Le 10 janvier 2006
À
propos de l'atrophie spirituelle
Cher
Monsieur de Diéguez,
Votre
écrit sur l'atrophie spirituelle, n'en finit pas de résonner en
moi. Permettez-moi de vous faire parvenir un petit texte en écho
à votre réflexion ; comme vous le dites, le partage des mêmes
questions, surtout aussi essentielles, est parmi ce qu'il y a
de plus précieux.
A
vous fidèlement,
Jean-Marie
Delassus
L'homme
s'approprie, chacun pour lui-même et progressivement, une part
des institutions sociales pour y jouer un rôle, y trouver une
identité et en posséder des éléments de pouvoir sur autrui. De
ce fait, il compense en valeurs matérielles et monétaires, comme
en moyens de puissance esclavagiste, ce qui ne lui est plus accessible
au niveau de son soi.
De même que l'on parle du "cours de la monnaie", on peut
dire que l'être profond et réel de l'homme n'a plus "cours"
; ce qui en reste éventuellement étant relégué ou délégué à des
fantasmes religieux et/ou absorbé dans la vie automatisée. Ainsi,
l'atrophie spirituelle, ou son équivalent l'aliénation
spirituelle, caractérise l'homme " brisé au niveau de l'axe
central de son évolution cérébrale" (M. de Diéguez, décembre
2005). Cet "homme" ne peut pas être son être, il en est
empêché en raison des forces de répression que les sujets exercent
les uns sur les autres et qui définissent d'ailleurs assez exactement
leurs institutions.
La
raison de cette contrefaçon de l'homme tient à son cerveau resté
simiohumain, c'est-à-dire n'ayant pas les moyens naturels, ou
acquis, de contrecarrer son identification spontanée à la matière
et à sa logique, faute d'une représentation adéquate et partagée
de son être.
Dans ces conditions, l'homme se fait violence, en souffre et cherche
par tous les moyens à dénier son désespoir secret ; il reporte
alors sur autrui cette violence qu'il se fait inconsciemment subir.
Le sacrifice de l'autre devient la base institutionnelle visant
à compenser le sacrifice de soi en le transformant en jouissance
de la mort perpétrée.
L'accès
à la vision intérieure, constituant la base même de notre réel,
serait plus juste ; mais il faudrait pour cela que les sujets
renoncent à leur moi, acceptent de revenir au soi et au partage
de l'être enfin humain comme l'intervalle de la condition de soi.
Dans le cadre de ces données, l'anthropologie critique
apparaît nettement comme la base nécessaire d'une conception de
l'homme dont la carence conduit aux pires dérives idéologiques.
Je vous mets en pièce-jointe
un tableau peu connu d'un peintre, Carlo Zinelli,
qui est passé par les hôpitaux psychiatriques et dont quelques
oeuvres sont au Musée de l'Art Brut. Quand je l'ai découvert,
par hasard, j'ai immédiatement pensé que ce tableau illustrait,
d'une certaine manière, l'atrophie spirituelle et sa progression.
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Tableau de Carlo
Zinelli , abcd
galerie, 93100 Montreuil.
Docteur J.M. DELASSUS
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Mise en ligne 14 février
2006