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LETTRES A LA GENERATION DE LA LIBERTE

XII - Jean-François Kahn et le thème de la folie en politique

Une psychanalyse de la condition humaine est-elle possible ?


1 - Le faux est-il la santé, la passion de la vérité est-elle une maladie ?
2 - Où l'évolution du cerveau simiohumain en est-elle ?
3 - L'inconscient originel du simianthrope
4 - L'universalité de l'inconscient politico-religieux
5 - La santé névrotique de la démocratie mondiale
6 - L'inconscient théologique de la démocratie
7 - La politologie de demain et le " complexe du léopard "

*

1 - Le faux est-il la santé, la passion de la vérité est-elle une maladie ?

Apprenez que Jean-François Kahn persévère et signe : M. Nicolas Sarkozy, dit-il, serait fou à lier, mais "on ne peut pas le dire".

De telles allégations devront vous instruire du contraste qui oppose la brillance journalistique au sérieux de la pensée politique. Mais seule une réflexion philosophique, donc anthropologique sur les relations que l'humanité entretient avec son histoire sera en mesure de vous armer d'une vraie science de la folie.

Qu'est-ce que la démence ? Depuis Philippe Pinel (1745-1826), le souci constant des spécialistes de cette pathologie fut de définir clairement un dérangement cérébral aux symptômes aussi multiples que divers et déconcertants. Mais le génie de Pinel est allé si loin qu'il a pressenti la " normalité " d'une maladie dont la connaissance scientifique exige une réflexion philosophique sur l'encéphale de l'espèce simiohumaine . Deux de ses ouvrages, Nosographie philosophique et Traité médico-philosophique de l'aliénation mentale éclairent sa thérapie de l'identification secrète du médecin au malade.

La médecine d'aujourd'hui s'accorde à diagnostiquer une infirmité qui, non seulement rend le sujet incapable de formuler une argumentation raisonnée, donc d'élaborer un discours suivi et cohérent, mais également de séparer distinctement le monde réel des assauts de son imagination . Bien souvent le fou est sujet à des hallucinations qui lui font prendre un objet pour un autre et qui le plongent dans un chaos mental sans remède. C'est ainsi que le dément qui a coupé la tête d'une infirmière à l'hôpital de Pau , il y a deux ans, croyait sincèrement couper la tête d'un dangereux serpent. Mais à quel moment la confusion entre le réel et le rêve devient-elle une maladie ? Que deviendrait la science historique si cette pathologie universelle s'exprimait au profit de la " folie douce " des songes religieux qui bercent l'humanité ? Quand Benoît XVI décide d'accorder un raccourcissement de leur séjour au Purgatoire à des milliers de fidèles qui se rendront à Lourdes entre le 8 décembre 2007 et le 8 décembre 2008 , s'adresse-t-il à une humanité en bonne santé mentale ou démente ?

C'est pourquoi, depuis la Traumdeutung de Freud, parue en 1900, la science du naufrage de la raison sépare vigoureusement la folie de la névrose. Cette distinction se veut tellement radicale que les spécialistes de la folie proprement dite s'appellent des psychiatres et travaillent en milieu hospitalier, tandis que ceux qui soignent des dérangements relativement bénins et guérissables de la conscience de soi se qualifient de psychanalystes, c'est-à-dire de médecins de l'inconscient banalisé et normalisé de l'humanité. Mais si la névrose se présente sous les traits d'une folie atténuée et majoritairement partagée par une société entière, où fera-t-on passer la frontière entre un ennui de santé pour lequel on ira consulter un homme de l'art et une maladie qui conduira à l'enfermement du malade par l'intervention d'une tierce autorité?

Ne devenez pas de nonchalants promeneurs entre le cabinet médical et l'asile, ne devenez pas des badauds et des passants de Clio ; car la normalité tenue pour l'expression de la bonne santé d'une époque se définit à la lumière de critères fort variables d'une culture à l'autre. Il s'agira, pour vous de savoir à quels critères vous reconnaîtrez des névroses cristallisées et hiératisées par l'éducation - celles qui se rendront transmissibles d'une génération à l'autre et qui feront de l'erreur avérée le canon même de la vérité aux yeux d'une époque. La distinction d'apparence universalisante entre la raison solitaire et la déraison partagée de siècle en siècle n'est donc pas aussi simple et évidente qu'il y paraît à l'opinion commune et normalisée, parce que seule la question de la nature des névroses collectives soulève le problème politique et philosophique décisif que Jean-François Kahn néglige de traiter .

2 - Où l'évolution du cerveau simiohumain en est-elle ?

Depuis des millénaires, les mythes religieux répondent au besoin viscéral du simianthrope de ne pas se trouver livré à lui-même sous le soleil, donc d'installer un guide et un protecteur sage et fiable dans son imagination . Comment rendre crédible un personnage fabuleux par définition? A quel moment s'agit-il d'un savoir et à quel moment d'une névrose ? Quand Moïse s'absente pendant quarante jours seulement sur le Mont Sinaï afin d'y recueillir les écrits d'un acteur installé dans le vide du cosmos, il retrouve son peuple dansant de joie autour d'un veau d'or tenu pour une divinité.

La crainte et l'angoisse de ne jamais fêter le retour du prophète et du chef militaire disparu dans la montagne où il était allé chercher la caution du rassembleur suprême avait non seulement livré le simianthrope à la panique, mais lui avait révélé sa chute dans la folie d'une guérison qui le laisserait seul et sans le secours d'aucun totem sous des étoiles devenues indifférentes à son sort. La crainte et l'angoisse, déjà pascaliennes, de ne savoir à qui parler dans l'immensité avaient provoqué en quelques heures le retour de l'idole animale. Comment qualifier de névrotique la croyance que quelqu'un vous regarde de loin ou de près? Mais votre futur recul d'anthropologues à l'égard de l'espèce encore embryonnaire à laquelle vous appartenez vous contraint, en tout premier lieu, à changer de tête , donc à franchir une étape décisive dans l'évolution de la boîte osseuse du simianthrope. Un siècle et demi après Darwin, il y a urgence d'apprendre que vous n'avez pas d'autre interlocuteur dans le cosmos que votre propre masse encéphalique et que vous vous trouvez en guerre avec celle de vos congénères terrorisés depuis les origines. Mais vos chromosomes sont-ils prêts à se trouver bousculés par la réalité? Pouvez-vous précipiter l'évasion de votre crâne du jardin d'innocence qui l'immunise contre le poison de la connaissance ou bien avez-vous besoin du cancer de l'erreur pour survivre?

Du moins pouvez-vous observer que la notion d'inconscient est demeurée poussive un siècle durant, puisqu'elle souffre d'une amputation de sa véritable signification médicale ; car une psychanalyse étrangère au tragique de la condition semi animale demeure fondée sur l'hypothèse faussement réconfortante selon laquelle l'humanité serait globalement et majoritairement saine d'esprit. Cette illusion permet de fonder une thérapie entière sur l'hypothèse selon laquelle l'inconscient collectif réputé normal ne serait victime que de dérangements ou d'atrophies individuelles certes troublantes, mais néanmoins exclusivement locales et qu'on appellerait des névroses. Mais comment jugeriez-vous sains d'esprit des peuples entiers que vous voyez livrés dès le berceau à des éducateurs chargés de les convaincre de l'existence d'un puissant acteur vaporisé dans le cosmos, comme si toute la question se réduisait à le planter durablement dans l' imagination fantastique du simianthrope ? Vous êtes les phalanges de l'évolution cérébrale d'une humanité agenouillée devant trois démiurges qu'elle s'efforce de fondre en un seul ; mais leurs doctrines demeurent incompatibles entre elles et leur complexion n'a cessé de changer au cours des siècles.

3 - L'inconscient originel du simianthrope

Vous observerez en premier lieu que Freud lui-même s'est contenté, au début, d'observer les ruses et les faux-fuyants de l'inconscient social partiellement perturbé ou dérangé de certains sujets bizarrement déconnectés de leur groupe d'appartenance. Dans ce cas, le malade tente désespérément de retrouver tout seul son équilibre psychique antérieur, c'est-à-dire à réparer la barque qui le banalisait à le calquer sur l'inconscient de la société dans laquelle il se trouvait confortablement immergé. Il y emploie les moyens du bord et il y fait flèche de tout bois ; mais comment se fait-il qu'il cherche seulement à retrouver sa folie, comme si un code immunitaire individualisé n'était jamais qu'une coque percée et condamnée à faire eau de toutes parts ? Comment se fabrique-t-il un calfeutrage psychique adapté à sa carène et dont le caractère souvent obsessionnel exprime la difficulté qu'il rencontre à l'installer parmi les rituels fossilisés qu'expriment les redites convenues d'une folie collective dite "en bonne santé " ?

Quand Freud, qui avait l'esprit philosophique et qui se situait déjà dans la postérité de Darwin, eut compris que les inconscients collectifs illustrent nécessairement une structure innée du psychisme du simianthrope, cette évidence anthropologique aurait dû le conduire à une psychanalyse universelle de la condition simiohumaine, donc délivrée des plâtrages et replâtrages de la " cure interminable ", parce que la notion d'inconscient ne devenait scientifique qu'à la condition de se révéler révolutionnaire, comme toutes les vraies découvertes. Mais, du coup, la psychanalyse était appelée à conduire l'humanisme européen et mondial demeuré superficiel depuis la Renaissance à une profondeur du "Connais-toi" inaccessible à toutes les civilisations antérieures.

On sait que Freud s'est principalement attaché à l'étude de l'inconscient religieux de type monothéiste, lequel s'exprime par la croyance relativement récente en l'existence d'un démiurge qui n'aurait personne dans son dos et par la foi du sujet en une "parole de vérité" sur laquelle il ne saurait s'autoriser à porter un vrai regard, puisque l'idole est censée l'avoir progressivement révélée à sa " créature " sous une forme doctrinale rédigée par un secrétariat hautement assermenté. Mais l'angoisse grecque ne remontait pas si haut : les dieux de l'Olympe se contentaient d'apaiser et de protéger un monde déjà présent. Quant à remonter jusqu'à la création de l'espace et du temps, le simianthrope n'y pense pas ; car il perdrait toutes ses saintes Ecritures à courir après un démiurge situé hors du temps et de l'espace. Et pourtant, la réflexion de fond sur le politique ne saurait commencer seulement en aval. Pour accéder à une psychanalyse de l'inconscient originel du simianthrope, donc à une spectrographie de la folie propre à une espèce " tombée dans le temps ", dit la sagesse des mystiques, il vous faudra apprendre à observer la nature viscéralement bifide de son encéphale.

C'est pourquoi l'étude simianthropologique de la "folie" de M. Nicolas Sarkozy nécessite une élaboration théorique étroitement articulée avec une spectrographie de l'inconscient politique européen d'aujourd'hui et, par delà, avec l'inconscient politique de l'espèce simiohumaine tout entière.

4 - L'universalité de l'inconscient politico-religieux

Qu'y a-t-il d'universel dans la découverte de l'inconscient semi animal du simianthrope politico-religieux? Pour le comprendre, je vous ai déjà raconté que la tribu des Dorzé est persuadée de l'entière sincérité de la conversion du léopard au dieu Jésus ; néanmoins, cette conviction, si louable qu'elle soit, n'empêche pas les Dorzés de protéger toute la semaine leurs troupeaux des ravages de la piété du léopard, donc également le jour où la dévotion du fauve devient particulièrement édifiante ; car le vendredi, son âme sauvée le contraint à jeûner jusqu'au lendemain, faute qu'il dispose du poisson secourable dont les chrétiens se sont longtemps contentés sous la menace de l'enfer.

Cet exemple est d'une grande portée simianthropologique : car, dans toutes les religions du monde, l'incrédulité refoulée s'exprime par l'adage précautionneux : " Aide toi et le ciel t'aidera ". De même, le catéchisme que M. Nicolas Sarkozy a appris à réciter dans son enfance - il est né en 1955 - lui a inculqué plusieurs dogmes. Le premier lui a enseigné que l'Amérique est le paradis de la liberté et que cette nation n'est pas un prédateur-né, comme le léopard, mais un missionnaire au cœur sur la main. Le second dogme lui a appris que l'apostolat à la fois naturel et extra-terrestre à sa manière du nouveau peuple élu en a fait pour toujours le messie de la liberté dans le monde entier.

Cependant, si sainte que soit la vocation politique et guerrière de l'empire du pétrole, M. Nicolas Sarkozy n'en est pas moins fort dépité quand le léopard fait fi de son chapelet et s'empare du marché marocain du Rafale ; et il se dit que, la prochaine fois, il protègera l'aviation de chasse française les jours de carême. De même, la profession de foi de M. Nicolas Sarkozy devant le concile de la Chambre des représentants et du Sénat d'outre -Atlantique réunis pour la circonstance ne l'empêche pas de signer un contrat avec le gouvernement d'Alger d'un milliard d'euros pour l'extraction et l'exploitation d'une nappe de gaz d'une richesse considérable, quoique située sur le territoire d'un Etat musulman - pour ne rien dire du contrat espéré pour la construction d'une usine nucléaire à usage civil. De même encore, les contrats pour vingt milliards d'euros signés avec le dragon chinois témoignent de ce que le simianthrope est à lui-même un fieffé léopard et qu'il n'est pas question de lui demander de jeûner le vendredi. Enfin, la Lybie est un léopard qui ne tient pas à porter la mitre. A ce titre, elle est plus européenne que M. Nicolas Sarkozy , puisqu'elle dit que l'euro a vaincu le dollar et que c'est un beau léopard que cette monnaie-là . Ce n'est pas le colonel Kadhafi qui rêve d'émasculer l'euro - il voit, lui, que ce fauve est gaulliste.

La psychanalyse politique du genre simiohumain ne saurait donc accéder à l'approfondissement anthropologique, donc universelle de la définition de l'inconscient semi animal que cette notion appelait dès 1900 sans que vous vous attachiez à l'étude de l'esprit religieux au sein duquel la schizoïdie native dont souffre le cerveau du simianthrope apparaît en des termes clarifiés par l'expression doctrinale d'une dogmatique scindée à son tour et d'avance entre le politique et le sacré ; car, à l'instar des Dorzés, qui déposent leur léopard céleste sur le rayon réservé à la partie onirique de leur encéphale, les hommes politiques d'aujourd'hui cachent le dieu Démocratie sous le tabernacle de leur espèce de justice, afin de présenter au vu et au su du monde entier les idéalités aussi florissantes que pieuses auxquelles ils adressent leurs prières. Quels sont leurs sacrifices sur les autel au-dessus desquels ont voir voleter les anges de leur langage ?

5 - La santé névrotique de la démocratie mondiale

Vous savez maintenant que l'accusation de folie que Jean-François Kahn adresse à Nicolas Sarkozy manque de fondement dans une science historique articulée avec une connaissance simianthropologique de l'universalité de l'inconscient schizoïde qui pilote les évadés du règne animal ; car une vraie psychanalyse du simianthrope est tenue de donner un tout autre tour à l'examen proprement politique de la névrose dont M. Nicolas Sarkozy ne souffre en rien, puisqu'elle est connaturelle au genre simiohumain et exprime la bonne santé politique d'une espèce dichotomisée de naissance. Quelle est donc la vraie question à poser à la santé florissante de sa folie? Celle de savoir si un homme d'Etat qui s'imagine sincèrement que les Etats-Unis seraient un léopard chrétien est apte, au sens de l'art. 68 de la Constitution du 6 février 2007, à présider aux destinées de la France et à redonner son destin mondial à la nation de Descartes.

Car si M. Nicolas Sarkozy ignore que les Etats-Unis sont un empire en expansion, si M. Nicolas Sarkozy ignore qu'une démocratie mondialisée est fatalement vouée à devenir un empire , si M. Nicolas Sarkozy ignore que l'histoire de la planète enseigne cette évidence depuis la démocratie athénienne et la République romaine, alors sa rétine est trop pieuse pour recevoir l'image du léopard réel, mais seulement celle du léopard universel des Dorzés, que les chrétiens appellent " Dieu " et dont ils demeurent incapables d'observer la dichotomie cérébrale native. Car la politique du démiurge biblique est copiée sur celle de l'encéphale schizoïde du léopard des Dorzés ; et les saintes écritures du léopard des nues le divisent entre son ciel et les tortures éternelles de son enfer. C'est pourquoi le fauve céleste fait main-basse sur un monde qu'il fait survoler par les escadrilles de ses séraphins.

Apprenez que les chrétiens ont beau être devenus dévots, leur léopard n'en dispose pas moins de sept cent trente sept places-fortes, garnisons, camps retranchés et bases navales répartis sur toute la surface du globe terrestre. La vraie question à poser à Jean-François Kahn est donc translucide : un homme d'Etat que son catéchisme empêche de regarder droit dans les yeux un fauve converti à la démocratie et dont les pattes sont partout est-il apte à exercer la fonction politique et militaire dont le suffrage universel l'a investi? Sera-t-il en mesure de mobiliser la France et l'Europe pour la reconquête de leur indépendance théologique et militaire ? Sa servitude intérieure à l'égard du léopard de la liberté n'appelle-t-elle pas une psychanalyse de la piété semi animale des descendants d'un primate à fourrure ? Qu'en est-il du malade que le simianthrope est à lui-même, du malade affligé d'un cerveau bipolarisé de naissance, du malade dont les psychanalystes devront apprendre le fonctionnement de sa boîte osseuse afin qu'il naisse de vrais hommes d'Etat ?

6 - L'inconscient théologique de la démocratie

Car enfin, si M. Nicolas Sarkozy est un Dorzé au service du Dorzé suprême que le peuple souverain est devenu aux yeux des simianthropologues, et s'il croit que le léopard est un fauve converti au christianisme, vous pensez bien que cette découverte ne présente un intérêt politique pour le monde entier qu'à la condition que le genre simiohumain et son Dieu soient à son " image et ressemblance ", comme disent les Ecritures. Vous devez donc vous demander pourquoi, pour la première fois dans l'histoire du simianthrope, un puissant empire étranger parvient à occuper le territoire d'un continent plus civilisé que lui sans faire étalage de la force de ses légions et sans lever le glaive sur la tête de ses vassaux. Pour cela, il faut bien que l'instinct de dépendance et de soumission soit inné chez le simianthrope . Vous devrez donc vous demander d'où vient un penchant aussi invincible et pourquoi il se rend indéracinable. S'agit-il d'une démence ou d'une névrose ? Visiblement d'une névrose à la fois congénitale et socialisée, universelle et diversifiée au gré des climats et de la géographie.

Les dieux du simianthrope sont attachés à un territoire, les souverains du ciel de cet animal sont localisés, tous les autels que bâtit cette espèce sont identifiables au vu de l'endroit où ils sont dressés . Mais si l'Italie , l'Espagne et l'Allemagne ne demandent pas aux troupes étrangères qui occupent leur territoire depuis soixante ans de retourner chez elles, croyez-vous que cela serait explicable si la névrose des Dorzés n'était pas d'origine et de nature théologique ? Car aucun ennemi militaire de l'Europe n'étant en vue, il faut bien qu'une puissance seulement intérieure exerce sur les encéphales une fascination de nature religieuse. Cette vérité doit vous apparaître comme une évidence d'autant plus aveuglante que l'Italie l'Espagne et l'Allemagne sont des nations demeurées fort croyantes, alors que le seul pays de l'Europe qui ait demandé à l'occupant de lever le camp, et cela il y a quarante ans déjà, est aussi le seul qui, dès 1905 , a proclamé qu'il ne reconnaissait et ne subventionnait aucun culte et qui a radicalement séparé l'intelligence politique de la raison théologique .

7 - La politologie de demain et le " complexe du léopard "

Mais puisque la laïcité n'a ni réussi, ni même tenté d'expliquer les liens psychobiologiques qui rattachent la politique simiohumaine au " complexe du léopard ", vous devrez fonder l'humanisme de demain sur votre connaissance à la fois anthropologique et historique de cette connexion viscérale. Pour cela, vous observerez que le démiurge mythique des chrétiens a chu au rang de son coadjuteur et remplaçant sur la terre, l'empire américain, lequel porte les armes et la cuirasse de la théologie du créateur sur toute la terre habitée . Ce léopard géant brandit désormais les saintes écritures de la démocratie à l'échelle des cinq continents, ce léopard cosmique porte le sceptre de la nouvelle délivrance du monde, ce léopard rappelle que Dieu est mort, mais qu'il a trouvé un héritier capable de s'emparer de l'Europe.

Si vous n'observez pas l'origine inconsciemment théologique, donc religieuse de la rédemption démocratique que le complexe du léopard fait prêcher à M. Nicolas Sarkozy, comment diagnostiqueriez-vous sa névrose sur l'écran géant d'une véritable simianthropologie de l'espèce née névrotique ? Il vous faudra élever la psychanalyse à la connaissance de la soumission de votre espèce à une autorité souveraine. Car seule une mutation psychogénétique des descendants du chimpanzé peut remédier à leur servitude innée et conjurer le pire danger que court cet animal, celui d'inscrire son désir de la liberté dans une problématique pré-programmée par son désir de dépendance.

Qu'est-ce à dire ? Depuis l'hérésie arienne du IIIe siècle, les chrétiens ne tentent-ils pas de conquérir leur liberté, leur dignité et leur puissance ? Mais tous leurs efforts ne se donnent-ils pas l'ombre de leur démiurge pour théâtre ? Toute la classe politique française et européenne d'aujourd'hui ne fait-elle pas les mêmes efforts que l'hérésie arienne, mais à l'ombre de l'empire américain ?

Quand M. Nicolas Sarkozy semble raisonner en Européen et en homme libre , il s'écrie : " Les Serbes et les Kosovars ne veulent plus vivre ensemble. Que devons-nous faire ? Tito est mort , la Yougoslavie n'existe plus. C'est à l'Europe , non à la Russie ou à l'Amérique, de résoudre ce problème. " Mais il oublie tout simplement qu'il pense à l'ombre du léopard, qu'il se veut libre sur le territoire du léopard, que le léopard a construit au Kosovo la plus gigantesque base militaire jamais construite depuis 1945, "Bondsteel" - située au sud du Kosovo près d'Urosevac, sur la route entre Pristina et Skopje en Macédoine - et que cette garnison est une véritable petite ville, où les Américains vivent entre eux. Crier : " Vive le Kosovo libre " dans le repaire du léopard , ce n'est pas seulement se moquer du monde, c'est ignorer la dimension militaire de la politique internationale .

Le Vieux Monde actuel voudrait aiguiser le couperet d'un De libero arbitrio des temps modernes. Mais la seule revendication que tout le monde se garde bien de formuler n'est autre que celle de la décapitation pure et simple du souverain mi-terrestre, mi-céleste de l'Europe. Car pour faire tomber la guillotine sur le cou des anges de la pensée, il vous faudra vous mettre en mesure de démontrer l'inexistence parallèle du ciel des léopards et de l'empire religieux américain , tellement Dieu et l'Amérique n'existent que dans la tête de leurs adorateurs. ?

Le 17 décembre 2007