1
- Un christianisme à dos d'éléphant
2
- L'Etat du faux-savoir
3
- Les arrivistes de Dieu
4
- Une anthropologie spirituelle des trois monothéismes
5
- L'ambition spirituelle de la raison et l'anthropologie
fondamentale
6
- Notre regard sur les faux dieux
7
- La cachette d'Allah
8
- Qu'est-ce qu'un dieu mort ?
9
- Les résurrecteurs
10
- Un itinéraire
*
Lettre
aux intellectuels tunisiens (suite)
1- Un
christianisme à dos d'éléphant
Puissent la faiblesse d'esprit et l'immoralité politique qui frappent
de plein fouet la classe dirigeante française d'aujourd'hui accélérer
le mûrissement, dans les profondeurs de notre nation et de la
vôtre, de la question de savoir pourquoi tous les peuples de la
terre se proclament à la fois les propriétaires et les serviteurs
des dieux tartufiques qu'ils installent dans le vide du cosmos,
alors que les personnages célestes censés camper hors de l'enceinte
de leur crâne et dont ils se racontent l'histoire se révèlent
des tueurs dociles à la morphologie et au tempérament que la géographie,
le climat et les mœurs de l'endroit imposent à leurs récits sacrificiels.
Et pourtant, au fond de leur cœur, les soumis les plus intelligents
savent fort bien que l'existence ou l'inexistence hors de leur
conque osseuse de leurs interlocuteurs meurtriers dépendent tantôt
de l'effroi qui les contraint de les proclamer réels de peur de
se voir roués de coups, tantôt de leur vaillance à les reconnaître
pour fantomatiques par nature et par définition, donc pour physiquement
inoffensifs.
Vous vous apprêtez à servir de guides spirituels aux théoriciens
de la laïcité avortée de la France, parce que vous vous demandez
maintenant avec insistance ce que signifie le verbe exister
appliqué à celui qui, dans vos cœurs, vous parle de vos frères
de Palestine. Chez nous, la question de l'agonie de notre prochain
a débarqué dans la République en 1997, quand le pape Jean-Paul
II s'est présenté couvert d'or et de pierreries dans les rues
de notre capitale. Savez-vous qu'il nous a crié d'une voix de
stentor: "France, qu'as-tu fait des promesses de ton baptême"?
Et nous nous disions les uns aux autres: "Notre prochain paraderait-il
sous la tiare de diamants de ce maharadja de la dévotion? Quelles
sont les promesses d'un baptême roulant carrosse?" Or, l'appel
à la foi que nous adressait ce souverain oriental avait rassemblé
sur le pavé de Paris des foules plus nombreuses que celles de
1804, quand Napoléon avait promené Pie VII plusieurs mois durant
dans la "Rome de la Liberté".
Rien
ne s'était-il donc passé depuis 1789 dans les entrailles du verbe
exister appliqué à des divinités? Savez-vous que le spectacle
de notre souverain porteur des chamarrures de la sainteté a paru
sacrilège à nos philosophes de la piété? Savez-vous que la religion
des grands chambellans de la foi a provoqué un électrochoc tellement
violent au sein des classes moyennes nées depuis un siècle de
notre éducation rationnelle que nous nous sommes regardés avec
incrédulité dans le rétroviseur de notre histoire? Savez-vous
que c'est avec stupéfaction que nous avons découvert dans nos
têtes le chemin vers nos semblables que la République de la raison
nous a fait parcourir à notre insu dans notre tête ? Quel spectacle
que celui d'un Pontifex maximus couvert de broderies et
véhiculé sur la sella gestatoria des empereurs romains!
Ce théâtre d'une foi apeurée par des raclées posthumes s'est révélé
tellement blasphématoire que le catéchète à dos d'éléphant nous
a renvoyés aux fastes et à la pompe du Moyen Age. Quel rendez-vous
des cœurs avions-nous avec un Olympe aussi pompeux que celui de
Jean Paul II, quels étaient les problèmes de conscience que nous
posait depuis des années notre baptême en Palestine?
2
- L'Etat du faux-savoir
Cependant,
l'heure n'avait pas encore sonné, pour la laïcité française, de
s'enraciner dans une connaissance moins acéphale du genre humain
et de retrouver la vocation élévatoire que notre raison du XVIIIe
siècle avait fait connaître au monde. Nous avons été aidés dans
notre conversion à la lucidité ascensionnelle de nos anciens philosophes
par le fac-similé d'un Président de la République dont l'effigie
se trouve encore partiellement en exercice parmi nous et qui a
tenté de reprendre à son compte l'entreprise avortée de son prédécesseur
de reconquérir d'un seul coup l'électorat catholique du pays.
Mais impossible de rompre d'un coup de hache avec un demi-millénaire
de la philosophie mondiale dans laquelle la France de l'esprit
critique s'est illustrée. L'ambition politique de redonner à la
nation née de la Révolution le rang de "fille aînée de l'Eglise"
qu'elle n'avait affiché que sous les Capétiens s'est révélée si
ridiculement d'un autre âge qu'elle a sombré dans un sacré grandguignolesque.
Et pourtant, ne croyez pas que l'Eglise catholique souffrit la
première et le plus durement de cette mascarade; tout au contraire,
la victime en fut notre république. Pourquoi se trouvait-elle
si ridiculement décérébrée, estropiée et défigurée par notre laïcité
tâtonnante? Pourquoi le spectacle le plus criant résidait-il maintenant
dans l'étalage des armoiries de l'ignorance, de la sottise et
de la vulgarité au sein de notre Etat démocratique?
Comprenez
l' humiliation, pour les descendants des Diderot et des Voltaire,
mais également des Pascal, notre incandescent du vide, d'une civilisation
pseudo-rationalisée et rendue logicienne à titre épidermique seulement,
comprenez l'abaissement d'une France tombée dans le chaos intellectuel.
Quel théâtre que celui d'une inculture à laquelle nos caricatures
scolaires de l'esprit religieux avaient conduit une raison demeurée
si altière et si cohérente au XVIIIe siècle ! Les procès du chevalier
de la Barre et de Calas avaient inspiré à nos philosophes une
pénétration d'esprit nouvelle, une profondeur psychologique et
un sens de l'histoire inconnus avant eux, mais également une charité
trans-sacerdotale et qui disqualifiait la foi cléricalisée, privée
de grandeur morale et stérile des monarques de nos dernières liturgies.
Et maintenant, elles se sont éteintes, les Lumières qui avaient
ennobli de vaillance les intelligences alors apeurées sous la
férule de l'Eglise.
3
- Les arrivistes de Dieu
A
l'occasion de son intronisation à la fonction traditionnelle de
chanoine de Latran que Rome réservait depuis 1482 aux rois de
France, M. Nicolas Sarkozy avait aggravé la maladie qui frappait
notre laïcité étriquée. Quel Béotien d'une religion anoblie par
ses témoins sommitaux, quel ilote qu'un Président étranger à l'âme
élévatoire de la sainteté! A ce compte, les barbares, c'étaient
nous. Pourquoi notre raison s'était-elle avilie, pourquoi notre
citoyenneté était-elle devenue indigne de la foi brûlante des
Jean de la Croix ou des François d'Assise?
M.
Nicolas Sarkozy était un petit arriviste à la vue courte, mais
aux dents longues. Sans l'aide que la presse corrompue de l'époque
lui avait apportée et qui avait servi de marchepied à ses ambitions,
jamais il n'aurait été porté par le peuple à la présidence de
la République des Renan et des Victor Hugo. Aussi n'avait-il pas
craint de comparer la ténacité et l'énergie du démagogue dont
il avait fait preuve au cours de sa campagne présidentielle à
ces mêmes qualités éminentes que Benoit XVI était censé avoir
illustrées afin de se hisser, de son côté, sur les coussins de
velours du trône de Saint Pierre. Puisque cette scène de Feydeau
ou de Courteline s'est déroulée sous les yeux sidérés de la planète,
puisse-t-elle jouer le rôle d'un déclic culturel au sein de votre
élite politique. Mais vous êtes mieux placés à Tunis que nous
à Paris pour nous dire pourquoi le cerveau d'Adam apprête des
idoles à l'école des bouchers de son histoire; car les religions
que se donne notre espèce recèlent sûrement les secrets anthropologiques
de Caïn. L'Allah pensif qui germe dans vos têtes et dans vos cœurs
nous éclairera sur les arcanes zoologiques du dédoublement cérébral
dans lequel le langage a fait tomber notre espèce.
4
- Une anthropologie spirituelle des trois monothéismes
Voici,
pour votre instruction les dernières nouvelles de l'histoire de
l'encéphale de notre espèce . Si je vous expose rapidement les
travaux les plus récents de nos philosophes - et cela dans l'état
d'inachèvement où ils se trouvent - c'est afin de vous suggérer
de conduire la raison de ce siècle vers les rivages riants, mais
encore lointains, d'une connaissance du fonctionnement tant psychique
que politique de nos trois dieux uniques et d'abord d'Allah. Je
me sens encouragé à confier à votre génie naissant les espérances
d'une raison que nous avons estropiée depuis 1905, parce que l'engagement
solennel auquel vous avez souscrit et que j'ai rappelé plus haut
vous conduit tout droit à situer la Palestine au cœur du combat
politique de la planète de demain.
Mais
pour cela, la Tunisie devra occuper le rang de la première démocratie
musulmane dont la vocation pédagogique l'appellera à servir de
guide spirituel à la pensée laïque mondiale; et ce combat d'une
raison en marche, sachez que vous ne le gagnerez que si vous disposez
d'une balance à peser l'âme et l'esprit de Jahvé, d'Allah et du
dieu cloué sur une potence. Et pour cela, comment n'acquerriez-vous
pas en tout premier lieu une connaissance proprement politique
des vices de fabrication et de fonctionnement de Jahvé, d'une
connaissance proprement politique du "corps spirituel"
d'Allah, d'une connaissance proprement politique du dieu censé
s'être incarné des chrétiens?
Je
comprends votre effroi de vous précipiter dans une anthropologie
grouillante de sacrilèges ascensionnels, mais l'avenir d'un humanisme
spirituel dépendra de l'audace de votre connaissance des secrets
élévatoires des dieux anciens et nouveaux. Il n'est pas de destin
plus anagogique de la laïcité que de conduire la raison du XVIIIe
siècle français et du monde arabe de demain à une connaissance
blasphématoire, donc féconde, de la grandeur et de la petitesse
des dieux d'hier et d'aujourd'hui.
5 - L'ambition spirituelle
de la raison et l'anthropologie fondamentale
Vous
savez que la question à poser est la suivante: si Allah existe
nécessairement, puisqu'il manifeste sa présence, primo
dans l'âme et l'esprit de ses fidèles d'hier, d'aujourd'hui et
de demain, secundo, sur les champs de bataille de l'histoire
théologique des peuples et des nations, tertio dans la
culture des siècles passés et de notre propre siècle, quarto,
dans l'univers de nos rites et de nos liturgies immuables ou changeants,
quinto dans l'évolution de la morale universelle, donc
dans les mutations des notions de "Bien" et de "Mal", comment
se fait-il qu'il appartienne désormais aux philosophes et à eux
seuls d'approfondir la réflexion sur l'espèce de raison polymorphe
à laquelle la vie onirique du genre humain est livrée, afin de
tenter de préciser le sens qu'il nous faudra donner au terme d'existence
appliqué aux Célestes en général et en particulier aux trois dieux
distincts et pourtant censés se concentrer vigoureusement en un
seul - Jahvé, Allah et le dieu réputé s'être incarné en un homme
que vénèrent les chrétiens?
Pour
que Socrate le symbolique succède à Isaïe ou à Jérémie dans l'interprétation
des dieux, et pour que la philosophie devienne le berceau nouveau
de la "vie spirituelle" de l'humanité, il vous faut mettre en
lumière la vocation prophétique qui appartient en particulier
à la pensée rationnelle, donc préciser le statut auto-sacrificiel
propre à la pensée critique. Car le grand Athénien ne s'immole
pas sur l'autel d'Iphigénie, mais sur l'offertoire invisible de
l'ascèse intellectuelle. C'est pourquoi notre époque fait face
à un péril mortel et pourtant plein de promesses: d'un côté, notre
civilisation cherche désormais ses propitiatoires délivreurs dans
les victoires de la science et les exploits de l'intelligence,
de l'autre, nous nous efforçons de nous placer au-dessus de ces
deux autorités naïvement oraculaires afin de les définir,
donc de les enfermer à leur tour dans l'enceinte du sens qui leur
appartient. Mais si nous y parvenions, nous disposerions d'une
science de notre science et d'une intelligence de notre intelligence
et nous serions transportés dans un monde non seulement transcendant
aux prétentions de ces faux savoirs, mais qui les engloberait
dans son filet, d'une tout autre manière que Newton englobe Copernic
et Einstein Newton.
6
- Notre regard sur les faux dieux
De même, nous demander qui est Allah, c'est partir à la recherche
du regard intérieur qui nous gratifierait d'un regard de l'extérieur
sur un nain, un Allah de petit gabarit, le petit poucet dont nos
congénères se satisfont encore. L'ambition spirituelle de la pensée
de toiser les dieux au rabais est-elle blasphématoire à l'égard
de ces garçonnets, ou bien, au contraire, est-elle seule véritablement
sacrée et seule réellement religieuse? Car enfin, nos prophètes
n'ont jamais rien tenté d'autre que de purifier l'idole ridicule
de leur siècle et, par conséquent, d'accoucher d'une divinité
infiniment supérieure à la précédente - celle au nom de laquelle
ils jetaient l'ancienne aux ordures.
Mais de quelle hauteur les prophètes reçoivent-ils le regard sommital
qu'ils portent sur les dieux des Pygmées? Quel est le globe oculaire
qui les autorise à précipiter les faux dieux dans le néant? N'appartient-il
pas à votre connaissance de la rétine des prophètes de loger cette
interrogation-là à la source de votre anthropologie fondamentale?
Ne pensez-vous pas que si votre philosophie de la raison ne suffisait
pas à porter votre regard sur la raison supérieure dont s'inspirent
les prophètes, votre pensée manquerait de la dimension qui lui
permettrait de se jeter elle-même à la poubelle? Vous devez donc
porter votre raison jusqu'au télescope dont le miroir vous permettrait
d'apercevoir de loin l'encéphale des prophètes. Comment feriez-vous
franchir cette distance aux bésicles de la laïcité myope de la
France!
Car
le regard que notre raison embryonnaire s'efforce de porter sur
les dieux infirmes est celui qui cherche à tracer l'ultime frontière
à laquelle le "Connais-toi" socratique est susceptible d'accéder.
Or l'histoire, la géographie, la langue et la religion de la Tunisie
font de votre pays le centre stratégique de la guerre aux dieux
estropiés et manchots, parce que vous vous trouvez pris en étau
comme aucune autre nation de la côte africaine de la Méditerranée
entre une raison occidentale coupée de toute réflexion en profondeur
sur la spécificité de notre espèce, d'une part, et d'autre part,
une culture arabe appelée à demander à ses philosophes quel est
le véritable Allah et sur quel sommet cette divinité peut bien
se trouver.
Or,
le déshabillage des idoles auquel la pensée du XXIe siècle se
livrera sur la terre entière a commencé depuis belle lurette.
Vous avez appris qu'Allah ne porte pas de vêtements d'emprunt,
vous savez qu'il ne trône pas sur je ne sais quel Olympe, vous
savez qu'il ne recourt pas aux mêmes couturiers que les Anciens
appelaient à cacher la nudité de Mars, de Vulcain ou de Jésus-Christ,
vous savez également qu'il ne se trouve ni dans son clergé, ni
dans ses liturgies, ni dans les exploits que les théologiens d'autrefois
attribuaient au tranchant de son glaive sur les champs de bataille
du monde, ni dans quelque zéphyr souffleur.
7 - La cachette d'Allah
Et pourtant, c'est votre raison, la vraie, celle dont vous vous
demandez d'où elle accourt, c'est votre raison d'incendiaires,
c'est votre raison d'ailleurs qui vous dit que vous êtes les isaïaques
de la pensée critique du monde, c'est votre raison de feu qui,
au plus secret de votre intelligence, vous demande où Allah peut
bien se cacher. Vous ne savez pas encore quelle est sa demeure,
mais vous savez fort bien où vous ne le trouverez jamais, vous
savez fort bien qu'il n'habite pas les faux apôtres de la démocratie
mondiale qui passent au large de la Palestine le nez dans leur
bréviaire des droits de l'homme, vous savez fort bien qu'il n'a
pas élu domicile dans les pieuses litanies que chantonne l'Occident
de la "Liberté" et de la "Justice", vous savez fort bien qu'il
ne campe pas dans les invocations contrefaites et les liturgies
apprises de la fausse religion d'une "raison" qui ignore votre
prochain.
C'est un grand avantage stratégique de savoir où Allah n'a pas
planté sa tente. Je dirai même que, plus elle est infinie, l'étendue
dont il a fui la boue, plus vous rôdez autour de sa demeure véritable,
parce que son absence ne cesse de rétrécir le territoire où il
vous faut vous mettre à la recherche de son parfum; et plus se
rapetisse le territoire où vous avez des chances de le rencontrer,
plus vous brûlez. Car il est étroit, le pays d'Allah sur la terre.
Quel prodige que votre raison fasse de vous des théologiens d'Allah
l'insaisissable ; mais quelle heureuse surprise que votre laïcité
cherche l'odeur d'Allah l'incapturable, quelle chance que votre
futur gouvernement vous ait d'ores et déjà avertis qu'il vous
appartiendra de chercher Allah l'Inconnu sur les pistes de l'
intelligence, de la logique et de la dialectique du "Connais-toi"
qui vous attend.
Mais
à force que l'espace où se cache Allah se resserre, vous voici
tout près de courir en direction de votre cœur. Vous y êtes aidés,
il est vrai, par le spectacle de toute la terre habitée; car le
monde entier vous présente le théâtre d'une ville d'un million
sept cent mille habitants assiégés par les héros au cœur sec de
la "Liberté" et de la "Justice". Si vous n'habitiez le cœur d'Allah,
comme vous erreriez parmi ossements desséchés et les vaines reliques!
C'est
à se demander si Allah n'étale pas l'immensité de son absence
afin de vous conduire à la découverte du diamant le plus précieux,
celui de son cœur et du vôtre confondus. Si vous trouviez le cœur
d'Allah à Gaza, dites-le nous - nous annoncerions la bonne nouvelle
au monde entier.
8 - Qu'est-ce qu'un
dieu mort ?
Mais alors, vous allez faire débarquer la raison et l'intelligence
dans la politique mondiale et vous demanderez à vos philosophes
de la laïcité pourquoi Jahvé a échangé le soldat Shalit contre
un menu fretin de mille vingt-sept de vos frères en Palestine;
et vous apporterez à la pensée de l'Occident les promesses d'une
véritable anthropologie scientifique des religions. Car vous radiographierez
les trois dieux uniques à la lumière d'une raison armée du télescope
évoqué ci-dessus et qui vous apprendra qu'Allah le compatissant
et le miséricordieux répond à un autre modèle de construction
de votre tête que celui qui préside encore et jour après jour
à la fabrication de Jahvé. Et pour vous initier plus rapidement
à cette science nouvelle de votre cœur, vous demanderez ce qu'il
en est du "corps de Jahvé" et du "corps d'Allah", tellement les
dieux privés de "corps" se reconnaissent à la recherche désespérée
de leur charpente à laquelle ils ne cessent de se livrer. Voyez
comme Jahvé se met à la chasse de sa chair et de son sang. Il
les cherche dans le granit du mur des lamentations, et dans tous
les quartiers de Jérusalem, et dans les rites cultuels à l'aide
desquels il rassemble ses fidèles au cliquetis de son squelette.
Allah, lui, vous informe que votre corps spirituel s'appelle votre
prochain.
Voyez
comme la laïcité véritable a rendez-vous avec l'anatomie comparée
des dieux, voyez comme la corruption des Célestes s'attaque aux
démocraties privées du vrai corps que l'humanité est à elle-même,
voyez comme votre science d'Allah éclaire votre raison sur la
véritable nature des Etats, tellement seule une anthropologie
des théologies monothéistes donnera à la Tunisie de demain son
élan et son souffle politiques. Mais c'est également à la condition
que vous deveniez à vous-mêmes la chair invisible d'Allah que
vous aurez en mains les clés de votre combat pour le sauvetage
de vos frères palestiniens . Si votre laïcité ne vous enseignait
pas le corps ascensionnel d'Allah, comment armeriez-vous vos frères
face au Jahvé sans âme et sans feu que vous voyez errer parmi
les pierres et qui se trouve réduit à échanger la charpente du
soldat Shalit contre une marchandise sans valeur à ses yeux!
9 - Les résurrecteurs
Vous
voyez bien que les vrais dieux ont un "corps", vous voyez bien
que ce "corps" est élévatoire, vous voyez bien que les dieux privés
de "corps" n'ont pas d'assise ascensionnelle dans vos cœurs. Mais
encore une fois, que vaudrait votre politique si votre laïcité
n'avait pas de "corps surnaturel" à servir, si la Tunisie démocratique
manquait de la science d'Allah" qui élèvera votre patrie au rang
d' un corps surréel, d'un corps vivant et respirant, d'un corps
à l'école et à l'écoute de votre justice et de votre liberté?
Sachez
que le faux dieu qui cherche son corps parmi les cailloux et la
poussière est une idole et que les idoles sont condamnées au nanisme
politique. Comment un "vrai dieu" demeurerait-il sans prise réelle
sur l'histoire? Comment un "vrai dieu" ignorerait-il que les cœurs
habités d'une intelligence de feu sont les moteurs d'Allah? Quel
Pygmée, le faux dieu qui vous change la chair du soldat Shalit
en un objet coté à la bourse des corps sans âme et sans voix!
Mais sachez qu'un dieu privé de "corps céleste" dans les âmes
jettera bientôt ses propres fidèles au rebut - d'ores et déjà
Shalit n'est plus que poussière aux yeux de Jahvé. Que votre Allah
soit votre corps spirituel, que votre Allah soit la chair ascensionnelle
de l'humanité et vous saurez pourquoi Jahvé ne voit, dans les
mille vingt-sept musulmans extraits des geôles d'Israël qu'un
objet de troc en regard du corps en or massif de Shalit.
10 - Un itinéraire
Voici
un itinéraire qui aidera votre raison à ouvrir l'œil sur la raison
d'Allah. Les trois étapes principales qu'a parcourues la piété
des hommes d'autrefois sont les suivantes. Quand les Grecs dégoulinants
du sang de leurs sacrifices avaient épuisé toutes les ressources
de leurs immolations d'hommes, de vierges et d'animaux domestiques,
ils se résignaient à subir la loi de la fatalité à laquelle l'univers
était soumis à leurs yeux. Quand les chrétiens avaient fatigué
un ciel aveugle de leurs prières sans écho, ils se disaient que
les affaires humaines demeuraient décidément trop indignes de
l'omniscience et de l'omnipotence de leur divinité et ils s'emmuraient
dans leurs boîtes aux macérations afin d'accélérer, à l'école
de leur suicide dans l'ascèse, leur entrée au paradis accessible
à leurs cloîtres seulement.
Mais
la Tunisie du sang socratique appellera votre laïcité à l'incandescence
de l'intelligence spirituelle, parce qu'il est devenu vain de
substantifier les dieux affamés et rapaces et de leur dresser
des statues, même doctrinales. Voici que les armes de l'apocalypse
ont élevé les nations au rang de Célestes auto-neutralisés par
la fatalité qui les conduit par la main à s'entendre entre eux
ou à se pulvériser en chœur sous le soleil de leurs idoles.
Si votre laïcité vous initiait à la science de l'âme, notre civilisation
sortirait du caveau mortuaire dans lequel repose son humanisme
trépassé. Que demeure-t-il de la foi de l'islam, sinon ce qu'elle
a de plus précieux, votre cœur tout brûlant du corps spirituel
d'Allah? A vous d'entrer dans la lumière des résurrecteurs de
l'intelligence. .
Le
27 novembre 2011