1 - Le potager des dieux
2 - Une cartographie de l'absolu
3 - D'où observer le cerveau humain ?
4 - Brève histoire de la cervelle simiohumaine
5 - Brève histoire de la cervelle des chrétiens
6 - L'irruption de l'infini et l'anthropologie
des théologiens
7 - La théologie post-einsteinienne
8 - Les dieux d'ailleurs sont de retour
1
- Le potager des dieux 
A l'heure des guerres puniques, le Sénat du peuple romain
avait commencé de légiférer sur les nombreuses pratiques cultuelles
alors en usage dans l'enceinte de la cité, mais nullement
aux fins de préciser fermement la nature exacte, les apanages
reconnus et le rang des divinités diverses dont l'empire s'était
peu à peu enrichi. Comme de nos jours, il s'agissait exclusivement
d'élucider la question annexe de savoir si le peloton des
divinités tout juste arrivées d'un Moyen Orient fécond en
rites et en liturgies devait jouir des mêmes prérogatives
que les statues qu'on avait fait venir de Grèce quelques siècles
seulement plus tôt et qui s'étaient si bien acclimatées au
ciel de l'endroit qu'on en avait négligé les dieux lares.
Pourquoi, dans l'interrogation théologique des Sénateurs concernant
les privilèges respectifs des divinités d'ici et d'ailleurs
face à l'armée d'Hannibal, chercherait-on en vain la plus
imperceptible lueur d'un questionnement rationnel concernant
l'existence ou l'inexistence des Célestes légitimés depuis
belle lurette ou fraîchement réceptionnés, sinon parce qu'aux
yeux de tout le monde antique, il était évident que les Immortels
accueillis avec leurs rituels mouillaient désormais en sécurité
dans la rade réservée aux Célestes, et cela du seul fait qu'on
honorait d'un culte public les cuirassés de l'éternité.
On s'imaginait que la vérité religieuse parlait naturellement
dans sa substance. Du reste, la langue latine soulignait qu'en
tous lieux les causes sont déposées dans les choses mêmes
- causae positae sunt in ipsis rebus. Pendant des siècles,
les sciences exactes reposeront à leur tour et dans le monde
entier sur la croyance en la loquacité légalisante de la constance
de l'univers physique; la matière faisait entendre la voix
juridictionnelle qui la régissait, donc la parole du signifiant
civique qui la commandait; et puisque la nature suit un cours
fiable aux yeux des législateurs et des grammairiens du cosmos,
cette fiabilité était reçue pour le signal d'un "sens rationnel"
parallèle au vocabulaire des cités.
De plus , le latin ne cesse de souligner la primauté de l'usage
commun, donc de l'esprit pratique dans la connaissance rationnelle:
la science des dieux était pragmatique et se fondait sur l'expérience
de l'efficacité tangible des cultes. (Nelson
Mandela et la guerre des songes, 21
décembre 2013)
2
- Une cartographie de l'absolu 
La seule difficulté épistémologique sérieuse, aux yeux du
Sénat de la République était donc de nature politique et militaire:
la défense en armes du peuple de la Louve et la solidité de
l'Etat étaient-elles équivalentes quelles que fussent les
pratiques religieuses des citoyens, ou bien la scission des
rites sacrificiels entre les Immortels importés de l'étranger
et ceux du cru nuisait-elle à l'efficacité des immolations
coutumières d'animaux à tous les Célestes répertoriés? En
tant que tels, les dieux étaient-ils des fruits naturels,
légitimes et efficaces d'une géographie de la théologie ou
bien la consommation de leurs liturgies se révélait-elle inégalement
performante selon l'adéquation de ces légumes mentaux à l'alimentation
religieuse des peuples, des nations et des climats? Cette
conviction a duré jusqu'au trépas des monarchies catholiques
aux yeux desquelles les territoires exerçaient la charge de
légitimer leurs Olympes en retour: Cujus regio, ejus religio,
"Telle région, telle religion".
Vingt-trois siècles après les guerres puniques,
le simianthrope occidental est-il devenu une espèce tellement
pensante qu'il aurait commencé de se demander sérieusement
comment les balances à peser les dieux sont construites? La
réponse ne fait pas de doute: il faut refuser à cet animal
le titre de "réfléchi", puisque son sommeil cérébral lui interdit
encore davantage que du temps d'Hannibal de se poser la question
de l'existence des souverains imaginaires censés piloter le
cosmos. Par chance, la question de la nature du sommeil intellectuel
qui frappe les religions est devenue politique à l'échelle
de la planète tout entière. Que se passe-t-il au sein d'une
civilisation endormie quand, dans le monde entier, le fossé
entre les sciences et les cosmologies mythiques ne cesse de
se creuser, de sorte que l'abîme entre les savoirs exacts
et les rêves sacrés devient de plus en plus impossible à combler?
Julien
Green, écrivain catholique de langue française, mais de nationalité
américaine et qui démissionna du Quai Conti disait qu'un homme
se trouve réellement assassiné sur l'autel romain et que l'indifférence
des fidèles à une vérité de la foi aussi évidente l'indignait.
Sa colère ne portait donc en rien sur la croyance des
fidèles assoupis par un prodige théologique connu, coutumier
et dont il ne doutait pas un instant, mais sur la stupéfiante
légèreté d'esprit des croyants, qui passent outre au miracle
avec un bel ensemble et sans se troubler le moins du monde.
Et pourtant, au début du XVIe siècle, la vigilance des peuples
du nord de l'Europe a couru en sens contraire: on les a vu
nier comme un seul homme un phénomène cultuel fantastique.
Puis leur hérésie est devenue la nouvelle orthodoxie en Angleterre
et dans toute l'Amérique du Nord.
3 - D'où observer le cerveau humain ?
Depuis
un millénaire, une religion nouvelle, l'islam, s'était fondée
sur la suppression pure et simple des autels du sacrifice
de sang. Mais pourquoi la Chine, l'Inde et le Japon n'ont-ils
jamais offert de la viande ni animale, ni humaine, ni crue,
ni cuite au prétendu créateur d'un univers pourtant saignant
à souhait? Seul l'échiquier intellectuel nouveau d'une
anthropologie réellement scientifique peut se trouver habilité
à féconder la question de savoir primo, pourquoi trois
milliards d'évadés de la zoologie sur six installent un maître
invisible à la fois dans leur tête et dans le vide de l'immensité
et secundo, lui offrent une victime torturée à mort
pour salaire et enfin, tertio, comment ils légitiment
en juristes la gouvernance par l'assassinat qu'ils concèdent
à un guide sanctifié de tant de nations et à un chef incontesté
de tant d'Etats.
Car les chrétiens ne se risquent à réfuter leurs offertoires
qu'à partir de raisonnements fondés sur la logique de leur
potence: Calvin rejetait le meurtre de l'autel parce qu'il
suffisait, disait-il, que la victime de la croix eût été tuée
une seule fois pour qu'elle sauvât le monde. La plateforme
des théologies leur interdit toute réflexion psychologique
et politique en provenance de l'extérieur sur les véritables
causes du recommencement acharné d'un assassinat inaugural
et jugé insuffisant. De même, une fervente catholique réprimandait
fermement sa voisine, qui prétendait avoir aperçu la Sainte
Vierge parmi les légumes de son potager, alors qu'aucune apparition
de la déesse ne pouvait se produire un vendredi: chacun sait
que ce jour-là, la mère de Dieu s'affaire du matin au soir
à recevoir dignement son fils au paradis.
Une telle assiette de l'irréflexion interdit à l'humanité
de jamais se poser la question anthropologique de l'origine
et de la nature d'un Jupiter dédoublé entre le cosmos et le
cerveau de ses habitants. Mais comment apprendre à observer
du dehors un animal devenu pluri-cérébral? Les religions condamnent
la philosophie à se poser cette question-là ou à choir dans
le néant avant d'avoir seulement fait le premier pas.
4 - Brève histoire de la cervelle simiohumaine

Deux
siècles avant les guerres puniques, la question de l'existence
des Célestes avait pris à Athènes un tour imperceptiblement
plus philosophique, donc plus réfléchi. Socrate demandait
gentiment au devin Euthyphron ce qu'il pensait des dieux gourmands
de la chair crue dont on les engraissait à grands frais :
soupesaient-ils le prix et la qualité des viandes dont on
les gavait ou se moquaient-ils comme d'une guigne de la succulence
des victuailles et des empifrements de la piété? C'était poser
aux poches stomachales des Célestes la question soupçonneuse
de l'achat sur l'agora du culte comestible de l'époque; et
conjointement, c'était souligner le parallélisme entre la
pesée de la compréhensibilité et celle de la moralité des
dieux les mieux achalandés, donc les plus comblés d'animaux
de boucherie.
Mais alors, pouvait-on décemment aller jusqu'à reprocher aux
Immortels non seulement leurs ripailles de gros mangeurs,
mais leurs coucheries avec des mortelles? Homère, Pindare,
Hésiode avaient fait un grand étalage de cette double consommation.
Et voici que Platon vous conteste un coït de Zeus avec Héra
à même le sol! Du coup, la question de l'existence ou de l'inexistence
des Immortels coûteux ou de vil prix a commencé de dépendre
de l'éthique qui présidait parallèlement à leurs festins de
goulus et à leur vie sexuelle agitée. Aristophane avait eu
l'audace inouïe de couvrir de ridicule les goinfres de là-haut:
il suffisait, disait-il, de les affamer pour les affoler aux
côtés de leur garde-manger. Mais, non seulement ce constat
n'ébranlait pas davantage la piété de leurs fournisseurs que
l'assassinat réputé réel de Jésus-Christ sur tous ses autels
n'étonnait l'orthodoxie de Julien Green. Bien au contraire,
la familiarité des plaisanteries qu'on échangeait avec les
Immortels les mettait davantage à la portée des Athéniens
et renforçait, aux yeux du peuple, l'évidence qu'ils existaient.
Il faudra attendre Lucien de Samosate (125 - 180), le Voltaire
de l'antiquité, pour troubler durablement la digestion des
Célestes.
5 - Brève histoire de la cervelle des chrétiens

Mais,
paradoxalement, la question de l'existence de Zeus, puis de
trois dieux aux catéchèses en bisbille entre elles est demeurée
éminemment morale jusqu'à nos jours. Au XVIIIe siècle encore,
seuls les Diderot ou les Grimm allaient jusqu'à mettre en
doute l'objectivité de la notion d'existence - même
vaporeuse - appliquée au trio des dieux censés solitaires,
donc localisés et qui étaient parvenus à ravir à Zeus le monopole
de l'occupation corporelle de l'espace. Fontenelle, notamment,
a fait basculer dans le comique les problèmes culinaires que
le paradis physique des chrétiens s'efforce de résoudre depuis
deux millénaires, ainsi que la question de l'âge auquel Dieu
fait ressusciter ses élus.
Mais ces difficultés de la diététique céleste occupaient déjà
plusieurs chapitres dans la Somme théologique
de Thomas d'Aquin - il était nécessaire, disait l'Eglise,
de leur accorder l'honneur insigne de se montrer les uns aux
autres les cicatrices les plus glorieuses de leurs blessures
de guerre. On sait que ce saint aristotélicien a été élevé
au rang de docteur officiel de l'Eglise romaine et que ce
titre ne lui a pas été retiré. Mais le rire a si peu triomphé
de la gastronomie posthume que le patriarche de Ferney confondait
encore l'univers avec une horloge de haute précision et qui
ne saurait manquer à ses devoirs de piété envers l'humanité
ressuscitée. Les rouages et les ressorts inusables de notre
astéroïde renvoient le XXIe siècle au cerveau religieux des
Romains à l'heure des guerres puniques.
Et
pourtant, le XIXe et le début du XXe siècle avaient commencé
de se demander comment une humanité encore sauvage et livrée
aux sorciers des premiers âges aurait pu non seulement se
faire communiquer les ultimes secrets de l'univers, mais recevoir
toutes les informations nécessaires concernant un Dieu omniscient,
omnipotent et demeuré si longtemps caché à tout le monde.
Cette question était déjà en chemin chez les Romains: alors
que Cicéron soulignait encore que même les peuples les plus
campagnards et les plus incultes croient en l'existence des
dieux, Tite-Live retournait déjà cet éloge contre les peuples
les plus proches des bêtes féroces et qui se révèlent également
les plus religiosi - superstitieux.
Il aura fallu attendre la parution, sous l'occupation, de
L'être et le Néant de Sartre pour vulgariser
l'évidence que si la divinité anthropomorphique des chrétiens
était censée avoir fabriqué la montre Omega dont elle cachait
les plans dans ses neurones, c'était sur le modèle naïf des
artisans, qui vous fabriquent une table ou une chaise à partir
du principe qui préside à la construction des objets qu'ils
ont dans la tête et dont ils font débarquer "l'essence " et
la quintessence cérébrale sur la terre. Hélas le cosmos démontre
que les choses sont déjà là et que nous ne les soumettons
à nos coordonnées et à nos codes sacrés qu'après coup.
6
- L'irruption de l'infini et l'anthropologie des théologies
Aux yeux de la raison religieuse, l'existence précède à son
tour "l'essence" et cela à tel point qu'elle accorde, dans
la foulée, à la métaphore le pouvoir prodigieux de réaliser
les signes physiques qu'elle demande à la nature de produire.
Il lui faut mettre en images les signifiants, donc illustrer
les symboles dont elle entend faire écouter le message aux
fidèles. C'est pourquoi elle renvoie à deux genres littéraires,
la parabole et l'allégorie, qui permettent à des substances
de charrier le message subliminal du mythe. Mercure a effectivement
des ailes dans le dos, puisque, sans leur secours, sa carcasse
ne pourrait traverser les airs avec la célérité prodigieuse
qu'exigeaient ses trajectoires de voyageur de commerce de
l'Olympe. De même, Jésus multiplie des pains de seigle et
de froment, parce que la "vie spirituelle" est un pain immatériel
et qu'à ce titre, il se multiplie de lui-même dans les esprits
capables de goûter sa saveur. Le prophète métamorphose l'eau
plate en vin de là-haut, parce que la parole de Dieu est une
liqueur de si grand prix qu'elle change l'eau de la vie en
vin de l'immortalité. Jésus est ressuscité, dit Saint Paul,
parce que sans cela "notre foi serait vaine".
Mais la métaphore salvifique chargée de substantifier l'intemporel
et de rendre rédemptrice la chosification du symbolique a
subi un déclassement irréparable à l'heure où l'univers de
la matière s'est révélé illimité, ce qui a anéanti l'assise
spatiale du spirituel et réduit sa signalétique ascensionnelle
sur la terre au grotesque. Du coup, l'interprétation de la
création physique du globe terrestre en sept jours est devenue
matérialiste. Un mythe religieux dont la symbolique ne monte
plus dans le four de la foi en appelle et une tout autre imagerie
de l'ascension intérieure de l'humanité que celle dont le
récit biblique illustrait la machinerie.
7 - La théologie post-einsteinienne 
En vérité, le gouffre sans fond que le monde moderne a commencé
de creuser à partir de la Renaissance entre les savoirs plats
et la fable fécondatrice est devenu insondable à l'heure où
le temps et l'espace classiques se sont révélés des matières
auto-coagulantes ou liquéfiées au gré de la rapidité du mobile
qui en transporte l'horlogerie. Quant aux quinze milliards
d'années-lumière que mesure environ l'étendue du cosmos matériel
des astronomes kantiens d'aujourd'hui, elles ne font jamais
que cent cinquante mille milliards de milliards de kilomètres
- cette goutte d'eau ne nous dit rien ni de l'infini ouvert
au-delà, ni des galaxies volatiles qui pourraient y promener
leur poussière.
Einstein a dit qu'il ignorait si l'univers est infini. S'il
s'était voulu un peseur du moule dans lequel l'encéphale de
notre espèce est coulé, il aurait observé que ce creuset contraint
le cerveau simiohumain de concevoir un dieu Chronos ligoté
d'avance à l'illimité, tellement il est impossible d'assigner
à l'espace-temps une frontière au-delà de laquelle l'espace
et le temps auraient disparu. Mais, du coup, toute théologie
tombe dans une insaisissabilité rebelle à la conjugaison du
verbe être et à toute axiomatique doctrinale.
En
vérité, le Jahvé originel des Juifs et ses imitations tardives
se sont bien davantage fossilisés que le Zeus des Grecs sous
la plume amusée d'Aristophane ou de Lucien de Samosate, parce
que les philosophes grecs et les poètes de l'antiquité disposaient
du trésor inépuisable de faire monter sur les planches du
monde une théâtralisation spirituelle de la métaphore. L'allégorie
et la parabole permettaient de transporter le genre humain
dans un merveilleux et un surnaturel poétiques, tandis que
le monde moderne se fabrique en vain une échelle de Jacob
appelée à ne conduire nulle part. Le vide donne désormais
la réplique de son mutisme à la solitude irrémédiable de la
conscience transanimale.
8 - Les dieux d'ailleurs sont de retour
Dans
une situation aussi "existentielle", dirait Jean-Paul Sartre,
il est précieux d'observer à nouveaux frais ce qu'il adviendra
du fossé qui ne cessera de se creuser entre le savoir des
astrophysiciens, qui ont perdu en chemin le bâton de maréchal
du langage humain d'un côté et, de l'autre, le récit, demeuré
semi animal, des mythes cosmologiques soudés à la charpente
des ancêtres. Du coup, l'irréflexion et la cécité croissantes
de la classe dirigeante contemporaine rejoignent l'acéphalie
des sénateurs romains évoqués plus haut: M. Copé s'indigne
de l'incohérence mentale dont témoigne un rapport officiel
sur l'épuisement actuel du modèle d'intégration aux valeurs
de la République laïque d'une masse de quatre millions d'immigrés
d'Allah installés sur notre territoire.
Pourquoi ces croyants persévèrent-ils, depuis trois ou quatre
générations, à se prosterner jusque dans la rue devant une
divinité inconnue des Gaulois ? On sait que la rédaction de
ce rapport a été expressément demandée par Matignon à une
commission censée "adéquate" de cinquante huit prétendus
"connaisseurs" dont les patronymes ne renvoient à aucune
consonance française ou européenne et dont la teneur se trouve
intégralement affichée sur le site officiel du Premier Ministre.
Mais c'est occulter la vraie question de se défausser sur
le plurilinguisme.
Certes, on s'étonnera d'apprendre que "les langues de France
sont la variété dialectale de l'arabe (arabe maghrébin), le
berbère, le yiddish, l'arménien occidental, le judéo-espagnol
et le romani"; certes on sera surpris de découvrir qu'il
faudra "valoriser" un "enseignement de
l'arabe" que "l'Education nationale sera chargée d'assurer,
au même titre que les autres langues" et qu'on l'introduira
impérieusement "sur tout le territoire national". Certes,
on se frottera les yeux de ce que "l'enseignement dès le
collège d'une langue africaine (..) par exemple le bambara
ou le dioula ou le lingala ou même le swahili" soit sérieusement
préconisé. Où le français est-il passé? Mais qu'adviendra-t-il
des dieux de multiples provenances ethniques et géographiques
qui se promèneront sur notre territoire? C'est cela qu'il
faudrait élucider .
Puisque la France républicaine est censée demeurer cartésienne,
le Premier Ministre a aussitôt bondi comme un diable de sa
boîte: il allait de ce pas réfuter M. Copé. Mais il s'est
contenté de le traiter publiquement de "menteur invétéré".
Comment faire grief au gouvernement de cautionner un projet
de loi aussi farfelu si la République n'a pas de science du
sacré et ignore tout des arrière-mondes oniriques de l'humanité?
Pour sa part, Matignon a toujours lutté pour la raréfaction
des cultes, Matignon a toujours refusé aux jeunes filles le
port du voile islamique dans les écoles vouées à l'initiation
des enfants de France à l'avarice dont la pensée logicienne
se fait une vertu depuis la loi de séparation de l'Eglise
et de l'Etat de 1905. Mais si le pays demeure officiellement
fondé sur l'alliance formelle de la raison scientifique avec
l' intelligence, on voit, j'y reviens, que, sous le tricot
d'un seul et même bonnet phrygien, l'encéphale schizoïde de
ces deux coloristes du ciel polychrome de leur temps fonctionne
exactement sur le modèle biphasé du Sénat romain au IIIe siècle
avant notre ère, tellement on chercherait vainement, sous
des casaques électorales coupées dans différents tissus, la
plus microscopique étincelle d'un questionnement sérieux de
l'animalcule bipolarisé concernant la prétention des dieux
d'ici ou d'ailleurs de s'inscrire à l'état-civil des nations
sur le territoire desquelles ils ont planté leur tente.
Pourquoi n'est-il nullement tenu pour énigmatique que, depuis
des millénaires, l'animal semi cérébralisé persévère
de sécréter des personnages cosmiques de complexions diverses
et pourquoi n'est-il nullement étrange que des acteurs cosmiques
promènent leur identité spécifique sous l'os frontal de la
bête, pourquoi ne faut-il pas s'étonner de ce que des Célestes
nouveaux succèdent sans relâche à ceux qu'un usage de leur
immortalité de quelques siècles seulement aura suffi à porter
en terre? La réponse se trouve dans Nietzsche: on ne détecte
pas un seul être humain sur cent, écrit-il qui se pose réellement
la question de savoir si une proposition est vraie ou fausse.
Mais voici que la question de la nature des leurres universels
qui assurent la protection cérébrale de cet animal débarque
rantanplan sur tout notre astéroïde.
Ce sera l'objet de ma réflexion de la semaine prochaine.
le 8 février 2014