Introduction
Quel prodige que
l'histoire veuille bien s'asseoir un instant au chevet de la
pensée : Clio a donné rendez-vous à la philosophie, les Etats
démocratiques à la dialectique, l'Europe au "Connais-toi"
et Socrate à la simianthropologie ! Depuis huit ans, je lutte
pour une renaissance cérébrale des classes dirigeantes du Vieux
Continent, depuis huit ans, je me heurte à une problématique
politique privée de recul anthropologique, depuis huit ans,
j'appelle la raison occidentale à ouvrir les yeux sur l'animal
scindé entre ses rêves et ses chaînes - et voici que l'histoire
redécouvre le réel, voici que tout le spectacle semble se mettre
au service du vrai personnage de la pièce, voici que la pompe
et les colifichets quittent la scène pour illustrer le drame
tout intérieur dont souffrent depuis des millénaires les descendants
d'un primate à fourrure, voici que le singe disloqué entre la
terre et ses songes débarque sur la planète, voici que, pour
la première fois, la civilisation de la servitude et de la honte
est appelée à se regarder dans le miroir de sa démence. Sans
doute existe-t-il des circonstances favorables à l'éclosion
des vrais miracles, ceux qui, depuis le fond des âges, ne descendent
jamais que dans les cerveaux. La bête aux yeux mi-clos va-t-elle
s'éveiller?
Singulière victoire
que celle qui passera par la défaite la plus cruelle du rêve
démocratique! N'était-ce pas au nom de la Liberté que l'Europe
s'était enchaînée, au nom de la Liberté qu'elle avait fait allégeance
à un maître étranger, au nom de la Liberté qu'elle se voulait
le serviteur de la gloire et de la grandeur d'un souverain d'au-delà
des Océans, au nom de la Liberté qu'elle s'habillait en majordome
et en porte-lance de César? Et voici que le roi de la terre
lui joue un bien mauvais tour : il feint de porter l'armure
du salut du monde qu'il avait mis sur le dos d'autrui, il arbore,
lui aussi, le heaume des preux chevaliers, il peint sa cuirasse
des couleurs des dévotions qu'il imposait à ses serviteurs,
il plonge son bouclier dans la sainteté de son sang.
Le Quichotte aurait-il
perdu la tête? Le héros de Cervantès se serait-il évadé des
romans de chevalerie de la démocratie? Le vaillant guerrier
de Dulcinée va-t-il s'agenouiller devant les humbles et les
déshérités? Dira-t-il à l'Europe : " Relève-toi, remonte en
selle, chevauche à nouveau la Rossinante du temps des nations,
tiens d'une main ferme les rênes de ton destin. Je vais t'aider
à reprendre tes esprits. Tu sors d'un long sommeil. Retrouve
le harnais qu'on appelle aussi un destin, saisis ta chance de
redevenir adulte." Mais, dans ce cas, la science européenne
de la dissection anthropologique apprendra-t-elle à autopsier
les idoles que les fous forgent sur l'enclume du Bien? Observera-t-elle
le petit autel intérieur qui sert de piédestal à l'idolâtre?
Non, M. Obama ne
demandera pas à l'Europe de réapprendre à voler de ses propres
ailes, non, M. Obama ne retirera pas gentiment de l'Irak ses
séraphins de la Démocratie, non, M. Obama n'expliquera pas au
monde que l'arme nucléaire est seulement de prestige et que
cette mythologie ne menace en rien la terre d'Israël, mais seulement
son hégémonie politique dans la région.
Oui, comme partout
sur la terre, M. Obama installera des bases américaines en Irak,
oui, M. Obama tentera de porter le glaive de l'empire jusqu'en
Ukraine et en Géorgie sous la sainte tunique de l'Otan, oui,
M. Obama défendra l'unité politique de la ville de Jérusalem,
oui, M. Obama réarmera son pays au profit de la sainte ambition
de l'Amérique de diriger le monde sous la cotte de mailles
d'un mythe de la délivrance sur lequel la croix des chrétiens
aura été épinglée.
Mais s'il n'avait
pas joué à l'ange Gabriel, s'il n'avait pas feint de croire
qu'un prophète proclamé empereur renoncerait à commander les
légions, s'il n'avait pas replongé le monde dans le délire universel
qui le scinde entre le cynisme et l'utopie, jamais le genre
humain n'aurait pris rendez-vous avec lui-même, jamais il n'aurait
osé dire à son miroir: "Te voici donc, Narcisse de tes songes,
bête rêveuse, animal spéculaire: l'heure est venue pour toi
d'apprendre à te connaître." Il fallait un faux prophète pour
dessiller les yeux de l'Europe, il fallait un Himalaya d'illusions
pour que leur écroulement fît entrer le cheval de Troie de la
raison dans la citadelle de la scolastique politique des démocraties.
Je raconterai d'abord
les nouveaux rendez-vous de Zeus avec les Européens, puis la
lancée d'une science politique suffisamment éveillée pour regarder
le simianthrope droit dans les yeux.
1
-Vers la dernière aventure de Zeus
2
- Le double naufrage de Zeus
3
- Les premiers pas de l'anthropologie politique
4
- Une erreur de perspective
5
- Les Etats sont des Eglises
6
- De la connaturalité des Etats et des Eglises
7
- Le singe sacerdotalisé
8
- L'avenir de la conscience politique mondiale
9
- La conscience et la science
10
- Qu'est-ce qu'une idole ?
11
- Le rétroviseur
12
- Psychophysiologie de l'angélisme politique
1 - Vers la
dernière aventure de Zeus

Le 15 novembre
2008, une conférence internationale de vingt Etats se tiendra
à New-York où ils ont été appelés à se rendre par le Président
sortant de l'Amérique du Nord. Il s'agira d'y débattre en toute
hâte de l'avenir de l'Olympe des modernes. Le règne de Zeus va-t-il
se trouver reconduit ou bien se laissera-t-il flanquer de quelques
hommes-liges ou même de quelques Prométhée ambitieux de lui voler
le feu du ciel ? En vérité, cette situation est tellement nouvelle
qu'il convient de placer les arcanes de l'Hélicon sous la lentille
d'un microscope électronique ; car le sceptre du roi des dieux
se trouve désormais à ce point contesté qu'on le voit contraint
de s'entretenir en public avec un rassemblement impertinent de
ses vassaux et de ses complices et de négocier avec leur cohorte
confuse de l'avenir de plus en plus incertain de ses fulminations.
Certes,
sa décision de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de perpétuer
son rôle de puissance invitante lui permet de se placer une fois
de plus au centre de la toile et de réaffirmer son hégémonie sur
la scène internationale; certes, une fois de plus, le maître met
l'Europe à l'épreuve de sa vassalité. Le Vieux Continent ne s'est-il
pas vu contraint de se rendre d'abord à Canossa et d'entériner
en tapinois, avec quelques murmures et grommellements, le congédiement
préalable de l'un de ses Etats, l'Espagne? Mais cette ultime victoire
de l'étiquette s'est révélée un signe de plus de l'agonie des
protocoles les plus solennels et les plus usuels de l'empire.
En vérité, c'est en vain que Zeus tente de cacher la fatalité
de son déclin sous une victoire des rites traditionnels de sa
puissance d'autrefois : ses invités se sont irrités de l'humiliation
des anciens conquérants du Nouveau Monde. Ils allaient démontrer
, disaient-ils, que le sceptre fatigué du faux saint de la démocratie
tenterait vainement de dicter son ordre du jour aux nouveaux conquistadors
de la Liberté. Déjà un tollé réfutait les efforts de l'Olympe
de rendre sans portée la rébellion des sous-dieux, déjà tous rejetaient
les plats que la subite frugalité de l'Olympe leur présentait.
Jamais, à les entendre, ils ne consentiraient à faire durer une
année entière un débat contrefait, jamais ils ne prolongeraient
des palabres dangereusement propices aux compromis boiteux. La
partie paraissait mal engagée pour le fils du vieil Ouranos ;
pour la première fois de son histoire, il se trouvait en danger
de perdre son Pactole, pour la première fois, il courait le risque
d'entraîner dans son naufrage le Crésus qu'il était devenu à lui-même.
Comment remplir à nouveau les coffres vides du trésorier du cosmos
qu'il incarnait depuis six décennies sur les cinq continents?
2
- Le double naufrage de Zeus 
Il faut
savoir que le consortium des mines d'or du globe terrestre ne
suffit plus à alimenter les finances oniriques de l'empire du
fils de Gaia. Longtemps, il a réussi à imposer à la Grèce entière
une fiction mémorable: les milliards de parchemins sur lesquels
il apposait son sceau et qu'il agrémentait de son effigie valaient
le poids de l'or du roi Midas qu'il y avait gravé de sa main.
Mais ce gigantesque subterfuge a tourné à la mascarade, parce
que la masse du métal jaune fictivement entassé dans les caissons
de tous les changeurs de l'astéroïde d'Homère ont si bien accumulé
Pélion sur Ossa que les Pythagore des finances de l'Olympe y perdent
le latin de leurs équations.
Maintenant,
les voltiges et les acrobaties des oboles dressent dans les nues
un empire de Titans de carton; maintenant les Centaures voient
s'effondrer les villes fictives qu'ils avaient bâties dans le
vide; maintenant les acheteurs de bonne foi des édifices garantis
de la main de Jupiter sont sommés par leurs créanciers de payer
rubis sur l'ongle et en monnaie sonnante et trébuchante l'or ensorcelé
que le roi des dieux n'avait fabriqué qu'en imagination ; maintenant,
les débiteurs sont chassés en haillons de leurs masures; maintenant
leurs fantômes hantent leurs demeures impayées, maintenant, ils
assistent, le cœur meurtri, à la vente à la criée du toit dont
ils ne pouvaient plus payer la location; maintenant leurs chaumières
délabrées ne trouvent plus de benêts en mesure de rembourses les
bâtisseurs ruinés à leur tour ; maintenant, les miséreux entraînent
leurs créanciers dans leur naufrage.
3
- Les premiers pas de l'anthropologie politique 
Quand Zeus
eut cessé de disposer de l'or céleste qui lui avait permis d'entretenir
ses troupes sur toute la terre habitée et de les armer jusqu'aux
dents, quel spectacle, du Japon à l'Afrique, de l'Allemagne au
Caucase , de l'Amérique du Sud au Kosovo, que celui de ses garnisons
privées de leur solde et de leurs cuisiniers! Alors les légionnaires
du roi des dieux ont commencé de crier famine sous toutes les
longitudes et les latitudes qu'on avait tirées au cordeau sur
la goutte de boue des futurs Copernic; alors les peuples et les
nations de l'Asie se sont conjurés afin de mettre l'Olympe au
pied du mur du ponant au couchant.
Malheureusement,
l'humanité de l'époque ne disposait pas encore d'une vraie science
des idoles, ce qui lui interdisait de jamais percer les derniers
secrets des nations et des Etats. Il faut savoir qu'en ces temps
reculés, l'encéphale du simianthrope était demeuré une énigme
indéchiffrable aux descendants les plus futés du chimpanzé. Aussi,
les premiers simianthropologues n'étaient-ils entendus et compris
d'aucun de leurs congénères; et ils avaient beau tenter d' expliquer
à leurs semblables les premiers principes d'une vraie science
de la conque osseuse des singes vocalisés, aucun savant n'était
en mesure d'entendre leurs psalmodies. Mais le bruit de tonnerre
de l'échec de la conférence mondiale des dieux qui s'est tenue
à la date susdite sur un Olympe embrumé a commencé d'ouvrir les
yeux des descendants d'un primate toisonné. Il est vrai que cette
malheureuse espèce se trouvait aveuglée par les miroirs truqués
que son langage imagé lui forgeait depuis quelques millénaires
et en lesquels elle croyait se comprendre à seulement se redupliquer
dans l'ubiquité aux yeux crevés de son effigie monstrueusement
reproduite en tous lieux.
4
- Une erreur de perspective 
L'erreur
de perspective qui régnait sur l'anthropologie embryonnaire de
l'époque résultait de ce que le symposium des dirigeants européens,
et surtout ceux de la France, croyaient encore que les Etats se
trouvaient conduits dans l'arène des nations par les chefs politiques
que les peuples élisent au suffrage universel, ce qui leur interdisait
de porter le regard sur les personnages réels qui dirigent le
monde et qui tirent les ficelles des acteurs qu'ils font docilement
monter sur la scène. Or, le 15 novembre 2008, le véritable Zeus
n'était nullement le pâle acteur alors campé pour deux mois encore
sur les planches - un certain G.W. Bush - mais une nation dont
l'Etat incarnait le bras armé sur le théâtre du monde; et c'était
ce personnage tout cérébral qui portait les vêtements tissés sur
un certain territoire de la mappemonde qu'on appelait l'Amérique.
Pourquoi la plupart des dirigeants du globe ignoraient-ils la
nature du personnage véritable qui se cachait sous la tenue d'un
Président des Etats-Unis ? Dans les coulisses du Nouveau Monde,
les prétendants à la succession de Zeus avaient piétiné
des mois durant. Les deux derniers en lice s'étaient montrés aussi
impatients l'un que l'autre de paraître en chair et en os sous
les feux de la rampe. Mais, faute de science de l'histoire véritable
du simianthrope, le monde entier s'imaginait que l'étoffe de l'un
des acteurs de ce duo se révèlerait plus moelleuse que celle de
son compère.
Or, tout
Etat présente aux yeux du monde des vêtures de diverses couleurs
; mais les mimes qui les arborent sont diversement grimés et n'agissent
jamais de leur propre chef, mais seulement sur les ordres du Zeus
qui les tient d'une main de fer. Comment l'Amérique, la Chine,
l'Inde, la Russie ou la France se constituaient-ils en rouages
et en ressorts du monde réel sous les défroques réputées les incarner?
Pour le comprendre, il faut observer le fonctionnement tant cérébral
que physique des personnages collectifs qu'on appelle des "corps
constitués", et d'abord l'âme et l'ossature des Zeus les plus
accomplis, qu'on appelle des Eglises. Quelle est la souveraine
de tout mythe institutionnalisé et hiérarchisé? Une divinité.
Comment cette actrice du cosmos exerce-t-elle son autorité, sinon
par le truchement de ses organes corporels? Comment les légions
de son corps sacerdotal sont-elles recrutées ? Comment placent-elles
leur général à mi-chemin entre la terre et le ciel? Comment rassemblent-elles
les bielles et les essieux de leur foi en un capitaine mythique
de l'univers, sinon à bien tenir en laisse l'armée de ses serviteurs
? Qui fait connaître à la terre les prérogatives du chef d'une
humanité égarée dans les nues? Qui métamorphose tout le monde
en servants d'un moteur onirique de l'histoire et de la politique
de la planète? En un mot, qu'en est-il des mains et des pieds
des idoles ? Pour l'apprendre, observez la puissance du lien qui
rattache les prosélytes d'un mythe entre eux et qui les soude
unanimement à leur chef.
5
- Les Etats sont des Eglises 
Vous remarquerez
en tout premier lieu que, depuis deux millénaires, le personnage
surréel et central qu'on appelle "Dieu" a été reconstruit de telle
sorte qu'il est capable de faire prononcer aux bataillons désormais
relativement dispersés et affaiblis, mais autrefois serrés de
ses augures certaines paroles qualifiées de sacramentelles ou
de sacerdotales. Alors, un grand prodige est censé se produire:
du pain et du vin se trouvent instantanément métamorphosés en
chair et en sang réputés réels - au sens physique - d'un Zeus
tombé corporellement et tout palpitant du haut du ciel sur tous
les autels dressés dans les villes et les villages du simianthrope.
Quel est le statut du tissu cellulaire d'un corps tenu pour vivant
et respirant aussi bien en tant que créateur du cosmos qu'en la
personne de son fils, lequel est censé se confondre entièrement
à son géniteur mythique ? Quel est le secret psychobiologique
de l' alliance des organes physiques du Dieu des singes avec l'
âme et l'esprit qui lui sont attribués? Puisque, depuis vingt
siècles, des milliards de fils d'un Adam spéculaire de naissance
s'identifient à un unificateur tout ensemble osseux et mental
de leur psychisme, croit-on que ce phénomène ne serait pas révélateur
de la nature des mondes imaginaires qu'habitent les simianthropes?
Pourquoi, de génération en génération, l'encéphale de cette espèce
est-il livré à un puissant ensorcellement? Car enfin, le vrai
souverain n'est pas l'idole dont les théologiens décrivent ensuite
avec complaisance les attributs et les capacités cérébrales, mais
le personnage onirique que la collectivité tout entière est devenue
à elle-même dans sa tête et qui, dès le berceau, l'a placée sous
l'égide d'un roi imaginaire du cosmos. Qui est-il, ce guide et
ce maître, sinon une humanité dont la boîte osseuse a sécrété
un démiurge dédoublé sur le modèle de celui de sa "créature"?
Il existe donc autant de types simiohumains que de cerveaux scindés
par le dieu schizoïde de l'endroit.
Or, le
fonctionnement de la boîte osseuse des Etats se révèle de même
facture que celui des Eglises. Le Président des Etats-Unis se
comporte en pape cérébral et moral de la nation. Il ne s'exprime
et n'agit qu'au nom du personnage mental et physique confondus
que l'Amérique est à elle-même. L'administration de l'empire,
avec ses cinq dizaines de millions d'agents, n'est autre que le
corps ecclésial de l'acteur qu'on appelle une nation. Comment
ces serviteurs d'un culte collectif par nature agiraient-ils en
leur nom propre? Ce sont des exécutants minutieux des ordres qu'ils
croient recevoir du personnage mythique, mais dûment intériorisé
qui tire les ficelles du monde selon un modèle sacerdotalisé depuis
les origines. Il en est ainsi des acteurs sacramentels qu'on appelle
la Chine, l'Inde ou la France en tant qu'Etats présidés par un
souverain pontife toujours seulement de passage sur cette terre.
Quelle erreur politique de prétendre que les personnages cérébraux
qu'on appelle des Eglises et des Etats se promèneraient également
en chair et en os, qu'ils se déplaceraient en tant que corps d'un
lieu à un autre, qu'ils changeraient de couleur, de vêtements,
de gestuelle et de théologie au gré des événements! Les Eglises
et les Etats sont les grands sorciers du monde simiohumain.
6
- De la connaturalité des Etats et des Eglises 
De même
que l'Eglise se met à l'école et à l'écoute des dogmes qui pilotent
son parcours parmi les peuples et les nations, les Etats vont
leur chemin sous le sceptre et la férule de leur identité collective
; et cette identité est celle des citoyens qui se reconnaissent
mentalement en ce personnage, à la manière dont l' Eglise des
initiés se reconnaît à la parole et à la vêture de sa foi. Les
Etats et les Eglises affichent tous deux leur catéchisme, les
Etats et les Eglises récitent d'un seul cœur leur bréviaire, les
Etats et les Eglises dévident ensemble leurs liturgies et leurs
prières, les Etats et les Eglises vénèrent en commun leurs icônes
et leurs saints. Simplement, la laïcité a séparé les locaux de
la croyance en Zeus de ceux qu'habite la République. C'est cela
que l'Europe de la raison n'avait pas compris le 15 novembre 2008
, tellement cette civilisation ne savait pas encore que, le 4
novembre, l'Amérique avait seulement modifié la tenue de son grand
prêtre et qu'elle allait servir les mêmes autels sous une chasuble
surmontée d'une tiare inchangée.
Mais cette
ignorance, détectée par un certain Socrate, cette ignorance s'ignorant
elle-même en tant qu'ignorance, cette ignorance fondatrice des
sciences de l'inconscient que le monde allait conduire loin de
leur lit naturel se nourrissait d'une méconnaissance plus profonde
encore de l'Europe de la raison et qui portait sur la nature même
de l'inconscient du politique . Car l'humanisme issu de la Renaissance
n'avait pas osé psychanalyser les symbioses magiques entre le
temporel et le sacré qui s'opèrent dans l'inconscient de la condition
proprement historique du simianthrope. Et pourtant, les sociétés
post simiennes sont scindées depuis des millénaires entre des
identités collectives subrepticement auto-sacralisées et constituées
en personnages mentaux souverains, donc soucieux de préserver
l'intégrité du surmoi cérébral qui les constitue en personnages
historiques pseudo-autonomes sur le théâtre du monde.
L'appareil
de la justice, par exemple, est à lui-même un personnage jaloux
de défendre les foudres du Zeus qu'il est lui-même, l'armée est
à ses propres yeux le héros de sa grandeur et de sa servitude
sur l'autel de la guerre, le Trésor est à lui-même son hostie
- et le dieu unique qui rassemble et dirige ces ego collectifs
auto sacerdotalisés de l'intérieur s'appelle l'Etat, ou la France,
ou la nation, ou le peuple, ou la démocratie, ou la République
- car toujours et en tous lieux, le simianthrope habite un royaume
où règnent des dieux rassemblés autour de leur Zeus. Poséidon,
Apollon, Athéna, s'appellent maintenant la Justice, la Liberté,
l'Etat de droit, la nation et combien d'autres paradis cérébraux
où les simianthropes goûtent les saveurs diverses des Eden collectifs
qu'ils sont devenus à eux-mêmes depuis qu'ils ont bâti des cités.
7
- Le singe sacerdotalisé 
Or, l'anthropologie
scientifique en gestation dans les entrailles de l'Europe du début
du IIIe millénaire s'attachait encore à rechercher chez les chimpanzés
les prémices de la perfection du simianthrope tenu pour achevé
qu'elle avait sous les yeux, alors qu'il aurait fallu observer
l'origine de la parcellisation et de la dispersion cérébrale de
cet animal entre des identités collectives multipliées. Et pourtant,
le chimpanzé se présente déjà à l'observateur sur le modèle de
la duplication psychogénétique qui lui est propre. Pourquoi salue-t-il
les membres de la horde dominante qu'il rencontre, pourquoi se
hiérarchise-t-il autour de son chef, pourquoi sait-il confusément
qu'il est devenu à lui-même un corps collectif, donc politique,
pourquoi se dote-t-il de rites qui symbolisent le regard qu'il
porte sur le personnage surréel qu'il croit incarner au cœur des
forêts, pourquoi ses allégeances, ses prudences et les signes
d'intelligence qu'il échange avec ses congénères témoignent-ils
de sa pré-connaissance de ce qu'il est une bête dont les pouvoirs
collectifs, donc mentaux, la séparent du monde? Quelle est l'origine
de ces dichotomies natives ? Le fait que le chimpanzé est un homme
embryonnaire, mais déjà préconstitué.
C'est cela,
que l'humanité du début du IIIe millénaire avait à peine commencé
de comprendre à l'heure où le Zeus du dollar paraissait chanceler,
mais où son identité onirique avait largement conquis et contaminé
non seulement une partie du monde arabe et une portion non négligeable
du cerveau des élites politiques de la Chine et de l'Inde, mais
également les trois-quarts de l'encéphale des dirigeants du Vieux
Continent. Mais si les Zeus locaux de l'Europe n'étaient pas encore
de taille à affronter le Jupiter du Nouveau Monde, les simianthropologues
font néanmoins remonter au 15 novembre 2008 l'heure du déclic
de l'intelligence nouvelle du simianthrope, celle qui, pour la
première fois de son histoire, allait armer cette espèce d'un
regard sur son animalité proprement cérébrale - donc le doter
d'une pré-connaissance de son dédoublement originel entre sa chair
et les masques de sa chair. Le 15 octobre 2008 a déclenché la
traque aux secrets du personnage sacerdotalisé que l'humanité
est à elle-même, la traque de la servitude cérébralisée qui guette
la bête piégée par l'image flatteuse et trompeuse que des maîtres
étrangers lui présentent dans le miroir de leurs nations et de
leurs dieux.
Oui, le
15 novembre 2008, le singe semi pensant a subi une mutation psychogénétique
qui lui a fait changer de planète. Certes, le joug du dollar s'est
perpétué longtemps encore, certes, la planète est demeurée sous
le joug du vainqueur de 1945, certes, le joug du second Moyen
Age de la pensée a perpétué ses scolastiques de la "Liberté" -
mais, dans les profondeurs, Prométhée avait volé le feu de Zeus.
8
- L'avenir de la conscience politique mondiale 
Comment
la tempête infantile qui a accompagné l'ascension rapide, puis
l'élection triomphale d'un Président des Etats-Unis juvénile,
mais considéré comme un homme de couleur par le corps électoral
des Etats-Unis - cette nation ne fait pas encore la distinction
entre les métis et les races pures, alors que la France la connaît
depuis Alexandre Dumas père - comment cette tempête des songes,
dis-je, fera-t-elle progresser une politologie d'avant-garde désormais
seule en mesure d'éclairer les coulisses du drame avorté dont
le premier acte se jouera le 15 novembre à New-York? Comment la
simianthropologie politique radiographie-t-elle d'ores et déjà
le double encéphale d'une Europe qui ne dispose pas encore de
méthodes d'analyse éprouvées des conséquences à long terme qu'exercera
sur la science politique mondiale de demain l'élection du 4 novembre
de M. Obama à la Présidence des Etats-Unis?
Il est
évident que le premier obstacle à l'émergence d'une vraie lucidité
de l'historien du XXIe siècle sera la conquête d'un regard de
simianthropologue sur le mythe politique actuellement prédominant,
à savoir une sotériologie et une eschatologie de type démocratique
dont l'Amérique véhicule le messianisme évangélisateur depuis
1945 ; et il est non moins évident que si M. McCain avait été
élu, les premiers pas d'une clarté d'esprit iconoclaste auraient
été considérablement retardés, parce qu'une fois de plus, la croyance
se serait innocemment consolidée selon laquelle ce Président âgé
et conservateur ne représenterait en rien la seule Amérique réelle,
celle qui se trouvait appelée , croyait-on, à incarner le mythe
salvifique de la liberté et du salut du monde sur les traces de
la révélation démocratique. Si, dès le premier siècle, le christianisme
ne s'était prudemment converti à une théologie de la délivrance
seulement posthume, on croirait encore que les Borgia, l'Inquisition,
les Croisades n'étaient que des retards occasionnels et malencontreux,
mais provisoires de l'avénement inévitable du royaume des
cieux sur la terre.
La chance,
pour l'Europe, c'est qu'avec M. Obama , il sera bien plus facilement
et plus rapidement démontré à l'opinion publique internationale
qu'une Amérique viscéralement fondée sur le mythe de la délivrance
de la planète par l'intercession de la démocratie messianisée
ne songera pas un seul instant à renoncer ni à l'hégémonie du
dollar, ni à l'occupation militaire des cinq continents par le
relais titanesque de plus de mille places-fortes, dont deux cent
cinquante trois en Allemagne et une centaine en Italie.
-
La
politique est-elle un emploi ou un appel? Helmut
Schmidt, Ausser Dienst, eine Bilanz (ed.Siedler, Stuttgart,
2008), 27 octobre 2008
Si Martin
Luther King avait été élu Président des Etats-Unis, il aurait
fait, jusqu'à son assassinat, le même usage du mythe démocratique
que Kennedy ou Reagan, tout simplement parce que l'histoire et
la politique sont pilotées par des identités collectives mythifiées
et que l'humanité s'exprime à titre psychobiologique par le relais
des médiateurs naturels de sa volonté et de sa puissance que sont
ses surmois nationaux auto sacralisés.
9
- La conscience et la science 
Un Président
démocrate rendra bien plus facile de fonder la simianthropologie
politique de demain sur une pesée publique du contenu du terme
de conscience, parce que l'artifice majeur se trouvera d'emblée
éliminé qui faisait imaginer que la "vraie démocratie"
demeurait momentanément dans l'expectative de son avènement .
Avec M. Obama, la démocratie est mise au pied du mur; elle se
trouve sommée de concrétiser les espérances parareligieuses de
type idéocratique dont le monde moderne se nourrit.
Mais, dans
conscience, il y a science et dans science,
il y a scire, verbe latin qui signifie savoir. J'ai
signalé dans mon avant-dernière analyse que l'ex-Chancelier Helmut
Schmidt place la réflexion kantienne sur la conscience au cœur
de sa réflexion sur l'éthique que la politique mondiale de demain
sera appelée à illustrer. Or, en allemand, la conscience,
das Gewissen, renvoie également au verbe savoir,
wissen. Quel est le type de savoir que les peuples
démocratiques devront conquérir pour apprendre l'histoire et la
politique réels? Nul autre que celui qui enseignera que les grandes
révolutions du "Connais-toi" ont toutes passé par
l'émergence d'un seul individu un peu plus pensant que ses congénères,
donc par la disqualification cérébrale de la horde primitive,
puis de la tribu, puis de toutes les société simiohumaines que
le monde a connues. Jamais la pensée proprement dite n'est apparue
sous une forme collective - depuis le paléolithique, elle est
toujours née d'une conscience isolée, donc du savoir d'un individu
en guerre contre tous, donc en grand danger au milieu de ses semblables.
Or, l'élection,
inattendue du monde entier, de M. Barack Obama a sonné l'heure
où la vassalisation cérébrale de l'Europe américanisée aura placé
sous les feux de la rampe l'évidence que la démocratie est un
mythe intellectuel. Du coup, la pensée solitaire est appelée
à radiographier ce songe collectif à une profondeur inconnue de
l'anthropologie pseudo rationnelle issue du siècle des Lumières,
parce qu'il est désormais démontré, et cela à l'école même de
l'histoire événementielle, que la sacralisation d'une "liberté"
démocratique mise à l'école des idéalités conquérantes dont s'arme
le langage simiohumain, cette sacralisation, dis-je, ne sera démythifiée
que si l'humanisme occidental se trouve contraint par l'histoire
à approfondir la notion d'idole, que toutes les théologies
des premiers âges ont tenté en vain de connaître. Car l'idole
(eidôlon) renvoie à "l'idée pure" de Platon et l'idée
épurée au sceptre redoutable des idéalités totémisées.
10
- Qu'est-ce qu'une idole ? 
La Présidence
charismatique, donc auto-sacrificielle, de M. Barack Obama présentera
des avantages, certes circonstanciels, mais considérables, pour
l'élaboration d'une politologie informée des relations totémiques
que les Etats modernes entretiennent avec l'idole pseudo délivreuse
qu'ils deviennent inconsciemment à eux-mêmes sous le sceptre de
leurs idéalités césariennes, parce que le messianisme idéologique
du parti démocrate américain facilitera l'accès à une généalogie
critique de la métamorphose qui change les peuples et les nations
en croisés du mythe "délivreur" qu'ils sont censés incarner. Car
les idoles sont guerrières. Depuis le fond des âges, elles sont
armées jusqu'aux dents par le sacré qui les rend prédatrices.
Quand M.
Barack Obama prétendra, comme tous les Présidents démocrates ou
républicains qui l'ont précédé, interdire à l'Europe de jamais
réapprendre à voler de ses propres ailes ; quand il fera valoir
au Vieux Monde que le glaive de l'OTAN qu'il tient charitablement
entre ses mains le protège de l'assaut d'ennemis aussi terribles
qu'invisibles; quand il entendra conserver et renforcer le plus
évangéliquement du monde ses garnisons de croisés du ciel de la
démocratie sur la terre, une fraction pensante du peuple américain
verra clair comme le jour, qu'il est devenu à lui-même l'idole
politique que son évangélisme idéocratique entraîne à la conquête
du globe par la force du glaive; et tout le monde verra plus clairement
par quels chemins inconscients l'apostolat moderne du Bien démocratique
fait de l'Amérique l'Alexandre de l'empire du salut des modernes.
Que se passera-t-il quand une élite cérébrale mondiale relativement
nombreuse aura compris que l'idole est toujours un piédestal intérieur
et qu'elle est connaturelle aux mentalités primitives dont le
patriote devient tout ensemble le domicile et le prêtre, alors
que sa vocation et sa mission le convertissent à se ruer contre
l'ennemi imaginaire que son idole a dressée dans son esprit?
Car l'idole
mondiale d'aujourd'hui n'est autre que la sotériologie démocratique
; et cette idole continuera de faire flotter son étendard entre
les mains d'un prêtre et d'un prophète non moins au service d'un
empire que ses prédécesseurs. Alors, la liberté mondialisée par
l'évangélisme démocratique se révèlera un totem politique. Quand
la fraction pensante du monde se verra sous les traits d'un faux
dieu de la Liberté et de la Justice - celui que les nations seront
devenues à elles-mêmes et auquel les Etats idéocratiques se seront
identifiés - la raison occidentale se nourrira d'un humanisme
mieux armé qu'autrefois pour descendre en spéléologue dans les
profondeurs du chimpanzé dichotomisé par les idoles que son encéphale
sécrète depuis des millénaires. Mais, du coup, la pensée "isaïaque",
qui ne s'enracine jamais que dans une conscience solitaire, ce
sera Daniel dans la fosse aux lions.
Mais ne
rêvons pas : l'état actuel de développement de notre encéphale
bipolaire ne nous permet encore de nous évader du règne animal
schizoïde que pour nous précipiter dans l'utopie. Quand une
première psychanalyse des idoles idéocratiques aura débarqué dans
la politologie, les démocraties bifides ne redeviendront pas pour
autant des berceaux de la pensée rationnelle de demain. Une raison
spectrographique et résurrectionnelle, une raison qui aurait percé
le secret des dieux dichotomiques d'hier et d'aujourd'hui n'est
pas pour demain. L'éthique internationale ne changera pas de sitôt
les paramètres du spéculaire bifide simiohumain. La vanité et
l'orgueil demeureront des vices étiquetés à la pauvre école des
catéchismes politiques ou religieux scissipares.
Mais les
historiens diront que le "Connais-toi" des visionnaires des idoles
du chimpanzé vocalisé aura été baptisé sur les fonts baptismaux
de la chute de l'empire américain, parce que le spectacle d'une
planète tombée dans un roman de chevalerie du mythe de la Liberté
aura illustré les secrets sanglants de l'idole qu'on appelait
encore, ici ou là, la Démocratie et qu'avait sécrétée l'encéphale
divisé d'une espèce déchirée de naissance entre don Quichotte
et Sancho Pança. Quand les sciences humaines post-darwiniennes
auront armé la simianthropologie de ses méthodes et de sa problématique,
une espèce devenue capable d'observer de l'extérieur ses idoles
scindées entre "les mots et les choses" changera
peut-être de politique, donc d'histoire.
11
- Le rétroviseur 
Le premier
signe du réveil cérébral d'une Europe en mesure de se retourner
sur son passé et de se regarder dans son rétroviseur sera la stupéfaction,
l'ébahissement et l'effroi qu'éprouvera cette civilisation de
ce que le continent des Galilée et des Darwin, des Copernic et
des Freud, des Newton et des Pasteur aura pu si soudainement tomber
dans la terreur de l'an mil; car il aura suffi qu'un building
s'effondre à New-York d'une manière aussi suspecte et mal élucidée
que l'assassinet de J.F. Kennedy il y a quarante ans, pour que
le continent de la raison crût à l'invasion de la planète par
les armées du Démon, qu'on appelait maintenant le Terrorisme.
Mais quel ahurissement et quelle incrédulité que ceux de la raison
de l'Occident devant la chute des cerveaux des chefs d'Etat et
des ministres eux-mêmes dans la croyance en une pestifération
et une malédiction subite et invincible dont le globe terrestre
aurait été frappé! L'encéphale d'une civilisation née du bon sens
politique des Romains était-il donc si fragile que les esprits
les plus normaux d'apparence trouvaient nécessaire de radiographier
le lait des nourrissons en transit dans les aérodromes afin d'y
détecter des traces du nouveau Lucifer?
Dans un
premier temps, l'Europe courra au plus pressé ; et elle réapprendra
à raison garder, à réhabiliter le sens commun, à retrouver la
tête bien faite des Montaigne et des Descartes. Mais ensuite,
l'âge nouveau de l'anthropologie scientifique imposera sa problématique.
Car enfin, comment se faisait-il qu'au Moyen-Age, les têtes les
plus solides croyaient à l'existence des sorcières, au mauvais
œil, aux jeteurs de sort ? Et voici qu'un M. de Villepin, une
Mme Alliot-Marie et combien de crânes formés à l'école de la République
tombaient dans la démence et le délire avec autant d'assurance
et de conviction de posséder la vérité que les théologiens du
Moyen-Age! Le cerveau du simianthrope n'avait-il donc pas progressé
d'un pouce depuis les alchimistes? Une Europe en mesure de radiographier
son passé et titubante de stupeur au spectacle des malheurs qui
avaient dévasté ses neurones, une Europe réveillée en sursaut
et encore tout hébétée de sa rechute de soixante années dans les
ténèbres des premiers âges réapprendra à marcher sur la terre
ferme.
12
- Psychophysiologie de l'angélisme politique 
Jamais
encore un empire de la foi ne s'était revêtu de la chasuble de
la sainteté démocratique pour se lancer à la conquête de la planète
les armes à la main. Quand la Russie annonce qu'elle répondra
par l'installation de missiles Iskander à l'expansion, aux frontières
de son territoire, d'un Alexandre de la Liberté, quand cette nation
fait valoir que, non contentes de disposer du port de Naples et
de régner sur la Méditerranée depuis six décennies, les forces
navales du Nouveau Monde prétendent ouvrir la Mer Noire tout entière
à la puissance maritime de l'empire américain, l'immense majorité
du peuple d'outre-Atlantique apprend avec une tristesse consternée
et non feinte que son apostolat, si désintéressé qu'il soit, demeure
inexplicablement incompris des hérétiques.
C'est que
le simianthrope est un animal auto-sacralisateur: il consacre
le monde à consolider le sacré qu'il est à
lui-même, il déguise sans relâche en une idole
qu'il élève dans les nues le sacré dont il
fait l'objet sur ses autels et qui lui permet de détourner
les yeux de l'animal qu'il est demeuré. Sans une psychanalyse
transfreudienne du sacré, pas de regard de Clio sur Clio.
Certes,
le débarquement du glaive de la Liberté et de la Justice sur la
terre n'est pas une invention nouvelle des empires de la Vérité.
Mais la mutation cérébrale que l'anthropologie critique a vocation
d'interpréter à la lumière de l'évolution de la boîte osseuse
de notre espèce n'est autre que le débarquement d'une mythologie
politique capable de rendre les armes de guerre invisibles au
monde entier masqué sous son sacre. Les croisés d'autrefois
ne se cachaient pas encore à eux-mêmes qu'ils tiraient du fourreau
une épée bien réelle, alors que, pour la première fois dans l'histoire
du cerveau simiohumain, des canons réputés démocratiques se changent
en anneaux de Gygès. L'Amérique n'est pas censée installer des
fusées en Pologne et en Tchéquie, mais seulement les prie-dieu
de la Démocratie. Comment se fait-il que les foudres de la piété
moderne fassent un bruit de tonnerre sur le chemin de croix de
l'humanité?
Assurément,
une proportion non négligeable de la classe dirigeante américaine
demeure pleinement consciente de la nouveauté d'une stratégie
théologale du doigt sur la gâchette capable d'armer d'ex-votos
des légions innombrables de Tartuffes du salut. Mais l'anthropologie
du sacré n'a pas les mêmes chats à fouetter que les moralistes,
qui s'indignent seulement de ce qu'une puissance dite civilisée
fasse de sa politique un baromètre mondial de l'ignorance et de
la naïveté des masses. Il appartient aux éducateurs et aux pédagogues
de lutter contre la sottise en aveugles de bonne volonté, il appartient
à l'anthropologie critique de combattre la cécité des apôtres
d'une délivrance vertueusement falsifiée, ce qui exige l'observation
en laboratoire des neurones du Tartuffe dont les armes de fer
et d'acier s'évanouissent dans le ciel de l'idole "Liberté".
Pour scanner
l'encéphale d'une Démocratie ensorcelée par sa vocation pseudo
pastorale, il faut expliquer l'apparition des nations pieusement
convaincues par leurs catéchètes de ce que les boucliers anti-missiles
installés en Pologne et en Tchéquie sont des hosties du simies
loquax. Car enfin, quand les mécréants demeurent les yeux obstinément
fixés sur l'histoire réelle, quand ces hérétiques font remarquer
aux foules égarées par leurs devins que les armes de la Liberté
sortent des forges de Vulcain, qu'elles sont frappées sur les
enclumes de la guerre et pointées contre un ennemi imaginaire,
il leur est répondu avec condescendance qu'ils sont demeurés des
hommes en chair et en os et que la Démocratie porte les yeux au-delà
de leur poussière. Le transport du simianthrope dans le sacré
est à ce prix.
Les simianthropologues
observent que la croisade de la démocratie mondiale ne répond
plus au modèle onirique que les religions du salut avaient illustré
depuis deux millénaires: il s'agit maintenant d'une épopée des
images pieuses que la sainteté populaire propage dévotieusement
sur les cinq continents, il s'agit maintenant d'une guerre d'anges
peints sur les fresques des idéalités, il s'agit maintenant des
missels et des bréviaires de la Liberté. Ce type d'esprit guerrier
du simianthrope est entièrement nouveau dans l'histoire de l'évolution
psychobiologique de l'encéphale de l'espèce inconsciente de ses
véritables ressorts cérébraux. Il s'agit de démontrer que cette
nosologie parareligieuse livre le monde à une fantasmagorie politique
dont l'origine demeure cachée dans l'inconscient du sacré.
Comment
se fait-il qu'une civilisation fière des exploits de sa raison
depuis sa lente sortie du Moyen-Age assiste sans sourciller à
l'épidémie qui frappe les boîtes osseuses d'un délire inconnu
des ancêtres, comment se fait-il que des Etats laïcisés depuis
deux siècles découvrent qu'en vérité, ils ne connaissaient en
rien l'histoire et la politique réelles de l'humanité ? La révolution
qu'attend un deuxième siècle des Lumières sera celle de la découverte
des engrenages et des rouages d'un animal séraphique de naissance.
"Larvatus prodeo" - Je m'avance masqué disait Descartes.
Avec M. Obama, l'étude de l'animal viscéralement masqué dans l'Eden,
l'étude de l'animal que sa psychophysiologie livre à la guerre
des songes depuis le paléolithique, l'étude de l'animal qui "fait
la bête" à "faire l'ange" se placera au premier rang
de l'anthropologie et de la politologie de demain.
De toutes
façons, une Europe humiliée par le naufrage d'un demi siècle de
son encéphale ne peut que périr ou donner un ampérage de cent
mille volts à ses retrouvailles avec le "Connais-toi" socratique
; et si cet électrochoc devait tétaniser une civilisation et la
laisser un instant dans un état cataleptique , croit-on que les
résurrections s'achètent à bas prix ?
10
novembre 2008