J'ai hésité à mettre
sur internet le texte qu'on va lire. D'un côté , l'échec du
film Da Vinci Code auprès des élites démontre
que la culture occidentale n'est pas décédée et que la rusticité
américaine n'a pas encore plongé des racines profondes dans
la civilisation des conquêtes de la pensée . Mais d'un autre
côté , ces bonnes nouvelles d'Alice au pays des merveilles présentent
le danger de masquer la cruelle évidence que l'humanisme européen
ne dispose d'aucune connaissance rationnelle des Moïse , des
Jésus, des Mahomet , parce que, dans l'état actuel de la civilisation
mondiale, le prophète n'est pas un type humain accessible à
nos sciences humaines . Devais-je profiter de l'échec d'un film
calamiteux sur ce sujet pour mettre en ligne une réflexion simianthropologique
encore plus ardue que les précédentes ou bien fallait-il publier
ce texte dans une revue philosophique ?
On sait que le champ
d'interprétation des mythologies religieuses qu'explore la Revue
de métaphysique et de morale demeure étranger à toute
recherche tant philosophique que scientifique sur l'évolutionnisme
et sur l'inconscient. Ignorer Darwin et Freud au début du IIIe
millénaire, n'est-ce pas prendre autant de retard sur notre
temps que la cosmologie théologique du XVIe siècle sur Copernic
et celle du XVIIe sur Galilée? Quant à m'adresser à une revue
d'anthropologie dite scientifique, on sait qu'elles n'étudient
que des crânes, des fémurs, des mâchoires et des dents et que
si elles se veulent de plus en plus attentives à calibrer le
volume de nos boîtes osseuses, elles n'ont pas encore songé
à fabriquer la balance à peser le contenu de leur cubage. Reste
l'industrie du livre ; mais nul n'ignore que l'édition de masse
ne saurait se mettre au rythme de la recherche intellectuelle
d'avant garde.
Certes, la réflexion
mondiale sur les croyances religieuses a un peu progressé dans
la voie que j'ai essayé de frayer dans mon Essai sur l'avenir
poétique de Dieu (Pascal, Bossuet, Chateaubriand, Claudel,
Plon 1965), L'idole monothéiste (P.U.F.
1981) , Et l'homme créa son Dieu (Fayard 1984),
Jésus (Fayard, 1985), Une histoire de l'intelligence
(Fayard 1986) , et surtout dans mon Le Combat de la raison
(Albin Michel 1990). Mais depuis lors, le livre est devenu une
marchandise.
C'est pourquoi j'avais
prévu, dès 2002, une focalisation non négligeable de la recherche
intellectuelle sur internet , et notamment dans les sciences
humaines (Internet
et la nouvelle élite intellectuelle mondiale, 31
mars 2002.) . Cette prévision s'est d'ores et déjà partiellement
concrétisée, puisque ce sont constamment mes analyses les plus
difficiles à suivre qui ont retenu l'attention du plus grand
nombre de lecteurs. Ma radiographie anthropologique de l'agonie
sacrificielle de Jean Paul II (A
propos de la mort sacrificielle de Jean Paul II ,
12 avril 2005.) , mon scannage des caricatures
de Mahomet (A
propos
des caricatures de Mahomet, Mort et résurrection
de l'Europe de la pensée, 24
février 2006 ), ma spectrographie de la crise internationale
artificielle que provoque l'ambition atomique légitime de l'Iran
(Le
savoir et l'action. L'Europe vassalisée face à l'Iran révolté,
1er septembre 2005) ont atteint une moyenne
plus de quatre cents consultants par jour pendant un mois.
J'ai donc étudié
l'accoucheur de " Dieu " du nom de Jésus à la lumière de la
problématique et de la méthodologie de la simianthropologie,
discipline qui s'attache notamment à faire débarquer dans le
champ des sciences humaines une connaissance rationnelle de
la personnalité psychocérébrale des prophètes, puisqu'un animal
en évolution se trouve nécessairement en route entre deux espèces.
Peut-il faire le point ? Quel regard porte-t-il sur l'histoire
de son encéphale, compte tenu de ce que son évasion de la zoologie
n'est pas achevée ?
1
- Le drame de l'humanisme manchot
2
- Les cerveaux solitaires
3
- Qu'est-ce que le génie religieux ?
4
- Apparition du veau d'or
5 - Au commencement était l'idole
6
- Les métamorphoses du veau d'or
7
- Le globe oculaire des prophètes
8
- L'anthropologie logique et l'évolutionnisme
9
- Le génie religieux et la sexualité
10
- L'anthropologie logique et la documentation théologique
11
- L'odeur de la guerre angélique
12-
Le dédoublement du symbolique
13 - Henri Bergson et sa postérité
14
- La théologie de l'ange
15
- Les fondements psychobiologiques du tartufisme simiohumain
16
- L'auto-sanctification démocratique
17
- Le meurtre réel et le meurtre symbolique
18
- Suite de l'histoire du veau d'or
19
- La biographie des créateurs
20 - Le cerveau simiohumain et la substantification des
signes
21
- La politique moderne et la substantification des signes
22
- La physique angélique
23
- L'ange de la mort
24 - Un singe au paradis
25
- L'avenir de la rédemption angélisée
26
- " Le vrai roi des enfers, c'est toi ! "
1
- Le drame de l'humanisme manchot

Le film raté Da Vinci Code a néanmoins réussi à
faire débarquer jusqu'au sein de l'Eglise catholique la querelle
multiséculaire et en apparence sans issue qu'on passait sous silence
depuis Voltaire entre la croyance religieuse et la connaissance
historique. Est-il temps, pour une anthropologie logique, de proposer
un décryptage tel de l'histoire de la civilisation occidentale
depuis la Renaissance que la fossilisation parallèle des constructions
théologiques et de celles de la raison historique classique deviendrait
explicable? On sait que, pour l'instant, toute compréhension rationnelle
du génie religieux considéré en lui-même demeure frappée d'interdiction
par la pétrification doctrinale des mythes sacrés ; mais comment
une science anthropologique demeurée superficielle ne conduirait-elle
pas également à une glaciation dogmatique des fondements de l'humanisme
mondial, et cela par des voies seulement mieux cachées que celles
de la théologie ou du bucolisme renanien? La paralysie d'une semi
culture de bergerie illustre à la fois le naufrage scientifique
et le naufrage " spirituel " d'une Renaissance qui se vantait
de ce que " rien d'humain ne lui était étranger ", alors que,
dans le même temps, la connaissance anthropologique des chemins
semi conscients qu'emprunte le génie dans tous les ordres du savoir
et de l'art est devenue un vide que les astronomes appellent un
trou noir.
Naturellement, ce désastre psycho-cérébral est également la clé
de la méconnaissance de la vraie nature de l'inspiration visionnaire
qui vivifie le génie littéraire mondial, parce qu'une civilisation
dans laquelle la biographie tragique des Moïse, des Jésus, des
Mahomet s'arrête à l'orée de leur vie de créateurs d'un dieu se
trouve également condamnée à ignorer la biographie sommitale des
poètes, des musiciens, des peintres, des mathématiciens, des physiciens,
dont un humanisme en mesure d'escalader les crêtes d'une martyrologie
devrait nourrir la connaissance.
La conjonction d'un positivisme théologal borné et d'un positivisme
scientifique banalisé suit des chemins appelés à se croiser au
même carrefour, celui du refus de chercher les secrets cérébraux
des mutations qualitatives de l'intelligence simiohumaine. Dans
l'Eglise, la tyrannie des surmois communautaires ritualisés condamne
chacun à demeurer les yeux fixés sur la baguette d'un chef d'orchestre
fascinatoire du cosmos, dans la science , on rencontre un autre
péché originel, celui de chercher la vérité dans l'"universel"
le plus rudimentaire, c'est-à-dire dans la banalité. De ces deux
arts de " chanter dans le chœur " découle une même dictature,
celle d'un enfermement dans une positivité tautologique et piétinante
par définition, puisqu'elle se trouvera toujours et infailliblement
démontrée d'avance par la cécité de son champ d'exercice. Comment
en serait-il autrement si le territoire de l'expérimentation préalablement
assigné aux deux royaumes se fondera nécessairement et d'autorité
sur l'exclusion systématique de l'étude du singulier ?
Dans
le sacré, l'examen de la psychophysiologie de l'idole demeurera
non moins interdite que l'échographie du cerveau des mutants dotés
d'une capacité relative d'observer leurs congénères de l'extérieur
; car, dans l'un et l'autre camp, un savoir délimité par un magistère
dûment désigné prédéterminera le lopin qu'il sera permis de connaître
à l'aune du corps sacerdotal concerné. Mais le génie porte le
regard sur les cléricatures ouvertes ou cachées ; car c' est toujours
dans leurs enceintes bien ratissées que s'élaborent les problématiques
simiohumaines. Observer les clôtures des savoirs, c'est peser
le contenu psychobiologique de la notion d'objectivité.
2 - Les cerveaux solitaires

Pourquoi,
dans les deux camps, un grégarisme psychobiologique commun à tous
les simianthropes semi cogitants exclut-il la recherche des voies
et chemins de la méthode qui aboutirait à la connaissance des
cerveaux créateurs, donc aberrants ? C'est que les mutants sont
solitaires, tant par nature que par définition. C'est donc la
peur qu'éprouve la raison moyenne d'une époque de se trouver chassée
du jardin d'Eden de la connaissance et livrée à l'érémitisme de
l'intelligence, c'est donc le besoin d'exorciser sa propre terreur
de découvrir le tragique de la vérité au plus secret de soi-même
qui commande le réflexe des collectivités semi pensantes de rejeter
l'étude anthropologique de la singularité des sujets cérébralement
déviants, puis de refouler l'analyse traumatisante de la psychobiologie
de l'idole meurtrière dans laquelle le groupe se reflète et conjure
sa peur.
Mais
une civilisation dont l'humanisme veut ignorer l'identité éthique
et cérébrale d'Isaïe, de Moïse , de Jésus, de Mahomet, de Socrate,
du Bouddha, d'Homère, de Léonard de Vinci , de Rimbaud, de Descartes,
de Kant, de Nietzsche n'est-elle pas, en réalité, encore privée
d'un cerveau réveillé, donc capable de se reconnaître dans son
miroir? Une culture qui entend ignorer ce qu'il faudra bien se
résigner un jour à appeler l'intelligence proprement humaine,
une culture qui aura refusé d'apprendre à observer l'encéphale
simiohumain aura imposé un retard dramatique à la connaissance
rationnelle de la boîte osseuse dont l'humanité se trouve dotée.
Darwin n'avait-il pas promis à notre espèce que son crâne connaîtrait
les bienfaits d'un grossissement progressif ? Freud ne nous avait-il
pas donné l'assurance que notre raison embryonnaire s'ouvrirait
à un regard sur les coulisses de notre apparence de conscience?
Mais comment la vocation innée de l'encéphale simiohumain à quitter
sans cesse davantage le règne animal dans lequel il se voit enfermé
ne retrancherait-elle pas cet organe du capital psychobiologique
figé de la masse de ses semblables?
3 - Qu'est-ce que le
génie religieux ? 
Imaginons
un humanisme dont la connaissance spectrale du genre simiohumain
serait en mesure de scanner l'encéphale des prophètes. Quelle
sera la spécificité psychique et éthique de ce type de créateurs
? Les Moïse , les Isaïe, les Jésus, les Mahomet présenteraient-ils
des traits psychocérébraux dont l'analyse conduirait la raison
scientifique à la connaissance du génie poétique ou pictural ou
musical ? L'éveilleur originel de l'intelligence, le Bouddha,
nous dira-t-il quel est l'enjeu simianthropologique focal qu'illustre
l'abolition des sacrifices humains chez Abraham , l'abolition,
de surcroît, du culte du veau d'or chez Moïse , l'abolition supplémentaire
de la ritualisation sacerdotale du sacré chez Jésus, l'abolition,
enfin, d'un clergé institutionnel chez Mahomet ?
Il
se trouve que le singe-homme déclare apercevoir en tout premier
lieu l'erreur " en tant que telle ". Mais sur quel fondement l'esprit
simiohumain rejette-t-il le faux ? S'il le détecte au sein de
la problématique qui l'enchâsse dans l'écrin trompeur de la dialectique
tautologique dans laquelle la raison de son temps se trouve enclose,
alors la solitude cérébrale des mutants ne sera pas le fruit du
mûrissement d'une lumière transanimale. Pour tenter d'éclaircir
ce point décisif , il faut commencer par se demander quel est
le statut anthropologique des idoles extériorisées et censées
en représentation sur les planches d'un théâtre, celui de l'histoire.
Pourquoi sont-elles censées trôner hors de l'encéphale simiohumain,
alors que, dans le même temps, elles se déplacent lentement ou
à toute allure sur la scène des métamorphoses éthiques et cérébrales
du cerveau de leurs adorateurs ? C'est cette énigme que les prophètes
démasquent et traquent dans l'enceinte de la conque osseuse de
leurs congénères.
4 - Apparition du veau
d'or 
Voilà un tournant prometteur du patient déchiffrage de l'évolution
cérébrale des singes mutants. Comment le prophète sait-il de science
certaine qu'il n'enfantera pas à son tour une idole collective
un peu plus difficile à reconnaître comme telle que la précédente
si la pensée transanimale court sur le chemin d'une solitude où
elle prend le risque de rencontrer une idole exclusivement réservée
à son propre usage ? Mais si le génie religieux a rendez-vous
avec une idole de génie, qu'en sera-t-il de la solitude d'une
idole mise à l'écoute d'un seul homme, qu'on appellera son prophète,
et comment cet unique auditeur rédigera-t-il les écrits du créateur
du cosmos? Dans quel miroir ces deux-là vont-ils se dévisager
s'il n'y a plus de tiers surplombant pour les observer de l'extérieur
? Mais peut-être le prophète n'a-t-il rendez-vous qu'avec un interlocuteur
surréel de son propre génie. Dans ce cas, comment enfante-t-il
son partenaire?
Le prophète ne voit jamais que les traits d'un dieu imaginaire,
puisqu'il le rend prisonnier du temps sitôt qu'il le conçoit.
Toute divinité se réfute à seulement ouvrir la bouche. On reconnaît
infailliblement une idole à la dégaine de sa parole. Comment apercevrait-on
jamais un vrai dieu si l'on ignore de quel dieu toute idole serait
une contrefaçon ? Peut-être les dieux tombés dans le temps s'enchâssent-ils
désespérément l'un dans l'autre. Dans ce cas, il n'est pas de
vrai regard de l'extérieur sur ces poupées russes et jamais aucun
prophète ne pourra proclamer : " Voilà le véritable souverain
de l'univers ". On comprend que saint Thomas ait achevé sa vie
sur l'aveu que la sainteté athée est le sommet de la vie mystique
et que toute théologie n'est que de la paille - " ut palea ",
dit-il - puisque le singe-homme ne conjugue nécessairement qu'un
verbe exister chu dans le temps. Capturer l'absolu est contradictoire.
On dira que l'absolu voit le temps de l'extérieur. Mais si le
temps et son dieu sont installés dans le temps, ce ne sera pas
l'œil de l'absolu qui les regardera. Saint Augustin seul a vu
cette difficulté : avant de créer le monde, dit-il, " Dieu " a
créé l'espace et le temps. Mais ce théologien s'est pris à son
propre piège : si l'idole a fait précéder une création par une
autre, il est déjà prisonnier du temps et son éternité n'est qu'une
rallonge ridicule à la mortalité de sa créature.
C'est dire qu'une simianthropologie rigoureuse est bien obligée
de se demander pourquoi le génie religieux part en guerre contre
les idoles sans savoir d'où il prétend les regarder; car, s'ils
le savaient, les prophètes seraient des fossoyeurs myopes; s'ils
le savaient, il faudrait chercher chez Abraham, Moïse, Jésus,
Mahomet les secrets d'un génie religieux condamné à demeurer en
panne et toujours situé à une distance infinie de la connaissance
dernière des idoles; s'ils le savaient, une véritable simianthropologie
se demanderait ce qui permet à certains encéphales de photographier
des idoles, de les fixer sur la pellicule au premier déclic de
l'appareil, de cerner l'enjeu politique d'une connaissance certes
scientifique des idoles, mais qui conduit seulement le singe-homme
à la solitude de le priver de toute leur compagnie sans le laisser
percer pour autant le secret de la lumière qui lui assure une
prise de vues toute partielle.
Et pourtant le prophète est l'animal visionnaire qui voit clair
comme le jour ses congénères enchaînés à leurs idoles . La pleine
lumière de cette évidence lui crève les yeux. Il ne s'abaisse
pas à construire des raisonnements logiques pour convaincre ses
congénères de leur sottise. Il pourrait leur dire : "Il est curieux
que le singe-homme croie en l'existence de l'idole de l'endroit
où le hasard l'a fait naître et déclare inexistantes toutes ses
pareille pour le motif qu'elles se sont domiciliées ailleurs.
Mais si une seule d'entre elles pouvait se prévaloir du verbe
exister, comment se fait-il que toutes les autres se dénoncent
entre elles comme inexistantes au seul spectacle du ridicule de
leur cosmologie localisée?" Et pourtant, l'accoucheur d'un
dieu enfante un soleil qui le jette dans la nuit de la mort. Les
prophètes seraient-ils à la fois des simianthropologues de première
force et des errants en perdition dans les ténèbres, puisqu'ils
nous guideraient vers la connaissance du tragique semi trans animal
des semi évadés de la zoologie - ce qui les contraindrait à observer
la généalogie des idoles devant lesquelles leurs congénères se
prosternent ?
5 - Au commencement était
l'idole 
Au
commencement était le chef, donc le maître ; au commencement était
la gloire d'un maître grassement nourri d'offrandes et de prébendes
; au commencement étaient les sacrifices; au commencement étaient
les flatteries des gens de cour ; au commencement étaient les
marques de bienveillance péniblement extorquées à un ciel rétif.
Le simianthrope est donc un animal qui veut être commandé . Le
priver de son souverain, c'est le priver de guide, le priver de
guide, c'est le précipiter dans une solitude qui se changera bientôt
en épouvante. Il résulte de ces prémisses que si vous soustrayez
le singe-homme à l'idole dont la sauvagerie se trouvera nécessairement
proportionnée à la terreur qu'elle inspirera à sa créature, il
cherchera en tous lieux les cadeaux les plus dispendieux à déposer
sur ses autels, pour le motif que les plus coûteux seront les
plus efficaces à ses yeux. Puis il s'exercera à mille ruses afin
de limiter la cruauté du tyran céleste dont il se reconnaîtra
pourtant l'esclave. Adoucir la fureur du monstre qu'il aura placé
au-dessus de sa tête, ce sera en tirer un avantage sans prix.
Du
coup, la théologie se divisera en deux parties, celle qui traitera
sans lésiner des prérogatives du tyran et celle qui aménagera
tenacement les droits parcimonieux qu'on le contraindra à concéder
à ses serviteurs. Il résulte de ces prolégomènes que si le prophète
s'attaque aux idoles despotiques tout en ménageant leur susceptibilité,
c'est qu'il figure le prototype de l'espèce imperceptiblement
post animale que sa supériorité cérébrale naissante porte déjà
à tenter de cerner l'animalité spécifique des idoles et de leurs
esclaves. Il faut donc que la simianthropologie se demande de
quel œil le prophète regarde ses congénères domestiqués. Qu'en
est-il des animaux agenouillés devant un éternel veau d'or ? Pourquoi
le prophètes veut-il ils tuer le veau d'or que le singe-homme
fait paître sur les autels de son propriétaire imaginaire ?
6
- Les métamorphoses du veau d'or 
Abraham
est le premier civilisateur des idoles. C'est un Egyptien, un
disciple d'Akenaton. Son nom se décompose en Ab, Râ, H'Amon -
Amon signifie " humanité " en mésopotamien, Ab, " le père " et
Ra est le dieu de l'Egypte. Le génie politique de ce premier prophète
de l'insoumission aux idoles fut de substituer un agneau sur l'autel
où le roi du cosmos lui demandait de tuer pieusement son fils
aîné. Mais sitôt qu'un autre Egyptien révolté, du nom de Moïse,
eut établi un culte fondé sur une réglementation limitative des
droits et des lois du chef du cosmos, l'idole originelle a changé
de nature du seul fait qu'elle se trouvait soudain placée à la
tête d'une armée redoutable de serviteurs entièrement dévoués
à sa cause et dont les prérogatives augmentaient sa propre puissance
en retour. Du coup, les phalanges de la prêtrise sont devenues
à elles-mêmes leur idole ; et le nouveau veau d'or a étalé les
privilèges d'une caste sacerdotale de courtisans du ciel dotés
de l'appareil d'Etat d'une ritualisation majestueuse des profits
qu'ils tiraient de la foi publique ; et ils se sont mis à vanter
à leurs congénères les prébendes que leur accordait leur ciel
afin de les en faire bénéficier au prorata de leur assujettissement
au clergé de l'endroit.
Un
prophète plus rebelle encore que Moïse allait-il terrasser le
veau d'or que l'inexpérience de son prédécesseur avait mis en
place à son corps défendant ? Pour l'apprendre, la simianthropologie
expérimentale observera à la loupe la complexion psycho-cérébrale
d'un troisième dompteur des idoles, du nom de Mahomet, lequel,
ayant observé que le christianisme avait mis moins de deux siècles
pour reconstituer le " veau d'or " d'une puissance ecclésiale
immense, imagina de fonder une religion sans clergé, de sorte,
pensait-il, que chaque croyant deviendrait à lui-même son propre
prêtre.
Mahomet
disposait de l'expérience politique d'un prophète tardif : il
avait pu observer les ravages du culte des images dont les moines
chrétiens avaient fait leur arme de combat et qui plaçaient, écrira
Montesquieu, " toute la vertu et toute la confiance des hommes
dans une ignorante stupidité " ; il avait également tiré la
leçon des disputes théologiques sans fin qu'avait suscité en Occident
la question oiseuse de savoir si la lumière censée être apparue
autour de tout le corps ou seulement de la tête de Jésus-Christ
sur le mont Thabor était physique ou " incréée ". Il avait appris
que les derniers empereurs romains s'étaient épuisés à calmer
des disputes théologiques d'autant plus vives qu'elles étaient
plus frivoles. Mais suffisait-il d'interdire le culte des images
et les controverses stériles sur la nature d'Allah ? Certes, le
Coran a permis l'essor des sciences exactes, mais il n'a pu empêcher
l'ossification de la société dans un tribalisme originel que Mahomet
s'est contenté de sacraliser et d'élever au rang d'une législation
censée recueillie de la bouche de la divinité. Toutes les religions
commencent par faire progresser le singe-homme. Puis elle le font
nécessairement régresser du seul fait que leurs vérités se disent
révélées afin de se consolider, ce qui les rend fatalement anachroniques
par le seul écoulement des siècles.
Quant
à la suppression du clergé, sitôt qu'Allah eut recruté les légions
d'un peuple en prières et l'eut jeté face contre terre cinq fois
par jour, une classe sacerdotale informelle s'est glissée dans
la masse ignorante des fidèles et s'est dotée du pouvoir d'exprimer
les volontés les plus sages de l'idole, tant il est vrai qu'il
n'y a pas de simiohumanité qui puisse se priver de chefs tellement
terrifiants dans le ciel qu'on ne saurait les laisser courir sans
contrôle la bride sur le cou sur la terre.
Tant
de siècles d'expérience anthropologique des religions va-t-il
enfin permettre à un humanisme iconoclaste, donc prophétique à
son tour, mais à sa manière et dont le fer de lance s'appellerait
l'intelligence, de faire ses premiers pas dans l'arène politique
mondiale? Un humanisme greffé sur la géopolitique contemporaine
démontrera-t-il ce que le génie religieux d'Abraham, de Moïse,
de Jésus , de Mahomet présente de commun et quels renseignements
ils nous apportent sur l'espèce simiohumaine? Pour cela, interrogeons
le premier mutant dont l'audace inouïe abolit purement et simplement
la sotte croyance des évadés de la zoologie en l'existence d'un
chef du cosmos siégeant dans l'espace et qui tenta d'allumer les
feux, la foudre et la lumière d'une humanité saintement ambitieuse
d'assumer sa solitude dans un cosmos désert . Par une étrange
coïncidence, on l'a appelé l'éveillé, le Bouddha.
7 - Le globe oculaire
des prophètes 
Si
une connaissance anthropologique des fondateurs d'une religion
était en vue, qu'en serait-il de l'oeil transanimal qui inspirerait
leurs prophètes? Quelle serait la nature de leur lucidité de visionnaires,
celle qui nourrirait leur appel à une éthique transcendante au
statut zoologique de l'espèce ? Le génie religieux serait-il intellectuel
au premier chef ? Le cerveau des prophètes serait-il le premier
phare cérébral capable de se poser en interlocuteur du vide ?
Ce vide lui ferait-il apercevoir l'idole du moment et ses adorateurs
comme des animaux qui non seulement se serviraient de miroirs
l'un à l'autre, mais dont chacun se regarderait et se reconnaîtrait
dans le miroir où ils se reflèteraient tous les deux ?
Quel
observateur amusé du fonctionnement de l'encéphale simiohumain
dans le vide que Platon! Gorgias ou Thrasimaque gesticulent devant
l'animal dont ils sont les descendants. Ce sont des acteurs "
psycho-somatiques " , si je puis dire, tellement leur caractère,
leur corps et leur cerveau scellent un pacte étroit avec l'interlocuteur
que leur propre effigie est à elle-même. Tout cela est minutieusement
décrit dans Isaïe, où l'on voit un bûcheron se chauffer au feu
de la moitié du bois qu'il a coupé et se tailler son idole dans
l'autre moitié.
Quand
Paul Valéry observe l'espèce simiohumaine en visionnaire d'un
animal qu'il appelle un " ni ange, ni bête " , quand Shakespeare
fait débarquer sur la scène un Hamlet dont le langage semble incarner
le personnage, quand Balzac ou Proust nous montrent des cerveaux
habillés de leur corps, c'est du génie religieux qu'ils participent.
Mais le prophète s'installe dans l'encéphale supérieur du gigantesque
acteur imaginaire du cosmos qu'il a tué de le faire choir dans
le temps. Le théâtre sur lequel ce personnage mythique est censé
évoluer s'appelle l'infini . Moïse lance sur les planches de l'histoire
un cerveau divin dûment initié à la politique et à l'histoire
du globe terrestre. Le " dieu unique " qu'il forge sur l'enclume
de sa nation n'est jamais que celui de Moïse . Le prophète sculpte
une idole moins grossière que la précédente. Celle qui avait été
hissée dans les nues quelques siècles auparavant donnait depuis
longtemps des signes manifestes de fatigue et même de sénilité.
Pourquoi Moïse est-il seul à diagnostiquer l'épuisement du ciel
de son temps ? C'est qu'il aperçoit les symptômes du vieillissement
précoce de l'idole des ancêtres se réfléchir dans l'œil obtus
de la créature ; mais pour cela, il lui faut regarder la créature
gesticuler dans le vide boudhique.
Le prophète regarde donc toutes choses se détacher sur le néant.
Les nations lui apparaissent comme des personnages idolâtres d'eux-mêmes.
La pièce que les peuples se jouent les uns aux autres les lui
montre en représentation dans un rôle à la fois physique et cérébral.
A l'instar des grands chefs d'Etat, il tente de les élever au
rang de demi dieux de la politique. Quand le Général de Gaulle
mettait la France en marche sur le théâtre du monde, les acteurs
professionnels s'extasiaient : ils ne seraient jamais davantage,
disaient-ils, que des apprentis maladroits auprès du géant dont
le génie incarnait un personnage de Shakespeare sur la scène internationale.
Mais si la France est une actrice et si son destin est celui de
la " princesse des contes " ou de la " madone des fresques
au mur ", si elle est " vouée à une destinée éminente et
exceptionnelle", si " elle a été créée pour des succès
achevés ou des malheurs exemplaires ", le grand homme d'Etat
et le prophète se veulent les guides spirituels de l'idée qu'ils
se font, l'un de sa nation, l'autre du genre humain.
Qu'en
est-il de la sincérité commune aux chefs d'Etat et aux prophètes?
A l'instar du créateur, ni l'un ni l'autre ne désespèrent de la
créature. " S'il advient que la médiocrité marque pourtant
les faits et gestes de la France, j'en éprouve la sensation d'une
absurde anomalie , imputable aux fautes des Français, non au génie
de la patrie. " La nation incarne le verbe d'une France prophétesse.
Quels acteurs stratosphériques, décidément, que l'homme d'Etat
de grand calibre et le démiurge tombé dans la geôle du temps !
Depuis la Renaissance, la question de la sincérité politique et
spirituelle des prophètes et des grands hommes d'Etat est demeurée
inaccessible à un humanisme au petit pied, parce qu'une civilisation
qui a passé trop brusquement d'une foi fondée sur le culte de
la médiocrité religieuse du Moyen-Age au culte d'une raison hâtivement
spécialisée dans la banalisation du genre humain ne saurait se
mettre à l'école des démiurges de l'histoire qu'on appelle des
civilisateurs. Or, les premiers civilisateurs du simianthrope
furent les accoucheurs d'eux-mêmes qui arrachèrent leurs congénères
au potentat sanglant qui les avait placés sous le joug d'un "
veau d'or ".
8 - L'anthropologie logique
et l'évolutionnisme
A
combattre le sceptre céleste que l'humanité semi animale adore
sous les formes sans cesse changeantes qu'empruntent ses clergés
, le génie religieux pose à l'intelligence critique la même question
que celle qui nourrit l'anthropologie logique : quelle est la
nature de l'autorité à la fois impérieuse et tâcheronne que la
divinité censée jaillie du vide exerce sur le cosmos microscopique
dont elle a si péniblement accouché - songez qu'elle s'y est exténuée
sept jours durant et qu'il lui a fallu prendre un jour de repos.
Mais derrière l'infantilisme des mythes religieux se cachent les
questions les plus sérieuses de l'histoire et de la politique,
tellement l'humanité primitive ne s'est évidemment pas précipitée
dans la scolastique : elle est allée droit à l'essentiel du seul
fait qu'il y avait urgence . Il s'agissait de savoir ce qu'il
en était de l'auto légitimation forcée que la puissance politique
simiohumaine arrache au néant avant que l'idole ne devienne à
elle-même son propre veau d'or sous les traits de son clergé,
comme il est démontré par les couturiers et les tailleurs dont
le démiurge et sa créature se partagent les ateliers.
Du
face à face originel entre l'habillage de la créature et celui
de son idole l'enjeu politique et éthique était de creuser sans
cesse davantage le fossé entre les vêtements respectifs de l'homme
et de l'animal que notre espèce est demeurée à elle-même et dont
son idole lui présente l'effigie en miroir. Le regard critique
que le génie religieux porte sur l'animalité proprement cérébrale
du singe-homme se révèle donc le décrypteur de l'animalité d'une
idole qui s'est progressivement désexualisée. C'est pourquoi la
vie mystique voudrait éteindre non seulement l'appétit sexuel
de l'humanité, mais son besoin de s'alimenter et de dormir, comme
tous les ordres religieux le démontrent depuis les Esséniens.
Cette singularité psychogénétique est tellement particulière au
genre simiohumain et à lui seul qu'elle fonde toute la recherche
d'une anthropologie interrogatrice de la propulsion extraordinaire
d'un animal hors de sa condition zoologique. Pourquoi la juge-t-il
tellement inconfortable qu'il tend à toute force de s'en évader
? Peut-on renier sa propre nature et en conquérir une autre par
la répression des instincts et des besoins du corps ? A partir
de Moïse , l'homme et son idole ont commencé de porter des vêtements
différents. Un décryptage psychobiologique de la pulsion ascétique
devrait s'être imposé depuis un siècle et demi à nos sciences
humaines en raison du bouleversement radical de leur problématique
que la découverte de l'évolutionnisme leur impose, puisque Darwin
nous enseigne que les descendants d'un quadrumane à fourrure et
leurs dieux ont un destin proprement cérébral et que leur histoire
commune est donc nécessairement d'ordre psychogénétique.
Et
pourtant, la connaissance scientifique de la spécificité cérébrale
d'un vivant transanimal par nature et par vocation n'a pas vraiment
progressé depuis la parution de L'Evolution des espèces,
précisément en raison de la double fossilisation des sciences
humaines dont la civilisation moderne offre le spectacle, celle
du sacré, qui s'est ossifié dans la crispation vestimentaire des
théologies et celle de la raison dite scientifique, qui est tombée
dans un expérimentalisme non moins doctrinal, puisqu'il est demeuré
aveugle aux présupposés dogmatiques inconscients qui pilotent
sa méthodologie, donc aux a priori qui la vouent à une
banalisation préjudicielle de toute sa problématique. J'ai déjà
souligné que, de la coalescence de ces deux déviations il ne peut
que résulter une asphyxie de l'humanisme mondial, puisque toute
expérimentation qui porterait sur les assises psychogénétiques
d'une intelligence transanimale en germe se trouve exclue a priori
du territoire de la recherche scientifique. Mais le blocage épistémologique
de toute recherche portant sur la nature même de l'intelligence
semi animale se révèle d'autant plus saisissant que, depuis un
siècle et demi, comme il a été dit, la découverte de l'évolution
métazoologique des espèces exerce une contrainte impérieuse sur
des sciences humaines devenues mouvantes par définition et dont
les critères qui présiddent à leurs jugements ne sont, pour l'instant,
qualifiés d'humains que par anticipation.
Ce flottement de l'objet même de la recherche scientifique sur
la nature du singe-homme actuel rend impossible à l'anthropologie
officielle de tracer une frontière crédible entre l'homme et la
bête prématurément qualifiée d'humaine, puisque cette ligne de
démarcation ne cesse de se déplacer. Comment séparer nature et
culture ? L'étude anthropologique de l'évolution de la théologie
dite " des deux natures " du Christ se révèlera d'un piètre secours
pour l'étude des échanges " culturels " ou biologiques entre les
deux espèces, puisque la prédéfinition du " dieu-homme " se fondera
sur des critères simianthropologiques par définition, tels que
la production de miracles physiques sans lesquels un Pascal lui-même
reconnaît qu'il ne croirait pas. Si la capacité d'apaiser une
mer en furie, de ressusciter un mort ou de ressusciter soi-même
distingue l'homme du dieu, on ne voit pas comment une philosophie
de l'évolutionnisme découvrirait le principe des vases communicants
qui assurerait le passage du singe à l'animal livré à des cosmologies
mythologiques. C'est donc l'objet même de sa réflexion qui semble
échapper à l'évolutionnisme et rendre sa recherche aporétique
par nature - à moins que la sexualité simiohumaine se révèle déjà
transanimale et soumise à des métamorphoses religieuses.
9 - Le génie religieux
et la sexualité
Aucun
mystique juif ne témoigne d'une vocation au célibat qui lui serait
dictée par la divinité et qui ferait de la chasteté le critère
de la sainteté - sinon Abraham, Moïse , Isaïe, Ezéchiel ou Jérémie
ne seraient pas des esprits religieux. A ce titre, le film Da
Vinci Code est un bel exemple de l'asphyxie d'un humanisme
occidental couché sous le lit de Procuste de la sexualité animale.
Mais à ce compte, les Béatrice, les Marie, les Dulcinée, les Isé
demeurent des énigmes aussi indéchiffrables que les Eurydice et
les Iseult. Pourquoi leurs Orphée les ont-ils renvoyées aux ténèbres
de l'Hadès, sinon afin de les retrouver transfigurées en la musique
de leur "résurrection " ?
Il est étonnant qu'un clergé catholique marié depuis mille ans
ait accepté une décision soudaine et exclusivement politico-militaire
de Grégoire VII de lui interdire le mariage. Comment se fait-il
que ce règlement ecclésiastique soit devenu un dogme central de
l'Eglise, et cela pour le seul motif, mais bien évident, qu'un
prêtre entouré d'une marmaille d'enfants criards n'est plus un
soldat prêt à mourir en martyr sur le " champ de bataille de la
rédemption ", comme dira Ignace de Loyola. L'Eglise orthodoxe
n'est pas devenue une guerrière de la foi. Si elle s'est toujours
agenouillée devant les tyrans du moment, c'est parce que seuls
les évêques n'y sont pas réduits à la condition de pères de famille
apeurés. Hitler admirait le génie politique de l'Eglise romaine
pour le motif que, de génération en génération, elle a réussi
à sélectionner les esprits aiguisés et à les aguerrir par l'ascèse
- ce mot signifie " exercice militaire " en grec - tandis
que, dans le protestantisme, les phalanges de l'intelligence sont
condamnées à se trouver absorbées par une civilisation fondée
sur la sanctification de la maternité. Il oubliait seulement que
presque tous les philosophes protestants ont été des guerriers
de la raison et des fils de pasteurs, Hegel et Nietzsche compris
et que leur phalange intrépide a doté l'Occident d'une sorte d'Eglise
de l'esprit critique, tandis que l'acte de décès de la philosophie
catholique remonte à la mort de Malebranche en 1715. Le Petit
Larousse a rédigé l'épitaphe de ce pieux philosophe cartésien
en ces termes : " Il résolut le problème de la communication
de l'âme et du corps par la vision en Dieu et les causes occasionnelles
".Chacun
sait que tous les souverains sont des thérapeutes généralistes
et qu'ils règnent à gérer des " causes universelles ".
Mais
si le singe-homme et un animal qui " fait l'ange " précisément
sous l'armure et la cuirasse des causes idéales et idéalisées
qu'il fait dévaler du ciel, qu'en est-il de ce type d'animalité
à l'heure où la planète de la sainteté cérébrale des démocraties
fait l'ange à l'échelle d'un empire de la vertu armé de séraphisme
jusqu'aux dents? Les " causes générales " auraient-elles
des ailes en acier trempé?
Il
est étrange que l'Eglise ait inventé la féminité angélique sous
les traits d'une vierge-mère et que toutes les héroïnes de l'amour
simiohumain soient des madones déguisées ; il est étrange que
l'amour sublimé par la chasteté soit la forme religieuse de la
sexualité ; il est étrange que Béatrice ou Iseult soient en germe
dans Homère et que les adieux de Nausicaa à Ulysse s'adressent
à un homme qu'elle a trouvé nu sur le rivage des Phéaciens ; il
est étrange que l'homme du retour en Ithaque se soit fait enchaîner
au mât de son navire pour entendre sans danger le chant des Sirènes.
J'y reviendrai.
10 - L'anthropologie
logique et la documentation théologique 
Prenons l'exemple de la doctrine catholique de l'eucharistie.
On sait que cette théologie fait consommer physiquement aux fidèles
la chair d'un homme divinisé et boire son hémoglobine. De son
côté, la doctrine calviniste ne connaît pas l'autel d'un sacrifice
destiné à faire descendre de la viande et du sang dans les estomacs.
La vivification intérieure du croyant, donc du guerrier de la
foi, ne saurait, dit-elle, résulter de la dévoration dévotieuse
d'une victime humaine - sinon le vieux tribut offert à l'idole
ferait réapparaître un Isaac ensanglanté sur les autels des chrétiens
et la rédemption par l'assassinat cultuel serait de retour dans
la religion de la Croix. Mais si, selon Pascal, l'animalité proprement
humaine est d'ordre cérébral et si c'est à ce titre qu'elle "
fait l'ange " à l'école de l'héroïsme militaire des démocraties
messianiques, l'anthropologie logique devra s'attacher à décrypter
les formes matamoresques que prend le meurtre apostolique dans
les trois monothéismes. Il y faut des spectrographies métazoologiques
des théologies de la glorification du meurtre sacrificiel, donc
de leur armature doctrinale et de leur dogmatique entière. Une
simianthropologie ne saurait se dire historique que si elle produit
des radiographies des mythes guerriers simiohumains et si elle
parvient à préciser la nature des documents simianthropologiques
camouflés dont les phalanges d'une délivrance ensanglantée arborent
les bannières d'une " justice " et d'une " liberté " sanctifiées.
Aussi
longtemps que la radiographie du singe porteur du glaive de ses
idéalités meurtrières se maintiendra sur le territoire édénisé
d'avance par une politique angélique, tout paraîtra clair et irréfutable
: le clergé catholique sera celui dont la sainteté s'appropriera
pieusement l'idole dont se nourrira son ecclésiocratie ; et l'on
verra une caste sacerdotale exercer dévotement un pouvoir vertigineux
sur l'entendement simiohumain fasciné par des prodiges. Montesquieu,
encore lui, écrit que " les maladies de l'esprit sont inguérissables
". L'astrologie judiciaire et l'art de prédire l'avenir par l'observation
des objets flottant sur l'eau d'un bassin ont succédé, chez les
chrétiens, à la divination par l'examen des entrailles des victimes
ou le vol des oiseaux.
11 - L'odeur de la guerre
angélique 
Mais
si l'on passe des autels de la sottise à ceux des guerriers du
ciel, qu'en sera-t-il du calvinisme ? Voyez comment cette théologie
se contentera de retirer au clergé d'en face le puissant instrument
doctrinal d'un étourdissement cérébral des masses . Une thaumaturgie
cultuelle atténuée et rendue seulement moins spectaculaire que
la catholique ne sera jamais qu'une sorcellerie substitutive en
ce qu'elle conservera par devers elle tout le saint bénéfice du
crime de l'autel des guerriers. Si l'on radiographie la foi de
Calvin à la profondeur simianthropologique où elle révèlera son
angélisme animal, on s'apercevra que la théologie de la " gratia
sola " produit à son tour un document cérébral fondé sur le profit
religieux que le sujet entend retirer du sang humain répandu sur
l'autel de son idole, à cette différence près que l'autel n'est
autre que le Golgotha qu'il était déjà dans la théologie catholique
. Rejeter la répétition inlassable et tenue pour effective de
la trucidation sacrée sur l'offertoire n'est qu'une demi mesure
; mais cette demi mesure même révèle que l'animalité des anges
est tartuffique par nature. Question : comment l'hypocrisie trouve-t-elle
son fondement psychobiologique dans le fonctionnement dichotomique
du cerveau simiohumain ?
La simianthropologie est la seule discipline qui permette de peser
l'angélisme inné de l'encéphale biphasé ou bipolaire du singe
dédoublé par une symbolique de la sanctification des lois de la
guerre qui président à son histoire. A ce titre, elle se demande
quelle est la source métazoologique de la honte intellectuelle
refoulée d'un animal au cerveau schizoïde quand il ne soustrait
que partiellement à ses narines l'odeur d'un meurtre de l'autel
demeuré salvifique. Qu'en est-il des cellules olfactives de la
piété ? On observera que le calviniste entend bien tirer d'un
escamotage seulement partiel du parfum du sang rédempteur les
mêmes bénéfices cultuels que le catholique. Pourquoi tel est-il
le prix d'achat des senteurs de l'idole ? C'est à la lumière d'une
connaissance simianthropologique de la truffe d'un mythe du salut
transporté sur le champ de bataille des démocraties modernes qu'il
faut tenter d'approfondir l'étude de l'évolution du cerveau simiohumain
.
12- Le dédoublement
du symbolique 
Une
simianthropologie dont la logique interne se veut ambitieuse d'élever
l'étude du génie religieux simiohumain au rang d'une science du
cerveau obsédé par un mythe angélique de la délivrance et, par
conséquent, de l'initier à une connaissance rationnelle des encéphales
olfactifs d'Abraham, de Jésus ou de Mahomet, une telle simianthropologie,
dis-je, doit commencer par rendre compte du dédoublement du champ
de bataille du signifiant sur lequel s'exercent les forgerons
de " Dieu ". Du coup, les sciences dites humaines voient leur
territoire et leur problématique se dédoubler entre une connaissance
seulement événementielle de l'héroïsme militaire dans l'histoire,
d'une part, et le champ d'une science profonde de la politique
de la guerre sacrée, d'autre part, celle dont le génie religieux
nourrit l'ambition de conquérir la puissance au profit du règne
de l'Eglise sur toute la terre.
Du coup, la question de l'alternance dont souffre le simianthrope
entre sa fossilisation cérébrale dans les rituels sacrés et son
élan apostolique se situe au cœur d'une radiographie de ce double
visage de la guerre ; car si une espèce dont la vocation se veut
transzoologique tambour battant se trouve nécessairement en état
de métamorphose cérébrale permanente sur le champ de bataille
de son histoire, comment jettera-t-elle le harpon de la pensée
critique sur cette mouvance, alors que la raison immobilise son
objet à la manière d'un appareil photographique ? La pulsion de
l'espèce à se replier sur ses ensommeillements doctrinaux et la
peur qui la saisit quand les éveilleurs qu'on appelle les créateurs
lui interdisent de se protéger par sa fermeture angélique sur
elle-même posent la question de la nature psychogénétique des
anges guerriers.
13
- Henri Bergson et sa postérité 
Un
seul philosophe, Henri Bergson, a tenté toute sa vie d'interpréter
l'évolution post-animale de l'espèce simiohumaine. Son mérite
est d'avoir compris l'enjeu anthropologique dont le génie religieux
est à la fois le combattant et la victime - car le prophète est
un ouvreur. Mais l'auteur de L'évolution créatrice n'a
pas tenté un premier scannage psychogénétique des théologies angéliques,
donc biseautées. Il était trop tôt pour les observer au titre
de masques mentaux du singe guerrier, donc de témoins de la scission
cérébrale interne dont souffre cet animal ; trop tôt pour songer
à observer la honte qu'il éprouve à se regarder tuer . Né l'année
de la parution de L'Evolution des espèces de Darwin
, en 1859, Bergson n'était pas encore de la génération de la postérité
anthropologique d'Einstein et de Freud.
Mais le génie est à double fond . La création religieuse n'échappe
pas à cette règle: d'un côté , le prophète bouleverse l'ordre
politique établi, et ce forfait superficiel est le seul qui le
conduit au supplice; mais, dans le même temps, il " laisse à César
ce qui est à César ", ce qui signifie qu'à ses yeux la création
proprement religieuse est transcendante aux rituels du monde temporel
et aux liturgies guerrières du sacré étatisé. Sa vocation est
de retirer à l'idole le " veau d'or " qui symbolisent les " grandeurs
d'établissement ". Il sait que tel est le tribut à payer pour
que l'espèce change d'encéphale ; mais il sait également que le
singe-homme est un animal meurtrier de naissance et dont les crimes
sont masqués par l'ange qu'il est à lui-même. C'est pourquoi il
donne à une idole qui lui ressemble comme un frère le même plumage
angélique qu'à lui-même - donc le pouvoir religieux de se nourrir
sans relâche d'une guerre désormais sanctifiée par la démocratie
rédemptrice, autrefois par l'apostolat non moins guerrier d'une
Eglise de croisés d'une sépulture. Dieu et la démocratie flattent
désormais la créature à lustrer la fourrure d'une sainteté convertie
au culte de la " Liberté ". Car l'idole n'est jamais que la doublure
glorifiée dans le ciel du tartuffisme simiohumain de son adorateur
sur la terre. A ce titre, elle est l'animal intériorisé, celui
qui pilote une espèce biseautée sur le modèle du dieu guerrier
qui voudrait donner des ailes à son encéphale en transit entre
deux espèces.
14 - La théologie de
l'ange 
Puisque
le génie religieux est secrètement piégé par l'ange armé jusqu'aux
dents qu'il est au plus profond de lui-même du seul fait qu'il
rêve de conduire l'histoire et la politique à un statut cuirassé
par son séraphisme - il croit prendre de l'avance sur l'évolution
cérébrale de l'espèce - il se révèle également révolutionnaire
; car s'il s'agit rien moins que d'élever au " ciel " les comportements
naturels des peuples, des nations, des Etats, s'il s'agit rien
moins que d'enfanter un genre humain d'une autre nature, s'il
s'agit rien moins que d'accoucher d'une espèce non encore apparue
sous le soleil , la question des relations semi oniriques que
l'espérance religieuse simiohumaine entretient avec la guerre
en appelle à un scannage anthropologique de l'utopie politique
et de son alliance avec l'épopée militaire. Il est donc focal
de démontrer que tous les prophètes se sont voulus des esprits
politiques et des guerriers , mais sur le mode angélique, et que
la relégation du chef militaire du ciel dans un monde de l'au-delà
illustre seulement l'échec du génie religieux.
A
l'origine, les Moïse , les Jésus , les Mahomet donnent rendez-vous
au type de l'utopie politique qui répond aux besoins guerriers
les plus pressants de leur temps. Le tragique de leur destin est
celui du naufrage de l'espérance terrestre de leur siècle . Les
prophètes sont donc les baromètres des revers et des attentes
du messianisme armé du genre simiohumain. L'étude des désastres
et des résurrections alternées du message guerrier des prophètes
conduit la simianthropologie à rendre compte du sort malheureux
d'un chef casqué du cosmos.
Puisque les prophètes expérimentent nécessairement dans leur chair
la vocation suicidaire de leur messianisme militaire , ils expriment
depuis trois millénaires le génie des spécimens rarissimes dont
la grandeur auto-sacrificielle est de répandre leur sang à l'école
de la cruauté simiohumaine de leur idole. Mais, dans le même temps,
le prophète proteste contre son sort sur les champs de bataille.
Il reproche durement à son idole de se soumettre, elle aussi,
à la loi du glaive qui régit son histoire - donc de " racheter
" le monde au prix du sang de sa créature et de son propre sang.
Le prophète se trouve donc dans une position biseautée à l'égard
du " diable " qui le dédouble et qui dédouble son idole entre
la guerre et la paix. D'un côté, il consent à payer le prix du
salut du monde à Lucifer, le créancier de Dieu , mais il en veut
à ce dernier de s'être laissé terrasser par " l'ange déchu ",
qui a capturé sa créature à sa barbe sur le champ de bataille
de la rédemption. L'ambiguïté " diabolique " d'une théologie schizoïde
de la guerre explique le statut bifide de l'idole et de sa créature
; car toutes deux sont les otages bipolaires de l'animal dichotomique
que le singe-homme est à lui-même . " Dieu " est un assassin tartuffique
: il lustre les plumes de ses ailes sur les autels du meurtre
sacrificiel, donc sanctifié à titre de rançon d'un " rachat "
dont le montant sera censé entre les mains du " diable ". C'est
donc l'idole qui " fait la bête ", comme dit Pascal.
15
- Les fondements psychobiologiques du tartufisme simiohumain
Il
est donc décisif de tenter de cerner dans la spécificité angélique
de son tartuffisme psychogénétique le crime sacrificiel que l'idole
perpètre à son avantage; car le crime de l'autel " sauveur " est
évidemment d'origine simianthropologique, ce qui permet de radiographier
le Caïn du ciel en retour. L'animal est animal en ce qu'il n'a
pas encore découvert le poignard de la sainteté, donc du meurtre
angélique perpétré par un Tartufe du cosmos. Ce poignard change
de manche et de lame avec les siècles, mais jamais de nature.
Nous approchons-nous de l'examen du couteau de la sainteté d'aujourd'hui,
celui de la démocratie mondiale, dont les ailes d'ange s'appellent
la justice et la liberté ? Dans ce cas, l'étude simianthropologique
de la modernité nous reconduirait à la théologie antérieure à
saint Anselme, qui avait tenté de réfuter la doctrine du droit
de la guerre selon laquelle l'idole payait à Lucifer la rançon
du rachat de sa créature en lui livrant son fils unique. Le vainqueur
dictait sa loi au vaincu et fixait le montant du tribut à payer
pour le rachat des prisonniers. Dieu avait été terrassé par le
démon sur le champ de bataille du salut. Or, il est révélateur
que cette mythologie, qui remontait aux guerres puniques, redevient
moderne, puisque la démocratie angélique mondiale paie au dieu
de l'Amérique le prix de sa propre rechute dans la torture à l'échelle
de la planète. Seulement, entre temps, Dieu lui-même est devenu
le vrai Lucifer , celui qui s'exerce au meurtre angélique à la
fois sur tous ses autels et sur le champ de bataille international
de la démocratie pseudo rédemptrice.
On
mesure la richesse de la documentation simianthropologique qu'apportent
les trois théologies angéliques. Elles permettent à l'anthropologie
historico-critique d'observer les relations que les phalanges
ecclésiales armées de leurs boucliers doctrinaux entretiennent
avec des masses tour à tour inertes et fanatisées, parce que l'histoire
simiohumaine est l'arène où la foi auto innocentée par l'ange
qu'elle est à elle-même affronte une humanité tour à tour pétrifiée
et casquée.
16
- L'auto-sanctification démocratique 
Montesquieu
a fort bien esquissé cette bataille sans fin et sans issue entre
l'ange et la bête: " Il y a cette différence entre les religions
et les sciences humaines que les religions viennent du peuple
de la première main et passent de là aux gens éclairés, qui les
rédigent en systèmes ; au lieu que les sciences naissent chez
les gens éclairés , d'où elles se peuvent répandre dans le peuple."
Mais qu'en est-il du système d'éclairage d'une religion " éclairée
" par son angélisme meurtrier?
Si
le flambeau de cette lumière est tenu d'une main ferme par son
Eglise, sa clarté pseudo séraphique se verra, dans la mesure du
possible, banalisée par le bon sens politique que sécrète un "
temporel " rassurant parce que niveleur. Qu'adviendra-t-il alors
du génie religieux proprement dit, aux yeux duquel le temporel
est précisément l'oiseau de mauvais augure que le prophète aura
combattu au prix de sa vie ? La question centrale sera de savoir
qui se trouvera habilité à répandre la parole de l'idole internationale
et à entretenir des relations angéliques à l'échelle planétaire
avec le meurtre auquel l'autel de la liberté servira d'offertoire.
Quels seront les critères de l'autosanctification démocratique
du meurtre sacrificiel et qui en décidera ? Si le peuple est très
sot et si la classe ecclésiale qu'il mérite n'est pas moins éblouie
par de grands prodiges que la foule ignorante, seule la foi la
plus serve et la plus aveugle rédigera les règles de l'obéissance
publique catéchisée par le meurtre de l'autel; mais si une Eglise
se veut relativement pensante et si elle rêve de rassembler des
brebis sélectionnées au prorata de leur degré d'intelligence critique,
elle perdra le pouvoir politique , parce que les peuples n'ont
que faire d'un clergé d'aristocrates du ciel : ils demandent que
des vérités simples et angéliques leur soient assénées par des
phalanges ecclésiales sûres du sceptre de leurs idéalités.
17
- Le meurtre réel et le meurtre symbolique 
La question de la massification ou de l'aristocratisme intellectuel
des religions sacrificielles s'exprime par des théologies de la
main mise autoritaire du prêtre sur son idole. D'un côté, la divinité
doit se montrer incapturable afin de conserver le mystère de sa
bonté pateline et de sa férocité masquée, de l'autre , il faut
qu'elle soit proclamée aisément saisissable et même complaisante
à sa capture par ses prêtres, sinon le croyant et toutes les Eglises
se verraient livrées à un marché de dupes. Le prophète oscillera
donc entre son appel furieux aux foudres les plus terrifiantes
qu'il fera brandir à sa divinité et la menace de sa vaporisation.
Entre ces deux dissuasions, Moïse tente de calmer le jeu. Quand
il rassure un peuple d'Israël épouvanté par les châtiments qu'entraînera
sa désobéissance avérée, il recueille les bénéfices politiques
de la bénévolence qu'il semble avoir arrachée de haute lutte à
Jahvé ; quand il prend le relais de la colère d'un ciel dont la
férocité fait trembler la nation, son autorité se trouve renforcée
par le versant furibond de l'idole. C'est pourquoi le prophète
entretient les relations les plus étroites avec les alternances
de rage et de bonté apparente de Jahvé , mais il est toujours
seul à disposer des prérogatives d'une négociation aussi extraordinaire.
Ici
encore, Montesquieu met le doigt sur la vraie question, celle
de la nature de la présence de l'idole enragée ou ensommeillée
sur un autel viscéralement scindé entre l'ange et la bête : "
Le Protestant et le Catholique pensent de même manière sur
l'Eucharistie ; il n'y a qu'à ne pas se demander l'un à l'autre
comment - c'est moi qui souligne - Jésus-Christ
y est. " Si la victime immolée est proclamée consommable en
chair et en os sur l'autel, elle sera physiquement assassinée
par les saintes paroles de la consécration que prononcera le prêtre
victimaire, comme tous les théologiens romains l'ont soutenu jusqu'au
début du XXe siècle, où un certain Père de la Taille a soutenu,
en 1924, que l'Eglise recevait sur ses offertoires la victime
tuée par les juifs et apprêtée à son appropriation cultuelle par
les fidèles ; mais dans l'un et l'autre cas, il s'agit d'une rançon
sanglante dont l'idole aura dûment réclamé le versement à une
Eglise fondée sur la connaissance de la cruauté de l'histoire
simiohumaine. C'est pourquoi le tribut sacerdotal est tenu pour
d'autant mieux rémunéré qu'il se sera voulu plus saignant .
Mais
alors, célèbrera-t-on les retrouvailles du christianisme avec
le culte anté-abrahamique des nomades de l'époque? Nullement :
le glaive de la théologie angélique glorifiera le don de la mort
du " fils " de l'idole à cette dernière. Le meurtre de l'autel
est autophage, il symbolise le catoblépas que le singe-homme est
à lui-même dans son auto dévoration cultuelle. Il se consomme
angéliquement afin de changer d'espèce. C'est dire que si l'Isaac
chrétien est déclaré présent à titre " seulement " symbolique
dans le pain et le vin de la messe, l'anthropologie logique ne
s'en trouvera pas moins reconduite à la question de la nature
militaire de l'angélisme auto comestible simiohumain , parce que
tout prophète se veut aux prises avec l'encéphale et l'éthique
d'un animal cérébralement en panne, mais dont la boîte osseuse
se veut néanmoins en route vers un avenir métazoologique qu'elle
conçoit sur le mode séraphique. Or, pour l'instant, ce type d'encéphale
se veut à la fois " angélique " et approvisionné par la chair
et le sang d'un " vrai et réel sacrifice ". On sait que le paganisme
reprochait précisément au christianisme d'avoir perdu la victime
vivante et respirante nécessaire à toute théologie de la guerre
et du sang, donc à toute histoire et à toute politique réelles.
Rome a fini par se redonner l' "hostie" perdue, c'est-à-dire l'otage
; mais il y a fallu le subterfuge de l'eucharistie.
18 - Suite de l'histoire
du veau d'or
Revenons
à la chair et au sang exposés sur l'autel des démocraties. Qu'en
sera-t-il donc du poids du cerveau simiohumain sur les plateaux
d'une balance à peser l'animalité guerrière de la bête angélique
? Si l'espèce simiohumaine parvient à observer un animal aussi
singulier qu'un ange casqué, l'aiguille de la balance inscrira
sur le cadran la pesanteur du cerveau commun à l'idole aux plumes
d'anges et à la démocratie mondiale et ces plumages partagés seront
ceux de la " liberté " et de la " justice ".
Moïse
est un chef de guerre bafoué . Il brise les tables de la loi divine
que Jahvé lui avait donné pour sceptre sur le mont Sinaï et qu'il
avait pourtant gravée au burin dans la pierre, Jésus frappe de
son fouet les marchands du temple de Jérusalem et renverse les
tables des changeurs. Mais, dans le même temps, la guerre de conquête
du prophète est celle de la sainteté de son idole; et cette purification
est sans cesse souillée par le retour du " veau d'or " . On se
rappelle que Mahomet seul semble avoir compris que cette salissure
avait à nouveau débarqué sur l'autel des juifs et des chrétiens
du seul fait qu'un sacerdoce de propriétaires et de fonctionnaires
patentés de la divinité entretiendra nécessairement une relation
monopoliste, physicalisée et prébendée avec une idole de bureaucrates.
Mais n'oublions pas que les trois prophètes ne disposent en rien
d'une métapsychologie de l'idole aux ailes d'ange et qu'ils n'ont
pas songé un instant à reléguer leur divinité dans l'utopie d'un
monde posthume. Tous trois entendaient seulement fonder une Eglise
définitive, donc transcendante au règne de toutes les idoles de
leur temps. Aussi Moïse s'est-il aussitôt auto-proclamé le médiateur
officiel et l'interprète exclusif de l'excellence de Jahvé en
Israël , aussi Mahomet s'est-il installé dans le rôle du prophète
unique d'Allah le pur, aussi Jésus s'est-il voulu l'annonciateur
de l'avènement imminent du royaume d'un ciel parfait en Israël,
à la manière, dirait-on, du futur saint Karl Marx, qui prophétisera
le débarquement d'un prolétariat immaculé dans le paradis terrestre
retrouvé blanc comme neige et dont les écrits convertiront des
centaines de millions d'hommes à son verbe.
Puisque ni la théologie angélique, ni l'histoire idéalisée, ni
les sciences humaines d'aujourd'hui, ni les prophètes du ciel
de justice des démocraties ne sont en mesure de peser un " veau
d'or " caparaçonné de séraphisme, donc de nous faire connaître
la nature historique et politique du génie religieux, il appartient,
redisons-le, à l'anthropologie logique de tenter d'aplanir les
sentiers d'une science de la sainteté simiohumaine. Il y faut
une mutation de la notion de biographie. Car l'originalité du
fondateur du christianisme est d'avoir gravé dans sa chair la
première histoire réelle de l'éternel veau d'or, celle que son
destin religieux lui a dictée de son vivant. Qu'en est-il de l'idole
véritable, celle dont le sceptre, l'autel et la gloire s'appellent
l'Histoire ? Jésus est le seul prophète auquel son ciel est censé
avoir enseigné la mort sous la torture afin de briser l'armure
cérébrale de son idole.
On dira qu'Isaïe, Jérémie, Ezéchiel ont été mis, eux aussi, à
l'école testimoniale de l'immortel " veau d'or " dont se nourrissent
les idoles. Nenni. Certes, ils ont été tués, eux aussi, par leur
victimaire angélique. Mais seul Jésus a goûté le privilège d'illustrer
sur le mode tragique l'échec politique d'une religion condamnée
depuis deux millénaires à introduire la loi des épées dans son
culte , et cela non point par le lent écoulement des siècles ,
mais au cours de sa brève biographie terrestre, celle du guerrier
livré pieds poings liés à l'autel sanglant auquel Abraham avait
soustrait son fils Isaac . Il était sans exemple qu'un prophète
incarnât sous le joug de l'histoire de sa propre nation le destin
de l'agneau livré au glaive que l'humanité est à elle-même depuis
les origines . C'est pourquoi la question posée par le prototype
paradigmatique de l'anthropologie logique qui s'appelle Jésus
n'est autre que celle du décryptage des relations que l'espèce
simiohumaine entretient avec la moitié meurtrière de son encéphale
- donc avec les bouleversements sporadiques des relations que
cet animal cahotique tisse avec son idole armée jusqu'aux dents.
19
- La biographie des créateurs 
Qu'en est-il de la biographie mystique du prophète Jésus et comment
s'inscrit-elle dans une science de la biographie mystique du musicien,
une science de la biographie mystique du poète, une science de
la biographie mystique de l'amour humain idéalisé, celle dont
une anthropologie des " résurrections séraphiques " observerait
la métamorphe de Nausicaa, de Béatrice, d'Eurydice ou d'Iseult
en madones? De même que la biographie testimoniale de Socrate
est celle du destin que son baptême dans la ciguë a donné à sa
pensée , de même que la vraie biographie des hommes d'Etat est
celle que l'eau de baptême d'une histoire eschatologique a fécondée,
la vraie biographie des prophètes assassinés est celle que l'histoire
de l'ange simiohumain a gravée dans leur chair.
La
place de la biographie religieuse de Jésus est unique dans le
champ sacrificiel mondial, parce que ce prophète s'inscrit, certes,
dans la postérité théologique d'Abraham et de Moïse , qui ont
anéanti, l'un l'offrande des Iphigénie et des Isaac à l'idole
animale des origines, l' autre le premier veau d'or autour duquel
le singe-homme s'exerçait à danser. Mais le Galiléen va beaucoup
plus loin dans la dénonciation du veau d'or : il le voit non seulement
dans le puissant appareil ecclésial du peuple hébreu que Moïse
avait mis en place, mais de surcroît dans l'animal réel qui avait
pris la place d'Isaac sur l'autel. Tenter un coup d'Etat théologique
de cette force, c'était prendre un risque mortel, parce que la
commémoration annuelle de la sortie d'Egypte, c'est-à-dire la
Pâque juive, était l'occasion d'un repas familial au cours duquel
le père de famille exerçait à la fois la fonction du prêtre chargé
de solenniser par le rituel religieux la commémoration de l'événement
fondateur d'Israël - la délivrance des ancêtres de leur captivité
en Egypte sous la conduite de Moïse - et la fonction de représentant
parasacerdotal d'une communion sanctifiée par une symbolique du
pain et du vin partagés en famille. Ces deux aliments étaient
donc déjà des instruments cultuels étroitement associés à la chair
et au sang de l'animal immolé sur l'autel familial. De son côté,
l'Etat célébrait officiellement le sacrifice de l'agneau avec
tout l'apparat et la pompe d'une théocratie servie par un clergé
tout puissant et réservé à la famille du grand prêtre .
L'étroite conjonction entre le rituel du sacrifice de l'agneau
réel - on aspergeait l'autel de son sang afin de rappeler avec
force qu'il s'agissait du sang d'Isaac - et celui de la communion
au sein des familles était en outre soulignée par le pain brisé
cultuellement , donc en quelque sorte par le sacrifice symbolique
de l'aliment vivant dont le père était l'officiant - donc le victimaire.
Le partage de ce pain cultuel entre les membres de la famille
s'accompagnait des paroles sacramentelles destinées à souligner
que Jahvé était à la fois le libérateur physique de son peuple
et son délivreur spirituel - celui que figurait la communion de
ses fidèles rassemblés sous sa bénédiction. La double grâce du
partage du pain et de l'agneau rendait Jahvé présent sur le mode
d'une sorte de manducation de la rédemption et du salut.
Jésus
pensait que le sacrifice de l'agneau n'était qu'une séquelle du
sacrifice d'un animal - un héritage obsolète d'Abraham et de Moïse
- et que la véritable offrande à Jahvé résidait exclusivement
dans le don de la foi. Toute la théologie augustinienne, puis
protestante s'est fondée sur l'interprétation paulinienne du christianisme,
donc du sacrifice intérieur tenu pour seul réel et seul rédempteur
; et toute l'Eglise romaine a combattu cette interprétation peu
propice à l'épanouissement d'une ecclésiocratie fondée sur l'appropriation
d'un " vrai et réel sacrifice ", donc du moteur réel de l'histoire
et de toute politique simiohumaine. Aussi cette scission symbolise-t-elle
toute politique, puisque celle-ci se scinde nécessairement entre
l'autorité publique d'une part, qui a besoin de se trouver objectivée,
donc institutionnalisée, et l'individualisation de la foi, d'autre
part, qui cherche également un cérémonial collectif afin de s'officialiser
- et tous les Etats se voient contraints d'opérer une fusion bancale
entre ces deux théologies. Le don christique du pain et du vin
de l' " esprit " à la divinité va-t-il devenir le symbole exclusif
de la " vraie foi " ? Mais alors, qu'adviendra-t-il de " l'esprit
de sacrifice " que revendiquent l'histoire et la loi des Etats,
qui est la loi du sang ?
20 - Le cerveau simiohumain
et la substantification des signes 
Comme
il est impossible d'abolir un rite vieux de plusieurs siècles,
il convient d'observer de près comment le génie religieux de Jésus
a tenté de métamorphoser la liturgie de l'agneau sacrifié en une
liturgie de l'exode, donc de la délivrance de la servitude, donc
de faire débarquer dans l'histoire une religion de la libération
intérieure, tout en conservant l'héritage d'Abraham sous un habillage
théologique certes hérité de Moïse, mais qui modifiait radicalement
le sens traditionnel d'une religion de l'asservissement aux Etats
et à leur sainteté. Pour comprendre cette métapsychologie de la
" sortie d'Egypte ", il faut garder présent à l'esprit qu'Abraham
n'a évidemment pas raisonné en rationaliste moderne et qu'il ne
s'est naturellement pas dit : " Gaïa a donné une pierre à avaler
à Chronos le glouton en lieu et place de son fils, le futur Zeus.
Faisons donc semblant de croire que l'idole elle-même m'aura demandé
de substituer le leurre d'un animal à Isaac sur l'autel du sacrifice,
afin de cautionner mon génie religieux à mes propres yeux et au
regard de tous les siècles et de toutes les nations. " Au contraire,
le prophète croit sincèrement que la chair et le sang d'un agneau
seront réellement devenus ceux d'Isaac, parce que l'esprit simiohumain
substantifie les symboles, chosifie les métaphores, concrétise
les signes afin de gagner sur les deux tableaux de son histoire
et de sa politique, celui du meurtre réel et celui de l'ange chargé
de le masquer de sainteté. D'où la conjonction de la matière et
du signe. La mer sera une substance liquide et, dans le même temps,
un dieu en chair et en os, le père de Polyphème, le soleil sera
un astre enflammé courant dans l'étendue et, dans même temps ,
le dieu Apollon, lequel possède des bœufs blancs dans l'île d'Hélios
et tient les rênes du " char du soleil " ; la terre sera une matière
et en même temps, la déesse Gaïa , mère de Proserpine.

Mariali
21 - La politique moderne
et la substantification des signes 
Naturellement, l'anthropologie pseudo scientifique de l'Occident
ignore que ce type d'encéphale est demeuré le sien et celui des
démocraties modernes, de sorte que toute la géopolitique d'aujourd'hui
se fonde sur elle: si je brûle publiquement trois morceaux d'étoffe,
un bleu , un blanc et un rouge cousus ensemble et attachés à un
bâton , personne ne pensera que j'ai détruit des tissus. J'ai
brûlé la République de la raison, j'ai profané l'autel des droits
de l'homme, j'ai souillé la patrie de la liberté, de l'égalité
et de la fraternité. De même , quand le champion du monde des
échecs, Bobby Fisher déchire publiquement son passeport, les Etats-Unis
le poursuivent en justice et le traquent partout dans le monde
pendant des années, parce qu'il n'a pas détruit une pièce d'identité,
il a offensé le peuple américain et profané la patrie de Jefferson
et d'Abraham Lincoln . La substance du monde n'est autre que le
symbolique dont il est habité.
Il serait donc erroné de s'imaginer que la condamnation des sacrilèges
viserait à protéger des propositions douteuses et qui auraient
grand besoin du glaive des Etats pour soutenir leur fragilité
: nier l'existence de Dieu était un blasphème non point parce
qu'il s'agissait d'un postulat branlant et qui aurait eu besoin
de béquilles, mais tout au contraire pour le motif que personne
ne doutait d'une vérité tellement évidente que le profanateur
était envoyé au bûcher au titre d'un menteur dont l'entêtement
ne pouvait s'expliquer que par sa chute entre les mains du diable.
Le cerveau simiohumain juge digne de la damnation éternelle non
seulement de nier que le monde soit plein de personnages parlants,
mais de soutenir que la matière s'obstinerait à demeurer bouche
cousue.
Supposons que l'autel des métamorphoses du symbolique soit celui
de la physique classique et que le théoricien de la matière prononce
les paroles d'une consécration liturgique à la fois " expérimentale
" et rationalisante. Quelles paroles sacramentelles prononcera-t-il
pour accoucher d'une matière qu'il s'agit de rendre locutrice,
donc rassurante ? " Que les comportements réguliers de cette matière
se changent en lois de la nature, que ces lois fassent tenir aux
routines aveugles du cosmos un discours de la raison juridique
des cités, que ce discours innerve tout l'univers de son verbe
ordonnateur et que le cosmos, hier aveugle, sourd et muet, enfante
le discours de sens rassis que la constance de ses rites paraîtra
tenir sur l'autel de la théorie. " Supposons ensuite qu'un profanateur
jette à terre le ciboire de la théorie, et l'on verra le physicien
terrifié se précipiter au sol pour ramasser les miettes du discours
attribué à une matière seulement et désespérément répétitive.
On voit que l'étude simianthropologique des idoles cérébrales
et de leur éloquence n'est pas un amusement anodin . L'espèce
simiohumaine exorcise le silence de l'univers à l'aide d'une science
des signes substantifiés qu'elle installe au cœur de la théorie
physique comme de la religion. Il s'agit de se forger des signifiants-pilotes,
donc de finaliser le monde par une fétichisation totémique, qu'on
appelle une sacralisation .
22 - La physique angélique

Puisque
tout le monde était convaincu que l'Isaac vivant était devenu
un agneau vivant, Jésus aurait échoué à nier une thaumaturgie
cultuelle de cette force. Tout était prêt , en revanche, pour
métamorphoser la chair et le sang d'Isaac en pain et en vin de
la foi. Le prophète déclarera que son corps sera changé en une
chair et un sang nouveaux, et cela par le seul effet de sa parole
sacerdotale : " Ceci est mon corps, ceci est mon sang ". Mais
cette chair et ce sang seront devenus le pain et le vin de la
parole de Jahvé. La métamorphose cultuelle des signes et des symboles
exposés sur l'autel des chrétiens semble un prodige beaucoup moins
difficile à réaliser que la révolution qui avait opéré la métamorphose
de la chair et du sang du fils aîné d'Abraham en la chair et le
sang d'une bête sacrifiée. Jésus sera le nouvel Isaac, lequel
sera non moins présent en chair et en os que le précédent sur
l'offertoire du meurtre sacré; et ce sera à ce titre qu'il montera
à son tour sur l'autel d'une immolation substitutive, mais consubstantielle
aux deux précédentes. Mais dans le même temps, le corps et le
sang physiques de Jésus seront devenus confusibles avec le pain
et le vin de la seule vraie foi, non point par métaphore, mais
matériellement, donc dans la tradition simianthropique. C'est
pourquoi l'Eglise dit à la fois que Jésus se trouve corporellement
présent sur l'autel et qu'il s'agit d'un sacrifice spirituel.
De
même, la nature sera censée se tenir à elle-même le discours à
la fois métaphorique et non métaphorique dont le physicien dotera
la notion de loi, puisque cette notion sera censée se substantifier
à l'école de la " vérification expérimentale ", alors que seules
les redites aveugles de la matière se trouvent effectivement vérifiées.
Mais si toute la théorie physique classique était " expérimentalement
" construite sur le modèle sacerdotal de la substantification
de la notion de loi, qui est un signifiant, et si la métamorphose
métaphorique de la matière en signe " objectif " de la rationalité
juridique du cosmos - donc censée " vérifiée " par une théorie
réputée se trouver assermentée par des faits sur l'autel de la
théorie - il devient décisif d'observer comment le cerveau simiohumain
s'imagine rencontrer des signaux dans la nature et en dresser
constat à l'école du calcul, ce qui conduit la simianthropologie
à observer le statut semi animal des équations en tant que Sésames
d'une parole substantifiée par son signifiant. Si l'expérience
scientifique est réputée rencontrer le verbe qui l'habite, et
cela à l'école de ses propres redites et faire corps avec elles,
la christologie devient l'instrument de recherche privilégié d'une
véritable connaissance de l'inconscient cérébral du singe surréel.
La
" vérification eucharistique " de l'intelligibilité mathématique
du cosmos rendra l'univers matériel consubstantiel au verbe qui
habitera la raison expérimentale, mais que seul ses prêtres lui
feront tenir ; et chaque fois que les trains de la matière se
répéteront aussi fidèlement qu'aveuglément, ils seront censés
prendre rendez-vous avec leur " signification rationnelle " sans
que la notion de raison ainsi construite soit jamais radiographiée
au titre d'un document cérébral simiohumain . Ainsi l'imperturbable
fournira à son clergé le pain et le vin de l'intelligence théorique
semi animale . Mais la nature elle-même n'est-elle pas devenue
angélique à son tour à se rendre bavarde sur l'autel de la sottise
cuirassée de ses devins?
23 - L'ange de la mort

Mais c'est ici que l'idole dont la sauvagerie est celle de l'histoire
et qui pilote ses autels à l'école du sang qu'elle fait couler
à torrents va débarquer dans la biographie mystique du prophète
Jésus, la seule réelle, et graver dans sa chair la loi d'airain
du meurtre angélique qui la commande en sous-main. Car le singe-homme
n'a jamais mangé le pain et jamais bu le vin de " Jahvé ". Le
prophète a défié son victimaire. La vengeance de l'idole lui enseignera
qu'on ne construit pas une Eglise pour donner des leçons à Chronos,
mais pour lui servir de décalque , de doublure, d'effigie, d'alibi.
C'est cela qui fera de Jésus de Nazareth le seul poète du genre
simiohumain dont le destin sanglant démontrera jusqu'à la fin
du monde que la loi des idoles est celle de leurs potences.
Que
hurle maintenant l'idole d'Abraham ? Qu'elle va produire sur l'autel
un prodige à l'envers: ce sera le pain et le vin du " ciel " qu'elle
changera en la chair et le sang de l'ange meurtrier qu'elle est
demeurée à elle-même . Puisque la métaphore substantifiée se révèle
le rouage central du cerveau simiohumain, puisque seul l'ange
meurtrier que l'idole est à elle-même a permis à Abraham de proclamer
réel l'Isaac symbolisé par un agneau sur l'étal du sacrifice,
la métaphore va retourner ses armes contre le prophète et le tuer.
Jésus a proclamé que le pain de la foi s'est changé en sa chair
et le vin de sa foi en sang. Conclusion : l'idole a retrouvé son
Isaac et, cette fois, son couteau ne l'épargnera pas.
Du
coup, ce sera bien en vain que la victime de l'idole tentera de
se rebeller contre le père angélique ; ce sera bien en vain qu'elle
demandera au monstre que la mort animale, celle que toute créature
partage avec les bêtes lui soit épargnée sur l'autel. Chronos
ne l'entendra pas de cette oreille, Chronos ne se laissera pas
chapitrer, Chronos mange ses enfants depuis la nuit des temps,
Chronos retrouvera l'enfant qu'Abraham avait retiré de sa table.
Si le veau d'or que tentent de terrasser les prophètes n'est autre
que le roi de la mort qui s'appelle l'histoire , il faudra rédiger
la vraie biographie du premier prophète qui aura gravé le portrait
du genre simiohumain dans sa chair et que définira sa guerre à
la mort . C'est pourquoi l'idole est l'ange simiohumain qui redonnera
sa chair à la bête et qui, comme dit Pascal, fera la bête à "
faire l'ange " .
24 - Un singe au paradis

Mais c'est précisément parce que personne n'arrachera à l'anthropologie
critique les clés des idoles qu'elle tient d'une main ferme que
les futurs évadés de la zoologie sont en mesure d'observer le
prototype du singe devenu homme. Pour cela, il leur suffit d'observer
que, jusqu'au XVIe siècle, les théologiens de l'idole ont mis
Jésus en accusation pour poltronnerie . " Quelle femmelette !
" dira John Colet à Erasme. Qu'avait-il à se rebeller contre le
roi de la mort, son souverain, qu'avait-il à se plaindre comme
un enfant que son dieu l'eût abandonné ? Qu'avait-il à rechigner,
l'homme du gibet , alors que sa joie de sauver tout le genre humain
pour pas cher aurait dû le faire courir au supplice avec des bondissement
d'allégresse ? Qu'avait-il à tenir jusque sur sa potence des propos
désordonnés et incompréhensibles sur le pain et le vin de Jahvé
? N'était-ce pas sa chair et ses os que toute l'espèce angélique
allait retrouver indemne dans l'au-delà ? Tout cela valait bien
un clouage momentané sur le bois. Qu'en est-il donc du statut
trans-zoologique en germe dans le capital psychogénétique du singe-homme,
lui qui glorifie un dieu cloué sur l'instrument d'une mise à la
torture prometteuse, lui qui, depuis tant siècles brandit l'emblème
sacré d'un animal tortionnaire, mais qui voudrait sauver sa peau
à titre posthume , lui qui, depuis tant de siècles lapide les
prophètes?
Et
voici que l'annonciateur de l'âme et de la pensée paraîtra vouloir
se soumettre à l'idole qui le tuera; voici qu'il lui crie: " Que
ta volonté soit faite ". Car il est de son temps . Sait-il seulement
que le pain de l'ange que lui tend son idole n'est pas le pain
de " Jahvé " ? S'imagine-t-il qu'une divinité aurait élu domicile
dans le cosmos et que son éternité s'y serait donné pour siège
un trône d'or ? Une idole a grand besoin de consommer une offrande
aussi chosifiée que sa propre viande sur ses autels . Mais la
soudaineté même de la rechute de l'espèce dans le culte de son
" veau d'or " écrira la biographie suicidaire des prophètes, celle
qui illustre l'évolution psychobiologique du cerveau simiohumain
. Alors le premier homme se demande : " Serais-je à moi-même mon
veau d'or ? Ma vie de singe serait-elle le veau d'or que je rêve
de transporter au paradis ? "
25 - L'avenir de la
rédemption angélisée
Du coup, la question des secrets psychobiologiques du génie religieux
simiohumain se place plus que jamais au cœur de l'anthropologie
logique. Car enfin, une théologie pousse-au-crime a prévalu jusqu'à
Vatican II. Il faut donc se demander ce que signifie le destin
auto-immolatoire des prophètes d'une espèce censée se rendre quelque
part, il faut donc se demander ce qu'il en est de la biographie
théologique des démocraties, il faut donc se demander pourquoi
elles se proclament rédemptrices, il faut donc se demander pourquoi
elles sont égorgées sur l'autel de l'histoire, il faut donc se
demander quel veau d'or elles sont devenues à elles-mêmes . Si
les prophètes se révélaient des éveilleurs du singe-homme, des
éclaireurs de son évolution cérébrale, des explorateurs d'avant-garde
du destin de l'intelligence post-animale , il faudrait se demander
ce qu'il en est du pont qu'ils tentent de jeter entre l'histoire
et l'utopie, la politique et le rêve, la biographie et une dramaturgie
du " ciel ".
Car l'Isaac censé physiquement offert sur l'autel de l'idole n'est
plus le fils d'Abraham : il se déclare le " fils de Jahvé ". Cette
mutation du mythe est décisive, puisque le christianisme va, certes,
reproduire le modèle abrahamique du sacrifice, mais en le faisant
exploser . Certes, dans le judaïsme , le vrai croyant se voyait
déjà qualifié du titre de " fils de Jahvé " ; mais si tout le
genre simiohumain se trouve maintenant assassiné sur l'autel du
monde par l'Abraham divin et si le père du cosmos est devenu le
père réel de toutes les créatures, son angélisme ne va-t-il pas
se rendre titanesque à l'échelle de l'histoire universelle ? Ne
verra-t-on pas toutes les nations et tous les empires de la terre
s'emparer avec avidité du sceptre d'une planète angélisée? Les
démocraties ne seront-elles pas vouées à prendre le relais du
meurtre abrahamique à l'échelle d'une rédemption angélisée de
tout l'univers ? Et puisque l'Isaac international est devenu le
fils d'une idole réputée innocente , comment les démocraties ne
passeront-elles pas pour séraphiques et de la tête aux pieds ?
Comment leurs meurtres ne répandraient-ils pas la bonne odeur
de la sainteté d'un monde tout entier sauvé par ses idéalités?
Mais qui tiendra le sceptre de l'idole des démocraties ? Ne sera-ce
pas la nation la plus puissante qui se proclamera la plus sainte,
celle dont l'innocence s'étalera à l'échelle de ses meurtres sur
tous les continents ?
Si toute sainteté simiohumaine est angélique par nature et si
les anges du salut sont casqués, alors l'angélisme politique n'est
pas apparu avec la démocratie du glaive messianisé américain ;
et si les trois monothéismes sont guerriers ab ovo, le
judaïsme porte cuirasse depuis Moïse , le catholicisme a porté
cuirasse aussi longtemps qu'aura vécu la puissance des Etats catholiques,
l'islam a porté cuirasse jusqu'à Poitiers en 732. Bien plus :
un monothéisme se révèle cuirassé à l'heure où sa puissance politique
lui permet de déployer ses guerriers sur les champs de bataille;
et si le tour de l'Amérique est venu de porter cuirasse à l'échelle
de la terre, c'est seulement parce que la forme calviniste du
monothéisme n'a conquis son rang politique sur les terres édéniques
du Nouveau Monde qu'à partir de 1945.
26
- " Le vrai roi des enfers, c'est toi ! " 
Mais si l'angélisme guerrier était en croisade avec Moïse , puis
avec Rome, puis avec Allah et enfin avec le Dieu américain, l'heure
est venue pour Jésus d'apostropher l'empire romain en ces termes
: " Père, qu'as-tu fait de ton fils Isaac ? Que valent ma chair
et mon sang sur tes autels ? Je vois un glaive briller dans ta
main. Accordes-tu ta bénédiction à un ange assassin ? Je croyais
que mon meurtrier s'appelait Lucifer, je croyais qu'il était tombé
du haut de ton ciel. Serais-tu l'idole des démocraties ? Laisse-moi
enseigner à ta créature que tu n'es qu'une idole ; laisse-moi
enseigner que Lucifer est ton père ; laisse-moi enseigner que
le souverain de l'enfer, c'est toi ? "
Puisque
les autels des démocraties sont devenus sanglants , puisque leurs
étendards brandissent depuis la nuit des temps le linceul d'une
justice angélique, le linceul d'une liberté angélique, le linceul
d'un droit international angélique ; puisque ce sont maintenant
les Etats-Unis et l'Angleterre qu'Amnesty International cloue
au pilori de l'accusation de torture ; puisque ce sont la plus
puissante et la plus ancienne des démocraties qui font de l'Irak
et qui voudraient faire de l'Iran l'autel d'un éternel Isaac,
il faut reconnaître que la victime éternelle de l'idole simiohumaine
porte bel et bien le nom du prophète qui tenta de substituer le
pain et le vin de l'intelligence à l'agneau immolé d'Abraham.
Mais peut-être le " vrai Dieu " est-il à l'école du suicide de
son " fils " ; peut-être consentira-t-il, lui aussi, à écouter
le pédagogue de son suicide afin d'arracher sa créature à l'animal
angélique et à ses cuirasses ; peut-être une vraie " théologie
" de la résurrection avait-elle besoin de l'autel des suicidaires
de l'esprit qui ont fait de l'intelligence la ciguë de leur immortalité.
Voilà
ce qu'aurait dit du Jésus de demain un Da Vinci Code qui
aurait éclairé le génie des dompteurs de la bête dont les feux
éclairent les vivants.