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Les rêves et les chaînes
M. Obama ou la fin de l'illusion

 

Introduction

Quel prodige que l'histoire veuille bien s'asseoir un instant au chevet de la pensée : Clio a donné rendez-vous à la philosophie, les Etats démocratiques à la dialectique, l'Europe au "Connais-toi" et Socrate à la simianthropologie ! Depuis huit ans, je lutte pour une renaissance cérébrale des classes dirigeantes du Vieux Continent, depuis huit ans, je me heurte à une problématique politique privée de recul anthropologique, depuis huit ans, j'appelle la raison occidentale à ouvrir les yeux sur l'animal scindé entre ses rêves et ses chaînes - et voici que l'histoire redécouvre le réel, voici que tout le spectacle semble se mettre au service du vrai personnage de la pièce, voici que la pompe et les colifichets quittent la scène pour illustrer le drame tout intérieur dont souffrent depuis des millénaires les descendants d'un primate à fourrure, voici que le singe disloqué entre la terre et ses songes débarque sur la planète, voici que, pour la première fois, la civilisation de la servitude et de la honte est appelée à se regarder dans le miroir de sa démence. Sans doute existe-t-il des circonstances favorables à l'éclosion des vrais miracles, ceux qui, depuis le fond des âges, ne descendent jamais que dans les cerveaux. La bête aux yeux mi-clos va-t-elle s'éveiller?

Singulière victoire que celle qui passera par la défaite la plus cruelle du rêve démocratique! N'était-ce pas au nom de la Liberté que l'Europe s'était enchaînée, au nom de la Liberté qu'elle avait fait allégeance à un maître étranger, au nom de la Liberté qu'elle se voulait le serviteur de la gloire et de la grandeur d'un souverain d'au-delà des Océans, au nom de la Liberté qu'elle s'habillait en majordome et en porte-lance de César? Et voici que le roi de la terre lui joue un bien mauvais tour : il feint de porter l'armure du salut du monde qu'il avait mis sur le dos d'autrui, il arbore, lui aussi, le heaume des preux chevaliers, il peint sa cuirasse des couleurs des dévotions qu'il imposait à ses serviteurs, il plonge son bouclier dans la sainteté de son sang.

Le Quichotte aurait-il perdu la tête? Le héros de Cervantès se serait-il évadé des romans de chevalerie de la démocratie? Le vaillant guerrier de Dulcinée va-t-il s'agenouiller devant les humbles et les déshérités? Dira-t-il à l'Europe : " Relève-toi, remonte en selle, chevauche à nouveau la Rossinante du temps des nations, tiens d'une main ferme les rênes de ton destin. Je vais t'aider à reprendre tes esprits. Tu sors d'un long sommeil. Retrouve le harnais qu'on appelle aussi un destin, saisis ta chance de redevenir adulte." Mais, dans ce cas, la science européenne de la dissection anthropologique apprendra-t-elle à autopsier les idoles que les fous forgent sur l'enclume du Bien? Observera-t-elle le petit autel intérieur qui sert de piédestal à l'idolâtre?

Non, M. Obama ne demandera pas à l'Europe de réapprendre à voler de ses propres ailes, non, M. Obama ne retirera pas gentiment de l'Irak ses séraphins de la Démocratie, non, M. Obama n'expliquera pas au monde que l'arme nucléaire est seulement de prestige et que cette mythologie ne menace en rien la terre d'Israël, mais seulement son hégémonie politique dans la région.

Oui, comme partout sur la terre, M. Obama installera des bases américaines en Irak, oui, M. Obama tentera de porter le glaive de l'empire jusqu'en Ukraine et en Géorgie sous la sainte tunique de l'Otan, oui, M. Obama défendra l'unité politique de la ville de Jérusalem, oui, M. Obama réarmera son pays au profit de la sainte ambition de l'Amérique de diriger le monde sous la cotte de mailles d'un mythe de la délivrance sur lequel la croix des chrétiens aura été épinglée.

Mais s'il n'avait pas joué à l'ange Gabriel, s'il n'avait pas feint de croire qu'un prophète proclamé empereur renoncerait à commander les légions, s'il n'avait pas replongé le monde dans le délire universel qui le scinde entre le cynisme et l'utopie, jamais le genre humain n'aurait pris rendez-vous avec lui-même, jamais il n'aurait osé dire à son miroir: "Te voici donc, Narcisse de tes songes, bête rêveuse, animal spéculaire: l'heure est venue pour toi d'apprendre à te connaître." Il fallait un faux prophète pour dessiller les yeux de l'Europe, il fallait un Himalaya d'illusions pour que leur écroulement fît entrer le cheval de Troie de la raison dans la citadelle de la scolastique politique des démocraties.

Je raconterai d'abord les nouveaux rendez-vous de Zeus avec les Européens, puis la lancée d'une science politique suffisamment éveillée pour regarder le simianthrope droit dans les yeux.

1 -Vers la dernière aventure de Zeus
2 - Le double naufrage de Zeus
3 - Les premiers pas de l'anthropologie politique
4 - Une erreur de perspective
5 - Les Etats sont des Eglises
6 - De la connaturalité des Etats et des Eglises
7 - Le singe sacerdotalisé
8 - L'avenir de la conscience politique mondiale
9 - La conscience et la science
10 - Qu'est-ce qu'une idole ?
11 - Le rétroviseur
12 - Psychophysiologie de l'angélisme politique

1 - Vers la dernière aventure de Zeus

Le 15 novembre 2008, une conférence internationale de vingt Etats se tiendra à New-York où ils ont été appelés à se rendre par le Président sortant de l'Amérique du Nord. Il s'agira d'y débattre en toute hâte de l'avenir de l'Olympe des modernes. Le règne de Zeus va-t-il se trouver reconduit ou bien se laissera-t-il flanquer de quelques hommes-liges ou même de quelques Prométhée ambitieux de lui voler le feu du ciel ? En vérité, cette situation est tellement nouvelle qu'il convient de placer les arcanes de l'Hélicon sous la lentille d'un microscope électronique ; car le sceptre du roi des dieux se trouve désormais à ce point contesté qu'on le voit contraint de s'entretenir en public avec un rassemblement impertinent de ses vassaux et de ses complices et de négocier avec leur cohorte confuse de l'avenir de plus en plus incertain de ses fulminations.

Certes, sa décision de faire contre mauvaise fortune bon cœur et de perpétuer son rôle de puissance invitante lui permet de se placer une fois de plus au centre de la toile et de réaffirmer son hégémonie sur la scène internationale; certes, une fois de plus, le maître met l'Europe à l'épreuve de sa vassalité. Le Vieux Continent ne s'est-il pas vu contraint de se rendre d'abord à Canossa et d'entériner en tapinois, avec quelques murmures et grommellements, le congédiement préalable de l'un de ses Etats, l'Espagne? Mais cette ultime victoire de l'étiquette s'est révélée un signe de plus de l'agonie des protocoles les plus solennels et les plus usuels de l'empire. En vérité, c'est en vain que Zeus tente de cacher la fatalité de son déclin sous une victoire des rites traditionnels de sa puissance d'autrefois : ses invités se sont irrités de l'humiliation des anciens conquérants du Nouveau Monde. Ils allaient démontrer , disaient-ils, que le sceptre fatigué du faux saint de la démocratie tenterait vainement de dicter son ordre du jour aux nouveaux conquistadors de la Liberté. Déjà un tollé réfutait les efforts de l'Olympe de rendre sans portée la rébellion des sous-dieux, déjà tous rejetaient les plats que la subite frugalité de l'Olympe leur présentait. Jamais, à les entendre, ils ne consentiraient à faire durer une année entière un débat contrefait, jamais ils ne prolongeraient des palabres dangereusement propices aux compromis boiteux. La partie paraissait mal engagée pour le fils du vieil Ouranos ; pour la première fois de son histoire, il se trouvait en danger de perdre son Pactole, pour la première fois, il courait le risque d'entraîner dans son naufrage le Crésus qu'il était devenu à lui-même. Comment remplir à nouveau les coffres vides du trésorier du cosmos qu'il incarnait depuis six décennies sur les cinq continents?

2 - Le double naufrage de Zeus

Il faut savoir que le consortium des mines d'or du globe terrestre ne suffit plus à alimenter les finances oniriques de l'empire du fils de Gaia. Longtemps, il a réussi à imposer à la Grèce entière une fiction mémorable: les milliards de parchemins sur lesquels il apposait son sceau et qu'il agrémentait de son effigie valaient le poids de l'or du roi Midas qu'il y avait gravé de sa main. Mais ce gigantesque subterfuge a tourné à la mascarade, parce que la masse du métal jaune fictivement entassé dans les caissons de tous les changeurs de l'astéroïde d'Homère ont si bien accumulé Pélion sur Ossa que les Pythagore des finances de l'Olympe y perdent le latin de leurs équations.

Maintenant, les voltiges et les acrobaties des oboles dressent dans les nues un empire de Titans de carton; maintenant les Centaures voient s'effondrer les villes fictives qu'ils avaient bâties dans le vide; maintenant les acheteurs de bonne foi des édifices garantis de la main de Jupiter sont sommés par leurs créanciers de payer rubis sur l'ongle et en monnaie sonnante et trébuchante l'or ensorcelé que le roi des dieux n'avait fabriqué qu'en imagination ; maintenant, les débiteurs sont chassés en haillons de leurs masures; maintenant leurs fantômes hantent leurs demeures impayées, maintenant, ils assistent, le cœur meurtri, à la vente à la criée du toit dont ils ne pouvaient plus payer la location; maintenant leurs chaumières délabrées ne trouvent plus de benêts en mesure de rembourses les bâtisseurs ruinés à leur tour ; maintenant, les miséreux entraînent leurs créanciers dans leur naufrage.

3 - Les premiers pas de l'anthropologie politique

Quand Zeus eut cessé de disposer de l'or céleste qui lui avait permis d'entretenir ses troupes sur toute la terre habitée et de les armer jusqu'aux dents, quel spectacle, du Japon à l'Afrique, de l'Allemagne au Caucase , de l'Amérique du Sud au Kosovo, que celui de ses garnisons privées de leur solde et de leurs cuisiniers! Alors les légionnaires du roi des dieux ont commencé de crier famine sous toutes les longitudes et les latitudes qu'on avait tirées au cordeau sur la goutte de boue des futurs Copernic; alors les peuples et les nations de l'Asie se sont conjurés afin de mettre l'Olympe au pied du mur du ponant au couchant.

Malheureusement, l'humanité de l'époque ne disposait pas encore d'une vraie science des idoles, ce qui lui interdisait de jamais percer les derniers secrets des nations et des Etats. Il faut savoir qu'en ces temps reculés, l'encéphale du simianthrope était demeuré une énigme indéchiffrable aux descendants les plus futés du chimpanzé. Aussi, les premiers simianthropologues n'étaient-ils entendus et compris d'aucun de leurs congénères; et ils avaient beau tenter d' expliquer à leurs semblables les premiers principes d'une vraie science de la conque osseuse des singes vocalisés, aucun savant n'était en mesure d'entendre leurs psalmodies. Mais le bruit de tonnerre de l'échec de la conférence mondiale des dieux qui s'est tenue à la date susdite sur un Olympe embrumé a commencé d'ouvrir les yeux des descendants d'un primate toisonné. Il est vrai que cette malheureuse espèce se trouvait aveuglée par les miroirs truqués que son langage imagé lui forgeait depuis quelques millénaires et en lesquels elle croyait se comprendre à seulement se redupliquer dans l'ubiquité aux yeux crevés de son effigie monstrueusement reproduite en tous lieux.

4 - Une erreur de perspective

L'erreur de perspective qui régnait sur l'anthropologie embryonnaire de l'époque résultait de ce que le symposium des dirigeants européens, et surtout ceux de la France, croyaient encore que les Etats se trouvaient conduits dans l'arène des nations par les chefs politiques que les peuples élisent au suffrage universel, ce qui leur interdisait de porter le regard sur les personnages réels qui dirigent le monde et qui tirent les ficelles des acteurs qu'ils font docilement monter sur la scène. Or, le 15 novembre 2008, le véritable Zeus n'était nullement le pâle acteur alors campé pour deux mois encore sur les planches - un certain G.W. Bush - mais une nation dont l'Etat incarnait le bras armé sur le théâtre du monde; et c'était ce personnage tout cérébral qui portait les vêtements tissés sur un certain territoire de la mappemonde qu'on appelait l'Amérique. Pourquoi la plupart des dirigeants du globe ignoraient-ils la nature du personnage véritable qui se cachait sous la tenue d'un Président des Etats-Unis ? Dans les coulisses du Nouveau Monde, les prétendants à la succession de Zeus avaient piétiné des mois durant. Les deux derniers en lice s'étaient montrés aussi impatients l'un que l'autre de paraître en chair et en os sous les feux de la rampe. Mais, faute de science de l'histoire véritable du simianthrope, le monde entier s'imaginait que l'étoffe de l'un des acteurs de ce duo se révèlerait plus moelleuse que celle de son compère.

Or, tout Etat présente aux yeux du monde des vêtures de diverses couleurs ; mais les mimes qui les arborent sont diversement grimés et n'agissent jamais de leur propre chef, mais seulement sur les ordres du Zeus qui les tient d'une main de fer. Comment l'Amérique, la Chine, l'Inde, la Russie ou la France se constituaient-ils en rouages et en ressorts du monde réel sous les défroques réputées les incarner? Pour le comprendre, il faut observer le fonctionnement tant cérébral que physique des personnages collectifs qu'on appelle des "corps constitués", et d'abord l'âme et l'ossature des Zeus les plus accomplis, qu'on appelle des Eglises. Quelle est la souveraine de tout mythe institutionnalisé et hiérarchisé? Une divinité. Comment cette actrice du cosmos exerce-t-elle son autorité, sinon par le truchement de ses organes corporels? Comment les légions de son corps sacerdotal sont-elles recrutées ? Comment placent-elles leur général à mi-chemin entre la terre et le ciel? Comment rassemblent-elles les bielles et les essieux de leur foi en un capitaine mythique de l'univers, sinon à bien tenir en laisse l'armée de ses serviteurs ? Qui fait connaître à la terre les prérogatives du chef d'une humanité égarée dans les nues? Qui métamorphose tout le monde en servants d'un moteur onirique de l'histoire et de la politique de la planète? En un mot, qu'en est-il des mains et des pieds des idoles ? Pour l'apprendre, observez la puissance du lien qui rattache les prosélytes d'un mythe entre eux et qui les soude unanimement à leur chef.

5 - Les Etats sont des Eglises

Vous remarquerez en tout premier lieu que, depuis deux millénaires, le personnage surréel et central qu'on appelle "Dieu" a été reconstruit de telle sorte qu'il est capable de faire prononcer aux bataillons désormais relativement dispersés et affaiblis, mais autrefois serrés de ses augures certaines paroles qualifiées de sacramentelles ou de sacerdotales. Alors, un grand prodige est censé se produire: du pain et du vin se trouvent instantanément métamorphosés en chair et en sang réputés réels - au sens physique - d'un Zeus tombé corporellement et tout palpitant du haut du ciel sur tous les autels dressés dans les villes et les villages du simianthrope. Quel est le statut du tissu cellulaire d'un corps tenu pour vivant et respirant aussi bien en tant que créateur du cosmos qu'en la personne de son fils, lequel est censé se confondre entièrement à son géniteur mythique ? Quel est le secret psychobiologique de l' alliance des organes physiques du Dieu des singes avec l' âme et l'esprit qui lui sont attribués? Puisque, depuis vingt siècles, des milliards de fils d'un Adam spéculaire de naissance s'identifient à un unificateur tout ensemble osseux et mental de leur psychisme, croit-on que ce phénomène ne serait pas révélateur de la nature des mondes imaginaires qu'habitent les simianthropes? Pourquoi, de génération en génération, l'encéphale de cette espèce est-il livré à un puissant ensorcellement? Car enfin, le vrai souverain n'est pas l'idole dont les théologiens décrivent ensuite avec complaisance les attributs et les capacités cérébrales, mais le personnage onirique que la collectivité tout entière est devenue à elle-même dans sa tête et qui, dès le berceau, l'a placée sous l'égide d'un roi imaginaire du cosmos. Qui est-il, ce guide et ce maître, sinon une humanité dont la boîte osseuse a sécrété un démiurge dédoublé sur le modèle de celui de sa "créature"? Il existe donc autant de types simiohumains que de cerveaux scindés par le dieu schizoïde de l'endroit.

Or, le fonctionnement de la boîte osseuse des Etats se révèle de même facture que celui des Eglises. Le Président des Etats-Unis se comporte en pape cérébral et moral de la nation. Il ne s'exprime et n'agit qu'au nom du personnage mental et physique confondus que l'Amérique est à elle-même. L'administration de l'empire, avec ses cinq dizaines de millions d'agents, n'est autre que le corps ecclésial de l'acteur qu'on appelle une nation. Comment ces serviteurs d'un culte collectif par nature agiraient-ils en leur nom propre? Ce sont des exécutants minutieux des ordres qu'ils croient recevoir du personnage mythique, mais dûment intériorisé qui tire les ficelles du monde selon un modèle sacerdotalisé depuis les origines. Il en est ainsi des acteurs sacramentels qu'on appelle la Chine, l'Inde ou la France en tant qu'Etats présidés par un souverain pontife toujours seulement de passage sur cette terre. Quelle erreur politique de prétendre que les personnages cérébraux qu'on appelle des Eglises et des Etats se promèneraient également en chair et en os, qu'ils se déplaceraient en tant que corps d'un lieu à un autre, qu'ils changeraient de couleur, de vêtements, de gestuelle et de théologie au gré des événements! Les Eglises et les Etats sont les grands sorciers du monde simiohumain.

6 - De la connaturalité des Etats et des Eglises

De même que l'Eglise se met à l'école et à l'écoute des dogmes qui pilotent son parcours parmi les peuples et les nations, les Etats vont leur chemin sous le sceptre et la férule de leur identité collective ; et cette identité est celle des citoyens qui se reconnaissent mentalement en ce personnage, à la manière dont l' Eglise des initiés se reconnaît à la parole et à la vêture de sa foi. Les Etats et les Eglises affichent tous deux leur catéchisme, les Etats et les Eglises récitent d'un seul cœur leur bréviaire, les Etats et les Eglises dévident ensemble leurs liturgies et leurs prières, les Etats et les Eglises vénèrent en commun leurs icônes et leurs saints. Simplement, la laïcité a séparé les locaux de la croyance en Zeus de ceux qu'habite la République. C'est cela que l'Europe de la raison n'avait pas compris le 15 novembre 2008 , tellement cette civilisation ne savait pas encore que, le 4 novembre, l'Amérique avait seulement modifié la tenue de son grand prêtre et qu'elle allait servir les mêmes autels sous une chasuble surmontée d'une tiare inchangée.

Mais cette ignorance, détectée par un certain Socrate, cette ignorance s'ignorant elle-même en tant qu'ignorance, cette ignorance fondatrice des sciences de l'inconscient que le monde allait conduire loin de leur lit naturel se nourrissait d'une méconnaissance plus profonde encore de l'Europe de la raison et qui portait sur la nature même de l'inconscient du politique . Car l'humanisme issu de la Renaissance n'avait pas osé psychanalyser les symbioses magiques entre le temporel et le sacré qui s'opèrent dans l'inconscient de la condition proprement historique du simianthrope. Et pourtant, les sociétés post simiennes sont scindées depuis des millénaires entre des identités collectives subrepticement auto-sacralisées et constituées en personnages mentaux souverains, donc soucieux de préserver l'intégrité du surmoi cérébral qui les constitue en personnages historiques pseudo-autonomes sur le théâtre du monde.

L'appareil de la justice, par exemple, est à lui-même un personnage jaloux de défendre les foudres du Zeus qu'il est lui-même, l'armée est à ses propres yeux le héros de sa grandeur et de sa servitude sur l'autel de la guerre, le Trésor est à lui-même son hostie - et le dieu unique qui rassemble et dirige ces ego collectifs auto sacerdotalisés de l'intérieur s'appelle l'Etat, ou la France, ou la nation, ou le peuple, ou la démocratie, ou la République - car toujours et en tous lieux, le simianthrope habite un royaume où règnent des dieux rassemblés autour de leur Zeus. Poséidon, Apollon, Athéna, s'appellent maintenant la Justice, la Liberté, l'Etat de droit, la nation et combien d'autres paradis cérébraux où les simianthropes goûtent les saveurs diverses des Eden collectifs qu'ils sont devenus à eux-mêmes depuis qu'ils ont bâti des cités.

7 - Le singe sacerdotalisé

Or, l'anthropologie scientifique en gestation dans les entrailles de l'Europe du début du IIIe millénaire s'attachait encore à rechercher chez les chimpanzés les prémices de la perfection du simianthrope tenu pour achevé qu'elle avait sous les yeux, alors qu'il aurait fallu observer l'origine de la parcellisation et de la dispersion cérébrale de cet animal entre des identités collectives multipliées. Et pourtant, le chimpanzé se présente déjà à l'observateur sur le modèle de la duplication psychogénétique qui lui est propre. Pourquoi salue-t-il les membres de la horde dominante qu'il rencontre, pourquoi se hiérarchise-t-il autour de son chef, pourquoi sait-il confusément qu'il est devenu à lui-même un corps collectif, donc politique, pourquoi se dote-t-il de rites qui symbolisent le regard qu'il porte sur le personnage surréel qu'il croit incarner au cœur des forêts, pourquoi ses allégeances, ses prudences et les signes d'intelligence qu'il échange avec ses congénères témoignent-ils de sa pré-connaissance de ce qu'il est une bête dont les pouvoirs collectifs, donc mentaux, la séparent du monde? Quelle est l'origine de ces dichotomies natives ? Le fait que le chimpanzé est un homme embryonnaire, mais déjà préconstitué.

C'est cela, que l'humanité du début du IIIe millénaire avait à peine commencé de comprendre à l'heure où le Zeus du dollar paraissait chanceler, mais où son identité onirique avait largement conquis et contaminé non seulement une partie du monde arabe et une portion non négligeable du cerveau des élites politiques de la Chine et de l'Inde, mais également les trois-quarts de l'encéphale des dirigeants du Vieux Continent. Mais si les Zeus locaux de l'Europe n'étaient pas encore de taille à affronter le Jupiter du Nouveau Monde, les simianthropologues font néanmoins remonter au 15 novembre 2008 l'heure du déclic de l'intelligence nouvelle du simianthrope, celle qui, pour la première fois de son histoire, allait armer cette espèce d'un regard sur son animalité proprement cérébrale - donc le doter d'une pré-connaissance de son dédoublement originel entre sa chair et les masques de sa chair. Le 15 octobre 2008 a déclenché la traque aux secrets du personnage sacerdotalisé que l'humanité est à elle-même, la traque de la servitude cérébralisée qui guette la bête piégée par l'image flatteuse et trompeuse que des maîtres étrangers lui présentent dans le miroir de leurs nations et de leurs dieux.

Oui, le 15 novembre 2008, le singe semi pensant a subi une mutation psychogénétique qui lui a fait changer de planète. Certes, le joug du dollar s'est perpétué longtemps encore, certes, la planète est demeurée sous le joug du vainqueur de 1945, certes, le joug du second Moyen Age de la pensée a perpétué ses scolastiques de la "Liberté" - mais, dans les profondeurs, Prométhée avait volé le feu de Zeus.

8 - L'avenir de la conscience politique mondiale

Comment la tempête infantile qui a accompagné l'ascension rapide, puis l'élection triomphale d'un Président des Etats-Unis juvénile, mais considéré comme un homme de couleur par le corps électoral des Etats-Unis - cette nation ne fait pas encore la distinction entre les métis et les races pures, alors que la France la connaît depuis Alexandre Dumas père - comment cette tempête des songes, dis-je, fera-t-elle progresser une politologie d'avant-garde désormais seule en mesure d'éclairer les coulisses du drame avorté dont le premier acte se jouera le 15 novembre à New-York? Comment la simianthropologie politique radiographie-t-elle d'ores et déjà le double encéphale d'une Europe qui ne dispose pas encore de méthodes d'analyse éprouvées des conséquences à long terme qu'exercera sur la science politique mondiale de demain l'élection du 4 novembre de M. Obama à la Présidence des Etats-Unis?

Il est évident que le premier obstacle à l'émergence d'une vraie lucidité de l'historien du XXIe siècle sera la conquête d'un regard de simianthropologue sur le mythe politique actuellement prédominant, à savoir une sotériologie et une eschatologie de type démocratique dont l'Amérique véhicule le messianisme évangélisateur depuis 1945 ; et il est non moins évident que si M. McCain avait été élu, les premiers pas d'une clarté d'esprit iconoclaste auraient été considérablement retardés, parce qu'une fois de plus, la croyance se serait innocemment consolidée selon laquelle ce Président âgé et conservateur ne représenterait en rien la seule Amérique réelle, celle qui se trouvait appelée , croyait-on, à incarner le mythe salvifique de la liberté et du salut du monde sur les traces de la révélation démocratique. Si, dès le premier siècle, le christianisme ne s'était prudemment converti à une théologie de la délivrance seulement posthume, on croirait encore que les Borgia, l'Inquisition, les Croisades n'étaient que des retards occasionnels et malencontreux, mais provisoires de l'avénement inévitable du royaume des cieux sur la terre.

La chance, pour l'Europe, c'est qu'avec M. Obama , il sera bien plus facilement et plus rapidement démontré à l'opinion publique internationale qu'une Amérique viscéralement fondée sur le mythe de la délivrance de la planète par l'intercession de la démocratie messianisée ne songera pas un seul instant à renoncer ni à l'hégémonie du dollar, ni à l'occupation militaire des cinq continents par le relais titanesque de plus de mille places-fortes, dont deux cent cinquante trois en Allemagne et une centaine en Italie.

- La politique est-elle un emploi ou un appel? Helmut Schmidt, Ausser Dienst, eine Bilanz (ed.Siedler, Stuttgart, 2008), 27 octobre 2008

Si Martin Luther King avait été élu Président des Etats-Unis, il aurait fait, jusqu'à son assassinat, le même usage du mythe démocratique que Kennedy ou Reagan, tout simplement parce que l'histoire et la politique sont pilotées par des identités collectives mythifiées et que l'humanité s'exprime à titre psychobiologique par le relais des médiateurs naturels de sa volonté et de sa puissance que sont ses surmois nationaux auto sacralisés.

9 - La conscience et la science

Un Président démocrate rendra bien plus facile de fonder la simianthropologie politique de demain sur une pesée publique du contenu du terme de conscience, parce que l'artifice majeur se trouvera d'emblée éliminé qui faisait imaginer que la "vraie démocratie" demeurait momentanément dans l'expectative de son avènement . Avec M. Obama, la démocratie est mise au pied du mur; elle se trouve sommée de concrétiser les espérances parareligieuses de type idéocratique dont le monde moderne se nourrit.

Mais, dans conscience, il y a science et dans science, il y a scire, verbe latin qui signifie savoir. J'ai signalé dans mon avant-dernière analyse que l'ex-Chancelier Helmut Schmidt place la réflexion kantienne sur la conscience au cœur de sa réflexion sur l'éthique que la politique mondiale de demain sera appelée à illustrer. Or, en allemand, la conscience, das Gewissen, renvoie également au verbe savoir, wissen. Quel est le type de savoir que les peuples démocratiques devront conquérir pour apprendre l'histoire et la politique réels? Nul autre que celui qui enseignera que les grandes révolutions du "Connais-toi" ont toutes passé par l'émergence d'un seul individu un peu plus pensant que ses congénères, donc par la disqualification cérébrale de la horde primitive, puis de la tribu, puis de toutes les société simiohumaines que le monde a connues. Jamais la pensée proprement dite n'est apparue sous une forme collective - depuis le paléolithique, elle est toujours née d'une conscience isolée, donc du savoir d'un individu en guerre contre tous, donc en grand danger au milieu de ses semblables.

Or, l'élection, inattendue du monde entier, de M. Barack Obama a sonné l'heure où la vassalisation cérébrale de l'Europe américanisée aura placé sous les feux de la rampe l'évidence que la démocratie est un mythe intellectuel. Du coup, la pensée solitaire est appelée à radiographier ce songe collectif à une profondeur inconnue de l'anthropologie pseudo rationnelle issue du siècle des Lumières, parce qu'il est désormais démontré, et cela à l'école même de l'histoire événementielle, que la sacralisation d'une "liberté" démocratique mise à l'école des idéalités conquérantes dont s'arme le langage simiohumain, cette sacralisation, dis-je, ne sera démythifiée que si l'humanisme occidental se trouve contraint par l'histoire à approfondir la notion d'idole, que toutes les théologies des premiers âges ont tenté en vain de connaître. Car l'idole (eidôlon) renvoie à "l'idée pure" de Platon et l'idée épurée au sceptre redoutable des idéalités totémisées.

10 - Qu'est-ce qu'une idole ?

La Présidence charismatique, donc auto-sacrificielle, de M. Barack Obama présentera des avantages, certes circonstanciels, mais considérables, pour l'élaboration d'une politologie informée des relations totémiques que les Etats modernes entretiennent avec l'idole pseudo délivreuse qu'ils deviennent inconsciemment à eux-mêmes sous le sceptre de leurs idéalités césariennes, parce que le messianisme idéologique du parti démocrate américain facilitera l'accès à une généalogie critique de la métamorphose qui change les peuples et les nations en croisés du mythe "délivreur" qu'ils sont censés incarner. Car les idoles sont guerrières. Depuis le fond des âges, elles sont armées jusqu'aux dents par le sacré qui les rend prédatrices.

Quand M. Barack Obama prétendra, comme tous les Présidents démocrates ou républicains qui l'ont précédé, interdire à l'Europe de jamais réapprendre à voler de ses propres ailes ; quand il fera valoir au Vieux Monde que le glaive de l'OTAN qu'il tient charitablement entre ses mains le protège de l'assaut d'ennemis aussi terribles qu'invisibles; quand il entendra conserver et renforcer le plus évangéliquement du monde ses garnisons de croisés du ciel de la démocratie sur la terre, une fraction pensante du peuple américain verra clair comme le jour, qu'il est devenu à lui-même l'idole politique que son évangélisme idéocratique entraîne à la conquête du globe par la force du glaive; et tout le monde verra plus clairement par quels chemins inconscients l'apostolat moderne du Bien démocratique fait de l'Amérique l'Alexandre de l'empire du salut des modernes. Que se passera-t-il quand une élite cérébrale mondiale relativement nombreuse aura compris que l'idole est toujours un piédestal intérieur et qu'elle est connaturelle aux mentalités primitives dont le patriote devient tout ensemble le domicile et le prêtre, alors que sa vocation et sa mission le convertissent à se ruer contre l'ennemi imaginaire que son idole a dressée dans son esprit?

Car l'idole mondiale d'aujourd'hui n'est autre que la sotériologie démocratique ; et cette idole continuera de faire flotter son étendard entre les mains d'un prêtre et d'un prophète non moins au service d'un empire que ses prédécesseurs. Alors, la liberté mondialisée par l'évangélisme démocratique se révèlera un totem politique. Quand la fraction pensante du monde se verra sous les traits d'un faux dieu de la Liberté et de la Justice - celui que les nations seront devenues à elles-mêmes et auquel les Etats idéocratiques se seront identifiés - la raison occidentale se nourrira d'un humanisme mieux armé qu'autrefois pour descendre en spéléologue dans les profondeurs du chimpanzé dichotomisé par les idoles que son encéphale sécrète depuis des millénaires. Mais, du coup, la pensée "isaïaque", qui ne s'enracine jamais que dans une conscience solitaire, ce sera Daniel dans la fosse aux lions.

Mais ne rêvons pas : l'état actuel de développement de notre encéphale bipolaire ne nous permet encore de nous évader du règne animal schizoïde que pour nous précipiter dans l'utopie. Quand une première psychanalyse des idoles idéocratiques aura débarqué dans la politologie, les démocraties bifides ne redeviendront pas pour autant des berceaux de la pensée rationnelle de demain. Une raison spectrographique et résurrectionnelle, une raison qui aurait percé le secret des dieux dichotomiques d'hier et d'aujourd'hui n'est pas pour demain. L'éthique internationale ne changera pas de sitôt les paramètres du spéculaire bifide simiohumain. La vanité et l'orgueil demeureront des vices étiquetés à la pauvre école des catéchismes politiques ou religieux scissipares.

Mais les historiens diront que le "Connais-toi" des visionnaires des idoles du chimpanzé vocalisé aura été baptisé sur les fonts baptismaux de la chute de l'empire américain, parce que le spectacle d'une planète tombée dans un roman de chevalerie du mythe de la Liberté aura illustré les secrets sanglants de l'idole qu'on appelait encore, ici ou là, la Démocratie et qu'avait sécrétée l'encéphale divisé d'une espèce déchirée de naissance entre don Quichotte et Sancho Pança. Quand les sciences humaines post-darwiniennes auront armé la simianthropologie de ses méthodes et de sa problématique, une espèce devenue capable d'observer de l'extérieur ses idoles scindées entre "les mots et les choses" changera peut-être de politique, donc d'histoire.

11 - Le rétroviseur

Le premier signe du réveil cérébral d'une Europe en mesure de se retourner sur son passé et de se regarder dans son rétroviseur sera la stupéfaction, l'ébahissement et l'effroi qu'éprouvera cette civilisation de ce que le continent des Galilée et des Darwin, des Copernic et des Freud, des Newton et des Pasteur aura pu si soudainement tomber dans la terreur de l'an mil; car il aura suffi qu'un building s'effondre à New-York d'une manière aussi suspecte et mal élucidée que l'assassinet de J.F. Kennedy il y a quarante ans, pour que le continent de la raison crût à l'invasion de la planète par les armées du Démon, qu'on appelait maintenant le Terrorisme. Mais quel ahurissement et quelle incrédulité que ceux de la raison de l'Occident devant la chute des cerveaux des chefs d'Etat et des ministres eux-mêmes dans la croyance en une pestifération et une malédiction subite et invincible dont le globe terrestre aurait été frappé! L'encéphale d'une civilisation née du bon sens politique des Romains était-il donc si fragile que les esprits les plus normaux d'apparence trouvaient nécessaire de radiographier le lait des nourrissons en transit dans les aérodromes afin d'y détecter des traces du nouveau Lucifer?

Dans un premier temps, l'Europe courra au plus pressé ; et elle réapprendra à raison garder, à réhabiliter le sens commun, à retrouver la tête bien faite des Montaigne et des Descartes. Mais ensuite, l'âge nouveau de l'anthropologie scientifique imposera sa problématique. Car enfin, comment se faisait-il qu'au Moyen-Age, les têtes les plus solides croyaient à l'existence des sorcières, au mauvais œil, aux jeteurs de sort ? Et voici qu'un M. de Villepin, une Mme Alliot-Marie et combien de crânes formés à l'école de la République tombaient dans la démence et le délire avec autant d'assurance et de conviction de posséder la vérité que les théologiens du Moyen-Age! Le cerveau du simianthrope n'avait-il donc pas progressé d'un pouce depuis les alchimistes? Une Europe en mesure de radiographier son passé et titubante de stupeur au spectacle des malheurs qui avaient dévasté ses neurones, une Europe réveillée en sursaut et encore tout hébétée de sa rechute de soixante années dans les ténèbres des premiers âges réapprendra à marcher sur la terre ferme.

12 - Psychophysiologie de l'angélisme politique

Jamais encore un empire de la foi ne s'était revêtu de la chasuble de la sainteté démocratique pour se lancer à la conquête de la planète les armes à la main. Quand la Russie annonce qu'elle répondra par l'installation de missiles Iskander à l'expansion, aux frontières de son territoire, d'un Alexandre de la Liberté, quand cette nation fait valoir que, non contentes de disposer du port de Naples et de régner sur la Méditerranée depuis six décennies, les forces navales du Nouveau Monde prétendent ouvrir la Mer Noire tout entière à la puissance maritime de l'empire américain, l'immense majorité du peuple d'outre-Atlantique apprend avec une tristesse consternée et non feinte que son apostolat, si désintéressé qu'il soit, demeure inexplicablement incompris des hérétiques.

C'est que le simianthrope est un animal auto-sacralisateur: il consacre le monde à consolider le sacré qu'il est à lui-même, il déguise sans relâche en une idole qu'il élève dans les nues le sacré dont il fait l'objet sur ses autels et qui lui permet de détourner les yeux de l'animal qu'il est demeuré. Sans une psychanalyse transfreudienne du sacré, pas de regard de Clio sur Clio.

Certes, le débarquement du glaive de la Liberté et de la Justice sur la terre n'est pas une invention nouvelle des empires de la Vérité. Mais la mutation cérébrale que l'anthropologie critique a vocation d'interpréter à la lumière de l'évolution de la boîte osseuse de notre espèce n'est autre que le débarquement d'une mythologie politique capable de rendre les armes de guerre invisibles au monde entier masqué sous son sacre. Les croisés d'autrefois ne se cachaient pas encore à eux-mêmes qu'ils tiraient du fourreau une épée bien réelle, alors que, pour la première fois dans l'histoire du cerveau simiohumain, des canons réputés démocratiques se changent en anneaux de Gygès. L'Amérique n'est pas censée installer des fusées en Pologne et en Tchéquie, mais seulement les prie-dieu de la Démocratie. Comment se fait-il que les foudres de la piété moderne fassent un bruit de tonnerre sur le chemin de croix de l'humanité?

Assurément, une proportion non négligeable de la classe dirigeante américaine demeure pleinement consciente de la nouveauté d'une stratégie théologale du doigt sur la gâchette capable d'armer d'ex-votos des légions innombrables de Tartuffes du salut. Mais l'anthropologie du sacré n'a pas les mêmes chats à fouetter que les moralistes, qui s'indignent seulement de ce qu'une puissance dite civilisée fasse de sa politique un baromètre mondial de l'ignorance et de la naïveté des masses. Il appartient aux éducateurs et aux pédagogues de lutter contre la sottise en aveugles de bonne volonté, il appartient à l'anthropologie critique de combattre la cécité des apôtres d'une délivrance vertueusement falsifiée, ce qui exige l'observation en laboratoire des neurones du Tartuffe dont les armes de fer et d'acier s'évanouissent dans le ciel de l'idole "Liberté".

Pour scanner l'encéphale d'une Démocratie ensorcelée par sa vocation pseudo pastorale, il faut expliquer l'apparition des nations pieusement convaincues par leurs catéchètes de ce que les boucliers anti-missiles installés en Pologne et en Tchéquie sont des hosties du simies loquax. Car enfin, quand les mécréants demeurent les yeux obstinément fixés sur l'histoire réelle, quand ces hérétiques font remarquer aux foules égarées par leurs devins que les armes de la Liberté sortent des forges de Vulcain, qu'elles sont frappées sur les enclumes de la guerre et pointées contre un ennemi imaginaire, il leur est répondu avec condescendance qu'ils sont demeurés des hommes en chair et en os et que la Démocratie porte les yeux au-delà de leur poussière. Le transport du simianthrope dans le sacré est à ce prix.

Les simianthropologues observent que la croisade de la démocratie mondiale ne répond plus au modèle onirique que les religions du salut avaient illustré depuis deux millénaires: il s'agit maintenant d'une épopée des images pieuses que la sainteté populaire propage dévotieusement sur les cinq continents, il s'agit maintenant d'une guerre d'anges peints sur les fresques des idéalités, il s'agit maintenant des missels et des bréviaires de la Liberté. Ce type d'esprit guerrier du simianthrope est entièrement nouveau dans l'histoire de l'évolution psychobiologique de l'encéphale de l'espèce inconsciente de ses véritables ressorts cérébraux. Il s'agit de démontrer que cette nosologie parareligieuse livre le monde à une fantasmagorie politique dont l'origine demeure cachée dans l'inconscient du sacré.

Comment se fait-il qu'une civilisation fière des exploits de sa raison depuis sa lente sortie du Moyen-Age assiste sans sourciller à l'épidémie qui frappe les boîtes osseuses d'un délire inconnu des ancêtres, comment se fait-il que des Etats laïcisés depuis deux siècles découvrent qu'en vérité, ils ne connaissaient en rien l'histoire et la politique réelles de l'humanité ? La révolution qu'attend un deuxième siècle des Lumières sera celle de la découverte des engrenages et des rouages d'un animal séraphique de naissance. "Larvatus prodeo" - Je m'avance masqué disait Descartes. Avec M. Obama, l'étude de l'animal viscéralement masqué dans l'Eden, l'étude de l'animal que sa psychophysiologie livre à la guerre des songes depuis le paléolithique, l'étude de l'animal qui "fait la bête" à "faire l'ange" se placera au premier rang de l'anthropologie et de la politologie de demain.

De toutes façons, une Europe humiliée par le naufrage d'un demi siècle de son encéphale ne peut que périr ou donner un ampérage de cent mille volts à ses retrouvailles avec le "Connais-toi" socratique ; et si cet électrochoc devait tétaniser une civilisation et la laisser un instant dans un état cataleptique , croit-on que les résurrections s'achètent à bas prix ?

10 novembre 2008