" Au spectacle de la tragédie de l'Europe
, est-il un seul Européen à ne pas pleurer silencieusement
ou bruyamment ?"
La agonia de Europa, Maria ZAMBRANO , 1904-1991,
Universidad politecnica de Valencia 2004, p.69, trad. Diéguez
1
- Les Janotus de Bragmardo de la France
2
- A qui la faute ?
3
- Et Pascal ?
4
- Le besoin d'obéir à quelqu'un
5
- Les modélistes de l'idole
6 - La science des religions et la culture
7
- La Sorbonne des laïcs
8 - Qu'est-ce que le meurtre de l'autel
?
9
- La République et l'enseignement de la philosophie
10
- Que faut-il enseigner sous le nom de philosophie ?
11
- La pythonisse des modernes
*
1-
Les Janotus de Bragmardo* de la France
*Ce personnage de Rabelais symbolise
les sorbonicoles ânonnants et chevrotants qui s'opposaient
à l'enseignement du grec en France.
On
raconte que quelques députés de la majorité des scolastiques d'aujourd'hui
voudraient interdire jusque dans la rue le spectacle offensant
qu'offrirait la burqa islamique aux citoyens de sens rassis et
que le Président de la République de la raison les encouragerait
vivement à légiférer dare dare. Bienheureux parfum cartésien s'il
devait contribuer à redonner sa dignité et ses droits à la raison
naufragée au pays de Voltaire. Mais un édit peut-il réhabiliter
la pensée ? Suffit-il de se retirer une étoffe de la tête pour
se rafraîchir les idées? Une civilisation censée convertie aux
droits de la pensée scientifique, mais qui refuse de peser les
croyances sur la balance d'une anthropologie expérimentale s'interdit
d'avance tout accès à une connaissance réelle et approfondie de
notre espèce.
Or,
la séparation de l'Eglise et de l'Etat est devenue acéphale. La
rationalité française a été rendue muette par les pédagogues de
l'éducation nationale eux-mêmes. Un "Je pense donc je suis"
oublieux de ce qu'il devrait raconter l'histoire des conquêtes
de l'esprit critique depuis le milieu du XVIIe siècle a triomphé
et nos philosophes d'Etat s'étendent mollement sur le lit de Procuste
de leurs définitions théologisantes du vrai et du faux. Le cogito
national est devenu à ce point vaporeux et privé de ressort cérébral
qu'il a conduit non seulement à une absurdité politique, mais
à une cécité suicidaire, parce que ces mimes de l'Eglise d'en
face n'affichent un fier trépas de l'intelligence de la France
qu'afin d'aider le monde entier à retirer les mythes sacrés du
formol. On ne combat pas les Olympes par le silence. L'oubli n'est
jamais qu'un tartuffisme cérébral.
Aussi
une philosophie d'avant-garde et qui progresse dans l'ombre commence-t-elle
de redécouvrir que Socrate était un anthropologue abyssal et que
la pensée occidentale a eu le malheur de laisser cette criante
évidence tomber dans l'oubli (Voir LIBERTÉ ET VÉRITÉ. PENSÉE
MATHÉMATIQUE ET SPÉCULATION PHILOSOPHIQUE d'Imre Toth.
Editions de l'Eclat, Le Monde, 03.07.09) . La pensée mondiale
va-t-elle renoncer à sa vocation première d'approfondir sa documentation
concernant la nature et la provenance des personnages célestes
qui se promènent encore dans les têtes et qu'on appelle des dieux
? Deviendra-t-il à jamais inutile de légitimer l'autorité de la
raison en ce bas monde ? Faudra-t-il porter la philosophie en
terre, parce que, dans un premier temps - nous y sommes déjà -
on mettra de simples opinions à égalité avec des raisonnements
suivis, puis on en viendra à condamner froidement les arrêts de
la logique au profit des désirs et des effrois que les simples
cultures ont la charge d'exprimer le mieux possible ? Naturellement,
tous les Etats du monde s'en frotteront les mains, puisque le
rêve multimillénaire de toute politique est de haranguer des potagers.
2 - A qui la faute ?
Mais
à qui la faute, se dit notre promeneur, si Mlle X tient à porter
la burqa ? N'est-elle pas titulaire d'un baccalauréat ? Mais si,
mais si. Le coefficient de la philosophie n'est-il pas de huit
aux examens du bac? Mais si, mais si. Diable, qu'enseigne-t-on
dans les lycées et au nom de la République des droits de la raison
si Mlle X sort de terminale pour déclarer qu'elle irait droit
en enfer dans le cas où elle ne se cacherait pas sous sa burqa
? Bien plus, si un enseignement neutralisé et étroitement surveillé
de l'histoire de la philosophie dans nos établissements du second
degré passe pour enfanter les philosophes auxquels l'Etat de droit
accorde sa patente, on ne voit pas pourquoi, de son côté, un enseignement
non moins scolarisé de l'histoire de la littérature française
et mondiale ne se changerait pas en pépinière des Balzac et des
Molière de demain.
Mais il y a pis : comment se fait-il que les croyances religieuses
résistent à toutes les réfutations de la philosophie et de la
science? C'est sans doute que l'échiquier du sacré n'est pas celui
de la raison et de la pensée, mais celui des "sentiments religieux";
et si la vérité ressortit au tribunal des sentiments, vous aurez
beau démontrer que les verdicts du cœur sont trompeurs, à ce compte,
vous ne ferez connaître en rien les croyances en tant que telles.
Installerez-vous donc un vide désespérant à la place du plein
larmoyant des dévotions? Remplacerez-vous seulement une euphorie
relativement peu coûteuse par une souffrance sans mesure?
En
vérité, toute la psychologie expérimentale de notre temps ignore
non seulement les raisons pour lesquelles Mlle X veut vivre dans
l'espérance du paradis et dans la peur des tortures infernales,
mais les causes pour lesquelles les sciences humaines souffrent
de cette carence dans le monde entier. La raison en serait-elle
bien simple et toute politique? Car si la République des scolastiques
d'aujourd'hui se demandait pourquoi l'enfant croit à l'existence
physique du Don Quichotte, nos Janotus de Bragmardo
courraient le risque de se demander également pourquoi la France
passe pour dotée d'un corps aux yeux des citoyens sous prétexte
qu'elle est censée se montrer en public et marcher de long en
large dans l'hexagone, alors que personne n'a jamais rencontré
en chair et en os ce personnage tout mental - la preuve en est
qu'il tente en vain de se rende visible en ses magistrats, ses
gendarmes, ses députés et tout son corps électoral. Ah ! si nos
scolastiques s'interrogeaient sur les divers sens du verbe être,
ils pèseraient le verbe savoir à son tour, mais sur les balances
d'une raison encore à construire et ils se diraient: "Comment
apprendrons-nous à penser la France ? " (Voir
Jean-Luc
Pujo, Les clubs "PENSER
LA France" )
3 - Et Pascal ?
Poursuivons un instant notre promenade et prenons une bouffée
d'air à nous demander si, malgré tout, la raison se révèlerait
une bouée métaphysique et si cet oracle enseignerait à une espèce
épouvantée qu'il lui faut se pénétrer jusqu'à l'os de l'évidence
qu'elle se trouve reléguée dans un cosmos que personne ne pilote,
que l'univers réel n'est dirigé que par des paltoquets élus par
des ignorants et qu'il est dément de leur substituer un personnage
revêtu des vêtements de l'éternité. Dans ce cas, d'innombrables
simianthropes seraient pris de panique ; et seules les âmes d'une
forte trempe resteraient debout, à moins que leur athéisme se
veuille seulement le fruit blet de leur indifférence à ce spectacle.
Mais si l'humanité se divisait effectivement entre des esprits
légers à ce point et une poignée de héros de leur lucidité et
de leur solitude, on comprendrait que Mlle X veuille bien trembler
toute sa vie à ce prix, dès lors qu'elle ne piétinera jamais que
quelques décennies à la porte de l'immortalité qu'un don Quichotte
du cosmos lui a promise en arabe. Il faut en conclure que si les
Français devenaient sérieux, il y a belle lurette qu'ils auraient
quitté les bancs de l'école pour armer leur âme et leur entendement
du degré d'héroïsme que leur cerveau désenchaîné leur imposerait
de conquérir à l'écart des Sorbonne de la démocratie.
4
- Le besoin d'obéir à quelqu'un
Cherchons
donc une motivation d'origine psychogénétique plus répandue que
la rare vaillance de méditer sur l'île déserte de l'auteur des
Pensées. En 1962, en plein concile Vatican II,
j'ai lu dans le Figaro un article signé d'un sorbonagre tremblant
de l'Académie des Sciences morales et politiques qui s'écriait:
"Qu'on nous dise enfin ce que nous devons croire!" Je me
souviens de ma stupeur juvénile de découvrir qu'un encéphale d'académicien
à la barbe majestueuse pouvait non seulement réclamer la sucette
du ciel dont il avait grand besoin, mais, de surcroît qu'elle
fût présentée à ses cheveux blancs dans un emballage garanti par
une autorité officielle. Ce jour-là, je crois avoir commencé de
comprendre que le simianthropus scolasticus ne cherche pas exclusivement
à doter le cosmos d'un Président directeur général intègre et
peu dispendieux: il est peureusement convaincu, de surcroît, qu'il
est un naufragé de naissance, mais que, par chance, une infime
minorité de sorbonicoles avertis le protégent de la noyade dans
l'immensité, parce qu'ils se trouvent dûment informés, eux, de
la nature et des attributs d'un puissant personnage vaporisé dans
le vide et que, par conséquent, le besoin de se placer sous les
ordres ou la tutelle d'un chef surinformé et tout puissant s'enracine
au cœur de toutes les sociétés simiohumaines. Tel est donc, me
suis-je dit, le metteur en scène de l'esprit d'obéissance et le
souverain imaginaire de l'humanité adulte.
5 - Les modélistes de
l'idole
Le promeneur va rencontrer des bosquets moins fleuris et même
inquiétants: quels périls la République courrait-elle d'enseigner
dans les lycées que la France réelle n'est pas incarnée pour un
sou, que ses hauts dignitaires n'y peuvent rien, parce que le
verbe exister se pèse sur les balances d'une psychologie
des valeurs et que si Dieu ou la République existaient, l'une
sur cette terre, l'autre au ciel, la sorte d'existence qui leur
appartiendrait en propre échapperait à tous les microscopes, parce
que la quête spirituelle de tous les mystiques les contraint à
se demander quel feu intérieur mériterait de servir de support
au verbe exister appliqué à un personnage indissociable
de leur âme. Seul saint Jean de la Croix ou Me Eckhardt enseigneraient
à Mlle X que ce n'est pas Allah qu'elle protège de sa burqa, mais
la pâle flammèche d'une foi tellement vacillante qu'un souffle
d'air suffirait à l'éteindre. Mais, naturellement, l'humanisme
démocratique et républicain n'a pas trouvé ses saints: comment
sa scolastique traquerait-elle le "Dieu" de la France,
celui qui vomit tout autrement le clinquant de son culte que le
Dieu d'Isaïe, celui qui ignore ses Sorbonne, celui qui souffre
mort et passion parmi les contrefaçons de la République?
Du coup, et n'en déplaise à Voltaire, les théologiens, me suis-je
dit, ne sont pas seulement les artisans d'un absolu scolarisé
parmi des congénères encore plus mal outillés qu'eux-mêmes, mais
des cerveaux de manutentionnaires devenus habiles à fabriquer
le plus sincèrement du monde le tape à l'œil des songes immunitaires
de l'humanité. Il s'agit seulement, pour les spécialistes de Jupiter,
de serrer la nasse des rêves d'enfants qui mettent les sociétés
en ordre de marche sous le commandement d'un magasinier des nues.
Leur tâche est lourde et ils s'en trouvent tout accablés, parce
qu'à chaque génération, il leur faut retisser le mythe effiloché
d'un fantoche cosmologique et le faire passer tout rapiécé aux
raccommodeurs du siècle suivant.
Mais
il se trouve, hélas, que "Dieu" est un personnage mental
contraint d'évoluer moralement et cérébralement à l'école de ses
analphabètes successifs, de sorte que, sous la férule de ses pédagogues,
l'idole a progressivement adouci sa complexion sauvage des origines.
Il faut seulement empêcher cette marionnette de se racornir précipitamment
et de se changer en un maniaque chenu; il faut seulement prendre
garde qu'à l'inverse, ce vieillard rajeunisse à l'école de l'utopie
- sinon, ses couturiers s'empressent de le mettre plus artificieusement
encore à la mode du jour.
Malgré
ces précautions, la longévité du "Dieu" qui court à la
soupe que ses maîtres-queux lui apprêtent se trouverait encore
davantage raccourcie si l'on tenait la nature éphémère de sa législation
pour congénitale à son existence "réelle". Par chance,
le besoin mécanique de structurer une société sans feu et de la
placer sous un commandement rationnel, donc crédible, est tellement
invincible que l'essence et quintessence attribuées par les scolastiques
de la République à un créateur mythologique du cosmos suffisent
à légitimer son éternité aux yeux de la laïcité, même si la diversité
de ses pseudo éducateurs rend les propositions de sa doctrine
incompatibles entre elles. Mais, ici encore, si la France redevenait
pensante, elle distinguerait les remèdes d'apothicaires de ses
faux guérisseurs de ceux de ses vrais purificateurs et elle volerait
aux mystiques leur trésor. Alors la France de l'esprit déroberait
son flambeau éteint à l'Eglise.
6 - La science des religions
et la culture
Poursuivons notre promenade : la question proprement politique
qui se poserait à une République de la raison dans laquelle la
laïcité serait redevenue le poignard de la réflexion et la réflexion
une arme spirituelle, cette question est relativement simple,
puisque la difficulté est seulement de savoir si nul autre subterfuge
que celui des cosmologies mythiques des peuples primitifs et de
leurs successeurs n'est en mesure de garantir un simulacre de
cohérence mentale des sociétés modernes ou si la connaissance
traumatisante des dérobades cérébrales qui servent de vaccins
à la condition humaine ne se changera jamais en un élixir roboratif
de l'encéphale effaré de notre espèce. Car il faut se résigner
à le constater et en prendre acte sans rechigner: depuis 1905,
les Etats du monde entier se sont bien gardés de seulement tenter
de conquérir une connaissance scientifique et philosophique dangereuse
des origines, de la nature et des fonctions des religions.
Prenons
la Mythologie générale de Larousse, éditée en 1935,
quatre ans avant la mort de Lévy-Bruhl, dix-huit ans après celle
de Durkheim et neuf ans après L'avenir d'une illusion
de Freud : ce chef-d'œuvre d'incohérence méthodologique a servi,
depuis trois quarts de siècle de modèle scolaire à toutes les
encyclopédies de ce genre. Le dictionnaire de Fernand Comte paru
chez Bordas en 1988 et repris par Larousse-Bordas en 1996, dira
seulement: "Il n'est pas question ici de croyances, mais
seulement de merveilleux". "Le mot mythologie,
écrivait déjà le préfacier de 1935, désigne
l'ensemble des mythes et légendes concernant les religions";
et l'instant d'après, on peut lire : "Mythologie et
religion sont deux choses très distinctes", au point
que Lévy-Bruhl lui-même sera censé n'avoir jamais seulement tenté
d'invalider une religion: "Ainsi que l'a démontré M. Lévy-Bruhl
dans ses pénétrantes Etudes sur la mentalité primitive,
l'homme primitif n'a nullement le sentiment du divin, mais au
contraire, sa vie entière baigne pour ainsi dire dans le surnaturel."
La République née de la raison de 1905 se demandera-t-elle ce
que serait une religion privée de surnaturel, donc de prodiges
à la pelle et comment il conviendrait de séparer les légendes
truffées de miracles du "sentiment du divin", puisque toutes
les mythologies sont des religions bien cadenassées, mais auxquelles
ses serruriers ont cessé de croire et toutes les religions des
mythologies bardées de barreaux auxquels on s'agrippe encore.
Mais s'il est tenu pour digne de la piété républicaine et démocratique
de faire civiquement silence sur le contenu religieux, donc onirique
par nature des mythologies encore tenues pour historiquement démontrées,
on voudra non moins dévotement ignorer que la laïcité n'est qu'une
forme occulte de la pratique politique des modernes; car il est
fort utile aux Etats d'interdire à la raison isaïaque d'allumer
son flambeau au cœur des sciences humaines afin que ces malheureuses
n'en viennent pas jusqu'à décrypter le mythe de la transsubstantiation
eucharistique, le mythe de la naissance virginale, le mythe de
la Trinité, le mythe de l'incarnation, le mythe du filioque,
le mythe de l'ascension de Marie, qui ne remonte qu'à 1950 et
qui n'est pas près de bénéficier du parfum de vénération qui,
depuis les temps les plus reculés, rend sacrées les croyances
d'un grand âge et fait croire à la véracité historique de leurs
récits. Car la raison infirme de 1905 elle-même n'est pas demeurée
tétraplégique au point de demeurer muette devant des miracles
et des prodiges.
7
- La Sorbonne des laïcs
Nous
voici parvenus à la cinquième étape d'une promenade philosophique
pleine de surprises; car la scolastique démocratique prétend maintenant
se livrer à "l'étude méthodique et comparée des différents
mythes pour en déterminer le sens, l'origine, l'évolution et les
rapports". Le chaos cérébral dont les Janotus de Bragmardo
de la laïcité semblent collectivement affectés et dont témoigne
la raison d'une République scolarisée par les Sorbonne de la démocratie
se trouvera encore aggravé si le cru de 1935 de la définition
du terme de mythologie en vient à illustrer une censure
soigneusement tapie sous la définition relativement agressive
du Larousse encyclopédique de 1898 et de son supplément
de 1901: c'est que la valorisation proprement culturelle des mythologies
a progressé en près de quatre décennies au point de mettre maintenant
en évidence un nouvel embarras de nos sorbonagres; car on ne sait
toujours pas comment passer d'une glorification sans frein de
l'esthétique des religions - elle remonte au Génie du christianisme
de Chateaubriand, qui disait ne traiter que de "théologie poétique"
- à la validation dogmatique de la croyance.
La
crevasse s'élargit et devient de plus en plus tragique : alors
que le Larousse illustré de 1898 disait
encore : "La mythologie raconte l'histoire fabuleuse des divinités
des peuples antiques et sauvages", celui de 1935 soulignait déjà
que " le propre de la mythologie est de nous mettre en contact
non seulement avec l'âme naïve des foules, mais aussi avec les
œuvres les plus hautes des poètes de tous les pays. De même que
les monuments les plus grandioses sont ceux par lesquels les peuples
ont voulu traduire leur foi religieuse, de même les plus beaux
poèmes sont ceux où s'expriment les croyances, les traditions
et les aspirations nationales auxquelles doit s'abreuver le véritable
humanisme."
Qu'en est-il de la "volonté des peuples" de "traduire
leur foi religieuse" et comment un "véritable humanisme"
- mais tout compénétré, à ce titre, de l'alliance des "aspirations
nationales" avec les "traditions" - évitera-t-il de
faire passer les credos des ancêtres à la trappe, comment assurera-t-il
la survie officielle ou semi officielle au sein de la République
d'une doctrine et d'un catéchisme seulement "tolérés" ,
donc privés de toute légitimation rationnelle ? Comment fonder
une concession aussi bienveillante qu'irraisonnée, dès lors que
la République se révèlera un Saint Office masqué, celui d'une
laïcité aussi acéphale qu'une théologie? Comment distinguer la
France en chair et en os de la France des prophètes si l'éducation
nationale ignore tout autant l'âme prophétique de la philosophie
que l'Eglise des scolastiques ignore les saints sacrilèges de
ses mystiques?
Mais
pourquoi donc la République a-t-elle si peur de toute connaissance
scientifique des religions ? Est-ce seulement dans la crainte
que les citoyens en viennent à cesser de croire au mythe de l'incarnation
de la France en sa classe dirigeante - celle à laquelle un suffrage
universel réputé infaillible sert d'oracle irréfutable ? Nenni
: le pire, c'est que le sacrifice est le cœur sanglant du politique;
le pire, c'est que les religions sont nées du sang du sacrifice
et non l'inverse ; le pire, c'est que toutes les sociétés simiohumaines
sont construites sur le modèle sanglant de la Colonie pénitentiaire
de Kafka ; le pire, c'est que si la machine à torturer que le
génie de Kafka a mise en scène s'arrêtait de fonctionner, l'humanité
passerait, dit le grand Pragois, de la cruauté à la corruption,
de la sauvagerie au pourrissement, de la barbarie à la dislocation.
C'est pourquoi le sacrifice est symbolisé par le "champion
du jeûne" de Kafka, dont les exploits ont rempli, vingt siècles
durant, les monastères du monde entier des légions serrées de
saints de leur macération.
Pourquoi le christianisme a-t-il inventé le volontariat sacrificiel
et l'auto-flagellation rédemptrice, pourquoi la volonté de s'immoler
soi-même par la torture de la faim sert-elle de pendant à
la Colonie pénitentiaire? Claudel a tenté
de répondre sur ce point au Bernanos de Sous le soleil de
Satan - mais en vain, puisque le souverain de la torture,
c'est Dieu lui-même, celui qui menace de précipiter Mlle X en
enfer.
8
- Qu'est-ce que le meurtre de l'autel ?
Que
se passerait-il si le courage spirituel de la raison laïque
allait jusqu'à se demander ce qu'il en est du fondement politique
commun à une République acéphaleet à la théologie chrétienne
et que symbolise le meurtre sacré de l'autel ? Les mystiques porteraient-ils
sur les arcanes de l'espèce humaine un regard plus profond que
les démocraties? Pour tenter de vérifier cette hypothèse, observons
avec quelle prudence retorse la mythologie générale des éditions
Larousse de 1935 déjà citée passe sur le sujet comme chat sur
braise: "Même avant d'acquérir la notion du divin, l'homme
primitif, pour dominer les puissances surnaturelles ou se les
rendre favorables recourt à certains rites de caractère magique
plus que religieux."
Passons
sans nous arrêter sur l'impuissance d'une prétendue République
de la raison à distinguer les rites magiques des rites religieux:
il vaut mieux gagner du temps à observer sans tarder la dérobade
intellectuelle qui porte sur l'essentiel, à savoir l'oubli de
ce que les rites cultuels des primitifs se résument à égorger
un congénère précieux sur l'autel de leurs dieux et à offrir son
cadavre à leurs idoles, puis, à partir d'Amon Râ, d'immoler des
bœufs, des moutons, des brebis. Foin de cette avarice impie: la
messe dit encore en toutes lettres que Jésus est la victime trucidée
sur l'autel et qu'on porte sa dépouille mortelle aux pieds de
la divinité afin qu'elle accepte cette offrande et qu'elle veuille
bien, de surcroît, en humer l'odeur; et enfin, qu'en échange de
ce parfum délicat, elle rachète d'un seul coup et définitivement,
une créature coupable depuis des générations de l'avoir cruellement
offensée.
Naturellement, il s'agit d'un marché de dupes : le paiement de
ce tribut se perpétuera au profit d'une classe sacerdotale à enrichir
- c'est pourquoi l'islam n'a pu abolir le sacrifice humain des
chrétiens qu'en supprimant purement et simplement le clergé officialisé
de l'idole et en faisant de la créature son propre prêtre. Mais
comment les narines de la République renonceraient-elles à humer
à son tour et avec davantage de succès le fondement anthropologique
meurtrier que le sacré et la politique se partagent si, tout au
long de l'histoire olfactive de ce bas monde, la France s'est
trouvée contrainte de déposer sur ses autels des millions de cadavres
à livrer aux "forces surnaturelles" afin que la nation
survive? Qui réclame le prix du sang? Si la raison française étudiait
vraiment l'alliance du sacré avec le meurtre payant, elle serait
appelée à bouleverser la méthode historique béatifiante et la
science politique gentillette tout entières afin d'apprendre à
regarder d'un dehors encore à trouver une espèce chue hors de
la zoologie, mais seulement pour acquitter de père en fils de
terribles tributs à la dernière idole des Incas.
Mais alors, la vocation de la philosophie occidentale d'apprendre
à "penser dangereusement", comme disait Nietzsche, ferait
entrer l'Occident dans son ultime postérité intellectuelle, celle
qui mettait déjà saint Thomas d'Aquin dans un si grand embarras
qu'il a commencé, en 1270, de tenter de réfuter l'islam dont les
philosophes et les théologiens étaient déjà devenus, semble-t-il,
des anthropologues post platoniciens du sacré et qui lui disaient
tout de go : "Votre Dieu aurait pu tout aussi bien créer l'homme
sans péché plutôt que de le condamner à se racheter après coup
au prix d'un meurtre trop bien rémunéré et par lequel il aura
été méchamment piégé. Qu'en est-il de votre commerce de
la rédemption, qu'en est-il de l'amour de votre Dieu, qu'en est-il
d'une charité si trompeuse et si retorse?"
Décidément, voici trois quarts de millénaire que l'islam a flairé
l'odeur de mort des faux sacrifices - et ce début du IIIe millénaire
fait bel et bien débarquer un "conflit des civilisations"
dans la géopolitique , celui qui contraindra le christianisme
à lire Kafka avec les yeux d'un islam d'avant-garde; et si un
sado-masochisme inné sert de fondement politico-cultuel à l'Occident,
comment le décryptage du monde de demain ne serait-il pas du ressort
d'une anthropologie critique à l'écoute des grands mystiques?
Mais quel bienheureux sacrilège, pour la République de la raison
de 1905, d'apprendre l'humanité à l'école de ses crimes sacrés,
quel saint blasphème, pour la démocratie mondiale, de décoder
l'histoire et la politique à l'école du sang que les chrétiens
font couler sur leurs offertoires! L'Europe de la pensée entrera-t-elle
de plein pied dans son double héritage, celui de la Mecque et
celui du Golgotha ? La planète fera-t-elle ses premiers pas dans
une seconde Renaissance, celle de l'intelligence? Pour avoir retiré
à Mlle X sa burqa, l'Europe fécondera-t-elle l'islam à l'école
du vrai "Allah"?
9
- La République et l'enseignement de la philosophie
Décidément, la sixième station d'une promenade philosophique de
plus en plus périlleuse pourrait bien nous contraindre à nous
demander comment la République laïque conduira la raison lycéenne
de la France à douter de l'existence de l'enfer. Car une éducation
nationale respectueuse de toutes les superstitions de la terre
n'enseignera en rien à la jeunesse de la classe dirigeante de
demain à distinguer une cosmologie mythique d'une science. De
plus, comme M. Nicolas Sarkozy l'a solennellement souligné dans
son encyclique acéphale du 22 juin dernier, l'ignorance et la
sottise de la France nouvelle prétendront exercer les mêmes prérogatives
universelles que la raison et le savoir scientifiques, puisque
Paris changé en Vatican des cultures a édicté motu proprio
que "toutes les opinions et toutes les croyances" sont
"respectables". Quelle catéchèse au pays de Voltaire de
légitimer les superstitions du seul fait qu'elles poussent comme
champignons après la pluie, quel Saint Office inversé que de laisser
les encéphales en jachère sous le sceptre d'un Etat devenu impérieusement
semi rationnel!
Savez-vous, Monsieur le Président, que le divorce de la science
d'avec la croyance est si ancien qu'il a légitimé non seulement
toute la pensée occidentale depuis Périclès, mais également la
première civilisation mondiale valorisée par les progrès de la
raison critique depuis qu'un certain Descartes, qui naquit en
1596 et mourut en 1650, a balayé d'un seul coup seize siècles
des brouets de la scolastique? Si vous trouvez le loisir de remonter
plus haut que le Discours de la méthode de ce fondateur
de l'esprit de raison de la France, lisez le Gorgias
et le Théétète de Platon, qui vous feront découvrir
que la question de la séparation radicale entre l'opinion
et la science y est traitée avec tant de rigueur logique
que, dès le milieu du XVIIe siècle, l'Europe entière avait réappris
à réfléchir sérieusement et que, deux siècles après Erasme, les
philosophes chrétiens eux-mêmes se sont résignés à séparer l'opinion
du savoir et à entendre ce que leur saint Thomas d'Aquin
leur serinait quatre siècles plus tôt, à savoir que les philosophes
"mettent les questions en bon ordre et enseignent à les conduire
à leur terme"?
Savez-vous, Monsieur le Président, qu'Alexandre le Modeste ne
donnait pas de leçons de philosophie à son précepteur, qui s'appelait
Aristote? Mais puisque votre index impérieux montre aux philosophes
français le chemin des accords qu'il leur appartient de conclure
avec le Saint Siège, on commence de comprendre les raisons pour
lesquelles non seulement les questions posées aux candidats bacheliers
ne sont plus philosophiques, mais qu'en outre elles témoignent
des difficultés croissantes que les sorbonicoles de l'histoire
de la philosophie rencontrent désormais avec la grammaire et la
syntaxe de notre langue. "Que gagne-t-on à échanger?" écrivent-ils.
Une invention ecclésiale récente permet à ce verbe de désigner
le dialogue truqué entre les confessions qu'a inauguré un œcuménisme
des faux semblants, puisque les dogmes sont inébranlables par
nature, donc non négociables par définition. On échange des idées,
des impressions, des coups, non des propositions doctrinales qui
ne seraient plus théologiques si elles ne se voulaient plus immuables.
Que signifie "devoir de mémoire"? Le terme devoir
appelle un verbe, non un substantif, sinon la question n'est intelligible
qu'aux décrypteurs des fautes de grammaire d'une République qui
s'imagine qu'initier - autre terme religieux - signifie
commencer.
10
- Que faut-il enseigner sous le nom de philosophie ?
Le
problème posé à la République par l'enseignement de la faculté
de raisonner est fort simple : ou bien la démocratie se révèle
incapable par nature de jamais exaucer la prière de Voltaire.
"Apprenez donc à penser par vous-même", ou bien tout gouvernement
issu du suffrage universel nourrit l'espoir de s'en rendre capable
- et, dans ce cas, il doit se souvenir de ce que la laïcité est
questionneuse ou n'est pas et que si elle n'est plus interrogative,
elle reconduit au mutisme philosophique des théologies du meurtre
rédempteur - et cela pour les mêmes raisons catéchétiques que
les Eglises, à savoir le souci de protéger une orthodoxie théo-politique
fondée sur l'efficacité politique du sang des sacrifices, donc
du sang de l'histoire.
Mais
pour que Mlle X en vienne à douter de la cruelle éternité des
marmites infernales dans lesquelles Hitler et Staline rôtissent
à grand feu, il faudrait apprendre aux candidats bacheliers à
se poser des questions torturantes, celles que soulève un certain
"problème de la connaissance", comme disent les philosophes
depuis que Platon a fondé leur discipline acérée sur une pesée
sans peur du semi encéphale du genre humain. Exemples : "Les
verbes expliquer et comprendre donnent-ils un sens
heuristique universel à la notion d'intelligibilité appliquée
à la dromomanie de la matière ou se trouvent-ils construits à
seule fin de faciliter les raisonnements profitables que pilotent
les praticiens des diverses disciplines scientifiques"? "Quelle
sorte de compréhensibilité la vérification des constances de l'univers
fournit-elle à l'entendement humain?" "Les verbes être
et exister ont-ils un sens universel et, dans le cas contraire,
comment distinguez-vous les diverses acceptions que leur objet
leur impose?" "Quel sens donnez-vous au terme de langage
dans cette phrase d'un physicien :'les mathématiques sont le langage
de la nature ?' ", "Si la notion de compréhensibilité appliquée
au cosmos renvoie à un réseau de signifiants humains, comment
distinguez-vous le mot vérité appliqué à des faits avérés,
mais muets de la vérité dite intelligible, donc parlante,
et comment vérifiez-vous des signifiants?", "La matière peut-elle
charrier du sens ? ", " Si la matière ne parle pas, analysez le
sens psychologique du terme de loi appliqué à un comportement
répétitif de la nature." "Réfléchissez aux relations que la vérité
entretient avec la "beauté" dans des expressions telles
que la "beauté" des mathématiques, la "beauté"
d'une théorie de physique, la "beauté" de la science
du droit."
Ces
questions mises en rosace autour d'une anthropologie centrale
ne seraient pas inaccessibles aux lycéens en terminale si les
professeurs de philosophie de la République étaient capables de
se les poser à eux-mêmes. Il n'est pas de question à laquelle
un élève intelligent ne puisse être initié en quelques mois. L'explication
la plus claire et la plus accessible à tout le monde de la relativité
générale est celle qu'Albert Einstein a vulgarisée lui-même dans
un petit ouvrage à l'usage du grand public. Voyez comme Socrate
parvenait, dans le Petit Hippias, à faire comprendre
aux Athéniens ce qu'est un concept et comment il fallait cerner
la notion de "beauté"!
11 - La pythonisse des
modernes
Messieurs les députés, votre cervelle est à l'épreuve de votre
capacité de diriger la France vers sa vérité et sa beauté. Quelles
sont la vérité et la beauté sur lesquelles votre tête se trouve
branchée? Une classe dirigeante peut-elle tout ignorer de la force
et de la faiblesse l'encéphale du genre humain?
Beaucoup
d'entre vous ont cessé de croire en l'existence vaporeuse, donc
spatialisée des trois dieux uniques dont la République protège
encore les autels et les parfums. Mais en êtes-vous mieux instruits
de la senteur véritable de la France? Donnerez-vous à la France
un Dieu plus odoriférant que celui du culte d'un sang réputé dégouliner
réellement des offertoires des chrétiens? *
*
Note méthodologique
On
n'imagine pas une anthropologie des dieux du polythéisme
gréco-romain qui perdrait son temps à démontrer que les
Célestes ne ripaillaient pas sur l'Olympe. Aucune science
expérimentale ne saurait progresser à réfuter l'existence
et les exploits des idoles. Il en est de même des trois
souverains du ciel d'aujourd'hui dont un seul reçoit l'
offrande de chair et de sang de ses créatures au pied
de son trône. Mais ils demeurent nombreux, les gentillets
humanistes chrétiens qui s'imaginent qu'il s'agirait d'une
chair et d'un sang tout symboliques et qui m'écrivent
dans ce sens. Je les renvoie sur les bancs des facultés
de théologie de leur religion. La dernière encyclique
qui ait proclamé à nouveau la doctrine officielle de l'Eglise
est celle de 1947 - il s'agissait de réfuter le père de
Lubac, qui a passé sa vie à étudier le physicisme cru
du sacrifice de la messe et que le Vatican soupçonnait
de prétendre réfuter la "vera caro", la "vraie
chair" de Jésus-Christ.
L'anthropologie critique ne perd pas davantage son temps
à réfuter des prodiges qu'à prouver l'inexistence dans
l'espace d'Osiris, d'Isis ou du Dieu trinitaire. Mais
les stupidités les plus colossales sont aussi les trésors
épistémologiques les plus précieux à ses yeux, parce que
les joyaux de la sottise témoignent de la puissance du
besoin simiohumain qui en soutient de siècle en siècle
l'absurdité intrinsèque.
A ce titre, le fantasme collectif qu'illustre le miracle
dit de la "transsubstantiation" du pain et du vin
de la messe en hémoglobine et en cellules de chair sur
l'autel sanglant des chrétiens se situe au centre de l'anthropologie
critique, parce que, depuis les origines, le cœur battant
du sacré n'est autre que le désir de l'espèce humaine
de disposer, comme disent les théologiens de toutes les
religions du monde, d'un "vrai et réel sacrifice",
donc de la métamorphose magique de deux substances alimentaires
indispensables à la livraison d'une marchandise surnaturalisée
à une divinité demanderesse d'une fourniture tangible.
L'Eglise catholique est prise de panique à l'idée que
ce négoce porterait seulement sur une ombre ou un fantôme
des victimes en chair et en os de tous les temps.
L'anthropologie
critique tente de peser la condition simiohumaine actuelle
dans sa spécificité psychogénétique. A ce titre, il s'agit
d'une science qui ne privilégie le scannage de la religion
romaine qu'en raison de la signification anthropologique
de ce culte. Il n'en survit pas d'autre, de nos jours,
pour illustrer à ce point le réalisme politique du genre
simiohumain, donc le besoin vital qu'éprouve cette espèce
d'entretenir des relations palpables avec le vide angoissant
de l'immensité. Mais, dans le même temps, les difficultés
considérables que la théologie chrétienne a rencontrées
à partir du premier siècle jusqu'à saint Ambroise pour
retrouver le sang des offertoires primitifs et pour triompher
du prophète qui se voulait le pain et le vin de l'esprit,
ces difficultés, dis-je, ont permis à quelques
mystiques chrétiens de se changer en prophètes du "vrai
Dieu" du monde, le Dieu de l'intelligence.
C'est
pourquoi la question de la guerre à la sottise se situe
au coeur de l'histoire universelle. Cette sottise ne craint
pas de prendre appui sur la faiblesse naturelle de l'entendement
simiohumain; et cette faiblesse n'est pas réservée aux
simples d'esprit, mais aux encéphales les plus éminents
de leur temps. Telles sont les raisons pour lesquelles
le destin du cerveau de l'humanité ressortit à une anthropologie
critique.
Une
République incroyante est-elle davantage en charge de la vie spirituelle
de la nation qu'une Eglise épuisée ou bien est-elle appelée à
enterrer le "spirituel"? Messieurs les députés, si le dieu
des propitiatoires est mort, de quelle vérité et de quelle beauté
êtes-vous dignes de vous trouver habités?
Il
est impérieux, le devoir qui vous appelle à scruter au microscope
l'encéphale et les entrailles du faux dieu devant lequel vous
vous agenouillez. Comment s'appelle l'idole à laquelle vous vous
êtes convertis? Quels sont les instruments de son culte? Sont-ils
dignes de la nation de la raison? Qui vous a initiés aux arcanes
de la Démocratie ? De quelle République êtes-vous devenus les
philosophes? Pourquoi votre France veut-elle arracher à la rue
les filles cachées sous leur burqa ? Montrez-nous l'offertoire
de votre Démocratie et de votre République et nous vous dirons
quel dieu sanglant vous êtes à vous-même.
En
vérité, votre déesse de la beauté politique vient encore de vous
fournir un témoignage universel de la laideur des miracles dont
sa puissance stupéfie la planète des singes: ses ateliers vous
ont fabriqué un Orphée mécanique et monté sur ressorts. Figurez-vous
que la cessation subite de ses trémoussements a fait cent fois
plus de tapage sur la terre que la mort de Pavarotti. Messieurs
les députés, votre dieu, nous allons l'autopsier. Nous plongerons
le bistouri de la pensée dans les entrailles de votre idole. Savez-vous
qu'elle racontera l'histoire du peuple romain, savez-vous qu'elle
est à l'école des courses de char sous Tibère, savez-vous que
si les démocraties modernes n'avaient pas leur cirque pour idole,
elles n'auraient pas d'Histoire , savez-vous que votre Démocratie
enseigne seulement à la France que les civilisations sont en trompe-l'œil
et que leurs chanteurs populaire sont devenus les gladiateurs
et les cochers du ciel de 1789? Allons, Messieurs les députés,
votre faux paradis est votre burqa à vous. Apprenez donc à regarder
en face le seul acteur de la beauté qui ne s'en laisse pas compter
et qui s'appelle la vérité. Alors ce sera à Marianne que
vous retirerez sa burqa.
Le
6 juillet 2009