1 - La philosophie politique de l'Europe
des vassaux
2 - Sous le joug du mythe de la Liberté
3- La domestication des Gaulois
4 - Les langues et leurs régulateurs
5 - Les bougies éteintes d'un corps diplomatique
domestiqué
1
- La philosophie politique de l'Europe des vassaux 
Seule une violente déflagration cérébrale, seule une révolution
intellectuelle foudroyante, seule une mutation subite et
brutale des neurones de l'Europe déclenchera une politologie
aux paramètres prospectifs. L'accouchement accéléré de la
classe dirigeante explosive qui en résulterait accoucherait,
parallèlement, de la cervelle de l'avant-garde de ce siècle.
La connaissance psychobiologique de la servitude idéalisée
des modernes s'en trouverait tellement approfondie que le
mythe tentaculaire de la Liberté n'aurait plus de secrets
pour nos psychologues et nos politologues les plus avertis.
Cette anthropologie du servage des modernes descendrait
d'un pas aussi alerte que résolu dans l'abîme de nos concepts
maladroitement célestifiés. Devenus des spéléologues de
notre espèce, nos philosophes se demanderaient enfin pourquoi
les évadés les plus récents des forêts se nourrissent de
mots de plus en plus appétissants, mais trompeurs; et la
philosophie redeviendrait ce que Socrate lui demandait:
une connaissance des mets délicieux, mais qui vous gâtent
l'estomac.
Aussi
longtemps que notre géopolitique ne disposera que d'une
connaissance mal désonorisée et ânonnante de nos lexiques,
notre démocratie universalisante nous promènera dans le
jardin des Hespérides du mythe de la Liberté - et le genre
simiohumain ne saura comment féconder le terreau de ses
abstractions vaporisées à outrance. Comment les historiens
d'un animal cérébralisé à demi et égaré dans le surréel
à l'écoute de ses vocables, comment les historiens
d'une civilisation devenue suicidaire à l'école de son idéalisation
téméraire du monde, s'expliqueraient-ils l'absurdité
des sanctions auto-punitives que nous avons édictées sur
l'ordre d'une puissance étrangère et à seule fin de châtier
la Russie?
2
- Sous le joug du mythe de la Liberté 
Quel
était le forfait de cet Etat? Il avait retrouvé une Crimée,
qui lui avait été arbitrairement dérobée à la suite de l'effondrement
du précédent délire langagier dont notre espèce s'était
voulue à la fois le protagoniste et la victime, le
délire marxiste; car nous sommes une bête auto-sacrificielle
et qui s'immole sur les autels de sa parole. A ce titre,
nous montons d'un siècle à l'autre sur le bûcher que notre
cerveau messianique nous apprête. Mais notre masochisme
commence de retourner nos châtiments contre nous-mêmes.
Personne n'avait prévu que nos punitions réputées vertueuses
feraient nécessairement descendre nos paysans dans la rue
et que nous nous trouverions en butte à la fureur légitime
de notre propre population.
La France de cette jacquerie, c'est-à-dire tout le monde,
savait pourtant, primo, que ces auto-flagellations
allaient nécessairement se révéler illusoires et secundo,
que la fausse sainteté des démocraties ne brandirait jamais
que le drapeau de notre vassalisation. Nous nous fouettons
nous-mêmes afin de mieux nous démontrer que nous obéissons
à l'ordre impérieux que notre souverain de là-bas a proféré
à notre encontre. Mais si nous n'avons pas encore conquis
une connaissance sérieuse, donc philosophique et anthropologique,
du code génétique qui rend les verges de notre mythe de
la Liberté si efficace sur nos fesses, comment comprendrions-nous
les raisons psychobiologiques qui permettent à l'Amérique
de nous soumettre aux flagellations cuisantes que nous administre
le dieu Liberté? Comment se fait-il que nous nous soyons
privés des lumières de notre tête d'autrefois et des maigres
bougies dont nos ancêtres éclairaient leurs chaumines enfumées?
3-
La domestication des Gaulois 
Et puis, nos politologues de la Liberté, qui ont fait monter
le pain bénit d'une démocratie de l'abstrait, ont pris du
retard dans l'art de nous mettre en pénitence. Qu'en est-il
des étrivières que nous appelons des idéalités? Comment
se fait-il que les phalanges de nos anthropologues du salut
politique ne disposent encore d'aucune science prospective
du type d'auto-vassalisation qui paralyse les neurones des
civilisations les mieux auréolées de leur verbe de la Liberté
et les plus lucides en apparence face aux vassalisateurs
de leur gosier? Si nous allions regarder de plus près ce
qui se passe dans nos fours? Car nos colonies ont mis des
décennies à guérir de l'asservissement de leur vocabulaire
sous notre trique. Observons au microscope la lenteur de
leur apprentissage de l'hérésie politique de peser par soi-même.
Car la première génération des élites de leur désobéissance
était encore d'une maladresse pathologique.
Le
29 mai 2015, M. Giscard d'Estaing a osé se rendre à Moscou,
où il a longuement expliqué à un M. Vladimir Poutine, qui
ne l'ignorait évidemment en rien, l'évidence que l'Europe
du XXIe siècle n'est plus la maîtresse des décisions géopolitiques
qu'elle présente pourtant sans relâche et obstinément pour
les siennes. Quant à la Commission de Bruxelles, elle se
rend inaudible en raison du spectacle ahurissant qu'elle
présente de son asservissement déguisé en hostie de sa Liberté.
Depuis le 6 août 2015, cet affichage d'une forfanterie psittaciste
ne donne plus le change, puisqu'à l'occasion de la commémoration
du génocide d'Hiroshima, la France et l'Europe ont reçu
sur la tête une seconde bombe atomique de la politique,
celle du renoncement définitif de Paris asservi de livrer
deux navires de guerre à la Russie. L'alliance génocidaire
de 1945 de Washington et de Londres avait provoqué un amoncellement
de deux cent cinquante mille cadavres au Japon. Hiroshima
II en fera des centaines de milliers en Europe, mais cet
Hiroshima-là sera de type cérébral et s'étendra sur un demi-siècle
dans les têtes parce que les historiens de notre cervelle
diront que, ce jour-là, non seulement le rêve d'une Europe
politique a été définitivement carbonisé, mais que les cendres
de l'élan et de la volonté de l'Europe ont été répandues
parmi les débris de ce grand songe. Pendant trois générations,
ces caissons d'acier sillonneront les mers en orphelins
de la souveraineté de la France et en témoins de la domestication
effrénée des Gaulois de ce temps.
Quel sort piteux que celui des nations européennes d'aujourd'hui.
Vous les voyez privées de leur fermeté d'âme comme de leur
ambition naturelle d'autrefois de demeurer autonomes! Quel
crève-cœur de les voir subitement traîner la patte à ce
point! Avouons, avec un grand retard, mais du moins au grand
jour de notre lucidité, que ces loqueteux de leur propre
déshonneur et ces clopinants de leur histoire en lambeaux
nous présentent une galerie de servantes court-vêtues. Que
de rubans et de dentelles d'une vassalité confite dans son
silence! Nous n'avons pas entendu de régiments d'intellectuels
et d'hommes politiques avertis et de haut rang exprimer,
dans le sillage de M. Giscard d'Estaing, leur stupéfaction
ou leur colère de ce qu'un Continent d'hallucinés et de
sourds-muets se présentait garrottés sur les planches par
la volonté d'un empire étranger. La Tunisie
ou l'Algérie du XIXe siècle se taisaient sur le théâtre
du monde dans le même ahurissement politique que l'Europe
des vassaux d'aujourd'hui.
Cela
signifie que le mutisme des serfs est à lui-même son propre
joug et que le bât de la servitude autrement attifée de
notre temps est le même que celui de l'Afrique d'autrefois
- ce qui nous appelle à un approfondissement de notre science
des fondements, toujours religieux, et au plus profond de
nous-mêmes, de toute subordination politique des neurones
d'une espèce encore cérébralisée à titre embryonnaire.
(voir
- L'avenir
de la philosophie européenne3 , 12
juin 2015
- L'avenir
de la philosophie européenne2 , 5
juin 2015
- L'avenir
de la philosophie européenne1 , 29
mai 2015
4 - Les langues et leurs régulateurs

Nous
ne progresserons qu'à pas comptés dans la connaissance des
foucades passagères ou des errements tenaces dont le cerveau
simiohumain semble le théâtre et l'otage. Car, aussi longtemps
que nous négligerons de nous demander quelles relations
les débâcles prolongées des civilisations ou les raffermissements
fragiles de notre langage entretiennent avec la microcéphalie
fainéante ou foudroyante qui frappe nos écrits dans les
décadences, nous ne progresserons jamais à grandes enjambées
dans la connaissance rationnelle de notre vassalité, tellement
une langue dont la cohérence grammaticale et syntaxique
aura été restituée pourra donner passagèrement le change
sur sa santé cérébrale quelque peu retrouvée, mais, dans
ses profondeurs, elle demeurera gangrenée et apeurée à mort.
Exemple:
au VIe siècle de la chute de l'empire romain, nous n'allions
pas sertir de joyaux inconnus une langue dont nous avions
accompagné la longue agonie de ses dieux. C'était bien à
tort, disions-nous, que les Célestes enfin enterrés des
païens avaient bénéficié de l'éclat solaire des Virgile
et des Horace . Et maintenant, quelle revanche stellaire,
aux yeux des chrétiens, que le vocabulaire et la syntaxe
du latin des morts fussent donnés à mâchonner aux envahisseurs
barbares. De plus, les langues se mettent respectueusement
à l'écoute et à l'école des succès resplendissants et des
revers humiliants de la politique. Le grec classique était
né des victoires de Platée, de Salamine et du défilé des
Thermopyles, le latin du siècle d'Auguste devait ses grandes
voix à la stabilisation de l'empire et le français de Racine
et de La Fontaine a donné ses étoiles au siècle de Louis
XIV.
Mais, à chaque fois, un régulateur de bon goût met notre
écriture en garde contre les facilités de l'éloquence redondante
des patries. Platon se moque gentiment de l'éloquence commémorative
des tribuns de la gloire militaire d'Athènes, et dans son
De Oratore, Tacite sourit de
quelques cadences de convention de Cicéron. Quant à Boileau,
gageons que si le siècle l'avait permis, l'auteur de L'Art
poétique aurait vertement reproché à Bossuet d'armer
le Jupiter trop solennel des chrétiens des somptueux balancements
dont se berçait déjà l'éloquence cicéronienne.
Donnez à chaque divinité le rythme qui lui appartient; ne
faites pas retentir le géniteur du cosmos dans le
grandiose: Jean de la Croix a fait murmurer les cymbales
tonitruantes de l'Aigle de Meaux. Mais comment redonner
sa boussole à une langue française qui a divorcé d'avec
la parole sûre et tranquille qui lui donnait son lest, comment
réarmer une langue allemande qui a perdu son vocabulaire
propre en cours de route? Observons les trépas politiques
à l'écoute de l'agonie des langues.
5 - Les bougies éteintes d'un corps diplomatique
domestiqué
Supposons
que la France ait proclamé tout soudainement son ambition
de recouvrer la voix et la musculature d'une République
pensante et parlante. Dans ce cas, de quelle démocratie
parlerions-nous? La nôtre croyait avoir gravé son éternité
sur le fronton d'un Panthéon de ses grands hommes, la nôtre
avait prêté sa foi à l'alliance des idéaux du genre humain
avec le culte d'une patrie immortelle. Mais sitôt qu'il
s'agira de donner un contenu tangible à une nation hissée
à nouveaux frais sur l'échiquier de l'impérissable, on verra
les écoles du redressement de l'esprit de la nation se dérober
l'une après l'autre à la tâche d'appeler un chat un chat
et Fréron un fripon. Qui s'étonnera de la présence ponctuelle
ou prolongée de Washington en Ukraine si personne n'ose
seulement manifester quelque surprise de la puissance des
armes de l'empire qui s'est rué de Ramstein à Syracuse et
à Bagdad en 2003?
Les
acéphalies collectives se manifestent par de titanesques
dérobades mentales des nations et de leurs dirigeants. En
ce début du IIIe millénaire, une seule dramaturgie de la
fuite des cervelles occupe le centre de la géopolitique,
celle de savoir si Washington et ses satellites parviendront
à scinder la civilisation occidentale entre la patrie de
Descartes, de Copernic ou de Newton d'un côté et celle de
Dostoïevski, de Tolstoï ou de Rachmaninov de l'autre. Or,
tout le monde détourne le regard de cette tragédie, tout
le monde s'affaire seulement à préparer les falbalas d'une
rencontre internationale protocolaire sur le climat de la
planète de demain, et cela à seule fin de bien camoufler
le vrai spectacle, celui de la désertion colossale des consciences:
une catastrophe ruineuse et dont les conséquences s'étendront
sur des siècles, celle de détourner l'Occident de lui-même
se prépare dans les pépiements et les vols d'étourneaux.
On exorcise l'angoisse et l'errance d'une civilisation en
promenade sur la terrasse d'Elseneur de l'oubli - seules
quelques sentinelles font entendre la solitude d'un siècle
privé de prophètes de son trépas.
Et pourtant quelques juristes internationaux éclairés de
la lumière du plus simple bon sens, avaient estimé que le
gouvernement en chair et en os de Vichy n'était pas un personnage
réel sur la scène du droit international, parce que les
nations ne sont pas représentées par leur corps, mais par
le souffle qui les inspire. Les vrais Etats, disaient-ils,
n'éclaire pas la souveraineté de leur lumière d'une frêle
bougie seulement, la souveraineté d'une nation ne s'illumine
jamais à l'école de sa vassalité. Or, le corps électoral
vivant de l'Europe asservie à un maître lointain n'est nullement
représenté par le corps diplomatique éteint d'aujourd'hui,
parce que les vrais citoyens d'aujourd'hui se voient agoniser
dans la main de fer d' un tyran du mythe de la Liberté.
Voici
les abaissements dont la vassalité de l'Europe présente
le spectacle. Un Etat ne prend plus lui-même les décisions
qu'il affiche, mais étale seulement celles que son maître
lui a fait prendre. Puis il proclame siennes les décisions
qu'un autre a prises à sa place, parce que tout esclave
cache sa honte à soustraire ses chaînes aux regards. Enfin,
l'esclave se donne des airs de liberté à bien obéir. L'Europe
fait le matamore de sa propre servitude.
La semaine prochaine nous ferons quelques pas de plus dans
le décryptage des arcanes de la vassalité placée sous le
sceptre de la Liberté.
Le
11 septembre 2015