La commémoration du
centenaire de la promulgation de la loi de 1905 sur la séparation
des Eglises et de l'Etat n'a en rien signifié la séparation du
" temporel " et du " spirituel ", parce que non
seulement la République est fondée sur une éthique de la politique
et de l'histoire, donc sur une spiritualité de l'Etat, mais encore
parce que , depuis la Renaissance, la vraie vie spirituelle de
l'humanité s'est transportée dans la musique, la poésie, la peinture,
la littérature et dans les conquêtes des feux de l'intelligence
dont la philosophie a fait sa vocation depuis vingt-cinq siècles.
La loi de 1905 a-t-elle freiné ou accéléré la sclérose de la vie
spirituelle de l'Eglise ?
A l'heure où l'Europe
va affronter sa première mise à épreuve à l'échelle du monde,
celle qui enregistrera soit sa capitulation devant un congrès
américain qui entend lui interdire l'accès au marché militaire
chinois, soit l'affirmation de sa souveraineté et de son courage
face à ce diktat , il est décisif de savoir si le catholicisme
entrera dans la bataille pour la survie politique de la civilisation
européenne ou si la loi de 1905 n'aura pas réussi à retarder la
pétrification de son credo.
C'est dire que la classe
politique de l'Europe est condamnée à soulever la question centrale
posée par l'encyclique du 11 février 1906 Vehementer nos de
Pie X, qui condamnait la loi de séparation de l'Eglise catholique
et de l'Etat pour des motifs dogmatiques aujourd'hui devenus fossiles,
mais qui soulignait une difficulté pédagogique que l'Eglise a
rencontrée pendant vingt siècles et que l'Europe rencontre aujourd'hui
: comment former des citoyens en mesure de juger du destin d'un
continent dans l'arène du monde et de la Constitution qui le conduira
à la victoire.
Une telle réflexion
pourrait conduire l'Eglise à devenir un vivier de la pensée politique
de notre temps et la réintroduire dans une histoire vivante de
l'intelligence européenne.
1 - Comment initier les citoyens à la géopolitique
?
2
- L'Eglise catholique et la démocratie
3
- L'intelligence politique des Eglises et la démocratie
4
- Bref rappel de l'histoire impériale de la démocratie
5
- L'enseignement des transfuges de la théologie
6
- Le mythe de la liberté de la presse et la théologie
7
- La liberté et la foi
8
- Comment former des citoyens nouveaux
9
- L'expérience espagnole
10
- L'histoire des dévotions de la démocratie
11
- Les intellectuels de demain
12
- La bataille des définitions de la liberté
13
- La naissance virginale de la démocratie irakienne
14
- Philosophie de la démocratie
15
- Quand l'heure de combattre pour la souveraineté de l'Europe
aura sonné au clocher des Eglises…
16
- Les enchantements de la servitude
17
- L'OTAN
18
- L'avenir du singe nu
1 - Comment initier les
citoyens à la géopolitique ? 
Comme
il était prévisible , la tournée de quatre jours de G. W. Bush
en Europe , s'est soldée par le même fiasco diplomatique retentissant
que celui de Mme Condoleezza Rice. L'Europe a su enrober des bienséances
traditionnelles et même de cérémonies et de rites flatteurs la
séparation définitive entre deux continents aux ambitions et aux
volontés depuis longtemps radicalement incompatibles. La presse
américaine commence de sortir de son sommeil et d'écrire que l'Europe
est un empire en expansion ; mais en Europe , il y a longtemps
que les connaisseurs soulignent l'évidence que l'Amérique est
un empire en marche depuis un siècle et demi.
L'inconscient
religieux américain pris au piège de la torture
The
religious American unconscious caught in the trap of torture
Il
en résulte une suspension momentanée des hostilités déclarées
- le temps de dresser un inventaire des lieux et de rappeler aux
oublieux que la conscience civique des peuples du Vieux Continent
n'est pas encore montée au second étage de la politique , celui
de la géopolitique. Partout les opinions publiques demeurent confinées
dans l'enceinte des patriotismes nationaux. L'horizon des élites
dirigeantes a commencé de s'élargir même à l'échelon local, mais
le suffrage universel reste prisonnier du champ de vision des
patries. Comment la classe dirigeante européenne informera-t-elle
et guidera-t-elle un corps électoral encore largement incompétent
? Comment sera-t-il éduqué ? Quelles seront les limites au delà
desquelles il sera impossible d'initier les mentalités municipales
à une science politique nécessairement cachée au grand public
et dont la vocation sera de réintroduire un Continent entier dans
l'arène de l'histoire ? Les Athéniens ont couru à la catastrophe
parce qu'ils débattaient sur l'agora des avantages et des désavantages
d'aller défier Lacédémone en Sicile. Depuis deux millénaires,
la diplomatie est secrète ou n'est pas. Quelles questions demeureront-elles
donc nécessairement fermées aux consultations populaires ?
En
inaugurant des referendums , la Ve République a bouleversé le
territoire sur lequel le suffrage universel exerçait des compétences
bien encadrées et balisées par les soins des partis. Pour ratifier
le Traité Constitutionnel européen, il faudra envoyer au corps
électoral un volume de deux cents pages . Même s'il se révélait
assimilable au peuple en trois mois d'une intense pédagogie, on
ne saurait enseigner les non-dits qui permettent aux Etats d'interpréter
les traités bien au délà de leur lettre . Parmi ces non-dits,
observons l'inconscient de la loi - son enracinement dans le sacré.
2
- L'Eglise catholique et la démocratie

Pour l'intelligentsia française, la commémoration officielle du
centenaire de la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat offre
une occasion unique de mettre à l'épreuve d'une connaissance critique
de l'histoire et de la politique de l'Europe la question décisive
de savoir si la pédagogie dont dispose le régime démocratique
est davantage en mesure d'emporter la conviction des peuples que
ceux de l'Eglise de 1906. On sait que, dans son encyclique Vehementer
nos du 11 février 1906 , Pie X condamnait la promulgation
sacrilège du divorce entre la République et le Vatican pour la
raison principale que l'Eglise est antidémocratique par définition
et ne saurait donc se plier à une autorité qui lui demeure allogène
par nature. "L'Eglise, écrivait-il, est par essence
une société fondée sur l'inégalité, donc une institution composée
de deux catégories de personnes , l'une comprenant les pasteurs,
l'autre le troupeau. Les premiers occupent un rang sur l'échelle
de la hiérarchie, l'autre contient la multitude des fidèles .
(…) Ces catégories sont tellement distinctes que le droit et l'autorité
nécessaires pour diriger tous les membres de cette société vers
la finalité qu'elle poursuit ne résident que dans le corps sacerdotal
. La multitude n'a d'autre devoir que de se laisser conduire et
de suivre ses pasteurs comme un troupeau docile. "
Puisque
les démocraties sont fondées sur le pari opposé, selon lequel
les hommes étant présupposés égaux entre eux et, de surcroît,
tous également doués pour le politique, ils se révéleront uniformément
éducables, suffira-t-il de leur présenter des arguments rationnels
, donc irréfutables par définition, pour les persuader d'emprunter
comme des automates le chemin de la logique qui régit un savoir
aussi difficile que la géopolitique ? D'un côté, l'Eglise se proclame
infaillible parce que le dogme la déclare " fondée par Dieu
" ; quant à la démocratie, c'est également sur le mode dogmatique
qu'elle a promulgué un grand prodige, à savoir que les majorités
seraient guidées par une Raison mystérieusement inspirée par la
vérité démocratique. Comment arbitrer entre deux sources de l'autorité
aussi miraculeuses l'une que l'autre ?
Il est évident que les hommes sont inégalement doués de raison
et qu'en outre, la raison est une déesse qui distribue si diversement
les cartes qu'un grand poète ou un mathématicien de génie peuvent
se révéler des enfants de chœur dans l'ordre politique. Quant
à l'intelligence de " Dieu ", l'histoire enseigne que ses
jugements varient au cours des siècles et que ses clergés, tout
souverains qu'ils se proclament, se divisent entre leurs docteurs
. Comment déclarer fiable tel verdict du " ciel " et réfuter
tel autre ? Ce débat est vieux comme la philosophie . Mais c'est
dans l'arène de la politique que l'Europe d'aujourd'hui donne
rendez-vous aux deux parties.
3 - L'intelligence politique
des Eglises et la démocratie

Pour
la première fois dans l'histoire, c'est à l'échelle d'un continent
que les deux écoles de l'autorité publique sont appelées à tester
les pouvoirs respectifs de la " raison collective " et
de l'obéissance des peuples à leurs élites politique, c'est-à-dire
à leurs aristocraties de l'action . Qui forge le destin du monde,
l'opinion de la multitude ou celle du "pouvoir parfait
de gouverner, d'enseigner et de juger " du clergé, pour reprendre
les termes de Pie X ? L'occasion est donnée à la classe dirigeante
de l'Europe des démocraties de choisir entre deux maux : d'un
côté, les hommes se révèlent inégaux en intelligence jusque chez
les quadrumanes à fourrure dont nous sommes issus, de sorte que
l'autorité du plus grand nombre est souvent la plus changeante,
la plus inexperte et la plus malléable de toutes, donc la plus
difficile à conduire aux décisions que l'entendement des société
humaines devrait leur imposer à l'unanimité; de l'autre, il arrive
que les élites politiques défendent bien davantage leurs intérêts
de caste que ceux des citoyens ou des fidèles qu'elles gouvernent,
d'où il résulte que leur immoralité ou leur cécité sclérose autant
l'histoire des nations que l'inintelligence des masses peut les
conduire au désastre. De plus - les prophètes en savent quelque
chose ! - il est souvent plus difficile d'ouvrir les yeux de "
Dieu " que ceux des peuples.
Dans ces conditions, de quelle vaillance et de quelle générosité
les élites politiques de l'Europe ne devront-elles pas faire preuve
pour tenter d'éclairer la "multitude" sur les
vrais enjeux de la politique internationale ? Comment lui expliquer
que les empires ne brandissent jamais leurs " valeurs universelles
" en bons apôtres, mais seulement afin de multiplier leur puissance
par le nombre de leurs vassaux ? Comment lui faire comprendre
que l'homme est un animal dont ses dieux ou ses idéalités ne sont
que les masques et que la bannière évangélique des empires est
leur armure la plus redoutable, celle qui donne l'éclat de l'or
à leur ambition ? Comment initier les peuples à la science de
Machiavel quand la sainteté a seulement changé de sceptre et de
cuirasse avec l'avènement d'une démocratie pseudo apostolique
?
La sainte invasion guerrière de l'Irak par la démocratie rédemptrice
du Nouveau Monde a failli trouver le soutien de la neutralité,
sinon évangélique, du moins prudente de l'Eglise romaine ; mais,
bien qu'affaibli, le pape Jean Paul II est parvenu a imposer sa
volonté à des cardinaux de Curie tout tremblants de paraître démythifier
le messianisme du Nouveau Monde, tellement il est calqué sur celui
des apôtres. La condamnation de l'agression et de l'occupation
sanglante d'une nation de trente millions d'habitants par un Vatican
qui ne dispose en rien de la connaissance anthropologique de l'espèce
humaine qui seule lui permettrait de légitimer son courage fera
néanmoins date dans l'histoire planétaire de la loi de 1905, parce
que cette condamnation signifie que la lente et difficile conquête
d'une lucidité politique nouvelle des démocraties trouvera désormais
un soutien indirect et secret auprès d'une papauté qui semblait
convertie à la timidité politique depuis qu'elle s'est proclamée
infaillible sur le plan éthique et doctrinal en 1870.
Comment
la vocation pédagogique qu'il appartient à la classe politique
européenne d'assumer au cœur des démocraties ne serait-elle pas
grandement facilitée si les masques proprement théologiques ou
idéologiques de la volonté de puissance des empires devenait décryptable
à la double école de l'intelligence scientifique et du message
des évangiles ? Si la croyance religieuse et l'éducation démocratique
scellaient alliance ; si les orthodoxies de toutes les Eglises
acceptaient d'observer, aux côtés de la raison laïque , les armes
des croisés du salut dont la tyrannie rêve de conquérir la terre
à la pointe des épées et au nom du mythe de la liberté , peut-être
l'Europe de la pensée et de la connaissance progresserait-elle
aux côtés de celle de sa souveraineté politique retrouvée.
4 - Bref rappel de l'histoire
impériale de la démocratie

Pour
tenter d'initier aux secrets des empires et de leur tyrannie des
citoyens libérés de la tutelle des Eglises, mais encore privés
de "discours de la méthode politique ", je propose que
nous observions la première démocratie du monde, celle de la Grèce,
qui usait déjà du langage à la fois messianique et guerrier de
l'Amérique du XXIe siècle. Périclès avait dit aux citoyens : "
Athènes est la pédagogue de l'Hellade entière " . La ville
fondatrice du mythe mondial de la liberté politique prétendait
délivrer les peuples placés sous le joug de Lacédémone ; mais,
sitôt victorieuse, Athènes régnait à son tour par la force de
ses armes, parce que, disait-elle, la nature enseigne que les
lois de la guerre donnent le pouvoir au vainqueur. Face à des
libérateurs passés maître dans le maniement d'une sotériologie
politique forgée à l'école de l'agora, Sparte n'arborait qu'un
autre masque de la force : la vaillance vertueuse des guerriers
sur les champs de bataille légitimait leurs conquêtes aux yeux
des dieux et des hommes.
Ces
exemples ne sont-ils pas de nature à rendre plus adultes les futurs
citoyens de l'Europe? Les armées du IIIe Reich se réclamaient
des mêmes droits que Lacédémone, celles de Staline prophétisaient
la dictature mondiale d'un prolétariat libéré de ses chaînes,
celles des démocraties occidentales révélaient les principes évangéliques
d'une révolution bourgeoise chargée d'accorder les droits de la
raison terrestre avec ceux d'une justice elle-même colloquée à
mi chemin entre le ciel et le commerce. Face aux tyrannies de
Berlin et de Moscou, qui s'étaient alliées de 1939 à 1941, l'Amérique
a d'abord paru incarner une démocratie angélique ; mais sitôt
victorieuse des deux autres formes d'expansion des empires, le
Nouveau Monde s'est fatalement mis en marche à son tour afin de
tenter de faire régner son despotisme sous le masque d'une démocratie
séraphique.
Comment
la classe dirigeante d'une Europe convertie au régime démocratique
informera-t-il les citoyens des réalités qui commandent la politique
internationale si les idées de liberté et de justice ne sauraient
conserver les masques sacrés dont elles s'affublent depuis Périclès
? Ce clergé sera-t-il mieux armé que celui de Pie X pour " instruire,
prévenir, encourager, consoler " des citoyens à peine moins
candides que les dévots de 1906 ? Peut-être cette tâche aura-t-elle
précisément besoin d'un christianisme épuré et qui aurait appris,
aux côtés des philosophes laïcs, à approfondir la connaissance
des secrets les mieux cachés du genre humain. Mais qu'en est-il
du statut de la raison dans la République ? Quant à la foi immobile
des Eglises, est-elle en mesure de retrouver la vocation première
du christianisme, celle de dessiller les yeux des nations et d'allumer
des feux nouveaux de l'intelligence ? Après tout, Jésus et Socrate
se sont révélés les apprentis de la vocation sacrificielle de
l'intelligence .Comment remettre la pensée en mouvement dans les
deux écoles de la pétrification de la " raison " ?
Ecoutons un laïc de 1906 commenter la loi fondatrice de la République,
celle de la séparation des Eglises et de l'Etat : " Il y a
longtemps que l'Eglise serait morte si elle n'avait, pour se soutenir,
que sa rigueur doctrinale , sa monumentale hiérarchie ou sa discipline
de fer. Ce qui fait sa vie, c'est que, seule ou à peu près seule,
elle veut être aimée jusqu'à la folie , jusqu'à l'immolation.
" (Paul Sabatier, A propos de la séparation des Eglises
et de l'Etat , 1906, p. XXIX)
5 - L'enseignement des
transfuges de la théologie

Mais à supposer que les chefs de la démocratie auraient à convaincre
des citoyens bien supérieurs en intelligence au troupeau des croyants
rendus dociles à vie par leurs bergers, il faudrait retrouver
des portraits saisissants de l'électeur idéal de 1905, dont la
raison innée semblait offrir un champ facile à labourer aux pasteurs
de la République; car l'électeur démocrate était censé présenter
l'avantage de penser de son propre chef et de disposer d'une connaissance
naturelle des plus grandes affaires. Une classe politique rationaliste
n'aurait donc plus à vaincre le gigantesque obstacle de l'aveuglement
viscéral dont souffre la piété . Comment le vérifier plus sûrement
que par l'analyse de la notion de " liberté de la presse "
? Car si cette liberté conduisait à la connaissance de la vérité
, le sacré nous entraînerait dans la direction opposée, et cela
du seul fait que les autels frappent la pensée individuelle d'interdit.
Une excellente illustration du débarquement apparemment triomphal
de la " liberté de la presse " dans l'histoire onirique
de la nation, donc dans la politique au sens spéculaire du terme,
nous est fournie par la révolution de 1830 ; car c'est bel et
bien au nom de la Charte, qui exprimait la volonté idéologique
des élites de gauche de l'époque d'accorder au peuple une autorité
retentissante et souveraine par la voix des journaux que les Bourbons
ont été renversés. Chateaubriand appellera cette forme nouvelle
de la liberté publique " l'électricité sociale ", ce qui
ne l'empêchera pas de défendre la légitimité exclusive de la monarchie
capétienne sous la Restauration et de se trouver persécuté à la
fois par la police de Louis-Philippe et par un parti populaire
acquis au principe de l'abolition définitive de la royauté.
La
logique commande donc de cerner le type d'objectivité historique
qu'expriment les formes rêvées du politique , puisque celles-ci
enregistrent un destin " réel " de la France, celui qui
permet aux mémorialistes d'en dresser le constat. Mais si l'Eglise
fournissait à la République son contingent d'anthropologues éclairés,
ils feraient remarquer que l'enfer ou l'excommunication majeure
sont également des formes spéculaires de la politique et que leurs
fulminations n'en ont pas moins raconté l'histoire événementielle
de la France. Ces nouveaux peseurs de la boite osseuse de notre
espèce enseigneraient donc à la France gouvernementale que l'historien
de la politique proprement dite est celui qui étudie en expert
une histoire beaucoup plus fondamentale et plus secrète des nations,
celle de la mise en place d'une puissance terrifiante, dont l'excommunication
majeure et les marmites du diable ont longtemps lancé la foudre
au sein des peuples de l'Europe .
Du coup, l'historien laïc rendu un peu plus pensant qu'auparavant
par les nouveaux connaisseurs des arcanes politiques de la théologie
osera se demander quel est le pouvoir qu'exercera sur la vie rêvée
des démocraties la puissance idéologique, donc mythologique par
définition du concept de "liberté de la presse " ; et il
qualifiera de réelle l'histoire de la politique armée de la capacité
nouvelle et révolutionnaire de rendre compte du fonctionnement
objectif d'un pouvoir magique par nature - donc de porter les
nations non plus dans les nues de leur théologie, mais dans le
ciel des abstractions édéniques qui, depuis 1789, pilotent l'encéphale
schizoïde de notre espèce.
6
- Le mythe de la liberté de la presse et la théologie

Mais alors, toute connaissance infra anthropologique de l'histoire
nous renverra au Moyen-Age de la science politique, puisque la
première question de la méthode que la raison véritable sera condamnée
à se poser sera celle de savoir comment un peuple pourra se trouver
gouverné par un régime fondé sur l'obscurantisme propre au mythe
de la liberté de la presse. Qu'en sera-t-il de la rencontre entre
le démocrate bon teint et le théologien devenu plus rationaliste
que la République, puisqu'il conviera une science historique devenue
trop sûre des conquêtes du siècle des lumières à faire descendre
la notion idéologique de " liberté de la presse " dans
l'enceinte d'une lucidité supérieure de la déesse Raison?
Les deux types d'intellectuels , le rescapé de la théologie et
le rescapé du mythe de la liberté devront s'armer d'une prédéfinition
du concept de démocratie qui rendra ce mode de gouvernement compatible
avec le pouvoir que tout Etat réel se voit contraint d'exercer;
car si l'Eglise limite la liberté de pensée du croyant de telle
sorte que les notions d'excommunication majeure ou de " peines
infernales " devront se trouver soustraites à tout examen critique
et placées d'autorité dans le " royaume de la foi ", la
démocratie soustraira l'examen des secrets de fabrication de la
notion idéologique de " liberté de la presse " à la puissance
magique qu'exerce précisément le concept théologisé de " liberté
" appliqué aux entreprises de presse.
Dès lors que la démocratie se révèle à son tour une église - celle
du dogme d'une " liberté " guidée sur le chemin de la vérité
politique par le Saint Esprit des majorités populaires - et dès
lors qu'à ce titre, le suffrage universel confie, lui aussi, à
un pouvoir de type sacerdotal la tâche " ecclésiale " de
prédéfinir la liberté autorisée et la liberté interdite d'examen,
la science du politique devient celle de la connaissance du terrain
psychique sur lequel le pouvoir s'organise et se met en place.
Quelle est la psychophysiologie du ciel des abstractions angéliques
et des idéalités salvatrices ?
7
- La liberté et la foi

Observons
donc comment la " liberté de la presse " s'est auto définie
en 1906 sur le modèle idéologique qui lui est propre et selon
un schéma inconsciemment parallèle à celui de la théologie, afin
de paraître se rendre aussi applicable à l'histoire réelle des
Etats légalement constitués que les Evangiles; et, pour cela,
mettons-nous d'avance à l'école du théologien rationaliste de
demain, qui étudiera comment, d'un côté, l'Eglise a appliqué une
ombre d'évangile à l'humanité telle qu'elle est, et de l'autre,
comment les démocraties appliquent une ombre de " liberté de
la presse " à l'histoire réelle.
On
sait que l'Eglise se donne l'avantage de former des croyants semi
idéaux , lesquels " agiront de toutes leurs forces pour la
vérité et pour la justice ", comme l'écrivait Pie X dans l'encyclique
Vehementer nos. Quel sera le citoyen suffisamment
idéalisé par sa foi en la démocratie pour se montrer digne d'un
mythe de la " liberté de la presse ", construit sur le
modèle de la foi d'en face ? Cette question se place au cœur de
l'histoire du monde à l'heure où la démocratie dictatoriale de
l'Amérique pose aux élites politiques françaises et européennes
la question de la définition du citoyen censé en mesure de s'élever
à une conscience planétaire du politique . Qu'en était-il, en
1906, du concept idéo-théologique de " citoyen "?
De
même que l'Eglise sculptait dans les nues un chrétien évangélisé,
la démocratie installait dans son ciel un fidèle en mesure de
penser par lui-même et dûment prédéfini à l'école de saint Voltaire
:
" L'impérieux besoin qu'a le républicain
de son autonomie civique n'est pas seulement pour le clérical
un sujet d'étonnement et de scandale, c'est une impossibilité,
c'est un miracle ; et lui , qui croit à Lourdes et à la Salette,
devient devant ce phénomène, d'une incrédulité que rien ne
peut vaincre. Vous êtes en conversation avec lui ; vous lui
exposez tranquillement votre point de vue ; tout à coup, il
vous arrête: " Pourquoi avez-vous cette opinion ? " Vous vous
efforcez alors de lui exposer vos arguments, de lui raconter
la genèse de votre propre pensée. Peine perdue, il ne vous
écoute pas, il vous saisira les deux mains et s'écriera sur
un ton d'affectueux reproche : " Voyons, mon bon ami, ne cherchez
pas à m'en faire accroire, je vois que vous savez très bien
votre leçon, mais avouez-moi le mot d'ordre. " (Paul Sabatier,
op. cit. P.20)
Il
semble qu'au début du siècle le citoyen conscient, organisé et
rendu dialecticien par la descente du Saint Esprit de la liberté
dans son âme ait convaincu jusqu'à des évêques des chances d'une
forme républicaine de la Pentecôte. Dans son mandement de carême
de 1906 , Mgr Lacroix évêque de Tarentaise s'était adressé aux
fidèles de son diocèse en ces termes :
" Combien y a-t-il de citoyens vraiment
dignes de ce nom, c'est-à-dire qui soient parfaitement au
courant du mécanisme de la Constitution et qui aient été façonnés,
de longue main, à la pratique de leurs devoirs et de leurs
droits à l'égard de l'Etat ? Victimes de leur inertie ou des
préjugés de leur milieu, ils ne savent ni jusqu'où s'étendent
leurs devoirs ni jusqu'où vont leurs droits et ils ne remplissent
les uns et n'usent des autres qu'au hasard, au petit bonheur
et pour ainsi dire, suivant leur intérêt ou leur caprice du
moment , sans prendre soin de subordonner leurs paroles et
leurs actes à certains principes directeurs qui constituent
la morale civique . Ils sont citoyens, oui, en ce sens que
leur nom figure sur les listes électorales ; mais ils n'ont
ni la connaissance des affaires, ni le goût des problèmes
politiques , ni même l' habitude de réfléchir et de raisonner
qui est la marque du bon sens. "
8 - Comment former des
citoyens nouveaux?

Comparons
donc la complexion psychique et mentale des démocraties voletantes
dans le ciel de la liberté républicaine de 1906 avec les ressorts
et la volonté de l'Eglise de l'époque. De 1917 à 1989, des centaines
de millions d'anges citoyens ont aussi docilement récité les articles
du credo qu'ils recevaient de Moscou que les fidèles du début
du siècle égrenaient leurs chapelets et joignaient les mains pour
la prière; et à l'heure de ratifier la Constitution européenne,
la moitié des Français écoute les catéchistes du parti socialiste
et l'autre moitié, ceux de la droite. Où a-t-il passé, le citoyen
devenu capable de penser par l' effet d'un décret de son église
? Qu'est-il advenu du citoyen idéal qui pouvait s'écrier:
" Ce qui rend la mentalité cléricale
si antipathique à la démocratie française, ce n'est pourtant
pas qu'elle soit conservatrices et réactionnaire. Cela, on
le lui pardonnerait, si chez elle, les idées réactionnaires
étaient le fruit d'une conviction profonde, sincère, vécue.
Mais non, les cléricaux français appliquent aux choses de
la politique la foi en l'autorité à laquelle ils sont habitués
dans les choses religieuses. Ils veulent croire. Ils se félicitent
de leur foi aveugle, en font une vertu et le moment vient
où, d'instinct, ils se tournent vers Rome pour en recevoir
le mot d'ordre. " Paul Sabatier, op. cit. p. 12)
Si
c'est étroitement enlacés que les citoyens idéaux et les dévots
de 1906 ont passé à la trappe, qu'on nous dise par quel prodige
ils ont disparu ensemble ou qu'on nous avoue que ces séraphins
n'ont jamais existé ailleurs que dans le ciel de la démocratie
et dans celui de l'Eglise. L'historien de la politique réelle,
celle qui observe l'histoire des hommes tels qu'ils sont, se demande
avec angoisse quels moyens permettront à une classe politique
française pieusement démocrate d'expliquer au citoyen agriculteur
réel, au citoyen ouvrier réel, au citoyen fonctionnaire réel que
l'Europe est tout entière engagée dans un combat vital pour sa
survie politique ; que ce combat la met aux prises avec un empire
en expansion sur toute la surface du globe et que toute classe
dirigeante , qu'elle soit de gauche ou de droite, est responsable
non seulement du destin de la souveraineté de la nation à laquelle
elle appartient, mais de celle du continent européen. Mais s'il
lui faut instruire l'opinion publique de la nature même de la
question et des impératifs qui en commandent la solution, comment
l' " église de la liberté " formera-t-elle en quelques
semaines des citoyens demeurés aussi étrangers à la connaissance
des lois de la géopolitique que les fidèles de l'Eglise de 1906
à l'analyse des ressorts psychiques et politiques du mythe de
la trinité ?
9 - L'expérience espagnole
Le vote orthodoxe du peuple espagnol en faveur de la Constitution
européenne a été obtenu à l'aide d'une stratégie ecclésiale. Il
a été émis par un troupeau de fidèles de la démocratie auxquels
ses pasteurs socialistes avaient doctoralement interdit de seulement
débattre de l'hérésie qu'eût été le rejet de la loi. Aussi le
concile des électeurs a-t-il approuvé le projet de constitution
européenne à 75%, mais sur un troupeau réduit à 45% du corps électoral,
ce qui n'a pas empêché le gouvernement de brandir les résultats
triomphaux de l'église de la liberté. Mais comment cette revanche
de l'encyclique de Pie X sur la démocratie idéologique ne serait-elle
pas politiquement légitime si l'on sait qu'il était impossible
d'initier à toute vitesse les angelots de la démocratie aux arcanes
de la politique internationale et que le mythe de la liberté de
la presse va jusqu'à enfanter des papes malins, dont l'ambition
séparatiste rassemble leurs brebis sous la houlette de leur seule
volonté de se hisser à la tête de leur église ?
On
se souvient de ce que le traité de Maastricht n'a été voté que
d'un cheveu pour le motif que deux bateleurs de la démocratie
avaient écumé les plages et affolé l'opinion publique à l'heure
où toute la classe politique était plongée dans le demi sommeil
de sa villégiature estivale. L'expérience avait démontré que les
corps électoraux se croient savants du seul fait qu'on leur pose
de savantes questions. Leur naïveté leur fait croire que s'ils
n'étaient pas compétents par définition et par nature, leurs dirigeants
se garderaient bien de les consulter. Du coup, on a entendu des
artistes de variété réfuter le traité avec une assurance telle
qu'ils paraissaient avoir arpenté toute leur vie les couloirs
du Quai d'Orsay.
La
même mésaventure n'est-elle pas arrivée non seulement à Luther,
à Zwingli, à Calvin, mais à tous les dirigeants de la Réforme
dont la politique religieuse a bientôt dû se concentrer sur le
seul objectif de faire rentrer dans le rang en toute hâte et de
force des armées de docteurs tombés de la dernière pluie de la
grâce et qui avaient tout subitement surgi de terre du seul fait
que les paysans qui lisaient les Saintes Ecritures d'un cœur pur
étaient censés inspirés par le ciel. Si Rome s'avisait de laisser
les cardinaux réunis en conclave faire campagne dans la rue pour
défendre leur conception de la politique de l'Eglise et de l'autorité
du pape, il y a longtemps que l'Eglise serait livrée au sauve-qui-peut
général de ses ouailles. C'est pourquoi la plupart des démocraties
du Vieux Monde feront voter la Constitution par leurs parlements
réunis en conclave et sans débat.
Aussi l'Eglise de Jean Paul II a-t-elle promulgué dès 1996 une
Constitution apostolique Universi Dominici Gregis
(Constitution apostolique du troupeau du maître de l'univers)
à usage interne dont les termes initiaux rappellent discrètement
aux connaisseurs ceux de Vehementer nos de Pie X
en 1906. On lit, au § 81:
"Que les cardinaux électeurs
s'abstiennent de toute espèce de pactes, accords, promesses
ou autres engagements de quelque ordre que ce soit qui pourraient
les contraindre à donner ou à refuser leur vote à un ou plusieurs
candidats. Si cela se produisait en fait, même sous serment,
je décrète qu'un tel engagement serait nul et non avenu et
qu'il ne lierait personne; et, dès à présent, je frappe d'excommunication
majeure les transgresseurs de cette interdiction."
Pour que le choix du prochain pape soit tenu pour l'expression
de la " volonté divine ", il est expressément stipulé que
durant toute la durée du conclave, il sera interdit d'introduire
dans la Chapelle Sixtine " tout genre d'appareils techniques
qui servent à enregistrer, à reproduire ou à transmettre les voix,
les images ou les écrits " ; et la Constitution a pris grand
soin de régler tous les détails de l'élection, " du format
du bulletin de vote aux prières à prononcer".
10
- L'histoire des dévotions de la démocratie

Les ecclésiastiques devenus conscients des fondements anthropologiques
de la science politique feront bénéficier les laïcs égarés dans
l' histoire des dévotions de la démocratie de la connaissance
des vrais secrets de l'histoire religieuse; et ils donneront au
deuxième siècle de la loi de 1905 toute sa fécondité intellectuelle.
Car c'est dans l'Eglise que la révolution anthropologique de la
science historique a commencé il y a plus un siècle quand la notion
sacrilège, d'" histoire des dogmes ", a débarqué dans le
déchiffrage de la théologie chrétienne. On sait que, selon l'orthodoxie
catholique, c'est par la volonté expresse de " Dieu " que
les dogmes ont été révélés un à un au corps sacerdotal romain,
qui les a communiqués au peuple chrétien par l'intermédiaire de
son messager privilégié, le Saint Esprit, lequel avait inondé
les grands conciles des rayons de la grâce divine, mais également
les écrits des plus célèbres théologiens. C'était donc un grand
scandale d'observer, documents écrits à l'appui, comment la doctrine
avait été posément débattue et minutieusement négociée par des
esprits attentifs aux avantages et aux inconvénients des diverses
formulations possibles de la dogmatique ecclésiale. Aussi l'abbé
Loisy (1857-1940), qui avait inauguré cette forme révolutionnaire
de la science historique, avait-il été tout de suite condamné
par le Saint Office, puis frappé de la foudre de l'excommunication
majeure en 1908, ce qui lui avait valu son élection, dès l'année
suivante, au Collège de France, où il enseigna jusqu'à l'âge de
soixante seize ans.
Mais
ce type d'analyse du politique demeurait dépourvu de toute réflexion
psychanalytique et de toute philosophie de l'évolution du cerveau
simiohumain. La notion idéologique de " liberté de la presse
", se nourrit d'une catéchèse démocratique dont je ne puis
exposer ici l'enracinement dans la postérité anthropologique de
Freud et de Darwin. Mais une autre révolution encore des méthodes
de la science politique éclatera demain au cœur de la première
: à savoir que la connaissance réelle de l'histoire de la " liberté
de la presse " se heurte à la même difficulté d'accès aux
documents que l'histoire réelle des dogmes romains. Du coup, c'est
la découverte hardie et dangereuse des informations protégées
par le secret dans l'Eglise de la liberté comme dans celle des
dogmes qui devient le noyau de toute objectivité anthropologique
de la science historique.
Cette évidence, que Loisy avait rendue frappante, ne réapparaît-elle
pas aujourd'hui au cœur de l' " histoire sainte " des démocraties
européennes auto-idéalisées, puisqu'il s'agit de forger dans la
précipitation d'une campagne électorale les arguments catéchétiques
du clergé de la raison qui lui permettront de façonner une conscience
civique à la hauteur des ambitions doctrinales de la constitution
européenne ? Or, l'argumentation para ecclésiale des prêtres de
la liberté démocratique reposera sur des motifs aussi marginaux
ou entièrement étrangers au fond anthropologique de l'histoire
de l'Europe que les arguments théologiques qui ont permis de faire
adopter au peuple chrétien l'introduction du dogme de la naissance
virginale de Marie ou du " filioque " dans la théologie
de la Trinité.
Ce qui a donc été révélé par l'irruption dans l'arène de la science
historique du début du siècle dernier de la notion jugée blasphématoire
d'un récit de l'aventure des dogmes dans le mythe du salut, c'est
que toute politique est cérébrale par définition et que toute
raison doctrinale est spéculaire par nature. L'accès aux profondeurs
anthropologiques de l'histoire du cerveau simiohumain récompensera
donc le combat acharné de l'historien devenu pensant pour dénicher,
à la manière d'un commissaire Maigret lancé sur la piste des masques
oniriques de l'histoire, les documents ecclésiastiques ou républicains
qui témoigneront de la préparation de l'opinion à l'adoption des
solutions idéologiques jugées démonstratives aux yeux de l'opinion
publique. Il se trouve seulement que l'Eglise jouit depuis des
siècles du secret absolu sur les méthodes réelles qui président
à l'élaboration des dogmes, alors que la démocratie demeure condamnée
à n'user de ce privilège et de cette protection qu'en catimini.
Le seul lieu où le peuple est convié à découvrir l'encéphale secret
de la politique est celui des procès d'assises - mais il a fallu
conjurer en catastrophe le danger qu'auraient présenté des jurés
bavards : on sait que toute divulgation du secret des délibérations
d'un tribunal d'assises est passible de la correctionnelle.
11 - Les intellectuels
de demain 
Elle
n'en restera pas là, la science politique bidimensionnelle dont
font preuve les démocraties nationales nées des idéaux de 1789
et qui se sont mises à l'écoute d'une humanité scindée entre le
réel et des monde imaginaires ; car elle ne tardera pas à découvrir
que la presse d'un continent en marche ne saurait s'adresser à
un citoyen supposé tenir des raisonnements cartésiens. Il s'agira
donc, pour elle, de prendre des leçons de réalisme auprès du clergé
de 1906 ; et notamment de se donner pour tâche d'observer comment
l'Eglise apostrophait des fidèles certes idéalisés par la foi,
mais tenus d'une main ferme dans les lisières de la doctrine romaine.
Certes, l'institution ecclésiale s'auto transportait tout entière
dans le ciel, mais à seule fin d'éduquer des fidèles à la fois
angélisés pour la défense des intérêts de l'Eglise et maintenus
derrière les garde-fous de l'orthodoxie.
L'encyclique Vehementer nos avait fait débarquer
à nouveau l'éloquence de la chaire dans l'arène de la politique
du salut. Comment les élites dirigeantes de l'Europe se mettront-elles
en apprentissage pour diriger les citoyens vers la terre promise
de la démocratie? Comment insuffleront-elles au Vieux Continent
la foi en son avenir politique, comment le feront-elles entrer
dans le pays de Chanaan de la liberté et de la prospérité ? Trouveront-elles
un chiche secours auprès des autels? Et pourtant, si vous remplacez
le vocabulaire de la théologie par celui des démocraties dans
l'encyclique de 1906, vous lirez:
" Ayez bien soin que votre
confiance se fonde tout entière sur la liberté dont vous soutiendrez
la cause. (…) Citoyens européens, aussi longtemps que vous
aurez à lutter contre le danger de votre asservissement à
un empire étranger, Nous serons de cœur et d'âme au milieu
de vous ; labeur, peines, souffrances, Nous partagerons tout
avec vous. "
Mais
puisque nous savons depuis Périclès que la politique repose sur
l'art d'unifier l'esprit d'un peuple, demandons-nous, encore une
fois, ce que nous diront du bout des lèvres ou loyalement les
transfuges de l'église des dogmes, des rites et de l'obéissance
dont les yeux se seront si bien dessillés qu'ils auront découvert
les secrets les mieux gardés de la politique, ceux qui régissent
les guerres entre le réel et le rêve et dont l'encéphale simiohumain
est à la fois le théâtre et la proie . Le remède le plus drastique
que les ecclésiastiques devenus des anthropologues abyssaux de
la politique prescriront aux élites dirigeantes de l'Europe sera
de leur enseigner qu'une défense et illustration idéologiques
de la liberté de la presse illustre à merveille l'hérésie première
des démocraties , celle de conduire au même asservissement des
esprits que la foi, tellement le vocabulaire démocratique est
devenu le creuset mondial dans lequel les représentations les
plus falsifiées de l'indépendance de l'Europe se sont coulées.
12 - La bataille des
définitions de la liberté

Si
la classe dirigeante du Vieux Continent ne trouvait pas son Loisy,
comment étudierait-elle la fission interne de l'idéologie démocratique
entre le rêve et le réel, alors que la fable de la " liberté
de la presse " vaporise dans l'histoire l'encens d'un Eden
aussi insaisissable que le précédent, mais qui conduit à la vassalisation
progressive du Vieux Monde ? Les peuples envoûtés par le nouveau
chant des Sirènes empruntent à leur maître le vocabulaire dernier
cri de leur servitude et en portent fièrement la livrée ; mais
cette servitude est conduite par un clergé venu d'outre Atlantique
et qui ne mâche pas ses mots. Puisse le corps sacerdotal de Rome
nous aider à repousser les assiduités apologétiques du messianisme
protestant qui s'est emparé des classes dirigeantes de nos Etats
! Mais pour répondre à cette question, il faut se demander pourquoi
la pastorale de la Liberté incarnée par la démocratie et dont
l'Europe de l'orthodoxie politique s'alimente est devenue aussi
bipolaire que la théologie biphasée de l'Eglise, qui culmine dans
le mythe de l'incarnation de l'absolu.
L'accès à la réponse sera facilitée par l'histoire religieuse
; car elle nous enseigne en tout premier lieu que les grands schismes
se sont toujours appliqués à tuer le vocabulaire de l'orthodoxie
d'en face. Aussi la définition de la " liberté " n'a-t-elle
jamais cessé de figurer l'enjeu décisif de la bataille. Afin de
terrasser l'idée que les laïcs de 1906 se faisaient de la liberté
citoyenne, l'Eglise a fondé l'école dite " libre ", qui
revendique le trésor de la liberté au nom de l'obéissance à la
croyance enseignée par l'Eglise. C'est au même titre que l'empire
américain a porté son drapeau et propagé sa définition de la liberté
sur toute la terre et qu'il s'est emparé sans coup férir des clés
de la forteresse baptisée la Liberté, et cela avec une autorité
tellement souveraine que tous les événements historiques de la
planète se sont trouvés baptisés d'avance dans l'eau de baptême
du messianisme d'outre-Atlantique.
Aussi
l'invasion, la conquête et l'occupation de l'Irak ont-elles été
narrées à la terre entière par les scribes assermentés du nouveau
mythe du salut ; aussi la nouvelle idéologie s'est-elle rendue
maîtresse du mythe de la " liberté de la presse " et qu'elle
est devenue le fer de lance d'une évangélisation " démocratique
" du monde à laquelle l'Amérique sert de guide et de messie
depuis un demi siècle ; aussi la répression sanglante de la résistance
irakienne, la destruction totale de Falloudja sous les bombes
et la découverte des tortures infligées aux prisonniers à Guantanamo
et à Abou Ghraib n'ont-elles pas plus fait exploser la foi en
l'épopée scripturaire de la presse qualifiée de démocratique sur
les cinq continents que la sainte inquisition n'a brisé la foi
en l'Evangile, parce que l'Eglise a su défendre le vocabulaire
de son orthodoxie.
13
- La naissance virginale de la démocratie irakienne

Et pourtant, dans toute l'Europe, une " liberté " démocratique
universalisée sur le modèle de la théologie catholique a commencé
de révéler au regard de quelques-uns l'esclavage du mensonge auquel
son credo soumet ses serviteurs sur toute la terre. D'un côté
, les quotidiens français ficelés depuis un demi siècle au vocabulaire
de leur maître d'outre-Atlantique ne réussissent plus à passer
entièrement la résistance irakienne sous silence. Mais comme la
définition doctrinale de la " liberté démocratique " que
l'empire américain dicte à ses alliés doit demeurer protégée des
assauts des hérétiques, les démentis les plus cinglants à la version
officielle de la " guerre messianique" et à ses prétendus
triomphes se placent docilement sous le joug du souverain du langage
de l'orthodoxie impériale dont toute l'Europe à genoux s'est faite
la servante. La religion de la " liberté " métamorphose
les résistants en " rebelles ", en " insurgés ",
en " terroristes ", en " anarchistes ", en "
ennemis de la démocratie et de la liberté ", en un mot, en
fieffés hérétiques sous la plume du continent de la " liberté
de la presse " et les soldats américains victimes des " attentats
" des kamikazes sont " morts au combat " ou au " champ
d'honneur ". Que le vocabulaire soit la clé du pouvoir politique,
parce qu'il exprime la maîtrise de l'encéphale onirique de l'adversaire,
l'Eglise le sait depuis deux millénaires.
Pour
prendre l'exacte mesure du degré de décervellement des élites
politiques européennes face au vocabulaire du mythe de la liberté,
on soulignera que les élections organisées le 30 janvier 2005
par l'armée d'occupation américaine en Irak n'ont donné lieu à
aucun commentaire politique digne de ce nom dans la presse française
, ce qui a permis à Washington de souligner la naissance virginale
à Bagdad de la " plus jeune démocratie du monde ". Pour
comprendre l'impact sur les esprits de cette immaculée conception
- Washington s'en est aussitôt servi pour tenter de rallier l'Europe
à l'impérialisme de la Maison Blanche - il faut disposer d'une
connaissance anthropologique minimale des ressorts théologiques
d'une mascarade politique .
14
- Philosophie de la démocratie
Il
faut notamment comprendre pourquoi une démocratie réelle ne repose
pas sur le simple décompte des voix que diverses écoles de sorciers
seraient en mesure de recueillir par le canal du suffrage de tous
les membres adultes d'une tribu primitive. A ce compte, une peuplade
d'Amazonie serait convertie à la démocratie si elle départageait
les adorateurs de ses totems à l'école des urnes. Mais comme on
n'additionne pas davantage les adeptes de telle ou telle théocratie
qu'on ne coupe des orthodoxies et des dogmes en deux, en trois
ou en quatre, les élections organisées en Irak entre les factions
d'une mythologie religieuses n'ont été qu'un moyen politique de
perpétuer l'occupation militaire du pays.
Si
la croyance en la " liberté de la presse " était davantage
qu'une idéologie politique, les journaux européens auraient pris
soin d'expliquer à leurs lecteurs que l'Amérique préfère le simulacre
d'installer une théocratie shiite en Irak et la baptiser de démocratie
que de reconnaître l'échec de ses armes. Mais si la démocratie
n'est pas encore en mesure de peser l'idéocratie qui la fonde,
alors ce régime politique n'est qu'une sorcellerie aussi aveugle
aux grigris qu'elle met en place que l'Eglise ignore les fondements
anthropologiques du mythe de l'origine divine de sa théologie.
Quelle grande leçon de politique nous adresse pourtant une Eglise
qui ne se réduisait pas à une institution, et qui se voulait l'incarnation
du verbe de Dieu ! Où est la République ambitieuse d'incarner
le verbe de la démocratie, où est l'Etat devenu l'espace d'envol
et de résurrection de la pensée, où est la France devenue le siège
apostolique de l'intelligence du monde ? Si la constitution européenne
n'était que le socle d'une institution , comment deviendrait-elle
une église de la raison politique ? Mais alors, la démocratie
pensante n'enseigne pas seulement les ressources de l'art de gouverner,
mais le champ du politique où l'humanité s'exerce à conquérir
le devenir de son intelligence et que l'Eglise appelle le " royaume
de la résurrection ".
15
- Quand l'heure de combattre pour la souveraineté de l'Europe
aura sonné au clocher des Eglises…

Les
exégètes de demain écriront l'histoire du " canon de la Liberté
" et l'histoire du " canon de la démocratie " comme
Loisy a écrit successivement L'histoire du canon de l'Ancien
Testament, puis L'histoire du canon du Nouveau Testament
et enfin L'Evangile et l'Eglise, qui parut trois
ans avant la loi de 1905 . C'est dire que les intellectuels nouveaux
qui naîtront des Eglises et qui se spécialiseront dans l'histoire
du " Bien " et du " Mal " à l'école du Vatican américain
de la démocratie deviendront des connaisseurs sans rivaux des
croisades de la parole asservie, parce que les schismes qui ont
ébranlé les autels et les rites pendant des siècles ont toujours
mis en lice des guerriers de la parole victorieuse ou vaincue.
Pendant un demi siècle le Vieux Monde aura porté la casaque de
l'empire américain et son intelligentsia en demeurera honteuse.
Mais pour renaître, il faut avoir appris que l'avenir politique
du Vieux Continent dépendra en tout premier lieu de sa capacité
à retrouver l'usage du langage de la vérité politique , tellement
la liberté passe toujours par les retrouvailles d'une civilisation
avec sa propre voix.
Le
monothéisme chrétien avait enseigné cette " révélation "
par la bouche de l'apôtre Jean, qui avait écrit que le " verbe
" était " au commencement ", qu'il était "Dieu "
et que les ténèbres avaient refusé cette lumière. Erasme l'avait
corrigé en faisant dire à l'évangéliste qu'au " commencement
" était la parole des hommes. Un siècle a passé depuis la promulgation
de la loi de 1905. L'heure de combattre pour la liberté de l'Europe
aurait-elle sonné au clocher de toutes les églises?
16
- Les auto enchantements de la servitude

J'ai déjà dit que l'accès des peuples européens à la maturité
politique dépend exclusivement de la capacité de leurs classes
dirigeantes de leur dessiller les yeux. Mais si les élites intellectuelles
issues des Eglises seront les mieux armées pour mener à bien une
pédagogie du désenvoûtement de la République, c'est parce que
le type d'autorité qu'exercent les croyances religieuses sur les
esprits doit être compris de l'intérieur. Il faut avoir passé
par la foi pour savoir que si l'empire américain se déclare investi
des pouvoirs de l'Eden sur la terre, il ne fait jamais que reproduire
la proclamation de Pie X du 11 février 1906, selon laquelle les
dispositions de la loi de 1905 sont contraires à l'évidence que
l'Eglise a été fondée par Jésus-Christ :
" C'est pourquoi, écrivait-il,
Nous souvenant de Notre charge apostolique et conscient de
l'impérieux devoir qui Nous incombe de défendre contre toute
attaque et de maintenir dans leur intégrité absolue les droits
inviolables et sacrés de l'Eglise, en vertu de l'autorité
suprême que Dieu Nous a conférée et pour les motifs exposés
ci-dessus, Nous réprouvons et Nous condamnons la loi votée
en France sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat comme
profondément injurieuse vis-à-vis de Dieu qu'elle renie officiellement
en posant en principe que la République ne reconnaît aucun
culte. " (Encyclique Vehementer nos )
Jamais un observateur de l'extérieur de ce type de folie commune
à G. W. Bush et à Pie X ne suffira à percer les secrets anthropologiques
de l'identification de ces deux acteurs à une autorité suprême
- celle de Dieu chez le premier, celle de la Liberté chez le second.
Quand l'empire américain dit à l'Europe : " Ou bien vous commercez
avec la Chine, ou bien avec nous, mais pas avec les deux ", il
applique, sans le savoir la stratégie de Pie X.
La
seconde étape que la pensée rationnelle devra franchir un siècle
après la première, sera de formuler le principe de la séparation
de la science politique proprement dite d'une part, des mythologies
cérébralisées qui servent de royaumes des cieux et de sceptres
théologiques à la démocratie d'autre part. Aussi longtemps que
des peuples demeurés dans l'enfance auront seulement passé du
mythe chrétien à une mythologie idéologique construite sur le
même modèle, il n'y aura pas de renouveau de la pensée politique
de l'Europe. Mais la nouvelle maturité civique dont la raison
critique est mise en demeure d'accoucher exige de surcroît un
saut qualitatif de la conscience morale. On prend une avance éthique
sur le politique à reconnaître qu'elle dit seulement qui commandera
et qui obéira, qui détiendra le sceptre de la " vérité "
et qui assurera l'intendance des blasonnés de la vertu. Or, cette
lucidité-là, loin d'affaiblir l'éthique, la renforce parce que
c'est progresser vers la science de l'humanité de connaître la
fausse monnaie du Bien et du Mal que frappent les empires.
Quand G. W. Bush édicte que la France et l'Allemagne ne devront
pas tenter de sceller une alliance politique séparée du seul fait
que ces deux nations partageant les mêmes valeurs que Washington,
il s'ensuivrait qu'elles devront marcher vers la " victoire
de la liberté" sous le commandement exclusif de l'Amérique,
il ne parle pas de politique, car c'est se dérober à toute connaissance
réelle de cette discipline que de la cacher sous le masque d'une
idéologie. La France n'a signé le traité de non prolifération
des armes nucléaires qu'on voulait si vertueusement la contraindre
à signer qu'après avoir mis cette foudre au point pour son propre
compte, parce que la politique traite des relations de force qui
commandent l'histoire réelle du monde depuis le paléolithique
; et l'Amérique ne s'arme de morale pour interdire l'arme atomique
à l'Iran que parce que ce pays n'en dispose pas encore, alors
que la Chine, l'Inde, le Pakistan, qui sont bien autrement puissants,
ne font lever les bras au ciel à personne. C'est que les propriétaires
d'une apocalypse inutilisable savent que leur puissance fulminatoire
n'est qu'un théâtre de titanesques hochets pour les singes ; mais
comme disait Napoléon, on mène les hommes avec des hochets .
17
- L'OTAN

Le
règne d'un empire dont le masque idéologique est celui des idéaux
universels de la démocratie des droits de l'homme est aujourd'hui
représentée par l'Otan. On sait que les Etats-Unis sont parvenus
à maintenir leurs alliés sous la tutelle militaire de cette organisation.
La première tâche politique d'une Europe souveraine est de renvoyer
les troupes américaines chez elles. Mais la dépendance se mesure
au fait que rien n'en empêche le Vieux Continent depuis la chute
du mur de Berlin en 1989. Bien que l'Otan soit devenue d'un ridicule
titanesque, faute de tout ennemi contre lequel elle protègerait
l'Europe, elle exerce un pouvoir de tétanisation qui illustre
à merveille la nature onirique des vassalisations dont on sait
depuis La Boétie qu'elles sont toujours volontaires.
Le réembarquement des troupes américaines stationnées en Europe
depuis plus soixante ans aurait donc une portée politique immense,
précisément parce que la servitude de l'Europe repose sur l'ensorcellement
des esprits par une religion de la Liberté qui confère aux Etats-Unis
une puissance parareligieuse aussi invincible en apparence que
l'excommunication majeure en 1906. C'est pourquoi l'émancipation
décisive du Vieux Continent exige la promulgation de la séparation
des Etats et des habillages enchanteurs et flatteurs, mais menteurs
dont les empires démocratiques ont commencé de se parer sous Périclès.
Ce n'est pas le lieu d'approfondir la question de savoir pourquoi,
depuis deux mille ans, les religions devenues monothéistes, divisent
le " singe nu " entre le ciel et la terre ; pourquoi, depuis
deux mille ans, les autels engendrent des écartelés de naissance
; pourquoi, depuis deux mille ans une divinité non moins bicéphale
que ses adorateurs se balade entre son enfer et ses séraphins
: il y faut une alliance de l'anthropologie avec la science historique.
Mais il est sûr que seuls des intellectuels nés dans le giron
de l'Eglise conduiront l'intelligence des laïcs à approfondir
la connaissance du cerveau biphasé des évadés de la zoologie ?
18
- L'avenir du singe nu

L'Europe en appelle à un clergé mondial de la raison dont la mission
est d'approfondir sans fin la connaissance de l'homme ; l'Europe
en appelle à un sacerdoce de la pensée dont la vocation sera d'initier
les citoyens au tragique de la lucidité que requiert leur maturation
politique et intellectuelle de demain ; l'Europe en appelle aux
prêtres d'un savoir qui aura germé dans le vivier des Eglises;
l'Europe en appelle à des apôtres de la pensée désireux de donner
ses armes à l'intelligence de demain. C'est dans ce contexte,
qu'il est d'une profonde signification, tant politique que philosophique,
qu'un pape agonisant ait contribué à soulever la chape de plomb
qui pèse sur l'examen scientifique des relations que les Etats
modernes entretiennent avec l'angélisme inné des descendants d'un
quadrumane à fourrure.
Imaginons
les retrouvailles de l'Occident scientifique avec une Eglise de
l'intelligence dans laquelle de nombreux prêtres se seraient délivrés
des rituels magiques et des dogmes ! Quelle inspiration intellectuelle
ne trouveraient-ils pas à filmer le messianisme gesticulatoire
dont G. W. Bush a donné le spectacle au cours de sa tournée apostolique
en Europe et qui a viré à la pantalonnade théologale ! Il était
pathétique que ce commis-voyageur des patenôtres d'un capitalisme
de prédateurs plaçât sous la férule de la démocratie les pilleurs
d'une Russie précipitée dans l'anarchie par l'avidité des grands
financiers américains. Quand une puissante démocratie envoie un
paltoquet du salut en Europe, l'heure est favorable à l'initiation
des citoyens aux outrecuidances d'un empire de tyran de la liberté
. Mais si la terre entière change en messie des droits de l'homme
un roi de Guantanamo et d'Abou Ghraib, c'est que l'homme demeure
un inconnu à lui-même. Puisse l'Europe enfanter de nouveau défricheurs
du "Connais-toi" .
Le 8 mars 2005