1
- La Russie, la raison et le Vatican
2 - L'expédition des Argonautes de la raison
3 - Rome et le narcissisme inversé de
la théologie
4 - Les nations dans leur miroir
5 - Le narcissisme atomique
6 - Israël et le chantage atomique inverse
7 - Les barbares de la Liberté et la théologie
de François
8 - Les barbares de la démocratie
9 - Le génie politique de la Russie de demain
et le Quai d'Orsay
10 - Les négociations de Genève du 13 septembre
11 - La spéléologie du genre humain
1
- La Russie, la raison et le Vatican
-
M. Président ,
Sans
doute vous étonnez-vous de ce qu'un philosophe français - et
souvent tenu, de surcroît, pour incroyant - vous entretienne
non seulement d'une science un peu nouvelle, la théopolitique,
mais d'une ascension spirituelle de la politique internationale,
donc d'un autre battement du cœur vivant qu'il est convenu d'appeler
la "raison occidentale"; et sans doute vous étonnez-vous encore
davantage de ce que je ne m'adresse à vous et au Vatican qu'indirectement,
parce que le véritable destinataire de mes lettres imaginaires
n'est autre que le public de votre postérité politique, qui
se demandera dans quelle mesure vous vous serez montré un civilisateur
de la démocratie mondiale de votre temps. Vous êtes responsable
de votre vocation et de votre apostolat. C'est à ces deux acteurs
cérébraux de la planète de demain que je m'adresse à travers
votre effigie de passage sur la terre.
Vous
savez que le rationalisme français du XVIIIe siècle a échoué
dans ses tentatives de mettre la logique d'Aristote à l'écoute
des secrets psychiques des religions et de confier les clés
du sacré à la trousse des syllogismes. Du coup la civilisation
mondiale ne saurait progresser sur le chemin de la connaissance
de l'homme et de ses croyances si elle renonçait à changer de
boîte à outils et de décrypter des mythes cosmologiques tour
à tour iréniques et sanglants. Au contraire, le règne de plus
en plus exclusif des idéalités mythiques dont la démocratie
pseudo séraphique a fait ses hosties et la dégradation accélérée
du pain bénit de la politique de la Liberté contraignent
les philosophes et les anthropologues du XXIe siècle à dépasser
le rationalisme superficiel de Voltaire et à marcher vers une
compréhension réellement scientifique de l'animal angélisé.
Car toute l'histoire de cette bête l'a domiciliée à mi-chemin
du réel et des mondes fantastiques qui la grisent. Qu'est-ce
que le rêve démocratique et en quoi ce séraphisme politique
est-il parallèle à celui de la religion chrétienne à Moscou
et à Rome?
2 - L'expédition des Argonautes de la raison
Je
suis, hélas, demeuré le seul intellectuel français qui ait passé
une trentaine d'années à tenter de peser en philosophe, donc
en anthropologue l'histoire cérébrale des théologies et d'interpréter
l'évolution de leur contenu doctrinal, parce que la démocratie
planétaire se trouve désormais menacée, me semble-t-il de se
rendre plus inapte encore que les théologies à dégripper le
"Connais-toi". C'est dans cet esprit que je tente de décoder
la signification géopolitique et psychobiologique de la dernière
audace théologique du pape François, qui entend, dit-il, lutter
sur deux fronts, celui de l'esprit de cour dont se nourrit la
courtisanerie vaticane et celui du narcissisme - aussi masqué
par l'angélisme que retors - dont témoigne le haut clergé romain.
Par bonheur, la réforme de l'Eglise que François a entreprise
se caractérise par une maîtrise des symboles et des signes à
laquelle le génie prophétique de la Russie ne saurait demeurer
indifférent. Refuser d'occuper les somptueux appartements pontificaux,
tourner le dos aux dignitaires chamarrés de la Curie, choisir
dans le monde huit cardinaux de type apostolique et luthérien,
diriger l'Eglise avec ce conseil restreint d'évangélisateurs
de la politique du monde, se transporter avec ces guides à Assise
afin de signifier au monde entier que le cœur messianique de
l'Eglise et le cœur du Christ des pauvres ne font qu'un, nettoyer
les écuries d'Augias des finances pontificales, accorder une
interview à un athée de gauche, l'ex- directeur de La
Reppublica, ce sont des signaux qui tracent les contours
d'une foi et d'une intelligence nouvelles de la géopolitique
du XXIe siècle. Mais,
dans le même temps, quel aigle à deux têtes qu'une Russie qui
prendrait le commandement de l'expédition des Argonautes de
la raison de demain, tandis que Rome piloterait la résurrection
des âmes mises à l'écoute de votre école d'Antioche plutôt que
du Concile de Trente!
M.
le Président , ce pape vous tend le sceptre du monde de demain.
Paris, Berlin, Londres, Madrid, Washington sont devenus des
nains cérébraux. A vous de tracer le sillage des alliances nouvelles
entre les espérances de l'âme et celles de la pensée.
3
- Rome et le narcissisme inversé de la théologie
Pouvons-nous
tenter de préciser les clauses du pacte que la Russie pensante
signera avec une Eglise en devenir ? Celle-ci est à la recherche
de son alliance d'autrefois avec l'élan intellectuel et spirituel
des premiers siècles. Puisqu'il n'est pas de semaine où la Curie
ne pose un jalon sur la route de ses retrouvailles avec les
origines de la religion de la croix et puisque la théologie
orthodoxe de la Russie se réclame précisément de la primauté
du Saint Esprit sur le Père et le Fils au sein du Dieu trinitaire,
demandons-nous quelle flammèche de la connaissance de l'humanité
François a rallumée quand il a introduit les termes de courtisanerie
et de narcissisme dans le débat sur la vaticano-centrisme
et mesurons, à la lumière de ces deux vocables inusités dans
tous les catéchismes, les conséquences qui découleraient de
l'échec philosophique de la Russie si, à Dieu ne plaise, elle
échouait à redonner son sens cérébral à la vocation de "l'animal
rationale"; car cette bête mystérieuse voudrait escalader le
Mont Carmel d'une raison plus éclairante et plus inspirée que
celle du XVIIIe siècle.
Vous
remarquerez que le terme de narcissisme est un concept
dont use la psychanalyse freudienne et qu'on n'avait jamais
entendu, comme il est dit plus haut, ni le Vatican, ni aucune
obédience de quelque religion que ce fût reprendre à son compte
et tenter de féconder le vocabulaire du grand incroyant Viennois.
Quel est le levain psychogénétique de la foi? Si l'on interprète
les propos inhabituels du pape François dans un sens philosophique,
donc anthropologique, on découvrira que la courtisanerie
et le narcissisme sont ancrés dans la conscience spéculaire
de tous les christianismes officiels - du reste, cet adjectif
renvoie à speculum, miroir. Il s'agit donc de placer
le narcissisme dont souffre non seulement l'Eglise romaine,
mais "Dieu" lui-même sous la lentille d'une anthropologie prospective,
afin d'ouvrir les yeux sur l'évidence que le Créateur se contemple
dans la créature qu'il a façonnée à son "image et ressemblance".
C'est pourquoi toute l'humanité s'attache avec un zèle inégal,
mais sous une impulsion viscérale, à rendre la pareille à son
démiurge imaginaire, tellement elle tente de se regarder avec
fierté, complaisance ou humilité dans le personnage universel
qu'elle a chargé de lui renvoyer sa propre image, mais dûment
gigantifiée, béatifiée ou sanctifiée. Or, l'auto-idéalisation
vaniteuse du croyant dans le miroir de son Narcisse céleste
se place tout autant au fondement des démocraties messianisées
qu'hier au fondement du spéculaire religieux; et si vous apprenez
à regarder le simianthrope tantôt tel qu'il se réfléchit dans
le miroir de sa raison idéalisée, tantôt dans celui de sa foi
mimétique , vous disposerez d'un premier télescope de nature
à armer le regard dédoublé de Rome et de Moscou sur le monde
, donc de poser le premier fondement d'un humanisme mondial
qui aurait appris à peser l'encéphale en devenir de l'humanité.
Car
l'étude du narcissisme ecclésial est né en France en 1830 avec
les quarante pages extraordinaires que Stendhal a consacrées
au passage de Julien Sorel par le séminaire de Dijon. Mais le
génial auteur de Le Rouge et le Noir ne voit encore
ni l'esprit de cour que manifeste le clergé à l'égard de la
divinité en personne ni le narcissisme politique du créateur
en tant que tel. François, lui, feint de démontrer seulement
le narcissisme de la Curie, mais il se rit des cierges et des
chapelets et son regard se porte déjà sur le narcissisme d'envergure
cosmologique que nourrit le monothéisme.
4
- Les nations dans leur miroir
L'auto
consolidation constante de ces deux spécularités mentales -
la rationnelle et la religieuse - se stratifient et se fossilisent
réciproquement à force d'échanger des clins d'œil complices;
et ce double enfermement dans un seul et même miroir de la condition
simiohumaine se présente comme une clé universelle celle d'une
intelligence jumelée du sacré dont l'anthropologie critique
entend s'éclairer. A ce titre, la connaissance anthropologique
du narcissisme ecclésial et du narcissisme cosmologique s'inscrit
dans la fécondité de l'avortement du siècle des Lumières que
j'évoquais plus haut. Le pape François se serait-il initié à
une intelligence méta-théologique de la théologie schizoïde,
donc à une compréhension du redoublement du narcissisme vaticanesque
par les soins du mythe dichotomique lui-même? Il n'en est évidemment
rien: mais si Moscou devenait la tête pensante de l'aigle à
deux têtes qu'on appelle la civilisation mondiale, vous observeriez
de haut et de loin l'enclume de la raison narcissique unifiée
sur laquelle la raison courtisane s'est donné son assise dans
le cosmos.
Comment
l'homme d'Etat moderne demeurerait-il à la traîne d'une pesée
tout ensemble iconoclaste et ascensionnelle du cerveau simiohumain,
comment ignorerait-il les rouages et les ressorts de cette balance
de la politique et de l'histoire, alors que, non content de
détourner l'Eglise romaine des babioles et des colifichets dont
se nourrissent les confessionnaux, ce pape manifeste si clairement
et si fermement son intention de s'entretenir avec vous des
questions qui se posent de manière suraiguë à la géopolitique
de notre temps?
Il est donc décisif que vous receviez le message caché - non
seulement intellectuel, mais spirituel - que le monothéisme
transcosmologique de François adresse en secret à la Russie
de demain. Car, sans une spectrographie du narcissisme originel
dont souffre une espèce née schizoïde, comment comprendrions-nous
qu'Adam le bipolaire se regarde maintenant dans un second miroir
à deux faces - et non moins magiquement dédoublé que le précédent
- celui de la démocratie bifide d'une Amérique hégémonique?
Faute d'un regard méta-cosmologique sur l'inconscient spéculaire
de la théologie, donc sur le narcissisme qui sous-tend la notion
même de raison depuis les Grecs, vous ne percerez pas les secrets
de la surréalité "en miroir" dont Israël le conquérant impose
l'image messianisée à tout le globe terrestre.
5 - Le narcissisme atomique
Je
m'explique: vous savez que, depuis le lancement d'une bombe
atomique sur Hiroshima il y a soixante huit ans, aucun Etat
armé de la foudre de sa démence ne s'est attaqué à un Etat privé
de l'arme du fantastique mécanisé, parce que la réprobation
politique de la planète tout entière face à une pulvérisation
barbare de cet acabit serait tellement mortifère pour l'agresseur
qu'elle équivaudrait à son suicide moral sur la scène internationale.
Mais Israël sait fort bien que deux Etats atteints de cette
folie neutralisent nécessairement leur sauvagerie native, tout
simplement parce que la guerre ne saurait caricaturer son propre
théâtre au point de se réduire à l'exploit ridicule de deux
matamores de leur propre dérangement cérébral et qui se brûleraient
la cervelle de conserve pour le seul ébahissement de la galerie.
Mais pourquoi voit-on soudainement, et sur les cinq continents,
la quasi unanimité des Juifs sionistes se mobiliser avec un
si bel ensemble contre l'Iran, sinon afin de conjurer, dans
un affolement évidemment simulé, le péril imminent que représenterait
une bombe nucléaire dont tout le monde sait, depuis plus d'un
demi siècle, qu'elle est inutilisable par nature et par définition
entre deux cyclopes aussi monoculaires l'un que l'autre - puisque
tel est précisément le sens stratégique du terme de dissuasion?
Pourquoi M. Netanyahou s'est-il néanmoins précipité une fois
de plus et dans la plus grande hâte à la Maison Blanche? Pourquoi
a-t-il pointé devant les caméras du monde entier un index plus
accusateur que jamais sur M. Barak Obama à la suite du coup
de téléphone sacrilège de son interlocuteur à M. Rohani?
6 - Israël et le chantage atomique inversé
Vous
connaissez mieux que personne, M. le Président, des évidences
que nul n'ignore au sommet de tous les Etats du monde, à savoir
que ce n'est en rien sur le pré carré de la science de la guerre
qu'Israël feint de s'épouvanter de la fausse menace que représenterait
une bombe atomique iranienne, puisque, de son côté Israël dispose
non seulement de cent quatre vingt cinq foudres de l'apocalypse,
mais d'armes chimiques plus massives que celles de la Syrie.
Cette terreur jouée se ramène seulement à l'inconfort politique
de voir surgir à ses côtés un Etat de soixante quinze millions
d'habitants dont le prestige sur la scène internationale serait
nécessairement proportionnelle à la gloire, certes illusoire,
mais "théologiquement" efficace, qu'exerce encore sur l'encéphale
embrumé et confus du simianthrope le brandissement du mythe
de l'excommunication majeure dont disposaient les prédécesseurs
de François - le type de dissuasion auquel recourait le Créateur
du monde avait conduit Henry IV d'Allemagne à Canossa, parce
que son armée avait été précipitée dans les marmites infernales
d'un claquement de doigts du saint Père. La bombe atomique de
l'époque - celle du pape Grégoire VII - répondait à un modèle
de vicariat de l'absolu aussi irréel et néanmoins aussi redoutable
que celle d'aujourd'hui. Vous savez, M. le Président, que la
bête semi cérébralisée ne saute pas dans le néant de sa propre
initiative mais seulement pour s'y trouver précipitée par un
ogre du cosmos dont la foudre atomique a définitivement relégué
les méthodes de chantage et d'intimidation au musée des encéphales
successifs dont l'humanité s'est dotée.
C'est
pourquoi tout Etat simiohumain qui renoncerait à l'arme imaginaire
quitterait prématurément et à ses dépens la cour du spéculaire
de type nucléaire, dont se nourrit le narcissisme stratégique
des grands de ce monde. De même, le catholicisme perdrait encore
de nos jours la moitié de son pouvoir menaçant sur un milliard
de cerveaux terrorisés s'il déclarait publiquement et solennellement
la mise hors d'usage de la pavane théologique chevronnée des
tortures de l'Erèbe, tellement, d'un millénaire à l'autre, la
croyance en la réalité effrayante du spéculaire et du narcissique
mentaux d'une époque demeure la clé de la géopolitique de la
bête livrée à des fantasmes transmissibles d'une génération
à l'autre. M. le Président, si Moscou devenait la tête de pont
de la lucidité politique du monde et Rome le cœur battant d'un
Dieu intelligent, vous tiendriez ensemble les rênes de la planète
entre vos mains. Soumettrez-vous la raison de l'animal bicéphale
à une mutation anthropologique de sa cervelle?
7 -
Les barbares de la Liberté et la théologie de François
Voyons
cependant ce qui ce se passerait si vous refusiez tout net de
vous saisir du sceptre qu'un pape héroïque vous tend avec insistance
et dont il vous demande de partager les feux. En seriez-vous
réduit à collaborer avec la boîte crânienne de l'affameur de
l'Iran, vous résigneriez-vous à retourner au paléolithique afin
d' humilier, aux côtés des barbares, un peuple de soixante quinze
millions d'âme? Comment approuveriez-vous le principe selon
lequel cette nation serait soumise à la honte des ventres creux
et à l'humiliation qui marque du sceau de l'animalité le joug
sauvage de la famine?
Certes,
la purification de la démocratie mondiale passe par le travail
de Titan de civiliser les principes devenus fous de 1789, ce
qui demande une collaboration si étroite avec le Saint
Siège de François que vous apprendrez à l'école de ce pape à
poser le cerveau de la bête sur les plateaux de la balance des
simianthropologues.
Premièrement, le saint Père ne serait en rien un philosophe
s'il ignorait que la vraie philosophie n'est pas le galimatias
d'une cosmologie mythifiée dont se moquait Socrate et qu'on
appelle la métaphysique depuis Aristote. Mais, dans le même
temps, je le soupçonne d'avoir caché son jeu face au gesticulateur
verbifique de la Reppublica auquel il a accordé
un entretien: il sait bien que le maître de Platon était un
mystique et un homme politique de haut vol, précisément parce
que cette abeille a emporté son miel, qui n'est autre que le
nectar et l'ambroisie d'un défi spirituel de tous les temps.
Ne demandez pas au Pontifex maximus de se convertir au christianisme
des Anaxagore du cosmos et de vous entretenir de la naissance
surréelle du prophète des chrétiens ou de la virginité perpétuelle
de sa mère, ne lui demandez pas à quel âge, selon saint Thomas
d'Aquin, les ressuscités se remettent en mouvement au paradis,
ni s'ils conservent fièrement le blason de leurs cicatrices
de guerre, ni quel est le combustible inépuisable dont le diable
alimente les feux de l'enfer, ni si la chair de la victime palpite
sur l'autel et si son sang est un vin à boire à pleines gorgées
- de tout cela, il vous donnerait une interprétation toute symbolique
et fort proche de celle de la religion orthodoxe de la Russie.
Mais
François est à la fois un buveur de la ciguë socratique au sein
de l'Eglise et un homme politique de premier ordre. Comment
voulez-vous qu'il défende une démocratie ensauvagée et une mythologie
langagière vertueusement en guerre contre des peuples innocents,
comment voulez-vous que sa Sainteté, comme on dit, châtie les
méfaits de tel ou tel dirigeant de passage sur la terre par
le bombardement des victimes! Jamais, vous n'aurez, M. le Président
, un pape aussi civilisateur que celui-là à vos côtés; jamais
vous ne vous passerez d'un humaniste du sacré qui fait de son
Dieu le levier de son propre regard, celui que les évadés de
la zoologie porteront demain sur la politique et l'histoire
de leurs divinités.
8
- Les barbares de la démocratie
Mais
puisque vous connaissez les secrets psychobiologiques de la
spécularité et du narcissisme qui caractérisent l'encéphale
d'une espèce demeurée schizoïde - on l'appelle l'humanité, mais
seulement à titre préjudiciel - puisque vous savez, à l'instar
d'une maigre poignée d'hommes d'Etat informés et réfléchis de
ce temps, que, depuis des millénaires, l'habillage et le babillage
culturels ou théologiques de la bête servent de masques et de
vêtures à sa politique du sang, vous observerez ce qui arriverait
non seulement à la Russie, mais à la Chine et au monde émergent
si vous ne faisiez pas alliance avec un Vatican désormais en
croisade contre la barbarie de type démocratique.
Car le monde émergent a commencé de déplacer le centre de gravité
de la planète des songes et des forces. C'est dire que, dans
le cas où vous cèderiez aux foudres de Washington et de ses
vassaux et que vous refuseriez à l'Iran l'exercice du droit
fondamental des Etats souverains de se procurer l'arme irréelle
et stupide, mais, hélas, demeurée prestigieuse - elle répond
exactement au degré de développement actuel de la minuscule
boîte osseuse dont se vante notre pauvre espèce - la pacification
momentanée de la planète pseudo démocratique qui en résulterait
ne durerait qu'un mois ou deux, tout simplement parce que le
sceptre de la politique mondiale appartient à celui qui tient
entre ses mains les emblèmes et les symboles de la dignité et
du droit, donc les blasons de l'identité respirante et transanimale
des peuples et des nations. Quel feu sous une cendre brûlante
que celui de la révolte de la planète tout entière contre l'immoralité
démocratique si vous livriez la Perse au blocus pseudo irénique
et à la torture et si vous abandonniez Téhéran prosterné aux
pieds du roi de sa propre infamie, la famine du monde! Ne passez
pas au large de l'élan spirituel du XXIe siècle, celui de la
guerre contre une démocratie tombée dans la barbarie et qui
en appelle à une levée des guerriers de l'éthique d'une ampleur
égale à la révolution morale qui a conduit la Rome des Claude
et des Tibère à une éthique supérieure à celle des païens. Combattez
les légions d'une Liberté tombée dans la démence et combattez-les
avec les vraies armes de la sainteté, celles de l'intelligence
de feu des prophètes!
Puissent
la pensée et l'âme du monde marcher du même pas à Moscou et
à Rome, puissiez-vous présider le tribunal de l'éthique du globe
terrestre aux côtés de Pékin, de New-Delhi, de Brasilia et demain
de l'Afrique ! Vous vous trouvez à la croisée des chemins de
la politique mondiale, parce que si Moscou reléguait le peuple
iranien parmi les " humiliés et les offensés " de Dostoïevski,
vous renonceriez à donner à votre pays le destin qui l'attend
sur notre planisphère. Mais, pour mettre un terme à l'assaut
des Mongols de la démocratie, vous avez besoin d'un approfondissement
de la connaissance du narcissisme des fils actuels d'Adam, ce
qui exige que vous posiez l'encéphale spéculaire de l'humanité
sur les plateaux de la même balance à peser la boîte crânienne
endormie et féroce de notre espèce que le pape inspiré que Rome
s'est donné.
9
- Le génie politique de la Russie de demain et le Quai d'Orsay
Par
bonheur, vous n'êtes plus seul à mener le combat de la civilisation
russe contre les tueurs et les mercenaires du mythe de la Liberté,
vous n'êtes plus seul dans la guerre spirituelle de la civilisation
de la raison et de la pensée socratiques. En juillet, la Chambre
des Communes a refusé son soutien au chef du gouvernement britannique
pour le motif qu'elle avait compris à quels massacres le narcissisme
conquérant d'Israël entendait porter le miroir cérébral dans
lequel cet Etat se réfléchit si triomphalement. Souvenez-vous
de ce que de nombreux députés de la droite britannique s'étaient
joints aux députés travaillistes et que les deux partis ont
abandonné M. Cameron au milieu du gué - et précisément pour
la même raison, si inavouée qu'elle fût demeurée. Cette motivation
cachée a également guidé le Congrès américain, qui était allé
jusqu'à sommer rudement M. Barack Obama de le consulter, faute
de quoi, disait-il, il engagerait à son encontre rien moins
qu' une procédure en destitution.
Le Congrès était bien décidé à désapprouver
une folle équipée militaire au seul profit du narcissisme politique
d'Israël. Pourquoi M. Barack Obama est-il allé jusqu'à mobiliser
l'AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) au profit
de la guerre alors qu'il savait fort bien que, cette fois-ci,
ce groupe de pression échouerait à faire obéir les représentants
du peuple américain?
Le
Quai d'Orsay le savait, lui aussi, puisque la seule décision
de M. Barack Obama d'attendre le vote du Congrès pour bombarder
la Syrie a été ressentie à Paris comme une trahison à
l'égard d'Israël, ce qui a provoqué une telle
panique à l'Elysée que Bernard Guetta a déclaré,
sur France Inter, que M. Barack Obama n'était qu'un petit professeur
d'Université, mais nullement un homme d'Etat.
Mais
le 8 octobre, M. John Kerry saluait un Bachar al Assad dont
M. Fabius avait déclaré, des larmes dans la voix,
qu'il ne méritait pas de vivre. Laissons la France s'endormir
dans les bras d'Israël et portons plus loin le regard.
10
- Les négociations de Genève du 13 septembre
Si nous prenons un nouveau recul, M. le Président, nous verrons
bien que vous avez sauvé à Genève une Amérique tombée dans la
folie, parce que vous lui avez fourni une issue honorable -
mais seulement en apparence: vous avez sagement sécurisé la
retraite en bon ordre des troupes américaines d'Afghanistan,
dont l'arrière-garde, d'un effectif de deux mille hommes pour
le moins, aurait été massacrée par les Talibans si vous n'aviez
offert au repli militaire du Nouveau Monde un transit à l'abri
de l'ennemi. Et que dire de la menace la plus dévastatrice de
toutes, celle, de M. Lavrov, d'informer, le moment venu, le
peuple d'Abraham Lincoln de ce que la Maison Blanche aurait
délibérément conduit plusieurs centaines de soldats à l'extermination
au seul profit du surmoi spéculaire d'Israël! Quel élargissement
de l'horizon à l'échelle de la planète!
En
vérité, le monde en marche est entré en guerre contre le narcissisme
messianisé des démocraties. C'est cela le lever de rideau sur
les véritables acteurs de la sotériologie moderne .que je jugeais
imminent dès le 6 juillet 2013 sur ce site. (- La
honte ! Le prix du sang et la vassalisation de l'Europe
, 13 juillet 2013) Permettez-moi d'achever
ma dernière épistole à votre Excellence par un retour au point
d'attache de l'anthropologie critique d'où je suis parti le
21 septembre (- Lettre
ouverte à M. Vladimir Poutine, Président de la Fédération de
Russie, 21 septembre 2013)
11
- La spéléologie du genre humain
Si
vous faites le point du retard de l'évolution du cerveau des
Etats civilisés sur les planches du théâtre de l'histoire depuis
Darwin, vous remarquerez que le verbe comprendre a cessé
de marcher sur la route pourtant grande ouverte d'une géopolitique
explicative. Mais pourquoi, depuis Machiavel ou Talleyrand,
les gouvernements ont-ils si peu progressé dans la pesée vaillante
de l'encéphale du monde ? Parce qu'ils ne connaissaient encore
ni les secrets oniriques de la bête en cours de cérébralisation,
ni l'origine et la généalogie de la spécularité mentale de cet
animal, ni comment il courtise sa propre image dans un cosmos
désert. Aidez-nous à placer des chefs d'Etat instruits et prospectifs
à la tête des Etats de l'Europe. Alors seulement la cervelle
de la civilisation de demain naîtra de la Russie de la pensée,
celle qui, la première, a scellé le pacte de la raison prophétique
de ses grands écrivains avec le génie d'une anthropologie visionnaire.
Un
dernier mot, M. le Président: vous savez que le pape François
a demandé au général des Jésuites, le Père Adolfo Nicolás, de
publier dans les revues que la Compagne de Jésus possède dans
le monde entier un article dans lequel le Vatican appelle la
France à se souvenir de son rôle de guide de l'intelligence
et de l'éthique du monde. Appelez, aux côtés de Rome, la France
à retrouver le chemin des spéléologues du genre humain.
Le 12 octobre 2013