Introduction
Par nature et par
définition, la liberté dont les démocraties se réclament est
d'ordre qualitatif. A ce titre, son fondement est philosophique
: elle revendique le droit de penser et de raisonner avec
justesse, donc de faire progresser l'intelligence du genre
humain. Il serait étonnant que le seul pays au monde dont
le baccalauréat s'obtient à l'école de l'initiation de la
jeunesse à la philosophie, donc à l'art de la dissertation,
il serait étonnant que dans ce seul pays la liberté s'exprimât
par la promotion de l'ignorance, de la vulgarité et de la
sottise et qu'on y fasse preuve d'une supériorité culturelle
digne de louanges à mettre le prophète Jésus dans un pot de
chambre et de couronner le prophète Mahomet d'une bombe de
papier.
Cette question
est politique au premier chef ; car si la recherche de la
vérité ne se confondait pas à celle de la dignité du genre
humain, si penser n'était pas une noblesse, si la démocratie
n'était pas élévatoire, quel serait le statut de la France
dans la tête des citoyens? Voyez-vous la vraie France sous
les traits d'un personnage physique, voyez-vous la France
des patriotes dans le rôle d'un acteur en chair et en os sur
la scène du monde ? Alors votre France se rend visible sous
l'uniforme de ses gendarmes, la robe noire de ses magistrats
lui sert de parure et l'armement de ses soldats de mâchoire
- mais si l'éducation nationale d'un pays d'apprentis-philosophes
est appelée à combattre l'irréflexion, ne dira-t-elle pas
aux enfants: "Si la France n'était pas un personnage invisible
dans vos têtes, alors, sachez que toutes les dorures et les
rubans de la République ne seront jamais que hochets et colifichets.
Votre France intérieure est la mesure de vos âmes et de vos
têtes, votre France intérieure est le signe de votre hauteur
ou de votre bassesse."
On dit que la
raison est une accoucheuse dont le forceps s'appelle la dialectique
- on l'appelle même une sage-femme depuis un certain Socrate
l'Athénien. Si le Dieu des Français est de la taille d'un
pot de chambre, de quel "Connais-toi" sommes-nous les interlocuteurs?
Si le Dieu des Français n'est pas dans les cierges, les ciboires
et les prie-Dieu de ses dévots et si la nation n'est pas dans
les galons et les passementeries de ses généraux, à quelle
école sommes-nous quand nous écoutons en nous une voix qui
nous dit: "Vous n'êtes ni dans la pierre des édifices de la
République ni dans les murs de vos églises"?
Décidément, les
démocraties se hiérarchisent à l'écoute de leurs définitions
de la liberté; et la liberté est à l'écoute de la tête et
de l'esprit de ses serviteurs. Mais si notre liberté pouvait
se mettre à la mangeoire de la bassesse de ses faux adorateurs,
quelle serait l'existence propre au "Dieu" des âmes et des
cœurs dignes de la France? Car enfin, les dieux des Grecs
et des Romains étaient censés se promener sur la terre et,
depuis le Concile de Nicée en l'an 325, Jésus est réputé de
même facture que Mars ou Minerve - ce dieu était rencontrable
en chair et en os sur les routes et les chemins de la Galilée
de son temps.
Vous qui croyez
en la divinité de la rate, du foie et de la musculature d'un
dieu, qui êtes-vous et qui est Muhammad? S'il n'est pas un
Allah braillant dans son berceau, sur quelle balance de votre
génie le pesez-vous ? Encore une fois, qui êtes-vous si vous
changez de nature selon que votre interlocuteur intérieur
est un dieu capable d'apaiser la tempête ou le témoin que
vous êtes à vous-même quand vous accouchez de votre âme et
de votre tête?
Et puis, il est
singulier que les dieux des Anciens traversaient les nues
à grandes enjambées, il est singulier et que les trois dieux
uniques censés leur avoir succédé ne jouent plus aux bolides
dans l'immensité et il est plus singulier encore que vous
ne vous demandez jamais quelle est la sorte d'existence de
votre trio de Célestes dont les théologies demeurent incompatibles
entre elles.
Décidément, si
notre anthropologie dite scientifique ne dispose d'aucune
connaissance des dieux décorporés et de la charpente céleste
du troisième, vous ne comprenez rien ni à géopolitique, ni
à Adam, parce que Jahvé vient d'échanger la carcasse d'un
seul de ses fidèles contre le menu fretin, à ses yeux, de
mille vingt sept musulmans parmi les six mille qui croupissaient
dans les geôles d'Israël. Quel est le statut théologique du
reste aux yeux du Zeus des chrétiens, d'un côté, et de ceux
d'Allah, de l'autre. Si vous vous mettiez à peser et à penser
la politique et l'histoire à l'école des dieux tels qu'ils
existent dans les têtes, peut-être l'attentat contre Charlie
Hebdo servirait-il de déclic au débarquement de la France
de l'intelligence dans le débat public. .
1
- Un animal en
construction
2
- Comment nous pesons nos dieux
3
- Persépolis
4
- D'une ignorance à l'autre
5
- De la chute de nos idoles dans le temps
6 - Un pour tous, tous pour personne
7
- Le menu fretin de Jahvé et nous
8 - Le " corps " des dieux
9
- Le " corps " d'Allah
10
- Le corps réel des dieux
11
- L'homme et la chair de ses dieux
12
- De l'infirmité théologique de Jahvé
13
- Les cadavres sont meilleur marché
14
- Un télescope anthropologique des théologies
*
1- Un
animal en construction
Nous mesurons le chaud et le froid à partir d'un point de repère
fixe, que nous appelons le zéro. Nos thermomètres nous permettent
de capter la température de nos climats et de les garder en mémoire
à l'aide d'enregistreurs précis de l'amplitude des variations
de leur clémence et de leur rigueur. De même, nous prenons acte
de l'atmosphère qui règne sous notre os frontal - et pour cela,
nous déposons notre encéphale sur les plateaux d'une balance qui
nous indique le poids et le volume de la boîte osseuse de nos
civilisations.
Or,
nous avons appris, il y a cent cinquante deux ans seulement -
c'était en 1859 - que nous appartenons à une espèce au cerveau
en gestation. Depuis lors, nous nous efforçons, non sans mal,
de nous pénétrer de l'évidence que nos neurones se trouvent fatalement
en voyage et qu'ils nous conduisent sans doute quelque part, sinon
nous perdrions le rang enviable de vivants en cours d'accouchement.
Mais aucun philosophe, aucun anthropologue, aucun psychologue,
aucun historien, aucun sociologue, aucun politologue, aucun explorateur
de l'inconscient qui téléguide notre évolution n'a tenté de fabriquer
une balance à peser les retards, les interruptions, les remises
en marche ou les accélérations du cerveau réputé mutant du pithécanthrope
d'hier et de celui d'aujourd'hui. Peut-être la difficulté d'une
telle entreprise réside-t-elle dans la nécessité d'esquisser une
connaissance relativement prospective de la nature et des performances
qui président au devenir lent ou rapide de notre cervelle. Car
il nous faut disposer d'une échelle graduée pour apprendre sur
quels barreaux du temps nous déposons nos crânes successifs afin
de juger de l'état d'avancement de la grossesse de notre espèce
de raison.
2
- Comment nous pesons nos dieux
Pour fabriquer les instruments de pesée de notre crâne, nous traçons
une ligne du pôle nord au pôle sud et nous plaçons sur son parcours
les cerveaux inégalement chauffés ou gelés de nos ancêtres. Nous
baptisons longitude la route vers le haut et le bas et latitude
l'étendue en hauteur, largeur et profondeur de nos encéphales.
Les instruments de mesure qui nous permettent d'apprécier le degré
de lucidité dont jouissent les descendants actuels d'un quadrumane
à fourrure, nous les appelons des idoles, et nous observons, la
loupe à l'œil, les matériaux que nous faisons entrer dans leur
fonte et leur moulage. Mais aussi bien le fléau de nos balances
que l'ascension ou le retrait du mercure de nos thermomètres obéissent
à un critère qui commande tous les jugements que nous portons
sur notre devenir, celui de la nature de l'existence et
de l'inexistence de nos dieux; car nous les construisons
et les reconstruisons de siècle en siècle, soit en laboratoire,
soit au grand jour, mais toujours avec le plus grand souci de
perfectionner leurs formes, leurs couleurs, leur dégaine et les
traits de leur visage. Car nous les vénérons fort diversement
au gré des époques et des lieux.
Notre
fameux verbe exister se conjugue donc de mille manières
et toujours de telle sorte qu'il existe autant de types d'existence
de nos Célestes dans nos têtes que de températures cérébrales
au sein de nos sociétés - autant dire de froidures et d'incandescences
de nos cervelles. Le plus grand avantage, à notre avis, d'adopter
le sacré pour étalon de mesure du degré d'intelligence et de sottise
des semi-évadés de la zoologie que nous sommes demeurés, c'est
l'antiquité et l'universalité de ces témoins tour à tour fixes
et flexibles, immuables et mouvants, impavides et flottants dans
notre encéphale en devenir.
3
- Persépolis
Une
démonstration frappante de l'omniprésence de nos idoles dans le
monde contemporain vient de nous être apportée par un film, Persépolis,
dont la projection nous met comme jamais en face du mystère qui
entoure notre verbe exister.
Car ce long métrage a provoqué un grand scandale en Tunisie du
seul fait que l'inventeur auquel nous avons confié la création
de l'univers s'y trouve portraituré de la main d'un artiste habile,
alors que toute représentation du géniteur de toutes choses à
l'aide du crayon, du pinceau ou du ciseau de ses créatures est
tenu pour un blasphème effroyable dans l'islam et dans le judaïsme.
Aussi nous demandons-nous de quelle sorte d'existence un
personnage non substantifiable à l'école de nos cinq sens renvoyait
les encéphales de nos ancêtres et pourquoi nous rejetons dans
l'invisible, l'insaisissable et le vaporeux le campeur titanesque
que nous avons installé dans le vide de l'immensité.
Mais pour peser les encéphales inférieurs, moyens et supérieurs
dont nous disposons, il faut nous souvenir de ce que, tout au
long de notre errance, il allait de soi qu'il existait, de siècle
en siècle, une certaine proportion de spécimens de notre espèce
dont le cubage cérébral était jugé tellement au-dessus de celui
de la masse de ses congénères que ces derniers se trouvaient relégués
à un rang indigne de l'attention des géants de notre raison en
marche.
Or, il se trouve que, de nos jours, ce n'est plus la hiérarchie
et l'étagement de nos têtes qui forge notre histoire et notre
politique, parce que les derniers modèles de nos dieux sont censés
bénéficier de l'ubiquité et de l' instantanéité tant de leurs
voix que de leur quintessence et qu'ils remplissent nos oreilles
de leur tapage sur les places publiques de toutes les cités de
nos peuples et de nos nations. Et pourtant, le type d'existence
tumultueuse que nous leur accordons grave plus que jamais notre
histoire sur des tablettes mouvantes. C'est pourquoi la parole
radiophonique et l'image télévisuelle ont aussitôt présenté à
nos pithécanthropologues le spectacle en laboratoire du cerveau
évolutif des croyants du dieu outragé à Persépolis.
4
- D'une ignorance à l'autre
Il est alors apparu que, pour sa part, le dirigeant d'un islam
enflammé et qui entendait protéger son idole de l'infamie de la
représenter en chair et en os ne se posait jamais la question
qu'il aurait dû agiter avec une sainte ardeur, celle de l'existence
propre à un Allah invisible: on avait insulté le sacré, clamait-il,
on s'était attaqué à la "religion des gens". Certes, disait-il,
le blasphème pouvait provoquer de surcroît des troubles publics
regrettables, mais dérisoires: non seulement la question centrale,
celle de l'existence spécifique de l'acteur de la Genèse n'était
nullement soulevée, mais la légitimité de l'interdit qui frappait
dans l'œuf une interrogation aussi épouvantable allait tellement
de soi que son inanité revenait au ridicule de douter de l'existence
de la lune et du soleil. Comment peser nos encéphales si cet organe
se trouve frappé dès le berceau d'un tabou de nature psychobiologique,
donc invincible par définition? Quelle dictature s'exerce-t-elle
depuis les origines sur notre espèce tout entière pour qu'elle
sécrète de l'irréfutable?
Or,
la journaliste qui interviewait le meneur des fidèles du dieu
irrité ne s'en inquiétait pas davantage: le hasard avait voulu
que la religion en perdition à laquelle l'Occident s'était progressivement
rallié au cours des deux derniers millénaires figurât parmi celles
qui n'interdisent nullement aux peintres, aux dessinateurs et
aux sculpteurs de leur foi de portraiturer leur divinité en chair
et en os - et même de la fixer sur une potence de bois sec. Mais
alors - et cela à partir du Concile de Nicée en 325 - elle s'y
trouve fichée à la fois en tant qu'homme accompli et en tant que
père parfait du cosmos ce qui, depuis vingt siècles, soulève des
difficultés insolubles à une théologie aussi osée. En vérité,
cette doctrine scissipare se collète encore sous nos yeux avec
la difficulté insurmontable sur laquelle elle s'est clouée, tellement
la sorte d'existence commune à un dieu en chair et en os et à
un dieu décorporé met à nu l'évidence que le pithécantrope est
un animal traumatisé de se trouver lui-même scindé de cette manière
entre son ossature et sa cervelle. Pourquoi ces mystères anthropologiques
n'effleuraient-ils pas la masse cérébrale de la journaliste occidentale,
qui avait conclu son interview par un simple et définitif: "C'est
un très beau film" ?
5 - De la chute de
nos idoles dans le temps
Nous ne cessons, disais-je, de nous demander quelle est la sorte
d'existence schizoïde dont nos idoles sont censées bénéficier.
Si une gentille esthétique du sacré se révélait suffisante pour
nous démontrer la légitimité de la dichotomie psychique qui nous
distingue des autres espèces et si, de surcroît, la bipolarité
viscérale et la scission mentale qui nous caractérisent n'avaient
plus de secret pour nous, la vraie question demeurerait encore
à poser: quelle est la nature du décalque réciproque qui commande
le parallélisme des hommes avec leurs dieux?
Pour
tenter de comprendre le silence de nos philosophes et de nos pithécanthropologues
concernant notre nature et celle de nos Célestes, il faut savoir
qu'elle est fort tardive, la découverte qui nous a révélé que
notre espèce se forge des personnages imaginaires et qu'elle les
croit réels sous le vain prétexte qu'ils se promènent pendant
des siècles sous notre os frontal. C'est ainsi que la religion
juive ne nie que depuis quelques siècles l'existence physique
des autres dieux que le sien. Même aux yeux des prophètes du peuple
hébreu, les Célestes des Grecs et des Romains étaient demeurés
réels en ce sens qu'ils se trouvaient effectivement plantés à
l'extérieur de la boîte osseuse de leurs croyants respectifs.
Simplement ils s'étaient disqualifiés dans le cosmos en raison
de leur incompétence notoire. Leurs cohortes serrées avaient été
rendues ridicules aux yeux de la seule divinité victorieuse et
omnipotente, donc réelle à ce titre, celle du Jupiter triomphant
d'Israël.
A l'origine, le cerveau bifide de notre espèce se posait donc
exclusivement la question de l'efficacité de nos idoles sur le
terrain. Peu importait qu'elles existassent en chair et en os
ou seulement "en esprit", dès lors que leur nanisme politique
suffisait à les disqualifier radicalement dans nos têtes. Mais
si, même en Israël, l'hénothéisme a trépassé de nos jours et si
Jahvé n'existe plus désormais qu' "en esprit", quelle est la sorte
d'existence extérieure, même réduite à une vapeur, que conserve
nécessairement un "pur esprit" dès lors que, dans le même temps,
il est censé se trouver aussi colloqué dans l'espace et le temps
qu'auparavant? Les "purs esprits" n'existeraient-ils que dans
nos têtes? Et si nous tenons à les conserver dans le vide, comment
substantifier de quelque manière de "purs esprits" localisés dans
l'étendue?
6 - Un pour tous,
tous pour personne
Et
voici que, par la faute du soldat Shalit et de lui seul, la malheureuse
question de la pesée et du cubage de la conque osseuse des fuyards
des ténèbres débarque à nouveau - et avec quelle insistance -
dans l'arène des nations. Car la capture sur son tank à Gaza,
en 2006, de ce jeune guerrier d'Israël est devenue une énigme
anthropo-politico-théologique : comment se fait-il que la capture,
à l'âge de vingt ans, de cet obscur soldat d'une armée conquérante,
comment se fait-il, dis-je, que la prise, les armes à la main,
d'un envahisseur anonyme et sans intérêt particulier ait suffoqué
d'indignation le peuple hébreu tout entier, comment se fait-il,
dis-je, que la terre entière ait retenti cinq ans durant de gémissements
apitoyés et de lamentations éplorées à la seule nouvelle de l'emprisonnement
banal d'un fantassin inconnu?
Mais si le hoplite Shalit existe corporellement à ce point, Jahvé
nierait-il l'existence physique de milliers de prisonniers palestiniens
croupissants dans les geôles du peuple élu, et cela pour le seul
motif que les autres dieux n'existant plus musculairement, leurs
fidèles s'en trouveraient réduits par mimétisme au rang de spectres
théologiques à leur tour? Les hommes seraient-ils privés d'existence
charnelle, eux aussi, s'ils se trouvent réduits à néant dans l'ordre
politique?
Pas
de doute, la question de l'inexistence des charpentes hier communes
aux idoles et aux hommes débarque à nouveau sur la terre dès lors
que leur surréalité partagée se confond à leur impuissance. Il
nous faut en conclure, en anthropologues de nos théologies, que
l'hénothéisme n'est pas mort, parce que sa signification psychobiologique
se montre congénitale au Jahvé des Hébreux qui croit, avec tout
son peuple, que les dieux existent désormais réellement, mais
par la seule vertu de leur état-civil mondialisé. L'esthétique
aurait-elle donc substitué l'universalité de sa caution à celle
d'une " révélation " autrefois philosophique ou politico-métaphysique?
Mais alors notre science à venir de l'histoire véritable de nos
personnages sacrés devient la clé de toute la science des horticulteurs
du ciel d'hier, d'aujourd'hui et de demain.
7
- Le menu fretin de Jahvé et nous
Mais, comme il est dit plus haut, notre espèce de jardiniers et
de fleuristes des dieux réduits à leur statut culturel revendique
non seulement pour ses Célestes, mais pour elle-même la sorte
d'existence spécifique qu'il faut qualifier de bi-polaire, de
bi-céphale, de bifide ou de schizoïde. Du coup, notre anthropologie
n'est plus légitimée à s'auto- qualifier de scientifique, alors
qu'elle ne tente en rien de résoudre l'énigme principale que notre
espèce de copistes de ses Olympes est demeurée à elle-même. Et
puis, toute notre géopolitique ne vaut pas pipette non plus dès
lors qu'elle ne résout nullement une difficulté aussi focale.
Car
enfin, quand M. Nicolas Sarkozy s'est vanté de se trouver jour
et nuit en contact téléphonique avec M. Benjamin Netanyahou en
personne; et quand il a fait savoir qu'il consolait ce malheureux
chef de gouvernement, dans son rôle de victime planétaire d'une
fatalité cruelle pour lui-même et pour tout son peuple, et quand
cette tragédie est censée avoir trouvé un dénouement béatifique
du seul fait que le héros pur et sans reproche a été échangé contre
mille vingt sept prisonniers palestiniens seulement - donc pour
rien - pourquoi, aux yeux de Jahvé et de ses adorateurs, ce petit
bétail demeure-t-il sans valeur à vieillir dans les geôles israéliennes?
Et puis, comment expliquer que le peuple français et l'Occident
ex-chrétien tout entier aient été instamment conviés par leur
puissant appareil d'Etat à applaudir un succès diplomatique aussi
titanesque que miraculeux : le troc profitable d'un menu fretin
palestinien contre un trésor sans égal?
Voilà qui constitue, n'est-il pas vrai, un document anthropologique
que nous ne saurions renoncer à décrypter, sauf à jeter aux orties
toute quête d'une juste pesée de notre cerveau. Car si le vrai
Allah, lui, n'existe qu' "en esprit", que faire des deux autres
monothéismes de luxe qui passent désormais pour ne fleurir que
dans les serres somptueuses de la culture mondiale? Qu'en est-il
des artistes d'un ciel de fleurs et de leurs floralies jardinières?
L'hénothéisme culturel deviendra-t-il aussi intercontinental que
les orthodoxies précédentes? Et dans le cas où le créateur patenté
des trois religions du Livre ressortirait encore, ici ou là, à
la sorte d'existence doctrinale qu'il partageait avec les dieux
physiques du polythéisme, le trio des monothéismes ne siège plus
dans le vide de l'immensité: tous trois ont cessé de gérer le
cosmos chacun au profit de ses propres ouailles, tous trois ont
renoncé à se barricader dans leurs forteresses célestes respectives,
tous trois n'existent plus que dans la tête de leurs fidèles,
tous trois ont cessé de colloquer leur substance dans l'espace
et le temps. Quel casse-tête existentiel que la question de l'interdiction
de dessiner le visage, les bras et les jambes d'Allah à Persépolis!
8 - Le " corps " des
dieux
Mais
qui nous dira pourquoi un dieu réputé privé de corps s'intéresserait
néanmoins au corps de ses fidèles, qui nous dira pourquoi le Jahvé
du soldat Shalit se moque bien de la charretée de charpentes des
Palestiniens, qui nous dira quel est le sens politique, historique
et anthropologique du mythe de l'incarnation d'un Jahvé supposé
compassant et miséricordieux que les chrétiens ont mis en scène
depuis deux mille ans? Pour cela, demandons-nous ce qu'il en est
du "corps" spécifique des dieux dotés d'une ossature et de ceux
qui s'en trouvent dépourvus.
Car enfin, il existe sûrement - mais nous ne savons où elle se
cache - une identité religieuse et humaine confondues. Sinon,
les quarante pour cent de la population de la Palestine qui ont
passé par les prisons d'Israël à un moment ou à un autre erreraient
à jamais dans l'Hadès. Mais si Jahvé n'existe décidément que dans
le cœur et la tête de ses fidèles et si ce locataire-là du crâne
et de l'esprit des Hébreux enseigne au peuple juif que les Palestiniens
ne sont qu'un cheptel à échanger contre le trésor du soldat Shalit,
quel est l'enjeu des querelles que le pithécanthrope entretient
sans relâche avec ses idoles?
Et voici que le Allah intérieur se tourne vers ses fidèles à lui
et qu'il leur dit: "Décidément, vous êtes demeurés de bien piètres
anthropologues! Savez-vous seulement pourquoi tant de personnages
en chair et en os se promenaient hier dans le cosmos et pourquoi
ils ont mis tant de siècles à y trépasser sous votre os frontal?
Qu'attendez-vous pour l'apprendre? A vous de vous mettre à l'
écoute de vos esprits et de vos corps réunis. Qu'attendez-vous
pour découvrir votre vrai "corps"? S'il est évident que le panculturalisme
moderne est un nouvel hénothéisme et qu'il a rejeté dans les ténèbres
de l'oubli le double sens du verbe exister appliqué au "corps"
et à l'esprit des Célestes, qu'est-ce donc qui a conduit les dessinateurs
d'Allah à Persépolis à donner, malgré eux, un sens trans-corporel
au verbe exister appliqué au corps de leur créateur du cosmos,
donc à le rendre réel "en esprit" et à l'école de son trépas physique
sur une potence?
9
- Le " corps " d'Allah
Décidément,
le sacrilège serait d'ignorer le sens spirituel du mot "corps"
appliqué à Allah. Mais pour l'apprendre, demandons-nous ce qui
manque à Jahvé, qui ne s'est pas doté d'un "corps", et pourquoi
ce dieu-là ignore la chair et le sang des prisonniers d'Israël.
Est-ce
à dire que le culte du peuple juif pour un guerrier juvénile rappelle
au monde entier que seul le dieu d'Israël existe "réellement"
et qu'il vient à nouveau de le démontrer "physiquement" à la face
du monde entier, lui qui a délivré la charpente de l'un de ses
fidèles en échange d'une chienlit de mille vingt sept masses de
chair et d'os musulmanes?
Décidément, il va falloir décrypter le sens politique et psychique
des dieux tenus pour exister dans les têtes seulement et de ceux
qui existent également, de quelque manière, hors des têtes de
leurs fidèles, et cela sous la forme d'un corps étrange et en
quelque sorte surréel. Sinon, que va-t-il advenir du dieu physiquement
supplicié et de son alliance avec une politique de l'esprit? Pour
cela, il nous faudra apprendre à peser l'encéphale de notre espèce
sur la balance d'un dieu à la fois incorporel et corporel, afin
de tenter d'apprendre pourquoi Shalit est physiquement si précieux,
mais sans que personne n'évoque le statut transcendantal de son
corps et pourquoi six mille prisonniers musulmans ne valent pas
un sou, parce qu'il n'existe pas de "corps spirituel" aux yeux
d'Israël et de Jahvé. Or l'illustre hybride divin des chrétiens
- il est censé se trouver assis en chair et en os dans les cieux
à la droite du géniteur du cosmos - cet hybride, dis-je, pose
à l'anthropologie critique la question la plus existentielle de
toutes, celle de savoir pourquoi les prophètes sont suicidaires,
eux qui sacrifient leurs organes physiques au dieu "sans corps"
dont ils sont habités.
10
- Le corps réel des dieux
Et
voilà que Shalit vient témoigner du cordon ombilical qui rattache
le dieu désincarné au dieu incarné. N'est-il pas étonnant qu'un
citoyen israélien, le père même du soldat Shalit, ait pu venir
camper si effrontément et des semaines durant, aux portes de l'Etat
juif à seule fin de lui demander impérieusement et d'un cœur léger
de délivrer son fils et lui seul des mains du Hamas, n'est-il
pas extraordinaire que le peuple hébreu ait fait chorus avec cet
hérétique et cela au point d'avoir élevé ce prisonnier obscur
au rang d'une cause nationale, n'est-il pas inouï que M. Netanyahou
n'ait jamais seulement osé invoquer le devoir de sacrifier son
corps à la patrie, alors que ce don sert de moteur aux démocraties
du monde entier depuis la levée en armes du peuple de Valmy, n'est-il
pas sans exemple que le thème du "corps de la patrie" soit radicalement
absent de la culture politique d'Israël, n'est-il pas stupéfiant
que l'échange d'un seul citoyen contre des centaines de Palestiniens
censés privés de corps collectif n'ait pas éveillé dans ce pays
la question du statut transcorporel du corps propre aux nations?
Il
est vrai que le patriotisme moderne n'est né qu'au cours du XVIIIe
siècle quand l'adjectif "national" a soudainement envahi le discours
politique et que les généraux de Louis XV se sont étonnés et souvent
indignés qu'on n'évoquât plus les armées d'un monarque attaché
à servir la gloire et la grandeur du royaume, mais celles de la
nation. Il est également vrai que, même à Athènes, on condamnait
à mort les chefs militaires qui avaient négligé d'enterrer les
soldats tombés sur le champ de bataille, parce qu'il fallait que
le courage des citoyens fût soutenu par leur certitude qu'on ne
les laisserait pas errer sans fin et privés de sépulture dans
l'Hadès.
Mais enfin, un Shalit en captivité, donc seulement réduit à l'impuissance
physique et protégé par les lois de la guerre "civilisée" d'aujourd'hui,
un Shalit dont "l'ennemi" n'a pas touché un cheveu de sa tête,
un Shalit qui ne craint en rien de se trouver traité sans ménagements
à titre posthume, comment se fait-il qu'Israël ne puisse rien
lui demander de précieux ? Mais alors, quelle est la balance qui
déclare sans prix la chair d'un mortel? Son statut de martyr serait-il
inscrit dans sa condition de prisonnier, bien qu'il fût traité
avec tant d'égards par ses geôliers? Quelle illustration de ce
que les corps des citoyens israéliens ne sont en rien les héros
d'une patrie! Serait-ce pour le motif qu'un Jahvé désincarné ne
saurait s'identifier aux charpentes de ses adorateurs! Mais alors,
qu'est-ce qui cimente les autres dieux aux corps de leurs fidèles
et les corps des fidèles à celui de leur dieu?
11
- L'homme et la chair de ses dieux
Depuis Clovis, la royauté française faisait des Capétiens des
substituts charnels de Jésus-Christ sur la terre ; en contrepartie,
leurs sujets se voyaient élevés à la dignité de participer au
corps mystique d'une nation médiatisée par la charpente d'une
divinité. On mourait pour une patrie surnaturelle, on se sacrifiait
pour une transcendance substantifiée; et quand le peuple français
a pris le relais de la surréalité du roi terrestre, il est devenu
à lui-même la nouvelle voix du ciel, celle d'une incarnation régénérée
par la "vox Dei" qu'il est devenu à lui-même. Rien de tel
en Israël, rien de tel avec Jahvé. Faute de chosifier son dieu,
le peuple d'Israël ne conquiert qu'une terre fétichisée par des
écrits sacralisés, par des murs totémisés, par des oliviers sans
âme et à abattre parce qu'ils ne sont pas encore devenus votre
propriété, bref, des objets réputés précieux sur le marché d'une
mémoire toute matérialisée, des objets qui lui auraient été dérobés
antiquissimis temporibus comme de la vaisselle d'or ou un mobilier
en bois précieux . C'est dire qu'un Etat de ce type entend seulement
arracher aux mains d'un prétendu voleur les biens censés lui avoir
été dérobés de force il y a deux millénaires. Mais Jahvé n'a jamais
défendu une terre confusible avec son esprit ; même la Judée n'est
qu'un cadeau - des arpents accordés par la munificence de Jahvé
le conquérant à son porte-parole et plénipotentiaire désigné,
un certain Moïse.
Mais si une terre demeure un butin de guerre semé de pierres mémorables,
comment voulez-vous que ses habitants deviennent vos proches et
vos "semblables", comment voulez-vous qu'ils fassent corps avec
un ciel, comment voulez-vous que votre dieu décorporé nourrisse
un esprit de sacrifice pour un sol transcendantalisé par le mythe
d'un dieu scindé entre le ciel et une terre?
On
voit que le vrai corps des dieux est une ossature théologisée,
une chair onirique, un personnage collectif, chargé de substantifier
l'âme d'une société. Il nous reste donc à fonder une science des
relations que le pithécanthrope entretient avec son histoire et
sa politique par le relais de ses dieux schizoïdes, il reste à
bâtir une anthropologie en mesure d'observer Micromégas de haut
et de loin, parce que la logique interne des théologies est une
logique anthropologique.
12
- De l'infirmité théologique de Jahvé
Décidément, le sacrilège de Persépolis se révèle la boite de Pandore
d'une pesée pluridisciplinaire de notre fichu verbe exister.
Car il semble que M. Netanyahou lui-même ait découvert l'existentialité
spécifique du peuple de Jahvé et du soldat Shalit, puisque, d'un
côté, ce chef de gouvernement mène une guerre d'annexion sauvage
de la ville de Jérusalem et de la Cisjordanie entière au microscopique
Etat d'Israël, tandis que, de l'autre, la nation juive se présente
sur la scène internationale en personnage séraphique, en pacificateur
céleste, en héros irénique, en un dieu privé de corps, donc sans
souillure, et dont le statut de "pur esprit" a coupé le cordon
ombilical des dieux avec le genre humain.
Que signifie le dédoublement anthropologique de Jahvé entre le
vaporeux et le sanglant? S'agirait-il d'un ciel autiste? Visiblement,
notre musulman fanatisé et la journaliste occidentale évoqués
plus haut ignorent l'un et l'autre ce qu'il en est du "corps"
d'Allah. Quant à Jahvé, il s'agit d'un Jupiter dont la musculature
s'est illustrée à conquérir une terre les armes à la main, et
cela à la manière dont on s'approprie un bien sans âme et sans
voix sur la terre. Mais alors, comment le propriétaire palestinien,
qui se refuse à céder la place au nouvel occupant, deviendrait-il
jamais votre frère, et pis que cela, votre "semblable"? Comment
un Dieu de type seulement vocal et guerrier et qui vous enjoint
de quitter les lieux aimerait-il son prochain ? Comment enfanterait-il
une théologie du genre humain à partir d'une législation d'expulsion
manu militari des propriétaires légitimes d'un territoire?
Mais lorsqu'en septembre 2011, le gouvernement israélien a annoncé
l'implantation de onze cent demeures nouvelles à l'intention exclusive
du peuple de Jahvé à Jérusalem Est, puis une deuxième potée de
quatre mille cent unités locatives inaliénables, puis une troisième
de deux mille de plus à titre de châtiment pour l'entrée de la
Palestine à l'UNESCO, puis une quatrième en Cisjordanie, non moins
pénale que les précédentes, le sens de son argumentation punitive
ne devrait pas échapper à l'attention des politologues post-darwiniens,
qui viennent d'isoler dans leurs laboratoires les gènes de la
bipolarité cérébrale des pithécanthropes et de leurs idoles. Car
M. Netanyahou ne justifie ce rapt religieux, que pour s'être mis
à l'écoute de quelques pierres sacrées. Le fameux mur des lamentations,
a-t-il allégué, se trouve à dix minutes seulement d'autobus de
Jérusalem Est. Or, depuis 1967, Jahvé s'en rapproche en toute
légitimité biblique, puisqu'il s'agit seulement d'un dieu dont
la parole se cache dans la pierre de ses monuments d'un côté,
dans ses écrits, de l'autre, mais qui ne dispose en rien du corps
surréel des dieux censés s'incarner dans l'esprit de communion
de ses fidèles avec son esprit.
N'en doutons plus, la pesée du cerveau biface des anthropopithèques
passe par la pesée du verbe exister que leurs idoles leur fournissent
biphasé d'avance et dont ils se servent tantôt en ce bas monde
et tantôt dans les nues.
13
- Les cadavres sont meilleur marché
Je
disais que M. Netanyahou avait compris le nœud anthropologique
qui interdit à Israël de résoudre l'aporie théologique qui étrangle
sa politique et qui empêchera sa nation de jamais débarquer durablement
dans le temps vivant des Etats et des hommes. Car, ne pouvant
demander aux citoyens de son pays de s'aimer les uns les autres,
puisque la collectivité n'a pas de corps transcendantal à se partager,
il n'existe qu'une seule manière d'empêcher la capture d'autres
Shalit dont la charpente isolée demeurera hors de prix. Aussi,
dès 1980, le protocole Hannibal stipule-t-il que l'armée devra
ouvrir le feu sur le véhicule des ravisseurs et tuer au besoin
les Shalit à venir, parce qu'un Shalit mort vaut mieux qu'un Shalit
captif et qui contraindrait un Etat privé de "corps national"
de payer un prix exorbitant pour le rachat d'une viande respirante.
Certaines
revendications territoriales d'Israël, notamment celles qui voudraient
que l'Etat des juifs fût appelé l'Etat juif, nous renvoient
à une terre de Judée dont le peuple hébreu se dit originaire.
Mais si la Palestine est hérissée, elle aussi, de signes de l'existence
surnaturelle du genre simiohumain sur des terres élevées au rang
de "corps" surréel, comment se fait-il que nous soyons médiatisés
par des magiciens que nous appelons des oracles, des totems, des
idoles? Serions-nous des animaux menacés de solitude dans un cosmos
désert, chercherions-nous à parler à quelqu'un dans le vide qui
nous habite? Mais alors, de quel étrange encéphale la nature nous
a dotés! Car cet organe dichotomisé nous demande de faire bavarder
des terres et des pierres? Comment se fait-il que nous tendons
l'oreille aux discours que nous prêtons à des atomes?
Décidément,
Persépolis nous met au pied du mur : s'il nous
faut fabriquer la balance et le thermomètre évoqués plus haut,
à quelle distance de ces instruments silencieux ou sonores nous
placerons-nous afin d' entendre nos cordes vocales et nos poumons
dans le vide d'une immensité inhabitée? Que ce soit au mercure
de nos thermomètre ou au fléau de nos balances du "Connais-toi"
que nous demandons de nous livrer les secrets de l'alliance de
notre espèce avec nos dieux, il nous faut, de quelque manière,
savoir déjà de quels acteurs de notre histoire nos idoles nous
parlent à l'oreille . Inutile de seulement tenter de peser notre
conque locutrice, inutile de seulement prétendre élever notre
réflexion au rang d'un " objet de réflexion ", comme nous disons,
inutile de seulement nous demander ce qu'il en est de notre embryon
d'intelligence de nous-mêmes - nous qui sommes des savants et
des sots confondus- si nous ne soumettons notre malheureux verbe
exister à l'accouchement socratique.
14
- Un télescope anthropologique des théologies
Peut-être le seul moyen de nous mettre à distance de notre pauvre
signalétique générale est-il d'observer comment notre boîte crânienne
s'échine à nous rappeler que nous sommes des animaux politiques
des pieds à la tête et que c'est encore et toujours de notre politique
que nous parlons quand nous nous adressons à des interlocuteurs
fabuleux de nos voix, de nos corps, de nos Etats, de nos armes
et de notre histoire.
Ne
croyons pas que la pelote de nos raisonnements nous tombera des
mains de sitôt. Ce n'est pas une mince affaire que de poser nos
cervelles sur la balance de nos idoles. Nos glaives s'aiguisent
et s'épointent au Moyen Orient. La voix de nos songes et de nos
corps y fait chorus. Ici un peuple croit retrouver son ciel de
pierres parlantes, là une nation enracinée dans son sol entend
défendre un Jupiter incorporel et qui fait respirer ses arpents
dans tout l'univers. Les deux peuples pèsent le verbe exister
sur des balances cérébrales d'inégale qualité. L'Olympe transcendantal
de l'un parle l'arabe et se donne des lieux incandescents: la
Mecque est son oasis de paix, les mosquées ses demeures ascensionnelles.
Car le "corps" d'Allah est le mouton de la communion des fidèles
avec leur propre altitude supra-terrestre. L'autre se donne pour
temple et pour témoins les Shalit d'une chair sans voix. Les deux
divinités demandent à leurs fidèles: " Qui êtes-vous" ? Alors
les fidèles se tournent vers leur corps surnaturel et lui disent:
"Et toi, qui es-tu ? "
Le
6 novembre 2011