1 - Qu'est-ce qu'un chef d'Etat
2 - L'exemple de l'empire américain
3 - La bête auto-cérébralisée
4 - Les ventres affamés ont maintenant des
oreilles
5 - La nouvelle distanciation anthropologique
6 - La bête masquée de sainteté
7 - La démocratie des barbares et les mystiques
de la lucidité
1
- Qu'est-ce qu'un chef d'Etat 
Il arrive qu'un chef d'Etat se révèle de surcroît un administrateur
de la politique locale. Dans ce cas, on le juge à l'attention
qu'il veut bien porter à la misère du peuple; mais sa tâche
principale demeure celle d'un ardent défenseur des intérêts
supérieurs de la nation. Seule la scène internationale lui
paraît un théâtre digne de sa vocation.
Mais
si l'essentiel de sa mission n'est jamais de s'apitoyer sur
le sort des "humbles et des opprimés", il faut néanmoins que
la pauvreté et l'ignorance de la population n'affaiblissent
pas outre mesure la nation dans l'arène du monde - sinon il
court à vive allure au secours des miséreux. Trois siècles
après la poule au pot d'Henri IV, Napoléon III a rédigé un
bréviaire intitulé De l'extinction du paupérisme. Mais
Bourguiba ou Pierre le Grand ont mis toutes leurs forces à
délivrer leur pays des ténèbres de la fossilisation théologique
des cerveaux et à faire couper aux illettrés une barbe par
trop ridiculement copiée sur celle du créateur de l'univers.
2 - L'exemple de l'empire américain 
Et pourtant, ce ne sont pas des théoriciens de la prééminence
d'un Etat conquérant, mais trois présidents démocrates qui
ont conduit l'empire américain à la surpuissance navale de
ce temps, Roosevelt, Truman et Kennedy. Quand un président
démocrate n'a pas la poigne de fer d''un César du mythe de
la Liberté, on lui montre la porte. Carter a paru faible des
bras et des jambes. L'acteur de cinéma qui lui a succédé à
la Maison Blanche avait appris son métier à l'école des shérifs
de Western et il est allé bombarder Kadhafi dans son palais
à dix mille kilomètres du bureau ovale; et l'on a vu un scénario
de Hollywood débarquer parmi les dorures et le protocole des
chancelleries du monde entier -tandis que Jimmy Carter recevait
dans son coin le lot de consolation fort recherché, mais qu'on
réserve aux catéchètes des démocraties, le prix Nobel des
anges de la paix. Certes, M. Bush senior n'était pas un homme
d'Etat manqué; et pourtant, il a été remplacé par un Bill
Clinton qui allait siéger au sein du gouvernement de Tel-Aviv.
Mais il faut chercher la cause de sa disgrâce, non point dans
l'échec de sa politique, mais dans l' initiative téméraire
qu'il avait prise de défier l'expansion territoriale illimitée
d'Israël en Palestine.
Vingt
ans plus tard, un autre démocrate, Barack Obama, s'est cassé
les dents sur ce petit Etat de fer et acier. Mais la nature
même de sa fonction l'a contraint à se risquer dans cette
enceinte en béton armé, puis d'y expédier, et inutilement,
le vice-Président des Etats-Unis et enfin, une quinzaine de
fois, le chef de la politique étrangère du pays; mais ce dernier
échouera à faire plier Tel-Aviv. Du coup, l'hôte de la Maison
Blanche se trouvera rayé de la liste des vrais chefs d'Etat
aux yeux de la postérité - du reste, il s'est d'ores et déjà
résigné à sa rétrogradation perpétuelle, puisqu'il se rabattra
peu à peu sur le volet social de son emploi.
Pourquoi les hommes d'Etat dignes de ce nom et qui se sont
pourtant souciés du bien-être de leur population se comptent-ils
sur les doigts d'une main? Parce que l'officialisation du
socialisme nationaliste n'est pas pour demain. Mais Kennedy
a mieux asservi l'Europe que Nixon ou Eisenhower et Truman
que Reagan. C'est qu'un homme d'Etat qualifié de démocrate
peut s'offrir le luxe de s'envelopper dans le châle d'un apostolat
de la domestication évangélique de ses adversaires et de tout
l'univers, tandis que l'homme d'Etat républicain se trouve
contraint de jouer cartes sur table. On n'évangélise pas le
réalisme - seuls les rêves sacrés sont de taille à se rire
des frontières.
3
- La bête auto-cérébralisée 
Depuis
les origines de la mémorisation écrite du temps, notre astéroïde
s'est révélé le théâtre d'une guerre tour à tour ouverte et
larvée entre les empires vigoureusement présents sur la planisphère
des dévotions et des piétés musculaires de leur époque d'un
côté et, de l'autre, les empires oublieux des glaives glorieux
que brandissait un mythe ou une divinité. C'est pourquoi il
est absurde de peser les relations tempétueuses de l'Iran
avec les saintetés hérissées des piques et des cierges de
la démocratie idéale sur la balance de l'enseignement de la
seule religion à exercer un monopole sur le concept de Liberté.
Ce parfum de paroisse se nourrit désormais d'un songe catéchisé
à l'échelle du globe terrestre. Une Eglise de la laïcité dont
l'argumentaire universel se trouve étroitement calqué sur
celui de l'orthodoxie totalisante du Moyen-âge n'est jamais
qu'un masque sacré, donc armé des crocs de la sainteté
d'aujourd'hui.
Hier encore, Téhéran se trouvait cloué au pilori des hérétiques
et voué à la damnation éternelle en raison de son refus diabolique
de confesser une vérité doctrinale bien connue et dont l'évidence
était censée crever les yeux à l'humanité tout entière. La
vérité n'avait-elle pas été révélée une fois pour toutes et
à tous les peuples rationnels, donc armés d'avance du plus
élémentaire bon sens sur cette terre? C'est pourquoi quatre-vingts
millions de descendants de Darius et d'Artaxerxes se trouvaient
hissés sur le bûcher par des armées d'affameurs, tous bons
apôtres de la Justice et de la Liberté universelles. Si la
démocratie n'était pas inquisitoriale, elle ne serait pas
convertisseuse et il serait impossible de la magnifier à l'école
des nouveaux croisés du monde.
Aussi est-il équitable, n'est-ce pas, que les anges et les
séraphins de l'apocalypse thermo-nucléaire excommunient l'ambitieux
qui voudrait se donner, lui aussi, le prestige d'une foudre
inutilisable par nature, donc mythologique par définition.
Toute orthodoxie fonctionne à sens unique; c'est pourquoi
le Dieu tenu à la fois pour vrai et pour armé de piquants
redoutables se trouve toujours et exclusivement entre les
mains du propriétaire qui en tient le manche et qui en allume
la mèche, donc le mieux armé. Mais songez que l'esprit de
charité est censé inspirer la démocratie de la foudre majoritaire
de l'atome.
4
- Les ventres affamés ont maintenant des oreilles 
Voyez
l'esprit évangélique avec lequel l'Eglise du nucléaire s'affaire
pour le salut du malheureux hérésiarque: il s'agit, n'est-il
pas vrai, et le cœur sur la main, de rétablir des relations
saines et vertueuses avec les saints détenteurs du monopole
de la pulvérisation terminale. Le nucléaire démocratique se
veut apostolique et fulminateur, pacificateur et apocalyptique.
Au demeurant, l'esprit sotériologique et rédempteur qui inspire
le mythe de la Liberté ne veut jamais que le bonheur du coupable:
qu'il confesse seulement sa pestifération, qu'il affiche seulement
sa repentance sur la scène de la damnation internationale,
qu'il renonce seulement à l'arme diabolique dont il est censé
faire peser la menace sur les épaules de ce pauvre monde -
et l'enfant mais la corde au cou.
Qu'attend
ce malheureux pour se confesser, se convertir, passer aux
aveux? Comment se fait-il que les ventres affamés aient désormais
des oreilles et qu'ils refusent tout net d'écouter les prêches
des dispensateurs de leur salut? Comment se fait-il que le
pauvre homme gémisse sous la torture et proteste du traitement
qu'on lui inflige? Comment se fait-il que les héritiers de
la Perse des ancêtres refusent les bienfaits d'une sotériologie
si profitable à celui qui en tient seul le fouet entre les
mains? Qu'en est-il des vassalisations tapies dans les outres
de la sainteté démocratique? Qu'en est-il de l'asservissement
des peuples sous le sceptre du ciel de la Liberté? Que dit
de la bête son anthropologue transcendantal, le spécialiste
prodigue
sera tout subitement reçu à bras ouverts par la communauté
des fidèles. Le paradis de la démocratie mondiale attend le
pénitent avec charité,
des carapaces mentales du simianthrope?
L'Iran est devenu le laboratoire mondial d'une anthropologie
nouvelle, celle dont l'onirisme pieux des démocraties alimente
les anges et les séraphins. On y expérimente les cuirasses
cérébrales des évadés de la zoologie, on y examine la dimension
théologique du genre simiohumain à l'école de son langage,
on y soupèse les neurones vaticanesques des orthodoxies verbales,
on y décode les secrets psychobiologiques de la bête auto-cérébralisée
par le fantasmagorique grammatical qui l'habite.
5
- La nouvelle distanciation anthropologique 
Un
cours de syntaxe de la géopolitique parareligieuse des démocraties
dont les prémisses et la problématique seraient devenues simianthropologiques
donnerait enfin à la politologie mondiale la balance qui permettait
à cette discipline de peser les croyances et les mécréances
en promenade sous le crâne des descendants d'un primate velu.
Par bonheur, l'intelligibilité de l'histoire des détoisonnés
n'a jamais été durablement localisée et légitimée dans l'enceinte
d'une méthodologie rigoureuse. C'est qu'une telle discipline
s'égarerait à recruter des informateurs qui transmettraient
des informations inaltérables d'une génération à la suivante.
Mais il se trouve que la frontière entre les simples chroniqueurs
d'un côté et les peseurs souverains des problématiques-pilotes
de l'autre n'a jamais été clairement tracée. C'est que les
constats des huissiers de la mémoire erratique du genre humain
sont irréfutables, mais aveugles, sourds et muets, tandis
que les interprétations des philosophes de la durée sont macroscopiques,
mais d'une profondeur désespérément inégale. Qu'en est-il
du recul proprement anthropologique de la caméra, qu'en est-il
de la distanciation progressive du regard de la raison sur
ses propres savoirs depuis la découverte du passé zoologique
de l'humanité, qui ne remonte qu'à un siècle et demi?
Par
chance, pour l'observateur du degré de cérébralisation actuelle
de notre espèce, les mentalités théologiques vainement refoulées
depuis la Révolution française ont rompu la digue des idéologies
évangélisantes qui avaient pris le relais des orthodoxies
révélées. Pourquoi les idéalités s'étaient-elles
sacralisées sur le même modèle dogmatique et mythologique
que les théologies doctrinales d'autrefois? Pourquoi n'a-t-on
pas remarqué que le débarquement d'une sanctification eschatologique
de l'histoire et de la politique ne date pas d'hier? Le nazisme
reposait sur une sotériologie, le marxisme sur une recoction
de la rédemption judéo-chrétienne - un réchauffement définitif
du royaume de Dieu allait débarquer sur la terre.
En
1945 la démocratie mondiale a pris la relève des anciens finalismes
théologiques, ce qui démontre qu'une raison durablement tenue
pour salvifique est devenue congénitale au détoisonné adamique.
Du coup, il sera bien impossible de jamais construire une
balance à peser l'encéphale simiohumain actuellement branché
sur le mythe d'un salut planétaire si l'on ne décrypte pas
au préalable quelques secrets anthropologiques élémentaires
du fonctionnement cérébral des mythologies religieuses ou
idéologiques. Car la bête au cerveau schizoïde se veut dominatrice
et conquérante, mais elle s'avance masquée sous les auréoles
de ses auto-sanctifications langagières. Il faut donc étudier
la démocratie mondiale en tant que masque parathéologique
dont la machinerie cérébrale tour à tour déchaînée et crispée
se trouve étroitement calquée sur celle de l'expansion guerrière
et pseudo apostolique du christianisme romain des premiers
siècles. La grâce démocratique a substitué aux aigles
des légions la tiare et le sceptre d'une délivrance désormais
universellement transmise par la médiation d'un mythe séraphique
et dentu nouveau, celui de la Liberté. Le drapeau d'un salut
garanti par un songe flotte à nouveau sur la planète entière
d'un ressuscité.
C'est la mise en évidence d'un camouflage du réel par
le discours des empires en guerre ou aux aguets et la révélation
de l'enracinement d'un au-delà mythique dans les chromosomes
de la bête semi cérébralisée, c'est la découverte du défaussement
originel de l'évadé des forêts sur un langage révélé et auréolé
qui assigne au pape François une place suréminente dans l'histoire
d'un dynamitage iconoclaste du christianisme ecclésial des
âges primitifs. Qu'en est-il du songe démocratique démasqué
à l'école d'une psychanalyse encore rudimentaire des idéalités
politiques communes à la religion de la Croix et à la révolution
de 1789?
6
- La bête masquée de sainteté 
Pour le comprendre il faut plonger dans l'abîme où le mystique
porte sur l'animal évadé du "jardin d'innocence" le regard
d'une lucidité visionnaire. Une pensée religieuse fondée sur
une symbolique originelle de la condition simiohumaine conduit
tout droit à une spéléologie anthropologique de la fable cosmologique,
donc au décryptage du dédoublement collectif d'Adam entre
l'image socialisée qu'il se fait de lui-même et qu'il transporte
dans les nues et le réel qui l'accable sur la terre. Il faut
comprendre que le pape François puise dans la joie intellectuelle,
donc solitaire du Poverello un feu et une lumière spectrographiques
dont il importe de capter les sources transanimales. Quel
est le pont qui relie Socrate dansant de joie dans sa prison
et le saint qui vous dit: "Je meurs dans l'allégresse"?
Comment se fait-il que ce soient la flamme et le flambeau
de l'intelligence visionnaire qui réchauffent et éclairent
aussi bien les Isaïe que les François d'Assise?
Quand le pape François écrit à Vladimir Poutine pour lui demander
de l'aider à arrêter la guerre de Syrie, c'est avec des yeux
d'anthropologue transcendantal qu'il regarde la bête masquée
de sainteté et qui se hisse péniblement sur le piédestal de
ses idéalités spéculaires. Le saint est un regardant. Il voit
l'humanité réfléchie dans les miroirs qui la flattent. Si
l'humanisme occidental demeurait à l'écart des leçons de la
lucidité ascensionnelle qui inspire les grands contemplatifs
de la condition simiohumaine, l'évolutionnisme n'aurait plus
de destin intellectuel.
Voir
- Mon
Panthéon 2 , 18 janvier 2014
(Bergson).
Quelle est l'identité cérébrale du singe blasonné de la sainteté
narcissique de type démocratique ? Le mystique est le blasphémateur
suprême, celui qui dit, avec Nicolas de Cuse et Jean de la
Croix, que " Dieu " n'est autre que l'incandescence de sa
raison de visionnaire des arcanes, des rouages et des ressorts
d'un animal semi-cérébralisé.
7 - La démocratie des barbares et les mystiques
de la lucidité
Pourquoi
la géopolitique contemporaine attend-elle avec impatience
une anthropologie dont le regard se porterait enfin de l'extérieur
sur la condition cérébrale de l'évadé des forêts, sinon parce
que la dégaine du récit historique le plus banal résiste désormais
à la narration événementielle? A l'heure où la raison des
mystiques se révèle plus explicatrice que les relevés de comptes
des mémorialistes et des chroniqueurs, à l'heure où un pape
campe hors des murs du palais des somptueux successeurs de
Pierre, à l'heure où une raison politique en marche surplombe
le cirque des idéalités mondiales et commence d'observer la
spécificité de la barbarie de type démocratique, à l'heure
où le Vatican apostrophe la patrie des droits de l'homme et
rabroue vertement ses dirigeants, à l'heure où le saint d'Assise
enflamme un milliard et demi de chrétiens assoupis et fait
débarquer dans l'arène de la politique internationale le spectacle
d'une gigantesque profanation, à l'heure où l'audace d'une
Curie branchée sur de féconds sacrilèges s'en prend aux idoles
les plus vénérées d'une époque, celles qui chapeautent son
langage, à l'heure où un faux culte de la Justice et
de la Vérité dévoile une falsification mondiale de
l'Eden des démocraties, on voit subitement courir à Rome M.
Benjamin Netanyahou, M. Poutine et demain une reine d'Angleterre
âgée de quatre-vingt huit ans, accompagnée d'un duc d'Edimbourg
de quatre vingt treize ans, François ne se révélait-il l'électrochoc
que la nef des fous attendait ? Croit-on que l'historien-anthropologue,
le philosophe-anthropologue, le politologue-anthropologue
peuvent persévérer à se mettre un bandeau sur les yeux et
feindre que rien ne s'est passé dans le royaume de la mémoire
pensante du monde?
Quand
le "spirituel" tourne le dos à un mythe politique fondé sur
les défaussements, les subterfuges et les mascarades de la
sainteté, quand Tartuffe se révèle le Titan de la Liberté
et le Cyclope mondial de la justice, le feu de l'intelligence
et de la raison s'allume au cœur du temps des peuples et des
nations et la mystique retrouve la parole pour demander à
la mémoire ossifiée du monde: "Quel est le télescope dont
le miroir vous racontera à nouveaux frais les secrets du temps
des Etats?"
La
semaine prochaine, je tenterai d'approfondir la postérité
anthropologique d'ores et déjà déclenchée du pape François.
Le 21 mars, je tirerai les premières conclusions d'une spectrographie
de la condition humaine - par une coïncidence journalistique,
La Croix publiera une enquête sur ce sujet qui illustrera
la superficialité de l'humanisme semi théologique de la démocratie
mondiale. Le 28 mars, j'observerai enfin la question anthropologique
qui se cachait derrière les décors de la pièce en représentation
depuis deux mois en Ukraine et qui fait salle comble sur la
scène internationale - la question de l'occupation militaire
américaine de l'Europe depuis 1949. Que signifie le terme
Liberté dans l'arène de la géopolitique contemporaine?
le 8 mars 2014