1
- Le baptême du feu
François a fait ses premières armes à Damas, en 2013. Son
pontificat avait brisé dans l'œuf l'assaut qu'Israël et
ses alliés projetaient contre le Président Assad: il s'agissait
d'interdire pour toujours à la Syrie de livrer au Hezbollah
des armes en provenance d'un Iran adossé à la Russie. Un
exploit diplomatique de ce calibre avait élevé en trois
jours l'ancien archevêque de Buenos Aires au rang de l'homme
politique le plus puissant du monde aux yeux des plus célèbres
analystes de la géopolitique. L'illustre revue Forbes elle-même
avait accordé au Saint Père un poids supérieur à celui de
M. Barack Obama sur la balance dont les plateaux pèsent
les Césars de ce monde. Les chefs d'Etat les plus colossaux
avaient défilé à la queue leu leu dans l'antichambre du
successeur de saint Pierre, à commencer par le Président
des Etats-Unis, précédé de M. Vladimir Poutine et suivi
de la reine d'Angleterre, cheftaine d'une Eglise à la fois
parallèle et rivale de celle de Rome - elle y avait entraîné
son mari, le duc d'Edimbourg, âgé de quatre-vingt treize
ans.
Et maintenant, l'heure d'un autre baptême du feu avait sonné.
Depuis plus de neuf ans, Israël encerclait la population
d'une ville de deux millions d'habitants. Six milliards
d'adeptes d'une religion fondée sur le culte universel de
la Liberté politique demeuraient le nez dans leur bréviaire.
Le Créateur lui-même n'en menait pas large sur son trône
en or massif. Ses momies séchaient sur les places publiques,
ses sarcophages étalaient les totems d'un salut de bois
sec, les lauriers verbaux de la religion de la démocratie
mondiale ne décoraient plus que les frontons noircis des
temples dressés à la gloire de la Révolution de 1789 - et
les rhéteurs d'une Liberté de paille faisaient sonner les
timbales et les tambours de l'abstrait; et les logiciens
de la Justice universelle avaient si bien perdu leur inspiration
que le feu des prophètes s'était changé en poussière et
en cendre.
2
- Le Dieu des muets et des sourds 
Israël
ne digérait pas sa défaite de 2006 au Liban. En juillet
et août 2014, on avait récolté plus de deux mille dépouilles
mortelles d'hommes de femmes et d'enfants dans les rues
de Gaza. Le ramassage de leurs cadavres avait été couronné
par leur entassement malodorant dans des morgues de fortune
sans que le Vatican levât le petit doigt et fît prononcer
un seul mot au Dieu empuanti des chrétiens. Quelques croyants
armés de leur seule bonne volonté avaient loué une flottille
et tenté de secourir les assiégés, mais leurs embarcations
n'avaient pas réussi à attirer l'attention d'une démocratie
en voie de putréfaction: le glaive de Jahvé et de son complice,
le ciel des patenôtres de la Liberté, avaient eu raison
de la barque de saint Pierre: les Démocraties du monde entier
avaient assisté au carnage bouche cousue et les bras croisés
sur leurs chapelets.
Le
pape François campait dans une forêt de cierges et de statuettes
et il se disait: "La terre est devenue une Eglise figée
dans ses prières; mais si je garde un silence animal à mon
tour et si mon mutisme clame la complaisance du Dieu des
bimanes à ce massacre, de quel désert malodorant jaillira-t-il,
le cri du putréfié sommital dont les détoisonnés des forêts
ont fait le Dieu de leur poussière? Ce Dieu puant serait-il
cloué sur toutes les potences, ce Dieu pourrirait-il sous
le soleil et la cendre de Gaza?"
Entre
une théologie de la sainteté de la bête et la politique
rongée des vers dont les évadés de la zoologie fleurissent
leurs cercueils s'étalait un mouroir dont les effluves incommodaient
les narines de Jupiter. La question de la frontière à tracer
parmi les tombes, les amulettes et le silence parfumé du
"vrai Dieu" se posait de manière tellement odoriférante
que François y jouait l'avenir olfactif de l'Eglise romaine.
3
- La théologie de la politique 
Si
l'expression "aucun Dieu" lâchée, le pif au vent,
par M. Barack Obama, ((Le
pape François et l'avenir spirituel du christianisme
, 31 octobre 2014)
suppose qu'il en existerait un grand nombre et que leurs
encens respectifs renverraient à des Olympe aux senteurs
différentes, mais tous empêtrés dans leurs dissonances,
le monde allait-il retourner à la polyphonie religieuse
du polythéisme? Et le pape François passait en revue les
orchestrations du ciel des prières auxquelles Adam s'était
exercé depuis son basculement dans le sonore.
Où
situer les pelotons de tueurs tout juste débarqués du ciel
d'Allah? Quelle théologie des guerres immaculées désarmera-t-elle
le Dieu vieilli et racorni des chrétiens? En 1572, Grégoire
XIII avait fait graver une médaille commémorative du pieux
massacre de la saint Barthelemy. Fallait-il en conclure
que chaque siècle accouche seulement du Dieu des tueurs
du moment? Fallait-il se résigner à s'agenouiller devant
des monstres célestes? Mais si le démiurge des chrétiens
inspirait l'épouvante, qu'en était-il de la justice dont
s'auréole le seul animal dont la nature a chargé les épaules
des contrefaçons les plus sanglantes de son géniteur? Et
pourtant, si l'on privait l'ogre du cosmos de l'atrocité
de ses châtiments, comment exercerait-il efficacement ses
fonctions politiques sur la terre?
" Et puis, se disait maintenant le disciple d'un Poverello
et d'un saint Ignace de plus en plus difficiles à convoquer
dans la même abside, le Dieu de mes autels n'a-t-il pas
précipité sans relâche et des siècles durant dans les flammes
de l'enfer les malheureux nourrissons qu'une mort prématurée
fauchait à la naissance? Que voulez-vous, se disaient les
saints de l'époque, c'était de leur faute si l'on n'avait
pas eu le temps de les précipiter dans l'eau salvifique
du baptême! Or, Erasme rappelait déjà que la pestilence
du Dieu des chrétiens et les miasmes de son alliance avec
la souffrance et la mort des nouveau-nés n'avait pas survécu
davantage que le Zeus d'Homère sous la plume de ses pédagogues
postérieurs. Mais un pape a-t-il vocation de redresser l'échine
d'un Dieu pourri? Qui avait délogé à la fourche le Dieu
du ciel barbare des premiers chrétiens? Au nom de quelle
divinité encore cachée à tous les regards une majorité de
croyants avait-elle pris si soudainement la responsabilité
des déicides généreux et féconds de l'idole?"
Il appartenait décidément au dernier en date des successeurs
de Pierre de tirer les conséquences théologiques de ce que
les dieux vieillissent mal et tombent peu à peu en panne
d'inspiration spirituelle. Mais comment imposer cette évidence
aux théologiens fluets et inquiets d'une Eglise agonisante?
Une croyance religieuse peut-elle fouetter son Dieu sénescent?
Et puis, comment redresser les vertèbres de la foi s'il
faut prendre appui sur un Dieu demeuré dans les langes?
Et pourtant le Créateur à naître demeurera bouche cousue
aussi longtemps que le Vatican ne se risquera pas à commettre
le saint sacrilège de présenter l'Eglise romaine en porte-parole
de l'avenir spirituel de la créature. Certes encore, la
Curie romaine se contentait de préciser que la guerre baptisée
de " juste" s'en tiendrait à arrêter quelques égorgeurs
en Irak, non à les traquer jusque dans leurs repaires en
Syrie. Mais cette prudence interdisait seulement aux Etats
de la région de poursuivre jusqu'à Damas l'élan de leur
sainteté suspecte. Pouvait-on fonder une théologie inébranlable
de la paix et de la guerre sur l'opportunité d'une conversion
toujours seulement momentanée et locale de l'Eglise du Poverello?
Toute théologie obéirait-elle aux lois de la géographie?
Comment célestifier une ligne de démarcation passagère entre
le ciel et la politique?
4
- Les embarras du pape 
J'écrivais, la semaine dernière (Le
pape François et l'avenir spirituel du christianisme
, 31 octobre 2014),
que si le Saint Siège condamnait solennellement le massacre
de Gaza et s'il rappelait seulement que la maladie n'avait
même pas été identifiée, le monde entier se remplirait les
oreilles de cire à seule fin de ne pas entendre les clameurs
de Cassandre. On rappellerait aussitôt le massacre de la
shoah, lequel légitimerait à jamais les massacres à venir
de Jahvé au Moyen-Orient. Mais une autre guerre théologique
se réveillait en secret, celle qui faisait rage en tous
lieux et depuis deux mille ans. Car, depuis belle lurette,
les théologiens faisaient dire à leur Jupiter: "Tu ne tueras
pas", tandis que les serviteurs de leurs idoles passaient
au large des potences et le nez dans leurs bréviaires. Qu'en
était-il de l'alliance du glaive avec le sacré à Gaza, qu'en
était-il de l'histoire d'une Eglise romaine qui passait
comme chat sur braise quand il s'agissait d'évoquer les
relations incestueuses que les sacristies du monde entier
entretiennent avec les fourches du Diable? Décidément se
disait le pape François, un Dieu des chrétiens qui n'a pas
de théologie sérieuse de la guerre et de la paix n'a pas
non plus de théologie de l'histoire et de la politique.
Mais
l'Eglise de Pierre ne faisait-elle pas naufrage depuis vingt
siècles parmi ses totems et ses affûtiaux, n'avait-elle
pas tenté plusieurs fois, mais timidement et pour quelques
instants seulement, de se débarrasser de sa quincaillerie
céleste et de revenir à l'incandescence des âmes ascensionnelles?
Si le Vatican espérait seulement se donner des chances de
se faire entendre des grigris d'Israël, il lui fallait réenfanter
le Dieu d'une autre justice que celle des rites suintant
le sang et la mort. Pourquoi le monde entier détournait-il
le regard de Rome? Pourquoi le concile de 1962 avait-il
pris le risque de changer le peuple entier des croyants
en la personne morale du Christ, pourquoi le monopole de
la métaphore "le corps du Christ" avait-il
été retiré à un corps sacerdotal ossifié? Mais, depuis lors,
l'Eglise n'avait formulé ni science, ni théologie des corps
spirituels. La Curie aurait-elle perdu sa vocation ascensionnelle
parmi ses cierges et ses missels ? Le bon Samaritain, lui,
n'avait pas de fétiches dans les mains.
"
Décidément, se demandait maintenant le pape du corps surréel
de l'Eglise, quel est le verset des saintes Ecritures du
symbolique qui permet de placer le Dieu de Justice d'un
côté et le Dieu des chapelets de l'autre? Ces deux divinités
ont-elles tracé la frontière entre leur sainteté flottante
et leur politique biphasée? Seule la force des armes et
la puissance des réseaux d'influence que tisse le temporel
ouvrent-ils les yeux de Dieu et lui retirent-ils des oreilles
la cire de ses rituels?"
Tout
récemment encore, les magiciens de la foi n'avaient-ils
pas contraint le Saint Siège de bénir en toute hâte et à
nouveaux frais les augures d'un Christ de sorciers? La cohorte
des magiciens urgentistes ne campait-elle pas au cœur de
tous les diocèses, alors que les évêques étaient censés
désignés par un ciel de justice?
5 - Un pape campé hors de l'enceinte
du sacré 
Aussi la pire souffrance intellectuelle du pape François
tenait-elle à la difficulté théologique qui rongeait son
sacerdoce de préciser l'étendue de l'autorité réputée infaillible
qu'exerçait son magistère. Sa Sainteté officiait en public.
Sa personne promenait une théologie au bout de sa laisse,
parce qu'elle se trouvait nécessairement attachée à l'exercice
d'une fonction doctrinale, donc inévitablement ligotée aux
exploits d'un personnage semi-collectif.
Certes,
François était monté sur le théâtre du monde par la volonté
expresse d'une divinité mise en scène par une Eglise. Celle-ci
avait pris soin de s'exprimer par la voix d'un conclave.
Mais le cahier des charges d'un grand hiérarque de la foi
le contraint à mettre en scène les pouvoirs politiques d'un
Dieu responsable de sa gestion du monde. Il y faut les prérogatives
et les apanages de la plus puissante institution ecclésiale
de la planète. Comment le pape François se serait-il dérobé
à l'autorité viscéralement ritualisée de sa fonction terrestre
coram populo, donc à son devoir de soutenir sans
relâche la prétention selon laquelle telle ou telle difficulté
dogmatique aurait été définitivement tranchée par
la voix de l'Eglise? A
quel commandement spirituel et seul souverain, obéissait-il
à chaque pas quand il condamnait sans l'ombre d'une hésitation
et avec une dureté de ton exemplaire la voracité financière
des congrégations romaines les plus illustres? "Vous
n'obéissez à aucune vocation", leur disait-il crûment.
Si la voie pastorale de la vérité bousculait la voie apostolique
jusqu'au sommet de la hiérarchie ecclésiale, comment imposer
cette distorsion aussi bien à la masse des fidèles rassemblés
sur la place Saint-Pierre qu'à un corps sacerdotal ramifié
sur les cinq continents, donc bardé de privilèges mal acquis
et usés sur la meule du temporel?
6
- Le feu de l'esprit 
Vocation renvoie à vocare, appeler et à vox,
la voix, mais aussi aux mots, les voces. Quels vocables
et quel appel Dieu faisait-il écouter à son vicaire quand
le ciel des chrétiens lui parlait au nom d'une Vérité
qualifiée de "divine" et lui faisait connaître les jugements
et les verdicts d'une révélation miraculeuse?
Et
le pape François se demandait jour et nuit ce qu'il en était
du feu du ciel, ce qu'il en était de l'élan ascensionnel
qui tendait l'arc de sa foi, ce qu'il en était du souffle
qui avait donné à l'humanité une âme inconnue du monde antique
et une intelligence dont la lumière éclairait les secrets
les plus cachés de la bête scindée entre ses meurtres et
ses prières. Et soudain il lui revint à l'esprit que, sous
Tibère, l'effondrement d'un amphithéâtre colossal avait
précipité des milliers de Romains à l'Hadès. L'empereur
avait secouru les familles des victimes sur sa propre bourse
et châtié l'entrepreneur corrompu - il s'était servi de
matériaux fragiles et bon marché. Un grand élan de l'esprit
de charité et de justice avait-il pour autant soulevé l'empire?
Et
le disciple du Poverello et d'Ignace se demandait avec humilité
quelle semence mystérieuse avait germé au plus secret de
sa foi pour que la charité chrétienne se révélât soudainement
une mutation du ciel de justice de l'humanité, un tournant
foudroyant de l'histoire des âmes, une révolution dont l'Eglise
tentait en vain, depuis deux millénaires, de demeurer le
témoin. Car la charité, se disait maintenant le Saint Père,
n'est ni un déclencheur mécanique de la pitié plus puissant
que celui d'Achille devant Priam, ni une forme plus généreuse
et plus spectaculaire de la solidarité, ni un cri du cœur
plus civilisé qu'autrefois, ni le réveil d'une conscience
philosophique nouvelle au sein d'un empire romain fatigué
de ses cirques, rassasié d'hémoglobine et fervent du sang
des gladiateurs. Ce lien concernait-il l'administration
tatillonne de l'Eglise? Le Saint Siège devait-il s'accuser
de lâcheté diplomatique à Gaza? Dans ce cas, la charité
ne serait qu'une ruse de chancellerie plus performante que
les précédentes.
Mais
Rome ne pouvait s'en laver les mains à la même école de
l'indifférence et à la même écoute de la légèreté d'esprit
que l'Eglise d'en face, celle de la Liberté universelle,
parce que la religion de la croix portait la charge d'un
secret des cœurs ignoré du monde profane. Et le disciple
d'un guerrier se demandait avec une ferveur croissante ce
qui avait inondé le christianisme et lui seul d'une alliance
fulgurante de la foi avec la charité. Car, depuis lors,
cette étrange religion se voyait traquée et taraudée de
l'intérieur par un incendie inconnu.
Et François se disait sans relâche: "La charité est la colonne
de feu d'une Eglise d'incendiaires, la charité est le théâtre
d'une transfiguration entière de mon âme et de mon intelligence,
la charité se reconnaît à l'incandescence dont elle fait
don à tous les vivants, la charité m'illumine d'une surréalité
brûlante, la charité me transporte d'allégresse, la charité
conduit mon cœur et mon intelligence dans un monde éclatant,
la charité jette mon prochain dans les flammes de la justice
de Dieu. La foudre de la charité est absente de l'empire
où la justice d'Etat de Tibère ouvrait toute grande sa cassette
à des milliers d'orphelins. Je suis au service du Dieu de
la Justice sur la terre."
C'est ainsi que le Saint Père nourrissait ses prières d'une
réflexion ardente sur la solitude d'un monde déserté par
le miracle de l'alliance de la charité avec le feu de la
Justice; et il se disait que le désensorcellement de son
Eglise la délivrerait sans doute quelque peu du béton armé
de son catéchisme en deux mille huit cent soixante trois
articles bien alignés, mais ne la rapprocherait en rien
du feu spirituel de la charité et de la justice. Gaza n'avait
pas encore pris rendez-vous avec l'âme de son Eglise, le
monde n'était pas désencombré du fatras des doctrines.
7
- La crucifixion de la justice 
" Comment se fait-il , se dirait le pape François, que la
fétichisation américaine du mythe de la Liberté glorifie
une machine bureaucratique totémisée par le suffrage universel?
Les rites et les liturgies de Rome se sont desséchés, mais
une autre mécanique verbifique, celle d'une Démocratie pseudo
apostolique, a pris le relais des anciens tabernacles. Jamais
la charité et la justice ne se loveront au cœur d'un électorat
scolarisé par des abstractions. Et pourtant, des milliers
de vivants sont descendus dans la rue pour crier aux Etats
et à mon Eglise de sophistes: "Dieu est à Gaza". Qui est
le pendu de Gaza?"
"
Le christianisme romain, se disait le pape François, escaladera-t-il
une fois encore le Mont Carmel de la charité? Luther qualifiait
l'épitre de Pierre "d'épitre de paille", parce qu'elle
enseignait seulement que la foi ne met pas "de lourds
fardeaux sur les épaules d'autrui". Mais si le christianisme
n'était qu'un allègement du poids de la vie, on n'en aurait
jamais parlé davantage que de la générosité oubliée de Tibère,
parce que le détoisonné des forêts ne sait pas encore que
la bête ne quittera sa fourrure que le jour où elle répondra
à l'appel de cette lumière."
Plus le pape François se brûlait au feu de la charité et
de la Justice, plus il se disait que le Galiléen portait
sur ses disciples le regard qu'il cherchait à Gaza. Le prophète
ne voyait-il pas clair comme le jour que Pierre le renierait
trois fois avant que le coq eût chanté? Et pourtant il lui
dit: "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon
Eglise".
Mais comment la charité fonderait-elle une Eglise? Comment
une Eglise ouvrirait-elle toutes grandes les portes du temple
de la Justice? Sans la charité, la Justice est de bois sec,
sans la Justice, la charité reste les bras croisés. "La
charité m'élève, se disait le successeur de Pierre, la charité
m'emplit de la lumière de la Justice et cette lumière est
celle du Dieu nouveau. Mon tour est-il venu de renier mon
Eglise? Le renierai-je trois fois avant le chant du coq?"
Et
le pape ne se lassait pas de se laisser consumer par sa
crucifixion; et il se disait que tout le fatras dont se
grise le sacré dans l'enceinte des églises ne mettrait pas
un terme à son clouage sur la croix du monde. Ce feu-là
de la charité l'appelait en Galilée, ce feu-là l'armait
de sa potence à Gaza. Et le successeur de Pierre se disait
qu'il mourrait dans la félicité d'une Eglise crucifiée sur
la croix de la charité.
" Décidément, se disait maintenant le pape d'un blasphème
triomphal, le pape des suppliciés de la charité et de la
justice, le premier pape que l'Eglise de Pierre ait souverainement
appelé à quitter les ors et la pourpre du Saint Siège, le
premier pape d'une Eglise désireuse de retrouver la souveraineté
de sa lumière, décidément, se disait ce pape-là, je rappellerai
au Dieu des icones et des tueurs qu'un Dieu saignant sera
victorieusement cloué sur la potence du monde à Gaza.
Post
Scriptum 
J'écrivais
le 25 juillet:
"A partir de cette date, et compte-tenu qu'on ne luttera
efficacement contre le naufrage de la langue française que
si le Président de la République et le Premier Ministre
se voient nommément mis en cause, je relèverai quelques-unes
de leurs fautes."
-
1 - M. Valls dit: On palliera au manque de professeurs
de mathématiques. Pallier est un verbe transitif
qui signifie compenser, combler. On doit donc dire: on
palliera le manque de professeurs...
-
2 - M. Hollande dit: Les enfants débuteront l'école
le ........ alors qu'il faut dire " Les enfants commenceront
l'école le .....
Le
7 novembre 2014