissiers exercerait une sévère
surveillance de ses propres membres sous le regard bienveillant
des Parquets de la République.
"On
cite le cas d' un tribunal de province qui avait condamné un certain
M. Lambda à faire cesser sous une lourde astreinte de cent euros
par jour un dommage imaginaire au vu et au su d'un Président de
Tribunal de grande Instance et d'un Parquet qui savaient parfaitement,
au vu de clichés photographiques datés, donc authentifiés par
un appareil numérique, que les faits allégués par l'avocat demandeur
étaient entièrement fictifs . Mais le juge, qui n'avait pas réussi
à cacher entièrement son embarras devant un prétendu constat qui
aurait réussi l'exploit de réfuter les lois de la physique des
liquides , s'était expressément réservé le pouvoir de mettre fin
à l'astreinte rocambolesque. Mais, comment fixer la date de
la cessation d'un dommage qui faisait monter de l'eau à contre
pente, ce qui n'aurait pas manqué de faire accourir une foule
de pèlerins avides de miracles ?"
7
- Epilogue
Voyez-vous,
Monsieur le Premier Ministre et Madame le Garde des Sceaux, sitôt
descendus dans les empires infernaux, c'est jour et nuit que les
gouvernements de la France comparaissent devant le tribunal de
l'histoire où la mémoire de la nation se rend indélébile . Quand
M. Lambda découvrit l'étranglement des rues, les ressauts du pavé
et les inégalités de la chaussée qui faisaient des enfers une
réplique de la France, il vit venir à lui une guimbarde tirée
par deux chevaux à l'intérieur de laquelle il aperçut une Thémis
ébouriffée de plumes tricolores. Le cocher arrêta sa vieillerie
ambulante devant mon client et lui dit : " Monsieur, une tombe
pleine de fenêtres vous attend. Vous y vivrez et y respirerez
à l'aise. "
Surpris
de cet accueil, M. Lambda demanda au cocher : " A quel titre ai-je
mérité cet honneur ? " - " Citoyen, lui répondit le cocher, la
France des morts est une maison de verre ; mais sachez que, parmi
les morts, les aveugles sont aussi nombreux que sur la terre.
Alors la déesse de la justice qui règne sur leurs ossements a
réservé aux citoyens dont les yeux s'étaient ouverts de leur vivant
de les garder écarquillés dans leur tombe. "
Alors Thémis
a regardé mon client et les mots suivants sont tombés dans le
prétoire solennel du funèbre : " La France de la raison écoutera
tes verdicts. " Interloqué, mon client a tenté de parler , mais
déjà la justice des trépassés s'était emparée de toute sa personne
et parlait par sa bouche ; et tandis qu'il s'en allait pour prendre
possession de son sépulcre de verre, l'écho de sa voix est parvenu
à mes oreilles. J'ai cru entendre ces mots : " Comment mes juges
s'appelaient-ils ? Comment la voix de la France de la justice
se faisait-elle entendre de leur temps ? Le pays des lois et du
droit est-il décédé sous leur règne ? "
J'ai compris
que le quartier réservé au squelette de mon client est celui du
cimetière des peuples condamnés à célébrer aux enfers les funérailles
éternelles de l'esprit de justice et de vérité de leur nation.
Le
26 mai 2008