1 - Les problèmes de succession du Dieu
des chrétiens
2 - Comment départager trois dieux uniques
3 - L'incarnation démocratique
4 - L'anthropologie des théologies:
scanner théologique du capitalisme
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-Les problèmes de succession du Dieu des chrétiens

Comment
la plateforme réflexive d'une critique réellement anthropologique
des meurtres cultuels de type monothéiste se distanciera-t-elle
des autels du polythéisme d'autrefois, qui étaient exclusivement
consacrés à nos assassinats rituels les plus primitifs et
dont l'Iphigénie d'Homère est devenue le paradigme parfait
parmi nous? Sans un recul méthodologique décisif à l'égard
de la bête sacrificielle, comment donnerions-nous un sens
à l'évolution singulière des intentions et des motivations
toujours meurtrières et salvatrices confondues de l'animal
désormais dûment démocratisé, donc voué à dresser ses
offertoires à la fois laudateurs et tueurs sur les propitiatoires
du Dieu Liberté?
Prenez
une anthropologie ambitieuse de rendre compte de l'existence
même du monothéisme, formez-la à peser et à
expliquer
la généalogie, les performances et le fonctionnement du cerveau
devenu relativement métazoologique des trois dieux censés
uniques et vous aurez entre les mains une discipline, dont
la vocation l'appellera à initier en retour et pas à
pas des sciences humaines demeurées acéphales à conquérir
une connaissance rationnelle de l'évolution de ce moteur triphasé
de la politique et de l'histoire.
De
plus, une anthropologie de ce type se rendra désireuse
de jauger les performances théologiques particulières et le
fonctionnement collectif du cerveau relativement trans-animal
dont dispose l'humanité triplice d'aujourd'hui; et elle vous
expliquera également les liens partiellement méta-zoologiques
que les trois divinités évoquées ci-dessus se partagent et
qu'elles entretiennent en commun avec la politique et l'histoire
de l'humanité. La métazoologie originelle des religions part
des sacrifices d'animaux et de victimes humaines réputés payants
auxquels notre espèce se livre encore de nos jours, mais qu'elle
tente désormais de masquer sous divers déguisements inconscients
de la psychobiologie originelle qui pilote leurs théorisations
confondues. Il y faut une anthropologie dont l'échiquier mental
s'inspirera d'une méta-théologie du sang versé et rémunéré
sur la meule des immolations, donc sur une théorisation et
une modélisation des offrandes bien rémunérées.
Les
bimanes désenténébrés et réputés s'être relativement évadés
de la cage de la zoologie semi-intellectualisée qui les emprisonne
depuis le paléolithique entretiennent depuis des millénaires
un dialogue de charcutiers intéressés et de bouchers pressés
avec les Célestes carnivores dont ils ont installé la charpente
et les têtes dans le vide de l'immensité. La problématique
qui commande ce trafic est essentiellement commerciale. Cet
échiquier leur permet néanmoins d'exorciser en retour et non
sans succès - du moins à ce qu'ils s'imaginent - la panique
d'entrailles qui affole leur industrie du sacré. Mais rien
ne les rassure face au néant appelé d'un millénaire à l'autre
à engloutir leur carcasse. Aussi ne colloquent-ils jamais
dans leur éternité qu'un seul interlocuteur et un seul immolateur
qu'ils ne cessent, en outre, de mettre en cessation de paiement
et qu'ils ligotent à l'infini qui les étrangle eux-mêmes à
petit feu.
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- Comment départager trois dieux uniques 
Puis
les incarcérés dans un cosmos dont la béance les assassine
recourent, tout tremblants, à un substitut de la banqueroute
de leur chair et de leur ossature. Ce substitut éternel affiche
une stature colossale. Son gigantisme leur permettra, pensent-ils,
de se décharger de leur solitude sur les épaules d'un tiers
payant. Mais il n'est pas facile de se décorporer du fardeau
de la claustration volontaire de tout le monde dans la geôle
de l'immensité. Il est inévitable que des animalcules oscillants
entre l'astuce et l'effroi que leur inspire un destin éphémère
finiront par découvrir qu'ils ne sont rien de plus que des
portefaix miniaturisés du même silence des ténèbres et de
la même éternité des galaxies que les idoles sanglantes qu'ils
ne cessent de larguer dans le néant.
Si ces embrumés aux paupières mi-closes ouvrent un instant
les yeux sur la meule de la mort qui les lamine, les broie
et les terrifie, ils se disent que le meurtrier herculéen
qu'ils ont domicilié dans sa longévité avait le devoir moral
de rendre son monopole de propriétaire du gouffre plus audible
à leur cécité et à leur surdité; et ils découvrent avec stupeur
que leur dieu auto-proclamé volubile dans l'immensité n'a
pas tardé à se multiplier par trois; et que les messages d'un
ciel triphasé n'ont pas manqué de se révéler fallacieux.
C'est
que leur trio langagier est aussitôt tombé dans le piège de
se diversifier en tronçons incompatibles entre eux. Un ciel
maladroitement scindé entre deux célibataires et le père d'une
progéniture masculine ordonne à la métazoologie, de s'interroger
plus avant sur les causes secrètes de l'ascension théologique
continue d'un fils extraordinaire, puisque la promotion théologique
de son ossature d'héritier périssable et indestructible tout
ensemble ne s'est achevée qu'en 1950, à l'occasion du transport
tardif, mais instantané de sa mère auprès de son démiurge
de mari.
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- L'incarnation démocratique 
Comment
cette procréation théologique continue va-t-elle se concrétiser
au profit de la vassalisation politique du Vieux Monde? Car,
à l'instar du mythe chrétien et d'une Eglise démocratique
qui ne cesse d'accoucher de son verbe, le continent européen
a enfanté un empire du sacré situé au-delà des mers et qui
n'a cessé de grandir en puissance et en gloire. Et voici que
cet empire de retardataires frappe comme un sourd et à coups
redoublés à la porte de son géniteur, et voici que le Fils
prometteur de là-bas est devenu tellement abusif qu'il demande
sans relâche à son Père vieillissant rien moins que de quitter
la scène du monde le plus discrètement possible et de lui
laisser sur la pointe des pieds la gestion de son immense
succession.
L'anthropologie
du sacré simiohumain lit l'histoire du monde avec les lunettes
du symbolique, du signe, du figuré. Elle constate que, de
siècle en siècle, la parabole a gravé des effigies durables
dans l'histoire anthropologique des théologies. Les historiens
d'une histoire métazoologique à décrypter à la lumière de
l'évolution de l'encéphale de la bête observent que Jahvé
et Allah, n'ayant pas de Fils trépignant d'impatience de leur
succéder, c'est-à-dire de leur arracher des mains le sceptre
du cosmos, ne courent aucun risque de se trouver dépossédés
de leurs apanages par un rival sans cesse grossissant, tandis
que le Dieu des chrétiens, lui, a beau combattre depuis vingt
siècles les ambitions illimitées de sa propre descendance,
ses forces déclinent de siècle en siècle et son grand âge
le laissent de plus en plus sans ressort devant un candidat
pourtant issu de son sperme, disait-on au Moyen-Age et qui
s'attaque inlassablement aux apanages exorbitants de son vieux
géniteur.
A la veille de la Renaissance le Fils tentaculaire s'était
déjà arrogé les prérogatives principales de son Père. Voyez
quelle persévérance il a mise à s'emparer pied à pied de l'échiquier
central de toute théologie, celui de l'omnipotence et de l'omniscience
de leur ciel - et cela, dès le XIe siècle avec saint Anselme,
qui a unifié le souffle divin de l'un et de l'autre et leur
a donné le même poids sur la balance des cieux. Voyez comment
ce fils modeste et maigrichon à l'origine n'a jamais cédé
d'un pouce sur l'étendue croissante de ses prérogatives. Du
coup, le mythe de l'incarnation lui-même s'est réduit à un
appendice de l'essence et quintessence surréelles d'un Fils
rendu peu à peu consubstantiel à son Père sur tous les fronts
du monothéisme.
4 - L'anthropologie des théologies:
scanner théologique du capitalisme 
Un vieillissement inexorable frappera-t-il également la théologie
du Fils castrateur de son propre père? N'y comptez pas: la
charpente juvénile, puis despotique de l' Adonis du monothéisme
est devenue impérissable. De plus en plus oublieuse de sa
filiation maladroite avec une mortelle virginale, cette figure
gère désormais un avenir inépuisable, tellement sa migration
vers son éternité a commencé dans sa trentième année.
De
plus, le protestantisme américain n'est pas réfléchi par une
potence; il n'a pas tardé à métamorphoser le volet pénal du
mythe en une incarnation de l'innocence native d'Adam. Le
Nouveau Monde n'a pas de cosmologie mythique des châtiments:
punir n'est qu'une aile de l'administration des Etats démocratiques.
On ne théologise pas le carcéral, on ne l'élève pas à une
métaphysique, on se contente de le rentabiliser. Du coup,
la gestion du péché originel se trouve lessivée et rincée
dans l'eau pure d'une constitution délivrante; et, l'anthropologie
de l'incarnation n'a conduit qu'à d'étranges conciles - on
assiste à des séminaires dans lesquels les Etats et les chefs
d'entreprise lancent ensemble les biens de consommation courante
du salut et de la rédemption démocratiques sur le marché
du rachat et de la grâce.
Aussi le mythe de l'innocence d'un monde délivré du mal par
l'incarnation d'un Dieu racheteur fait-il, du capitalisme,
le porte-étendard de tous les Etats démocratiques - et donc,
le garant de leur substantification dans le pain bénit du
profit.
On
voit que la radiographie méta-zoologique du mythe de la Liberté
politique porte le drapeau de l'interprétation théologique
de l'histoire cérébrale du simianthrope, donc de l'empire
que le protestantisme mondial est devenu à lui-même. Car cet
empire est l'incarnation démocratique de son rêve, la substance
de sa doctrine économique, la chair de son messianisme économique.
La Liberté américaine fait corps avec son apostolat boursier.
Si
vous n'avez ni catéchèse du dollar, ni métazoologie du sacré
appelé à propulser cette sotériologie sur la
scène internationale, vous raconterez l'histoire du monde
avec, sur le nez, les lunettes d'une démocratie mondiale de
la délivrance. Seule une métazoologie méditante vous enseignera
que la bête onirique est la chair et le sang de ses propres
songes sacrés.
Le 13 février 2015