1 - La labilité
et la fixité des dieux
2 - La fonction oraculaire du Capitole
3 - Une Europe de poupées de son
4 - La capitulation de l'Europe
1
- La labilité et la fixité des dieux 
Les biographes de la mort sont aux aguets: ils savent, eux,
que la politique ressortit à l'art oratoire, ils savent,
eux, que la vraie voix des nations est celle de leur destin
et une France sans destin est une France sans voix. Pour
comprendre comment les nations se donnent un élan, un souffle,
un destin à l'écoute de leur voix, il faut remonter le cours
du temps.
Il était une fois un paradis sur terre auquel un fleuve
divin apportait chaque année la manne de son limon fertile.
Il suffisait d'ensemencer régulièrement le déversement de
cette corne d'abondance pour nourrir non seulement la population,
mais pour transporter chaque année jusqu'aux bouches du
Tibre le blé de l'annone aux citoyens romains. Les esprits
tranquilles, mais aussi les plus endormis, se félicitaient
de ce qu'un Dieu aussi ponctuel et tranquille transformât
la nature en une boîte de Pandore des félicités.
Mais d'autres s'inquiétaient d'un Dieu aussi mécanique et
qui transformait l'univers en une clepsydre sans surprises.
Ils se disaient que ce Dieu trop paisible ne présentait
pas une garantie de durée suffisante, tellement le destin
est capricieux et tumultueux par nature. Il fallait, pensaient-ils,
planter dans le désert des masses de pierres colossales
dont la solidité cautionnerait la bienveillance du Nil.
Et puis, comment l'ordre pacifique des saisons, comment
la seule bénévolence des jours conduiraient-ils la dépouille
mortelle des Pharaons vers leur éternité? De gigantesques
pyramides ont accompagné la labilité de leurs cadavres parfumés
vers leur immortalité. Les nations ont besoin de titanesques
agrippements de leur quotidienneté à la matière inébranlable
de leurs symboles.
2 - La fonction oraculaire du Capitole
De l'autre côté de la Méditerranée, c'était le Capitole
qui servait d'emblème et de forteresse à l'éternité de l'empire
romain. Othon, dont les troupes venaient d'assassiner le
vieux Galba et son successeur désigné, le vertueux Pison,
s'était suicidé en se précipitant sur son épée au spectacle
du désastre auquel il conduisait l'empire. Le goinfre Vitellius,
à la tête des légions de Germanie, courait vers Rome et
le feu avait été mis au Capitole. Il s'agissait d'un malheur
plus irréparable qu'une bataille perdue. Vespasien arrivait
du Moyen-Orient à bride abattue, où il laissait à son fils
Titus l'ultime écrasement des Juifs qui refusaient de payer
le tribut et de placer la statue de l'empereur dans leur
temple.
Mais Vespasien eut beau reconstruire le Capitole et organiser
de longues journées de purification de l'empire, jamais
ce monument n'a retrouvé la plénitude de sa fonction sacrale.
Puis les chrétiens commencèrent de faire entendre leurs
voix: que valaient, disaient-ils, des dieux condamnés à
se faire écouter dans le gosier stupide des oies du Capitole
? Saint Ambroise fera enlever la statue de la Victoire qui
trônait depuis des siècles dans l'enceinte du Sénat. On
sait que la réponse de Symmaque figure dans toutes les chrestomathies,
tellement elle répond aujourd'hui encore à la question de
savoir si les dieux ressortissent à des floraisons culturelles
ou si la vérité coule de leur bouche.
3 - Une Europe de poupées de son 
Où sont, de nos jours le Sphinx, le Capitole, la muraille
de Chine de l'Europe? Où sont les symboles de l'unité européenne?
Qui peut se reconnaître dans la tour de Babel du Parlement
de Strasbourg ou dans une Commission de Bruxelles accrochée
aux basques de l'Amérique?
Pendant
quarante neuf ans, l'Allemagne avait été scindée entre le
régime capitaliste à l'ouest et une économie fondée sur
le messianisme d'une utopie économique à l'est. En 1989,
un miracle s'était produit: l'effondrement du mur de Berlin,
avait réuni les deux Allemagne et redonné à la patrie ressoudée
Berlin pour capitale et la porte de Brandebourg pour symbole
de son unité ressuscitée. Mais, à la tête d'une Allemagne
qui avait été dirigée durant un demi-siècle à partir d'une
petit ville de province se trouvait désormais une ridicule
petite confiturière dont la cervelle ne contenait pas un
milligramme d'esprit national et de fierté patriotique.
Et quel symbole de la Germanie rassemblée, cette fille d'un
prédicateur protestant avait-elle donné à l'Europe et à
sa propre nation? Au nom de la religion nouvelle des droits
de l'homme, il fallait recevoir à bras ouverts des centaines
de milliers de jeunes et vigoureux musulmans envoyés par
la Turquie dans le même esprit, osait-elle clamer que celui
qui avait présidé aux embrassades entre les Allemands de
l'Est et de l'Ouest, dans l'euphorie de leurs retrouvailles
en 1989. Ce n'étaient plus seulement l'Allemagne et la France
qui n'avaient plus de destin. Faute de signaux porteurs
de leur voix, c'était l'Europe entière qui avait perdu ses
lieux de mémoire. Mais ces nations n'étaient plus branchées
sur la religion.
Que
dire, en revanche, d'un culte idéologique des droits de
l'homme plaqués sur les terres de la Pologne? Un pape polonais,
Jean-Paul II, avait reconverti le christianisme à la sacralisation
de la terre, un pape polonais baisait le sol des nations,
un pape polonais avait réconcilié le culte extra-terrestre
des chrétiens avec le génie du lieu des dieux des Romains,
un pape polonais avait libéré sa patrie à christianiser
le sol de toutes les patries.
Et
voici que la nouvelle religion dite des droits de l'homme
et orchestrée par les bureaucrates de Bruxelles téléguidés
par Washington tentait d'imposer à la Pologne de recevoir
des masses de musulmans, le Coran à la main, au nom d'une
humanité ennemie de la singularité des peuples et des nations,
puisque le mythe de l'égalité entre tous les hommes les
rendait maintenant tous semblables et les privait tous de
leur identité nationale.
4
- La capitulation de l'Europe 
Mais
déjà l'Europe sans destin et sans voix, déjà l'Europe privée
de personnage en chair et en os, déjà l'Europe réduite à
une démocratie bananière au service des intérêts de Washington
et à des républiques sorties des studios de Hollywood, déjà
l'Europe réelle se taisait dans l'attente de ses retrouvailles
avec la parole des peuples et des nations.
Et
maintenant, dans un accord soi-disant "équilibré",
l'Angleterre obtient de "superviser" les "institutions
financières et les marchés", afin de "préserver
la stabilité" des bourses européennes. Et maintenant
l'alliance renforcée de Washington et de Londres interdit
en fait à l'Europe de jamais se donner une armée. Et maintenant,
il est précisé que si, par impossible, une Europe éparpillée
tentait de se dote d'une armée de bric et de broc, jamais
l'Angleterre n'en fera partie, non plus que d'une monnaie
commune, ce qui donne toute sa portée à l'euthanasie de
l'Europe et à l'assassinat du gaullisme que j'évoquais dans
mes textes précédents.
Voir
: L'assassinat
du gaullisme
, 5 février 2016
L'euthanasie
de la France , 29 janvier 2016
Après qu'il eut été démontré que l'Angleterre resoudée à
Washington a obtenu des dérogations capitales et même des
privilèges financiers exorbinants, le Président Hollande
osait déclarer: "Mais en même temps, ce sont les mêmes
règles qui s'appliquent partout en Europe et qui continueront
de s'appliquer. Il n'y a pas de dérogation, il n'y a pas
de spécificité (…) ce sont les mêmes règles, c'est ce à
quoi j'ai veillé particulièrement."
Et
il poursuivait benoîtement, afin d'endormir d'avance les
critiques: "Il ne faut pas donner le sentiment que
l'Europe, c'est un 'self service'.Il peut y avoir une Europe
différenciée, il ne peut pas y avoir une Europe où chaque
Etat vient prendre ce qu'il veut."
Or,
c'est précisément ce que l'Angleterre vient d'obtenir: un
self-service qui lui permettra de "superviser",
c'est-à-dire de dominer. Les Européens endormis viennent
de laisser la City prendre le contrôle des institutions
financières de l'Union européenne. David Cameron avait donc
bien raison de claironner son succès tout en tentant de
ménager les susceptibilités des vaincus: "Je suis
convaincu que nous serons plus forts, plus en sécurité et
en meilleure posture à l'intérieur d'une Union européenne
réformée".
Or,
le lendemain, la Une du Nouvel Obs sur Internet
a purement et simplement ignoré cet "accord"
pseudo "équilibré"
et France Inter s'est contenté de se féliciter
de son "existence" mais en évitant soigneusement
d'en donner le contenu. Il ne reste plus aux citoyens français
qu'à consulter les informations réelles données par le site
Sputnik International.
L'entreprise
de camouflage est en bonne voie.
Dans
le même temps, l'Assemblée nationale et le Sénat censés
exprimer la souveraineté de la nation par la voix du suffrage
universel n'osent engager un débat de fond, ni sur les causes
réelles et inguérissables du chômage, ni sur la souveraineté
d'une nation qui se voit interdire par Washington de livrer
des navires de guerre à une Russie ressentie comme une rivale
de l'empire du dollar.
Et voici qu'une armée mythologique et dirigée par un général
américain, commande seule une Europe à jamais privée de
destin. Comment la France retrouverait-elle un avenir, comment
sortirait-elle du sépulcre, comment la France prononcerait-elle
du moins son oraison funèbre dans l'attente de sa résurrection?
Le Tino Rossi hoquetant des roucoulades télévisuelles d'une
démocratie bananière qu'on appelait la France du temps de
sa souveraineté, ne se jouera pas longtemps de la fierté
naturelle des Gaulois.
Le
26 février 2016