Le président russe Vladimir Poutine a exprimé l'espoir
que "les relations entre la Russie et l'Amérique s'amélioreront."
Le
Président Donald Trump a déclaré, de son côté, que les Américains
"sont prêts à collaborer avec les nations."
Ces
deux déclarations convergent sur un point décisif, celui
d'inaugurer une morale internationale nouvelle: l'exigence
d'honnêteté s'imposera aux relations politiques entre les
Etats, les peuples et les nations.
A quelle pesée de la science historique et de la géopolitique
faut-il soumettre ces vœux paradisiaques? Pour tenter de
le comprendre, il faut observer l'immoralité qui a fait
du procès de Nuremberg (novembre 1945 - octobre 1946) le
pilier d'une nouvelle immoralité internationale; car une
éthique plus trompeuse que la précédente est devenue le
fondement de la puissance militaire et politique de l'empire
américain. Le procès de Nuremberg était censé substituer
à l'immoralité nazie un paradis de la justice et du droit
américains.
les idéaux proclamés à cette occasion ont permis au seul
concept de Liberté défini par l'Amérique victorieuse d'exercer
un règne sans partage. Au nom d'une Liberté censée à jamais
garantie par la victoire des "démocraties" occidentales
sur le nazisme, l'empire américain a aussitôt fait du concept
abstrait de Liberté l'assise de sa domination sur le monde.
Et plus la Liberté était censée garantie par la floralie
des idéalités dont on la décorait, plus l'empire américain
prenait appui sur le seul concept de Liberté démocratique
pour renforcer sans fin sa domination du monde. C'est ainsi
que l'idée abstraite de Liberté se changeait en levier mondial
du vainqueur de la rédemption pseudo démocratique du monde.
Mais
il serait naïf de croire qu'une hypocrisie consciente d'elle-même
exprimerait la duplicité native d'une espèce confite dans
le culte de ses idéalités: c'est le plus sincèrement du
monde, si je puis dire, que l'homme s'auto-glorifie sans
s'en douter à cultiver les idéalités à l'école desquelles
il se vassalise en retour. La notion d'auto-asservissement
à la force sous le masque des idéalités trompeuses domestique
la créature en retour et donne toute sa profondeur anthropologique
à la notion de servitude volontaire explicitée par Etienne
de la Boétie. On l'a bien vu au spectacle des larmes des
défenseurs d'Hillary Clinton: ils étaient visiblement sincères
dans leur déploration de l'effondrement du paradis démocratique
promis par la candidate.
Mais
il y a plus: pourquoi Jules César éprouve-t-il le besoin
de souligner que l'homme croit aisément ce qu'il désire,
sinon parce qu'il s'agit d'une clé universelle de la politique.
Or, la politique n'est pas seulement euphorisante par nature
et par définition, c'est parce que les chefs d'Etat sont
des anthropologues naturels. Ils sont en mesure de mettre
l'humanité à l'école et à l'écoute de ses songes.
La
compréhension du contenu inconscient de ces rêveries nous
révèle la véritable profondeur de la politique. "Du haut
de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent"
s'écrie Napoléon. Pourquoi ces mots galvanisent-ils des
troupes qui n'ont jamais entendu parler des pyramides et
qui ignorent le sens spirituels du verbe contempler. Dans
Quinte-Curce, Alexandre avoue qu'il est ivre de sa propre
gloire et que ses soldats ne sont que des instruments de
son rêve d'éterniser sa mémoire de conquérant.
C'est
pourquoi Donald Trump, dont on n'a pas encore compris la
trempe, et qui passe pour un esprit rustique, s'est écrié
"qu'il n'y a pas de rêve trop grand" car cet
homme d'Etat a compris d'emblée et mieux que personne, que
le rêve est la clé de l'humanité et de son histoire.
Et c'est la même leçon de politique du songe que celle de
Napoléon ou d'Alexandre qu'il donne à la géopolitique des
Etats messianisés par le mythe démocratique et par ses missiles.
On
voit que dans une anthropologie critique fondée sur la notion
de servitude volontaire, il sera bien impossible de jamais
comprendre une espèce que ses songes domestiquent en retour
et pour sa plus grande gloire. S'il n'en était pas ainsi,
comment serait-il explicable que, depuis des millénaires,
notre espèce s'imagine que l'univers serait peuplé de personnages
fantastiques que les Anciens appelaient des Immortels et
qui ripaillaient sur l'Olympe? S'il n'en était pas ainsi,
comment trois dieux uniques, Jahvé, Allah et le Dieu trinitaire
des chrétiens auraient-ils échangé peu à peu leur existence
physique en une existence idéalement vaporeuse? S'il n'en
était pas ainsi, comment les théologies respectives de ces
trois personnages seraient-elles radicalement incompatibles
entre elles sans que cette absurdité dérange les croyants
le moins du monde? S'il n'en était pas ainsi, comment une
peuplade dispersée a -t-elle été habitée par le désir de
se regrouper sur une "terre promise" et comment imposerait-elle
encore de nos jours la politique de ses songes à la planète
tout entière?
En
vérité, le Président des Etats-Unis, Donald Trump, obéit
à son tour à son rêve, celui de fonder le capitalisme sur
le rêve de justice du socialisme? Son rêve de justice le
conduit à déclarer que le but de son apostolat patriotique
n'est autre que de "ressusciter le rêve américain".
Plus que jamais, la vraie postérité d'Etienne de la Boétie
s'inscrit dans une psychanalyse de l'histoire et de la politique
que Freud n'a fait qu'esquisser, tellement une espèce livrée
de naissance à des personnages imaginaires est loin de nous
avoir livré ses secrets .
Le18
novembre 2016