"Interroger les grands
philosophes, c'est transformer les questions qu'on leur pose
en instruments d'approfondissement de la connaissance du genre
humain."
Jaspers
Avertissement
1 - La vassalité de l'Europe
2 - Du pacte de l'ignorance avec la sottise
3 - Les dominos
4 - La future éducation nationale
5 - La vocation intellectuelle des chefs
d'Etat
Post scriptum
Avertissement 
Si vous parlez
trigonométrie à un maçon, ce ne sera pas son incompétence
que vous découvrirez, mais le fait qu'il ne saura de quoi
vous lui parlez. Il en est ainsi de la différence entre
l'homme politique local et l'homme d'Etat. Quand un journaliste
se demande, à la suite de l'appui, dans la presse, de
l'ex-chancelier Gerhardt Schröder à M. Vladimir Poutine,
si "la communauté internationale peut encore faire
confiance au chef du Kremlin", il ignore qu'un chef
d'Etat voit tout de suite le déplacement de la cervelle
du journaliste-maçon sur un territoire étranger au sujet.
Car il ne s'agit pas des relations particulières de la
Russie avec l'Ukraine, mais des armes dont use un empire
mondial afin d'égarer l'attention d'un demi-milliard de
ses vassaux de la question pour lui en substituer une
autre, qui ne concerne en rien la science des vrais hommes
d'Etat.
J'ai donc
imaginé trois discours d'un Nicolas Sarkozy qui emprunterait
le langage requis des hommes d'Etat; et le lecteur découvrira
que, dans toutes les démocraties, il est tout simplement
impossible de monter les marches du pouvoir si l'on s'adresse
en homme d'Etat aux citoyens - ce serait parler trigonométrie
aux maçons.
Mais il arrive
que le peuple élise un maçon à la Présidence de la République,
puis qu'il découvre avec stupéfaction qu'un vrai regard
sur la planète échappe à l'horizon mental des notables
locaux. C'est ce qui se passe en France en ce moment :
la gauche cherche en vain un cerveau du calibre requis
et la droite pose sur les plateaux de la balance de l'histoire
des têtes étrangères à l'enjeu réel de l'élection de 2017.
1
- La
vassalité de l'Europe
Je me suis beaucoup instruit depuis que vous m'avez condamné
à un exil utile, et même nécessaire à l'éducation et à l'information
d'un homme d'Etat. Les livres d'histoire que j'ai lus m'ont
appris à écarquiller les yeux sur les lacunes de mon instruction.
Je n'ai acquis qu'à l'âge mûr la connaissance des documents
politiques qui manquaient à ma formation d'homme de terrain.
Mais j'ai également découvert, à cette occasion, que seule
l'action féconde les savoirs et que, sans l'expérience du
pouvoir, les livres des greffiers et des huissiers des nations,
ne vous servent à rien, tellement on ne tient pas le gouvernail
d'un Etat avec un mode d'emploi imprimé à la main.
La classe dirigeante des villes grecques asservies à l'empire
romain faisait campagne sur la cherté des vivres et sur les
difficultés d'approvisionnement en blé. Tout le monde l'importait
d'Egypte - mais Osty était le port le mieux servi et l'on
n'en expliquait pas les causes au petit peuple.
Aujourd'hui,
quel est l'horloger du monde qui vous entretiendrait du grand
silence qui s'est abattu sur une Europe occupée par cinq cents
bases militaires américaines, quel est le spécialiste de la
mémoire des peuples qui vous dirait que, de Ramstein à Naples
et d'Hambourg à Syracuse, personne ne vous ouvre les yeux
sur le prix que vous payez à votre vassalité? Non seulement
vous ne trouverez aucun dirigeant qui chiffrerait le montant
du tribut que l'occupant vous réclame chaque année, mais si
vous n'étendez pas vous-mêmes le champ de votre information
de citoyens, jamais vous ne prendrez conscience de ce que
vos dirigeants vous ont asservis à un empire étranger.
Soixante dix ans ont passé depuis la fin d'une guerre mondiale
censée vous avoir libérés; mais aucune radio, aucune antenne
de télévision, aucun quotidien, aucun hebdomadaire ne vous
glisse à l'oreille un seul mot sur l'étendue et sur la nature
de votre assujettissement. Mais je n'ai pas mission de vous
admonester ou de m'irriter de votre passivité; mon devoir
est de vous informer de ce que mon expérience politique m'a
appris. Je vous le dis tout net: si le souffle de la libération
de la France et de l'Europe ne montait pas de vos poitrines,
personne ne porterait remède à la faiblesse de vos cages thoraciques.
La Liberté ne naît jamais que des poumons des peuples respirants.
J'ai
appris qu'un chef d'Etat est un décrypteur d'avant-garde du
temps des nations; sinon, il lui faut renoncer à la mission
que son siècle attend de lui. Le revenant qui s'adresse aujourd'hui
à vous n'est pas l'homme qui vous a quitté en mars 2012. Ma
vocation est de vous parler de la France et de vous expliquer
le monde dans lequel nous vivons. Bien plus, j'aurais honte
de détourner votre attention de l'essentiel et de porter vos
regards sur des sujets secondaires, tellement il serait indigne
de notre pays et de votre rang de citoyens devenus seuls responsables
de notre avenir de vous cacher les grandes difficultés qui
vous attendent - il s'agit, tout simplement, de savoir si
le fonctionnement actuel des démocraties modernes m'autorise
encore à vous entretenir sérieusement de notre sort dans une
Europe dont les classes dirigeantes se laissent arracher des
mains les restes de leur pouvoir. Français, votre souveraineté
se trouve menacée par une puissance étrangère désormais en
mesure de faire la loi dans nos murs.
La
Liberté est une voix, mais vous avez fait, de votre Liberté,
un convoi mortuaire, la Liberté est une voix, mais la vôtre
orchestre les funérailles des Etats démocratiques. J'ai à
vous parler des pompes funèbres de la République, parce que
votre servitude politique repose tout entière sur votre impuissance
à frapper de l'opprobre qu'ils méritent les hommes politiques
qui vous tiennent gentiment par la main, mais qui vous ont
mis un bandeau sur les yeux et qui vous promènent dans un
jardin d'enfants.
2 - Du pacte de l'ignorance avec la sottise
Mon long éloignement de la politique m'a fait découvrir que
la pensée est la fille de la solitude, mais également que
la réflexion est un sport de combat. Il m'a fallu connaître
les souffrances de l'inaction pour apprendre qu'une politique
privée des ressources de la méditation tombe dans l'ignorance
et la sottise. Mais, au cours de mon incarcération loin de
vous, j'ai également découvert ce que signifie le mot réalité.
Car toute politique se veut et se dit réaliste - et
pourtant, personne ne vous dit ce qui rend la prison du réalisme
politique digne de la réalité que nous devons affronter. Deux
ans de soif dans le désert de l'inaction m'ont enseigné que
les grands peuples répondent à la vocation ascensionnelle
qui les habite et que leur élévation intérieure les appelle
à propager le feu qui les inspire.
En 2007, je ne savais pas encore que la guerre de l'intelligence
ne s'apprend que dans une nuit profonde, en 2007, je ne savais
pas encore que l'homme d'Etat est une plante du désert, en
2007, je ne savais pas encore que l'apprentissage du destin
de la France et de l'Europe me condamneront un jour à m'adresser
à vous en pédagogue et en apprenti de votre éternité.
C'est
d'un anachorète que j'ai appris à vous parler de plus haut
et d'ailleurs. L'ermite de Colombey vous avait avertis que
si vous vous placiez sous le sceptre, le drapeau ou la houlette
d'une puissance étrangère, elle vous appellerait tôt ou tard
à porter sa bannière sur le champ de bataille qu'on appelle
l'histoire, mais que ce champ de bataille ne serait jamais
plus le vôtre. Et voici que toute l'Europe s'apprête à suivre
son maître dans une campagne de Russie d'un nouveau genre.
Mon
devoir est de vous informer de la nature des empires, mon
devoir est de vous instruire des principes qui commandent
l'expansion naturelle et instinctive de leurs forces, mon
devoir est de vous faire bénéficier de mon expérience de cinq
années, non point en laboratoire, mais sur le terrain, des
ressorts de monstres sacrés dont le Général de Gaulle lui-même
avoue, dans ses Mémoires, qu'il n'a appris que
dans l'épreuve à les connaître et à en décrypter les secrets.
Je
n'avais que trois ans à l'heure où l'homme du 18 juin est
revenu aux affaires. Mais je n'ai appris qu'au cœur de l'expérience
du pouvoir que l'histoire est un coffre fermé et que la clé
qui l'ouvre est à la mesure des serruriers qui l'ont fabriquée.
Aujourd'hui, cette clé est devenue aussi simple que la serrure
dans laquelle il faut l'introduire. Mais l'art de la soustraire
aux regards a changé. Que dit cette clé ? Que le départ des
troupes américaines se produira fatalement, parce qu'il n'est
jamais arrivé qu'un empire perpétue l'exploit d'implanter
ses armes sur les arpents du vaincu. Mais les chefs d'Etat
d'aujourd'hui qui, trois quarts de siècle durant, auront gardé
un silence complice sur l'occupation militaire inutile de
leur pays au profit d'une puissance étrangère tomberont dans
une éternelle infamie aux yeux de tous les narrateurs à venir
de la mémoire du monde.
Mais observez la part d'ignorance maligne dont la sottise
se nourrit, observez la part de la cécité d'esprit qui rend
apparemment innocent l'aveuglement astucieux des Etats. Ne
croyez pas qu'un empire serait une ruche bourdonnante de Machiavel
avisés, ne croyez pas que l'Europe serait la proie d'un plan
de conquête savamment concerté au profit d'une ruche vrombissante
de Florentins retors. Sachez que les empires ont le cœur sur
la main et que ces frelons ont des antennes d'évangélistes.
Personne ne donne des ordres aux apôtres des puissants. Mais
voici ce qui attend votre candeur si vous n'appreniez pas
à connaître les relations secrètes que la politique actuelle
entretient avec le messianisme démocratique. Seul le feu sous
la cendre qui s'appelle la pensée vous conduira dans la crypte
du mythe de la Liberté.
3 - Les dominos 
Sachez
que l'empire américain est un temple et un navire de guerre,
sachez que les idéalités dont il s'auréole en sont les ailes
d'ange et les soutes. Il vous faut visiter les caveaux de
ce temple avant de tenter de capturer ses séraphins et de
les coller dans vos herbiers. Puis vous monterez sur le pont
de ce mastodonte de sa foi et vous découvrirez qu'il conserve
ses machines dans sa coque, mais qu'il a perdu son pavillon.
Certes, vous direz-vous, ce cuirassé n'arbore plus les couleurs
de l'emblème mondial du Beau, du Juste et du Bien. Mais voyez
avec quelle habileté il tente de perpétuer le règne et la
puissance de sa bannière. S'il négligeait de placer
son oriflamme à la tête de sa flotte, s'il ne vous montrait
pas du doigt et jour après jour les ennemis qu'il vous appartient
de combattre en son nom à lui, comment conserverait-il à la
fois son sceptre et sa couronne? Mais les empires ne désignent
jamais à leurs vassaux que les adversaires qui portent ombrage
à leur propre expansion. Rome n'avertissait pas les cités
grecques "délivrées" que Rome était devenu leur véritable
ennemi: ne les avait-elle pas remplies d'allégresse de se
trouver conquises pour la gloire des légions?
C'est pourquoi les cinq années que j'ai passées à courir sur
la scène internationale me conduisent-elles à vous entretenir
de l' Allemagne vassalisée, de l'Italie réduite au silence,
de l'Espagne hors jeu, de la Grèce piétinée. Et maintenant,
le glaive et le casque de l'Amérique vous ont subitement ordonné
de cesser de livrer votre production industrielle et agricole
à la Russie - et vous avez servilement obéi. En réponse, la
Russie a décidé de renoncer à consommer vos fruits et vos
légumes; et vos paysans vous disent: "Pourquoi faites-vous
de nous les vassaux de votre vassalité? Qui a fait de vous
les serfs d'une puissance débarquée d'au-delà des mers, qui
a changé nos démocraties en une armée de valets de ferme?
Qui vous autorise à nous placer dans le sillage de votre propre
domestication? Votre tenue de prisonniers, gardez-la - charbonnier
est maître chez soi."
4
- La future éducation nationale
Français,
je ne vous parlais jamais de la France; désormais, je vous
trahirais si je vous entretenais exclusivement de notre pays,
parce que notre histoire est revenue partiellement se placer
entre nos propres mains il y a cinquante huit ans, en 1966.
Mais les devoirs politiques que seule la solitude enseigne
aux hommes d'Etat m'ont appris que les lentes retrouvailles
des nations de l'Europe avec leur souveraineté perdue auront
besoin de guides avertis d'une dignité difficile à retrouver.
Ma retraite m'a enseigné, de surcroît, que l'homme politique
de demain devra également se montrer le pédagogue d'une Liberté
plus étendue et mieux informée que la précédente.
Vos éducateurs de demain devront vous dire que vous êtes devenus
les enfants de chœur de la démocratie mondiale, parce qu'on
ne passe pas d'une chaumine enfumée au palais de Versailles
sans changer de dégaine. Vos instituteurs vous diront quelle
hauteur d'esprit l'histoire attend de votre citoyenneté élargie.
Les chefs d'Etat qui vous feront quitter la défroque dont
un empire étranger vous aura affublés depuis 1945 feront de
vous les cerveaux de leur siècle.
Mais voyez la noblesse d'esprit de la citoyenneté nouvelle
que le Général de Gaulle a inculquée à la démocratie mondiale:
cette hauteur me contraint de m'adresser en votre nom à toutes
les nations asservies de l'Europe. Le Pygmée qui vous parle
vous demande de rendre la France et l'Europe ascensionnelles
dans vos têtes et dans vos cœurs. Je vous disais plus haut
que la liberté des peuples monte des entrailles des nations.
Mais si vous n'entrez pas en politique comme on entre dans
les ordres, vous ne serez jamais qu'en balade dans les jardins
d'enfants de votre histoire. Si vous voulez en devenir les
horticulteurs, apprenez à peser les relations frelatées que
les décadences tissent avec la vassalisation de la raison
elle-même, apprenez à peser les liens gangrenés que les Etats
chargés de chaînes entretiennent avec l'asservissement de
leur capacité de jugement Car leur entendement affaibli est
devenu l'esclave du mythe cadavérisé de la Liberté.
Voir: Les
rêves sacrés et la paralysie des sciences humaines actuelles
- La postérité politique et philosophique de Freud
, 27 septembre 2014
En Allemagne un Conseil permanent des spectateurs a
d'ores et déjà pris le pouvoir au nom des vrais citoyens du
pays. La télévision nationale a diffusé une représentation
théâtrale terrifiante : des acteurs déguisés en nazis chaplinesques
et caricaturés en pantins hallucinés donnent l'ordre de falsifier
les nouvelles du monde aux rédactions des principaux journaux
de la nation - le Spiegel et Die Zeit;
puis le spectateur peut constater en surimpression sur l'écran
que ces ordres déments sont censés avoir été exécutés, alors
qu'ils sont les produits effectifs de l'auto-vassalisation
d'un peuple allemand placé depuis trois quarts de siècle sous
le joug de sa classe dirigeante, qui s'est laissé vassaliser
par l'Amérique.
Exemple:
à la suite de la chute, provoquée par un missile, d'un avion
malaisien transportant près de trois cents Hollandais, dont
quatre-vingts femmes et enfants, le Spiegel
titrait en couverture et en rouge: "Jusqu'où ira Poutine?"
Quant au convoi russe de vivres et de médicaments à l'intention
des villes de Lugansk et de Donetz dans le Dombass, la presse
allemande titrait: "La Russie envahit l'Ukraine".
Croyez-vous que vous vivez encore dans une démocratie si votre
classe dirigeante de fantoches et de pantins vous traite en
poupées mécaniques.
5 - La vocation intellectuelle des chefs
d'Etat 
Je pensais venir modestement au secours de mon pays à l'heure
où l'échec inévitable d'un socialisme mythique me contraindrait
à reprendre en mains le flambeau d'un parti de la majorité
de droite et du centre devenus réalistes, parce que, depuis
deux millénaires, la gauche des évangélistes se révèle viscéralement
utopique sur la scène internationale, alors qu'une bourgeoisie
héritière de la monarchie ignore encore les devoirs de la
générosité, comme le Général de Gaulle l'a souligné.
Mais voici qu'un autre appel au combat contre l'inégalité,
un autre enseignement de l'esprit de justice, une autre vocation
de la France étouffent ma voix dans ma gorge. Qu'est-il advenu
de l'homme politique que vous avez élu en 2007 et que vous
avez envoyé en apprentissage de sa véritable mission en 2012?
Je me suis mis au service d'une autre âme de la politique
et d'une autre histoire de mon pays - je combattrai pour l'
alliance que l'Europe de ce temps doit sceller avec la connaissance
plus profonde du genre humain à laquelle la pensée de demain
conduira le monde.
Je
vous disais que la politique se collète avec le réel, mais
que le réel doit se trouver élevé à la hauteur du destin des
nations. Le moinillon d'une République de la pensée que je
suis devenu vous parlera, la semaine prochaine, de la vie
ascensionnelle de la France de l'intelligence.
Post
Scriptum 
J'écrivais
le 25 juillet:
"A partir de cette date, et compte-tenu qu'on ne luttera
efficacement contre le naufrage de la langue française que
si le Président de la République et le Premier Ministre se
voient nommément mis en cause, je relèverai quelques-unes
de leurs fautes."
-
1 - M. Valls dit: nous sommes le 5 octobre. On dit:
c'est aujourd'hui le 5 octobre.
-
2 - M. Hollande ignore qu'on renvoie au printemps,
mais non à l'été ou à l'hiver.
Le
4 octobre 2014