*
Introduction
A
- M.
Hervé de Charette fait débarquer Israël dans le débat public
La question
que M. Hervé de Charrette a posée le 24 mars au Gouvernement
- et nommément à M. Bernard Kouchner - sur les relations que
la France entretient avec Israël marquera un tournant décisif
de la politique tant française qu'internationale, parce que,
pour la première fois, une nation européenne de grand poids
aura pris position dans l'enceinte de son Assemblée Nationale
sur un drame aussi universel que celui de l'éthique que la
démocratie mondiale foule aux pieds au Moyen Orient.
Ni le nazisme,
ni le stalinisme n'avaient fait accoucher un Parlement d'un
débat de cette envergure et de cette portée. L'ancien Ministre
des Affaires étrangères a pris acte, non seulement de ce qu'aucune
civilisation ne peut assister au spectacle de l'agonie d'une
vaste cité dans son sein, mais de ce que la planète dite des
droits de l'homme ne se relèverait pas de s'être croisé les
bras et d'avoir détourné le regard d'un camp de concentration
étalé à ciel ouvert sous l'œil des caméras du monde entier.
Du coup, l'enjeu
le plus profond se révèle philosophique au premier chef. Du
reste, dès le 10 mars dernier, la fondation Kant de Freiburg
apostrophait le Gouvernement allemand sur l'immoralité d'une
session commune du gouvernement allemand et du gouvernement
israélien prévue pour le 18 janvier 2010.
- La
morale kantienne et le clostridium botulium béhachélien,
7 mars 2010
Il y a longtemps
que l'avenir mondial de la réflexion philosophique passe par
une révolution copernicienne du regard et des méthodes d'une
anthropologie prématurément qualifiée de scientifique, mais
qui, un siècle et demi après Darwin et un siècle après la
découverte du continent de l'inconscient n'a pas osé conquérir
un regard de l'extérieur sur le genre humain en tant que tel,
alors même que la science politique et la philosophie en appellent
à une synergie entre la méditation critique propre à chacune.
Certes, le regard de la pensée spectrographique fait le fond
de la philosophie depuis Platon ; mais un nouvel avenir s'ouvre
tout grand quand la raison des généalogistes de la barbarie
dispose d'images de l'évolution de la gangrène à l'échelle
de notre astéroïde et que le champ de vision des lucarnes
de l'ubiquité peut se focaliser sur une plaie filmée.
2
- Un tournant de la politique internationale
La politique
internationale se trouve au tournant le plus crucial qu'elle
ait connu depuis 1945, parce qu'au début de 2009, M. Barack
Obama déclarait encore, que l'Amérique allait reprendre en
mains les rênes de l'univers, c'est-à-dire retrouver la domination
de la planète, ce qui s'exprime en anglais par une litote
bien connue, le leadership. Mais pour régner, il faut diviser
l'adversaire, donc mettre des puissances régionales en rivalité
les unes avec les autres. Cette politique a fait la puissance
de la couronne d'Angleterre au XIXe siècle ; mais elle n'est
plus appropriée à la conduite du monde du début du IIIe millénaire
: la Chine, l'Inde, la Russie, l'Amérique du Sud et même l'Europe
chapeautée par l'OTAN depuis six décennies ne se laisseront
pas réduire plus longtemps au rang de puissances locales,
donc secondaires.
C'est pourquoi
les Etats-Unis augmenteront, comme d'habitude, mais en vain,
leurs dépenses militaires de sept pour cent cette année, en
application du principe déjà connu des orangs-outangs, mais
menacé de vétusté, selon lequel toute puissance guerrière
périclite si elle n'exerce un pouvoir hurlant sur les imaginations,
même si aucun adversaire réel ne présente ses toisons à la
lisière de la forêt. Mais le télescope de l'anthropologie
critique nous signale l'apparition d'une fissure au sein de
la politique internationale entre le tétanisant simiohumain
originel - la massue des grands singes - et la naissance du
premier des arts, la diplomatie. C'est pourquoi les Etats-Unis
ont beau avoir porté la surface de leur "ambassade"
à Bagdad au double de celle de l'Etat du Vatican, ils ont
fait tout récemment le constat que l'Islam, autrefois marginalisé,
puis la Chine, l'Inde, l'Amérique du Sud et même l'Afrique
se placent désormais au cœur de la gestion de notre astéroide.
Tel est le sens
du discours que M. Barack Obama a prononcé au Caire le 6 juin
2009. Mais du coup, l'alliance de Washington avec Tel Aviv
ne parvient plus à figurer l'axe central du mythe de la Liberté
et de la Justice; et Israël peut bien régner sur le vote des
députés de la Chambre des Représentants et sur celui du Sénat
américain au profit de son expansion territoriale au Moyen
Orient depuis 1947, les intérêts du peuple hébreu et ceux
de la nation d'Abraham Lincoln se séparent inexorablement.
Tel est l'objet de la conversation secrète entre M. Benjamin
Netanyahou et M. Barack Obama que j'avais cru pouvoir annoncer
le 21 mars et qui s'est effectivement déroulée quelques jours
plus tard. J'en publie ci-après un compte-rendu. Au lecteur
de le lire soit comme le premier acte d'une tragédie sur laquelle
le rideau vient seulement de se lever, soit comme un voyage
dans l'imaginaire sur lequel le rideau de l'oubli va tomber.
3
- Le retour de Kant dans la géopolitique
Je rappelle
que le célèbre discours de M. Barack Obama du 6 juin 2009
au Caire exprimait les vœux masqués sous l'exploit verbal
que je lui attribuais à titre fictif dans la même ville le
4 juin et qui explicitait la dimension sacrificielle de la
politique dans laquelle il allait fatalement se trouver engagé.
- Barack
Obama en Egypte: "Je serai assassiné" ,
4 juin 2009
Il était évident
à mes yeux que ce Président serait assassiné, non point par
un Brutus de la démocratie mondiale, mais par le Sanhédrin.
Aujourd'hui,
l'échéance de son assassinat s'est dangereusement rapprochée.
Mais l'antinomie entre le contenu de la conversation réelle
entre les deux hommes d'Etat du 22 mars et celle que j'ai
imaginée ci-dessous souligne l'aporie psychogénétique qui
se placera demain au cœur de la géopolitique simiohumaine
du sacrifice suicidaire et qui nous ramènera à "l'impératif
catégorique" dont Kant avait armé les évadés de la zoologie.
Car il sera révélé que M. Barack Obama a vendu une éthique
encore semi animale à son interlocuteur et au monde entier.
Tel est le sens zoologique de sa promesse solennelle de cautionner
le massacre de Gaza aux yeux de la conscience universelle
en échange d'un marché, c'est-à-dire de son engagement à ne
pas oppser le veto des Etats-Unis aux révélations du rapport
Goldstone si, de son côté, si M. Benjamin Netanyahou voulait
bien céder en apparence sur quelques points marginaux. Mais
l'analyse anthropologique de l'évolution des civilisations
démontre que l'immolation des principes moraux universels
sur l'autel des intérêts momentanés des Etats est un boomerang
qui les anéantit en retour.
Le dialogue
fictif que j'ai mis en scène tente d'éclairer le fond du drame
: que restera-t-il non seulement des idéaux de l'Amérique,
mais de ceux de la civilisation démocratique mondiale quand
M. Barack Obama aura hissé le drapeau de l'arbitraire au sommet
de l'édifice du droit international public ? C'est pourquoi
l'anthropologie prémonitoire de Kant se place de plus en plus
au centre de l'éthique de la politique de la planète.
- La
morale kantienne et le clostridium botulium béhachélien,
7 mars 2010
4
- Gessler à Gaza
Dans son Guillaume
Tell, Schiller a mis en scène la légende selon laquelle le
bailli Gessler avait fait hisser son chapeau au sommet d'un
poteau planté sur la place centrale de la ville d'Altdorf,
capitale du canton d'Uri. Les habitants qui passaient devant
l'emblème de sa tyrannie devaient saluer ce symbole de leur
vassalité. L'anthropologie critique observe le genre humain
dans le miroir des chefs-d'œuvre de la littérature mondiale.
Quel tableau que celui de la démocratie planétaire conviée
par le Président des Etats-Unis à s'incliner devant le drapeau
de Gessler à Gaza !
*
Barack Obama : Il arrive rarement que les chefs d'Etat
se parlent sans fard et à visage découvert.
Benjamin
Netanyahou : Je dirais plutôt que cela n'arrive jamais,
puisqu'il nous est interdit d'ouvrir la bouche en notre propre
nom, mais seulement au nom de l'Etat et de la nation dont nous
empruntons un instant le visage et la voix.
Barack
Obama : C'est dire également que notre discours sonne
plus ou moins juste selon que nous représentons les peuples
que nous paraissons incarner un instant sur la scène du monde.
Benjamin Netanyahou : Vous avez raison, notre talent
se mesure à notre capacité de faire corps avec le pays dont
nous sommes les acteurs méritants ou indignes. Que dois-je attendre
de la plus grande puissance militaire que l'histoire ait jamais
connue? Votre flotte de guerre sillonne jour et nuit toutes
les mers du globe et vos garnisons se sont progressivement implantées
sur les cinq continents.
Barack
Obama : Mais nous n'avons pas conquis ce rôle et ce rang
par la force des armes. Nous devons notre ubiquité vigilante
aux explorateurs pacifiques qui, il y a un siècle seulement,
ont fini par nous donner notre astre tout entier à placer sous
la surveillante d'une éthique universelle, et cela exclusivement
pour le plus grand bien de l'humanité.
Benjamin Netanyahou : Mais il se trouve que les continents
placés sous le contrôle ou la domination de l'empire dont vous
dirigez la stratégie sont tellement divers et changeants qu'il
vous faut nécessairement vous adapter à leur caractère et quelquefois
à leur volonté de se donner à leur tour un rôle estimable sur
la terre.
Barack Obama : Vous êtes venu de vous-mêmes à la vraie
question. Parmi les peuples et les nations divers par leurs
langues, leurs dieux, leur histoire, leur géographie et le fonctionnement
de leur tête, il en est quelques-uns dont nous sommes condamnés
non seulement à rechercher l'alliance, mais la connivence et
parfois la complicité, parce que notre Dieu unique lui-même
ne saurait s'offrir le luxe de régner en solitaire sur la masse
immense de ses créatures.
Benjamin Netanyahou : Je suis heureux de vous l'entendre
dire.
Barack Obama : Le Pentagone estime à juste titre que
les multitudes dont l'empire américain a le plus grand besoin
sont celles des fidèles d'Allah, parce qu'elles se partagent
entre les gouvernements arabes et une population de plus d'un
milliard de musulmans dont le poids politique n'est pas soumis
à un sceptre unifié, mais dont la foi est la seule à demeurer
respirante à l'échelle du globe. J'estime également que nous
avons un besoin vital d'Israël: si vous rendiez hostile à nos
intérêts l'armée des disciples du Coran, nous n'aurions plus
d'avenir; car Allah s'allierait aussitôt avec l'Europe, la Chine,
la Russie, l'Afrique et l'Amérique du Sud, de sorte que l'équilibre
des forces dans le monde basculerait irrémédiablement en notre
défaveur.
Certes,
vous êtes parvenus à ruiner le projet d'alliance de la France
avec les Etats riverains de la Méditerranée et à stériliser
le rapprochement de Paris avec Damas. Mais que puis-je répondre
à mes conseillers diplomatiques ,qui sont unanimes à souligner
qu'Israël ne cesse de s'étendre au cœur de l'empire d'Allah
et que, non seulement le peuple hébreu combat sans relâche notre
influence au sein des Etats de Mahomet, mais qu'il gangrène
notre religion aux yeux de la terre entière, parce qu'il bafoue
les deux principes que nous avons proclamés universels et sur
lesquels repose notre pouvoir sur les esprits et sur les cœurs,
ceux de la Liberté et de la Justice. Si vous nous faites perdre
à la fois nos armes et nos dieux, que nous appelons maintenant
nos idéaux, vous nous précipiterez dans la tombe; et, si petit
que vous soyez, vous occupez un carrefour stratégique qui fait
de vous les vrais maîtres de notre vie et de notre mort. Que
répondez-vous à ce constat?
Benjamin
Netanyahou : Si je comprends bien votre argumentation, vous
reprochez à Israël de se trouver placé par un verdict de la
géographie sur le chemin de votre ambition, vous nous faites
grief de contrecarrer votre puissance, vous nous accusez de
faire obstacle à l'expansion de vos armes et de votre foi, dont
la légitimité conjuguée irait de soi parmi les récifs semés
sur votre route. La fatalité n'a pas toujours fait rendre cet
arrêt à la cartographie. Il fut un temps où votre glaive vous
appelait à délivrer les peuples opprimés au détriment d'Israël;
car il vous semblait, comme vous le dites de nouveau, que votre
évangélisme universel garantissait l'éternité de votre hégémonie
politique et militaire, mais au gré des circonstances. Aussi
n'aviez-vous pas de trésor plus inépuisable à distribuer sur
la terre que votre promesse d'assurer sans cesse à nouveaux
frais le salut et la rédemption de l'univers du moment.
C'est dans cet esprit que vous avez fait la guerre à la France,
au Royaume Uni et à nous-mêmes en 1957, parce qu'en ces temps
reculés, vous jugiez opportune la nationalisation du canal de
Suez par le colonel Nasser. Mais quelles terres Israël peut-il
bien tenter de reconquérir, sinon celles qu'un Dieu tardif,
un certain Allah, s'est annexé plus de six siècles après que,
de votre côté, vous ayez donné un fils à notre créateur du monde?
Ce n'est pas notre faute si le peuple hébreu n'a pas d'autre
territoire sur lequel s'étendre que celui dont la possession
légitime lui a été accordée à jamais par ses saintes écritures
. Nous aussi, nous avons nos livres sacrés ; et il me semble,
si je ne m'abuse, qu'ils sont un peu plus anciens que les vôtres,
puisque les déités verbales que vous avez placées sur le socle
de vos idéalités et dont vous avez fait vos idoles n'ont que
deux ou trois siècles d'âge.
Barack Obama : Revenons à l'examen des devoirs propres
aux hommes d'Etat.
Benjamin
Netanyahou : Puisque ce sont ceux là que vous appelez au
secours du sceptre et des verdicts de l'Amérique, comment se
fait-il que, depuis la nationalisation du canal de Suez, si
j'ai bonne mémoire, vous ayez défendu tout soudainement et avec
quelle ardeur les conquêtes territoriales d'Israël, comment
se fait-il que vous ayez opposé soixante sept fois votre veto
aux décisions des Nations Unies qui nous condamnaient de conserve
et au nom, précisément, des principes universels que vous ressuscitez
maintenant à notre seul détriment, comment se fait-il, dis-je,
que cette assemblée avait tout à coup si grandement raison,
à vous entendre, de nous condamner tous deux comme des chenapans
et au nom du Bien et de la Vérité, comment se fait-il, dis-je,
que vos dieux - vous les appelez la Justice, la Liberté et le
Droit - changent si souvent de bord qu'ils ont tout subitement
cessé de camper aux côtés des nôtres? Pouvons-nous réconcilier
nos bannières, pouvons-nous à nouveau les faire flotter côte
à côte dans le vent de l'histoire? Nos ciels ne vivaient-ils
pas en parfaite harmonie, ne se partageaient-ils pas un destin
commun du temps où nous leur rendions d'un commun accord un
seul et même culte et où nous étions deux à représenter dans
ses œuvres le créateur unique de l'univers?
Barack
Obama : Mais vous êtes devenus des guerriers perpétuellement
sous les armes. Nous n'avons pas conquis notre puissance à faire
en permanence la guerre à nos voisins, mais à courir à leur
secours.
Benjamin
Netanyahou : Je vous rappelle que votre victoire de Suez,
vous ne l'avez pas remportée seulement par la force des armes,
mais également par la menace de l'apocalypse nucléaire dont
vous n'avez pas hésité à brandir la foudre aux côtés de la Russie
de Staline. Sachez que Paris et Londres se souviennent de cela
et que les vieux peuples ont la mémoire tenace. C'est pourquoi
je vous demande quelles sont les parures définitives de la conscience
universelle dont vous vous réclamez maintenant. Comment expliquez-vous
le titanesque revirement auquel s'est livré le ciel du premier
empire militaire qui ait jamais enserré la planète tout entière,
comme vous l'avez rappelé à Oslo, comment légitimez-vous une
telle volte-face du royaume mondial de la paix? Dois-je comprendre
que vos dieux changent de cap et tournent casaque au gré des
circonstances ? Dois-je croire que bien fol est qui s'y fie?
Barack Obama : A mon tour de vous poser une question
sournoise. Vous venez de prononcer un grand discours devant
quatre cents membres du plus puissant groupe de pression dont
dispose votre pays sur notre territoire. Puis vous avez daigné
rendre une visite de courtoisie au vice-Président de cet Etat
et à sa Ministre des Affaires étrangères. Comment dois-je interpréter
la présence massive sur le sol de mon pays des représentants,
des défenseurs et des agents de vos seuls intérêts? Savez-vous
que le Sénateur Edouard Kennedy, décédé il y a quelques mois,
a lutté toute sa vie afin que les légions assermentées auxquelles
vous donnez vos ordres depuis Tel-Aviv ou Jérusalem soit soumise
au même statut que tous les autres groupes de pression des nations
étrangères dont nos lois légitiment les activités à notre détriment
jusque sur nos arpents? Vous seuls avez obtenu de bénéficier
des dispositions légales qui régissent exclusivement les entreprises
placées sous pavillon américain, vous seuls êtes parvenus à
priver l'Amérique de son drapeau sur sa propre terre, vous seuls
êtes autorisés à défendre souverainement et sans aucun contrôle
de nos autorités les intérêts d'un Etat étranger sur notre sol.
Benjamin Netanyahou : Raison de plus de vous demander
pourquoi, depuis un demi-siècle, vous défendiez les intérêts
d'Israël dans le monde entier et pourquoi le vent a soudainement
tourné.
Barack
Obama : Ma réponse, vous la connaissez aussi bien que moi:
à la suite de notre combat d'après guerre pour la décolonisation
définitive des peuples vilainement opprimés par Londres et Paris
et pour la victoire du droit de tous les peuples à disposer
librement d'eux-mêmes, vous avez réussi l'exploit inouï de conquérir
l'Amérique de l'intérieur et vous avez tiré le plus grand profit
du soutien sans faille de nos armes quand l'Egypte, que nous
avions libérée vingt ans auparavant, entendait expulser le nouveau
colonisateur de la Palestine, c'est-à-dire vous-même. C'est
alors que vous avez conquis sous nos yeux et les armes à la
main la moitié de la ville de Jérusalem ; et depuis lors, vous
avez installé deux cent mille colons dans la partie ouest de
cette ville. Comment voulez-vous que nous approuvions vos conquêtes
coloniales au sein de l'Islam, alors que nous avons combattu
celles de la France et de l'Angleterre dans le monde entier,
comment voulez-vous que votre expansion militaire demeure sans
frein sur la terre?
Benjamin
Netanyahou : Si je vous ai bien compris, nos conquêtes territoriales
sont soudainement devenues incompatibles avec la défense à long
terme des intérêts et des idéaux de l'Amérique dans le monde.
Barack
Obama : Depuis plus d'un an, nos généraux les plus glorieux,
Petraeus et Muellen ne cessent de tirer la sonnette d'alarme.
Je crains qu'ils en viennent à refuser au Président des Etats-Unis
qu'il sacrifie des soldats américains sur l'autel de notre alliance
pour la résurrection du "grand Israël des temps bibliques",
je crains que notre patriotisme nous fasse déserter ce champ
de bataille-là de la démocratie.
Permettez-moi de vous rappeler votre dette à l'égard de notre
nation. Le 8 juin 1967, vous avez assassiné traîtreusement trente-quatre
de nos marins sur l'USS Liberty. Alors que nous nous
trouvions dans les eaux internationales, nous avons intercepté
des messages de vos pilotes de chasse qui nous démontraient
qu'ils nous avaient identifiés. Vous avez aussitôt envoyé une
escadrille de Mirage et deux Super Etendard bombarder notre
bâtiment avec des missiles et des bombes au napalm. A votre
offensive aérienne a succédé votre attaque frontale: trois de
vos vedettes lance-torpille ont envoyé six missiles et arrosé
notre bâtiment du feu de vos mitrailleuses.
Outre
les trente-quatre fantassins de marine que vous avez tués au
cours de cette bataille inégale, cent soixante et onze blessés
gisaient sur le pont. Nos amiraux n'ont pas oublié que vous
avez tenté d'envoyer un fleuron de notre flotte de guerre et
tout son équipage par le fond et que seule l'escorte de destroyers
soviétiques, occasionnellement présents sur les lieux, a permis
à la carcasse éventrée de notre bâtiment réduit à une épave
de rejoindre la VIe flotte à petite vitesse - il y a fallu plus
de seize heures. Souvenez-vous que les Russes étaient alors
nos ennemis communs, souvenez-vous de ce que, n'ayant pas réussi
à nous couler, vous avez poussé la perfidie jusqu'à nous envoyer
un hélicoptère nous proposer votre "aide", que nous avons évidemment
rejetée avec tout notre mépris pour votre hypocrisie.
Pourquoi
tout cela en pleine guerre froide? Parce que l'USS Liberty contrecarrait
votre stratégie : vous vouliez écraser l'armée syrienne dans
le Golan et notre navire se trouvait équipé des oreilles électroniques
les plus modernes de l'époque. Vous craigniez que nous vous
imposions un cesser-le-feu qui aurait sauvé la face aux armées
arabes. Savez-vous que nous avons caché tout cela au peuple
américain et que nous sommes allés jusqu'à permettre que le
sang de nos marins ne serve qu'à interdire à notre patriotisme
de se mettre au travers de notre alliance sacrée avec vous.
Après un demi siècle au cours duquel vous vous êtes largement
vengés sur nous de votre défaite à Suez aux côtés de la France
et de l' Angleterre, vous nous mettez le dos au mur et en état
de légitime défense.
Benjamin Netanyahou : Et nous? Que dites-vous de la menace
atomique que l'Iran fait planer sur Israël? Vous n'entrez jamais
en guerre, dites-vous, que pour courir au secours de vos amis
et vous nous refusez l'appui de vos armes. Nous livrerez-vous
à un second holocauste?
Barack
Obama : Ah, parlons-en ! Vous essayez d'entraîner le monde
entier dans la manœuvre de diversion la plus cousue de fil blanc
de l'histoire. Que demande tout à coup votre groupe de pression
omnipotent à tous les membres de notre Chambre des représentants
et de notre Sénat? Chacun d'eux vient de recevoir le mot d'ordre
suivant: primo, que la terre entière dirige dorénavant
et pour longtemps son attention du seul côté de l'Iran, secundo,
que la conscience universelle s'abaisse subitement à feindre
que Téhéran menacerait de vous pulvériser, tertio, que
toutes les nations du globe courent sans perdre un instant et
à toutes jambes au secours d'un peuple hébreu prétendument en
grand danger. Quel titanesque montage diplomatique que de brandir
un péril imaginaire à l'échelle de la terre, quelle audace que
de tenter de détourner l'attention de la mappemonde du spectacle
de l'extension implacable des colonies d'Israël! Etes-vous sûrs
que la capacité cérébrale des citoyens américains et du reste
de l'humanité soit à ce point inférieure à celle du peuple de
Jahvé qu'une mise en scène de ce calibre puisse tromper longtemps
tout le monde? Croyez-vous que nous sacrifierons longtemps encore
notre patrie au profit d'Israël, alors que les vrais intérêts
des grands Etats finissent toujours par l'emporter sur les péripéties
qui leur font obstacle un instant?
Benjamin Netanyahou : Vous rendez-vous compte de ce que
la question de notre identité nationale se pose dorénavant à
la terre entière, vous rendez-vous compte de ce que la question
de l'âme et de la chair de notre nation contraint désormais
tous les Etats de la planète d'acquérir une connaissance plus
profonde des souffrances d' un peuple dispersé sur toute la
surface du globe depuis le premier siècle de notre ère , vous
rendez-vous compte de ce que nous sommes en mesure de déclencher
à l'échelle mondiale une guerre civile d'un type inédit, une
guerre des esprits dans laquelle la moitié de l'humanité sera
appelée à défendre le droit des peuples à défendre leur terre
et l'autre moitié, la légitimité des valeurs universelles que
vous avez grand intérêt à placer sous le sceptre de votre démocratie
planétaire, puisque vos intérêts politiques et militaires penchent
de nouveau du côté de ce ciel-là?
Barack
Obama : Tous les peuples ont un ciel et une terre ; et vous,
quelle est l'étendue du territoire que votre ciel vous ordonne
de conquérir les armes à la main?
Benjamin
Netanyahou : Une nation sans terre n'a pas d'identité tangible,
une nation sans terre flotte dans un vide où seul un vocabulaire
démocratique privé de substance la rattache tel ou tel pays
d'adoption.
Barack
Obama : Je vous ai demandé quelle surface vous entendez
occuper.
Benjamin
Netanyahou : Vous autres, Américains, vous affichez fièrement
votre appartenance aux cadastres d'une patrie pourtant toute
récente et vous nous livrez sans honte à des concepts impalpables.
Mais aucune collectivité ne peut se réfugier dans une identité
seulement verbale.
Barack Obama : Je vous parle de kilomètres carrés.
Benjamin
Netanyahou : Savez-vous que le gouvernement français a vainement
tenté d'effacer la mention des départements sur la plaque minéralogique
des voitures ? Savez-vous qu'il a aussitôt dû battre en retraite,
parce que des citoyens réduits depuis deux siècles à réciter
les principes philosophiques de 1789 se sont révoltés contre
une scolarisation politique aussi infantile? Comment se fait-il
qu'ils veuillent se présenter en ressortissants de tel lieu,
comment se fait-il qu'ils veuillent arborer un sigle distinctif
de leur provenance? Essayez donc de vous représenter la frustration
dont les juifs du monde entier souffrent dans leur âme et dans
leur chair. Ils peuvent bien, les pauvres, se déclarer Allemands,
Polonais ou Américains, mais non se réclamer d'un domicile atavique.
Barack Obama : Dois-je croire que vous enviez les banderoles
et les rubans du Minnesota, de la Californie ou du Massachussetts?
Quelle est votre topographie?
Benjamin
Netanyahou : Quand prendrez-vous conscience de ce que la
victoire de Titus sur Israël en 70 a pris une ampleur tellement
planétaire depuis 1947 que soixante ans seulement plus tard,
il est devenu impossible à tous les Etats de la terre de refuser
de prendre acte des conséquences politiques à long terme qui
en découlent et qui font, de toute l'histoire contemporaine,
un drame juif, et cela pour longtemps encore -le drame de notre
localisation sur la mappemonde? Vous allez maintenant jusqu'à
prétendre qu'il serait plus aisé de redonner au peuple hébreu
les terres qu'il occupait autrefois si nos conquêtes territoriales
ne se heurtaient à un obstacle pourtant bien secondaire, mais
que vous jugez insurmontable, celui de la présence sur nos terres
d'une civilisation arabe née seulement au VIe siècle. Pourquoi
présentez-vous cette difficulté comme invincible et de principe
au siècle du prétendu droit des peuples les plus récents de
disposer d'eux-mêmes au détriment des droits des peuples les
plus anciens?
Barack
Obama : Parce que telle est devenue l'exigence d'universalité
de la morale et de la conscience du monde, et cela, non point
depuis le VIe siècle, mais depuis le Golgotha.
Benjamin Netanyahou : Si c'est sur cette croix-là que
vos arpenteurs entendent nous clouer, prenez-y garde, la science
politique du XXIe siècle ne pourra s'offrir le luxe d'ignorer
longtemps encore à quelles extrémités guerrières un peuple injustement
privé de sa terre depuis vingt siècles pourrait se livrer afin
d'assurer sa survie. Réfléchissez-y à deux fois avant de nous
opposer vos géomètres; Israël dispose du pouvoir de clouer le
globe terrestre sur la potence que vous brandissez sous nos
yeux.
Barack Obama : Mais comment voulez-vous que l'Amérique
explique à tous les peuples de l'islam qu'il leur faut sacrifier
leurs droits à ceux des lopins extensibles de Jahvé?
Benjamin Netanyahou : Je vous en conjure, au nom du réalisme
le plus rationnel, posez sans crainte à l'islam la question
de notre droit de poursuivre notre expansion territoriale sur
les terres de notre Dieu, parce que ce droit est irrésistible,
donc inévitable et qu'il n'est pas sage de défier le cours divin
du monde. Sachez que nous sommes devenus le destin en marche
du genre humain tout entier, sachez que nous sommes devenus
les accoucheurs implacables d'une légitimité internationale
que la nécessité finira bien pas enfanter, sachez que jamais
votre humanisme superficiel et tout décoratif ne répondra à
une question aussi étrangère aux gentillesses apprêtées et aux
conventions de pacotille de votre civilisation que celle des
droits d'un peuple qui n'acceptera plus jamais qu'un verdict
de votre morale de propriétaires au petit pied nous renvoie
au statut d'un peuple de nulle part.
Barack
Obama : Un peuple serait-il une plante localisée sur la
mappemonde? Dans ce cas, pourquoi vous vantez-vous de votre
présence sur toute la terre? Pourquoi refusez-vous obstinément
de chiffrer l'étendue des terres que vous entendez conquérir?
Benjamin
Netanyahou : Parce que la spiritualité juive repose tout
entière sur le débarquement réel du royaume de Jahvé sur toute
la terre. Mais comment expliquez-vous que l'Ancien Testament
fasse encore la substance du réalisme politique de l'île d'Utopie
de votre Thomas More de 1518? Comment se fait-il que les chrétiens
eux-mêmes aient partagé cette croyance toute terrestre et qu'ils
la partagent encore? Souvenez-vous de ce que seul l'esprit positif
de la Rome des juristes a permis à l'Eglise catholique de reporter
dans l'au-delà l'espérance toute agricole des peuples chrétiens
du 1er siècle; souvenez-vous de ce que, de 1917 à 1989, c'est
l'intelligence juive qui a alimenté le réalisme planétaire du
rêve marxiste, souvenez-vous enfin de ce que seul un empire
de substitution, celui de l'argent-roi, a permis à Israël de
réinstaller son messianisme universel au cœur de vos concepts
intemporels. Qu'en est-il du ciel de vos abstractions démocratiques?
Ne pensez-vous pas que votre connaissance du genre humain est
demeurée tellement infirme que vous n'expliquez encore en rien
pourquoi nous sommes devenus, au cours des deux derniers millénaires,
à la fois l'armée inconsolable des orphelins du monde et l'armée
des conquérants de votre Liberté?
Barack
Obama : Si je vous comprends bien, vous me mettez en garde.
Un peuple sans terre et réduit à honorer les stèles de sa mémoire,
mais armé d'une foudre exterminatrice, serait, me dites-vous
un adversaire fort à craindre. Vous me dites, en outre, que
notre prétendue science historique, notre prétendue géopolitique
et notre prétendue connaissance de la condition humaine auraient
oublié que l'ignorance est la source de tous les maux et que
nous sommes demeurés des ignorants. Quelle sera votre stratégie
de l'épouvante?
Benjamin
Netanyhou : Je vous le dis solennellement, si la science
politique actuelle ne sait encore à quelle extrémité un fauve
traqué dans sa tanière peut se trouver contraint de recourir,
il n'est déjà plus temps, pour votre humanisme scolaire et bien
pensant, d'ignorer que ce fauve n'est pas privé de ses crocs
et qu'il échappera à ses poursuivants, il n'est déjà plus temps
de vous demander si l'Assemblée des Nations Unies de 1947 a
eu raison de légitimer un retour du peuple hébreu qui le rendrait
captif derrière des palissades, il n'est déjà plus temps, pour
vous, d'observer à la loupe comment votre décision de nous entourer
d'une clôture afin de nous rendre bien sages a été obtenue des
membres de cette autorité de supposés connaisseurs des peuples
et des nations. On ne saurait changer le passé, on ne peut qu'apprendre
à regarder le destin droit dans les yeux et à prévoir l'avenir.
Barack Obama : Quels sont, à vos yeux, le présent et
l'avenir des relations d'Israël avec nous?
Benjamin
Netanyahou : Si vous songez à renouer une fois de plus des
pourparlers dont vous ne sauriez ignorer qu'ils sont illusoires
par nature et par définition, pourquoi feignez-vous de les prendre
au sérieux? Qui peut croire que vous ignoreriez sincèrement
qu'il sera à jamais impossible, sinon avec des tanks - où les
prendriez-vous ? - de nous faire rebrousser chemin jusqu'aux
frontières de 1967, qui peut croire que vous ignoreriez sincèrement
l'impossibilité évidente d'affubler un Etat souverain d'une
capitale grotesquement scindée entre deux nations, qui peut
croire que vous ignoreriez sincèrement l'impossibilité de laisser
les réfugiés retrouver le sol de leurs ascendants, qui peut
croire que vous méconnaîtriez sincèrement l'étendue de notre
puissance?
Vous savez que nous sommes devenus les rois de la finance et
du système bancaire de la planète. Vous savez que les gouvernements
de la terre entière s'inclinent devant la puissance de nos groupes
de pression et de nos agents d'influence. Tous les pays civilisés
ont promulgué des lois sévères et copiées sur celles de la protection
de la foi du Moyen Age ; et c'est au nom d'une orthodoxie nouvelle,
celle de leurs démocraties, qu'ils jettent en prison ceux de
leurs citoyens qui pourraient déclencher une hostilité sacrilège
de leur population à notre égard. Ne pensez-vous pas que la
partie est largement perdue sur le champ de bataille du blasphème
pour les profanateurs du grand Israël et que nous retrouverons
intacte la puissance qui était la nôtre du temps de David et
de Salomon?
Barack Obama : Croyez-vous vraiment que l'histoire s'arrête
? Croyez-vous vraiment qu'une immobilité éternelle fixera le
temps des peuples et des nations au piquet de l'instant présent?
En vérité, il n'y a que deux espèces d'hommes, sur la terre,
ceux qui ont la vue basse et ceux dont le regard porte au loin.
Voyez ce que la guerre des orthodoxies et des hérésies vous
a fait perdre en un an seulement : vous avez attaqué le Liban
en violation du droit international, et maintenant, grâce aux
efforts de la France, un cordon de troupes de toutes les nations
de la terre, y compris de la Chine et de la Russie, veille dans
la région afin d' interdire à vos armes tout éventuel retour
sur les lieux, vous avez attaqué Gaza en violation du droit
international, et maintenant les peuples du monde entier crient
dans les rues: "Israël assassin!" Sans doute serez-vous appelés
à comparaître devant le Tribunal pénal international pour crimes
de guerre et crimes contre l'humanité.
Mais
que vous le soyez ou non, la cause est entendue aux yeux de
la planète. Vous avez perdu la guerre du sacré, vous êtes passés
du côté des hérétiques au sein des démocraties . A quels prophètes
allons-nous en appeler contre les profanateurs que vous êtes
devenus? Eh bien, je vais vous le dire: c'est dans vos rangs
que nous trouvons les héros solitaires de l'intelligence, les
rois de l'hérésie, les maîtres en sacrilèges. Ils s'appellent
Isaïe, Ezéchiel ou Daniel. Qu'allez-vous devenir si vos propres
prophètes vous clouent au pilori de la justice, de la liberté
et du droit, qu'allez-vous devenir si vos souverains des profanations
créatrices vous parlent sur petit écran et si l'image et le
son qui vous enserrent d'un réseau de surveillance mécanique
qu'aucune civilisation n'a connu fait de vous les otages moderne
du génie des contempteurs des idoles?
Benjamin Netanyahou: Le temps ne s'arrête jamais, le
temps ronge et renverse les empires, le temps a vaincu Gengis
Kahn, Attila, Hannibal, Alexandre, Napoléon, Staline et Hitler,
le temps vaincra vos vaisseaux de guerre sur tous les Océans,
le temps sapera vos mille places fortes répandues sur toute
la terre, le temps terrassera la statue de Bel d'aujourd'hui,
le dieu dollar.
Barack
Obama : La science historique de notre siècle terrassera
les roitelets David et de Salomon dont vous avez fait des personnages
mythologiques. Déjà, dans le monde entier, les études archéologiques
poursuivent la tâche interrompue depuis Ernest Renan, déjà les
plus grands d'entre vous ont pris, dans l'ombre, la relève du
génie de votre Spinoza, de votre Einstein , de votre Freud,
tellement vous êtes aussi le sel de la terre.
En
vérité, nous nous trouvons dans une situation historique inouïe,
celle où les progrès foudroyants des sciences humaines nous
diront si peuple hébreu est celui qui nous avait appris que
la vraie Jérusalem n'est pas de ce monde.
Benjamin
Netanyahou : Si vous nous conviez de nouveau à nous rendre
dans les nues, je vous rappellerai les paroles de Jahvé : c'est
les armes à la main que nos Saintes Ecritures nous ont appelés
à occuper la Judée et la Samarie. Deux millénaires depuis la
destruction de Jérusalem, non seulement nous sommes toujours
là, mais nous avons réussi à convaincre le monde entier de notre
droit de retrouver notre patrie. Sachez que nous nous y réinstallerons
de force au besoin. Alors les deux divinités cadettes que Jahvé
s'est donné, la vôtre et celle de l'Islam s'agenouilleront devant
le vrai créateur du monde.
Barack
Obama : Parlons en hommes d'Etat, puisque vous dites maintenant
que votre Etat parle par la bouche de Jahvé.
Benjamin
Netanyahou : Vous êtes venu à la table des pseudo négociations
et vous l'avez quittée sans façons, vous avez invoqué le vain
prétexte que nous ne saurions continuer d'occuper Jérusalem
Est sous les yeux de votre vice-Président. Mais il est des nôtres,
que nous sachions, ainsi que le Secrétaire général de votre
Maison Blanche. Pourquoi avez-vous fait semblant d'ignorer que
nous occuperons cinquante mille habitations à Jérusalem Est
au cours des quatre ans seulement à venir? Pourquoi feignez-vous
obstinément d'ignorer que, de toutes façons, le monde entier
se verra contraint sous peu d'ouvrir les yeux sur le fond du
dossier et que l'heure est proche où il vous faudra regarder
la réalité et nous-mêmes en face. C'est cela, parler en homme
d'Etat.
Barack
Obama : Vous savez que le quartet des Européens s'est réuni
à Moscou, vous savez qu'il y avait Kouchner, Lavrov, Blair,
Ashton, Ben Ki Moon et votre ministre des Affaires étrangères,
Libermann. Tous vous ont demandé de conclure la paix en deux
ans.
Benjamin
Netanyahou : Et nous leur avons tranquillement répondu que
la paix ne se construit pas artificiellement et un calendrier
sous les yeux. En vérité, vous êtes d'ores et déjà entrés en
rivalité entre vous. Vous savez bien que vous arracherez des
mains du quartet le dossier que vous avez fait semblant de lui
confier un instant. Aussi attendons-nous vos vassaux de pied
ferme. Deux des nôtres, MM. Sarkozy et Kouchner ont d'ores et
déjà proposé de renforcer nos liens avec l'Union européenne,
d'ores et déjà, le Vieux Continent va prendre à nos côtés la
relève de votre empire déclinant, d'ores et déjà, le gouvernement
français a fait du CRIF l'interlocuteur officiel de l'Etat et
de la République, ce que même l'AIPAC n'a pas réussi chez vous.
Barack
Obama : Et vous pensez que nous sommes vaincus d'avance?
Benjamin
Netanyahou : Je me suis longtemps interrogé sur les ultimes
secrets de votre politique, parce que je m'étais imaginé que
vous cachiez une stratégie dans votre manche et même qu'une
vision prophétique de l'avenir du monde guidait votre sagesse,
de sorte qu'elle n'était improvisée qu'en apparence et seulement
afin de mieux tromper tout le monde sur votre génie. Mais j'ai
cessé de me creuser la tête. Je sais maintenant que les démocraties
n'ont pas de vues abyssales, qu'elles n' accouchent jamais et
fatalement que des élites politiques nécessairement décérébrées
que l'aveuglement et l'infirmité naturels du suffrage universel
leur impose. Ce régime est condamné à faire mener à tout homme
politique, et cela jusqu'à la cinquantaine passée, une carrière
consacrée à affûter jour et nuit les petites recettes qui lui
assureront, le moment venu, les faveurs passagères d'un corps
électoral d'ignorants. Quant un homme d'Etat tel que vous accède
au timon des affaires, il n'est plus temps pour lui d'apprendre
à porter un regard profond ni sur le monde, ni sur lui-même.
Savez-vous
que M. Giscard d'Estaing, élu Président de la République française
en 1974, avoue, dans ses Mémoires qu'il n'avait
jamais entendu parler de la Palestine et qu'il ne savait que
répondre à M. Henry Kissinger ? Pourquoi n'avait-il rien appris
à siéger dans le Gouvernement du Général de Gaulle ? Vous-même,
n'avez-vous pas proclamé, au cours de votre campagne électorale,
que Jérusalem serait la capitale de notre Etat ? Renseignement
pris, ce n'était pas une petite tromperie électorale de votre
part - tout simplement, vous ne saviez pas que le monde entier
ne reconnaît encore que Tel-Aviv pour notre capitale. Un homme
politique qui, à l'âge de quarante-sept ans, jette pour la première
fois un regard sur la planète n'est pas habité par la vocation
impérieuse qui seule fait les chefs d'Etat.
Nous
n'avons pas encore engagé un centième de nos forces dans la
guerre qui s'annonce entre nous et le reste du monde. Souvenez-vous
de l'assassinat d'Itzak Rabin, dont les rêves de paix étaient
illogiques et déraisonnables, souvenez-vous des accords d'Oslo
que nous avons fait signer quasiment de force au successeur
de M. Bush Père, dont nous vous avons imposé l'élection au peuple
américain, souvenez-vous des clameurs du monde entier qui nous
demandaient de retourner à nos frontières de 1967 après que
M. Ariel Sharon eut commis l'imprudence de quitter Gaza, souvenez-vous
d'Annapolis dont la planète des fausses promesses retentissait
à la fin du second mandat de votre prédécesseur, souvenez-vous
de M. Jimmy Carter, qui nous a présenté des excuses afin de
permettre à son petit-fils d'être élu sénateur.
Comment
se fait-il que vos plans de bataille contre nous ne soient jamais
que des bulles de savon? Comment pouvez-vous croire un instant
que nous laisserons votre Chambre des Représentants et votre
Sénat nous couper les vivres ? Pouvez-vous croire que si ce
miracle se produisait dans les plus hautes régions de l'atmosphère,
la diaspora du monde entier ne prendrait pas aussitôt un relais
financier plus titanesque que le vôtre? Même s'il ne me suffisait
pas de venir tout de suite haranguer Israël sur votre sol, même
si l'Amérique ne m'écoutait pas aussitôt, même si M. Mitchell
ne revenait pas sur l'heure à Jérusalem, il n'y aurait pas de
quoi fouetter un chat. Nous n'en sommes qu'aux escarmouches
et nos réserves en munitions sont inépuisables.
M. le Président, vous découvrirez bientôt que le suppliant,
ce n'est pas nous, c'est vous.
Le 4 avril 2010