1-
Le naufrage de la science historique
2
- La ciguë de la raison
3
- Les dieux mécaniques et les autres
4
- Les chromosomes de Dieu
5
- Le terrorisme et la sotériologie de Wall Street
6
- " Le temps du monde fini commence " (Paul Valéry)
7
- L 'ignorance et les faux bijoux de la connaissance
8
- Les ficelles théologiques de l'humanité
9
- L'inconscient de l'humanité et la philosophie
10
- Les sentiers riants de la vassalité
11
- Un laboratoire planétaire de la mort
12
- Appel à votre vigilance
13
- La bancalité cérébrale de la laïcité
14
- Les Robinsons de la démocratie
15
- La Planète du sacré et la France
16
- L'inconscient théologique des peuples démocratiques
17
- L'avenir de Jahvé
18
- Que signifie " penser " ?
19
- Les chimpanzés du cosmos
20
- Les anthropologues du sacré
1 -
Le
naufrage de la science historique
Chers amis, dans quelques jours, il y aura dix ans déjà que
je voudrais vous éviter à la fois un vain voyage vers Sirius
et la savante myopie des gentils mémorialistes et des chroniqueurs
assidus, dix ans déjà que ma longue errance au sein de la galaxie
de Gutenberg m'a convaincu qu'internet rallumerait tôt ou tard
les feux de la discipline suicidaire qu'on appelle la philosophie,
dix ans déjà que je vous livre mes réflexions sur les fondements
anthropologiques de l'actualité politique internationale. Je
ne regrette pas de m'être attardé sur plusieurs planètes pivotantes
- le Seuil, Plon, Gallimard, les Presses universitaires de France,
Fayard, Albin Michel et l'Encyclopedia Universalis - avant de
changer de système solaire et de trouver un port d'attache dans
une nébuleuse en formation, puisque vous m'avez fait rencontrer
les nouveaux initiés de la science politique qu'on appelle des
internautes, c'est-à-dire les navigateurs intergalactiques.
Des millénaires durant, l'école de la mémoire avait enseigné
l'art de piloter les cités ; et maintenant, Clio ne raconte
plus le temps véritable des peuples et des nations, parce que
l'échiquier de la planète échappe à ses mesures ; et maintenant
les professeurs des écoles récitent un passé catéchisé et obsolète;
et maintenant, leurs élèves se demandent pourquoi leurs pédagogues
lisent un livre d'heures étranger à leur siècle.
2
- La ciguë de la raison
Voici
donc deux lustres que vous m'aidez à prendre des vues spectrographiques
de l'inconscient zoologique qui pilote l'encéphale des semi-évadés
de la nuit animale, deux lustres que vos conseils m'aident à
observer de l'extérieur une espèce jaillie des forêts, deux
lustres que nous apprenons ensemble à décrypter l'évolution
cérébrale des descendants d'un primate à fourrure. Notre ambition
partagée nous a permis de moissonner un riche matériau expérimental.
Nous connaissons désormais les apories guérissables et inguérissables
dont souffrent les fuyards effarés des ténèbres. L'heure d'une
récapitulation et d'un bilan des gangrènes et des bourgeonnements
que nous avons recensés a donc sonné au beffroi de notre commune
espérance.
En
2001, quand nous avons lancé le premier satellite d'observation
de la ciguë de l'intelligence, la chute du mur de Berlin remontait
à douze ans et l'empire américain commençait de s'affoler des
entraves à son expansion politique et militaire qui résultaient
de l'absence d'un ennemi imaginaire à pourfendre. Comment tailler
en pièces un adversaire aussi mythologique que le précédent
et pourtant suffisamment vaporeux à son tour pour entraîner
les peuples européens enchaînés à leur mythe de la Liberté dans
une arène nouvelle de leur asservissement aux idéalités totémisées
de la démocratie?
3 - Les dieux mécaniques
et les autres
Souvenez-vous
: en ce temps-là, le marxisme avait conservé au frais le vieil
héritage d'un évangélisme politique qui s'était enraciné deux
millénaires auparavant dans le cœur et les gènes de la civilisation
occidentale. Bien que ce rêve eût été entreposé depuis près
de trois siècles dans la chambre froide des psychobiologistes
des dieux simiohumains, la croyance au débarquement imminent
du ciel sur la terre s'était réchauffée à la lecture du prophète
du Capital.
Ce
qui faisait donc trembler l'Amérique, ce n'était en rien la
fausse menace d'une guerre mondiale que les peuples de l'Est
étaient censés brandir face à la planète de l'industrie et de
la finance, mais un prodige eschatologique repeint aux couleurs
du messianisme vétéro-testamentaire dont la démocratie mondiale
avait emprunté derechef la parure; car les populations de la
nouvelle délivrance s'étaient encloses dans les herbages du
salut bucolique qu'avaient brouté les ancêtres. Soudainement,
les moissons reverdies du rêve de la rédemption nourrissaient
les masses populaires sur les cinq continents et l'utopie arrosait
de ses eaux les gras pâturages du ciel de la Liberté. Une espérance
politique calquée sur nos anciens délires posthumes irriguait
à nouveaux frais le jardin des Hespérides du prolétariat mondial
et l'intelligentsia européenne retrouvait intacts les râteliers
et les fourrages de la délivrance, tellement une dialectique
du salut économique avait remplacé le royaume ancien de l'éternité.
4 - Les chromosomes
de Dieu
Et
pourtant, la sotériologie de confection du "processus historique"
n'avait pas démontré la nature héréditaire de la folie eschatologique
de Jahvé, d'Allah et du dieu des chrétiens. Que valaient les
chromosomes de nos dieux? Il fallait se décider à étudier en
laboratoire le capital psychogénétique des trois monothéismes.
La dernière récolte du pommier de l'Eden dans les goulags du
salut marxiste avait laissé un grand vide intellectuel sous
notre os frontal. Aussi a-t-il fallu armer d'urgence le péché
originel des démocraties d'une machinerie pilotée par un logiciel
stellaire, qu'on avait baptisé la "guerre des étoiles".
Mais la nouvelle Rome ne disposait pas, pour autant, des atouts
et des apanages d'une cosmologie de la rédemption mécanisée.
L'annonciation d'un démiurge électronique asservi à l'étranger
n'était pas de taille à conduire l'Europe à une servitude sotériologisée
par la décapitation des suppôts du capitalisme.
En 2001, je vous ai mis en garde contre le retour des félicités
sacrées et des prie-Dieu du libéralisme économique ; et nous
avons appris de conserve à nous méfier d'une épopée technologique
dont les rouages affairistes étaient trop rudimentaires pour
nous leurrer. L'enjeu anthropologique que cachaient les ressorts
guerriers des dieux simiohumains n'était autre que la mise en
esclavage du cerveau des semi-rescapés de l'Erèbe animal.
Certes,
la conque osseuse encore partiellement cartésienne de la France
de l'époque ne s'était pas résolument rebellée; elle n'en avait
pas moins manifesté des réticences suffisamment criantes pour
que l'outillage cérébral du fantasmagorique militarisé nous
fît tous rire sous cape. Le 11 septembre 2001, en revanche,
un nouvel ennemi aux dehors beaucoup moins mythologiques, mais
plus facile à doter d'un corps et à cuirasser des pieds à la
tête a fait débarquer à vive allure son arsenal sur la terre.
L'Olympe des démocraties l'a baptisé le Terrorisme.
5
- Le terrorisme et la sotériologie de Wall Street
Dès
le 14 septembre 2001, j'analysais à l'intention de vos premières
phalanges les composantes psycho-chimiques des foudres du Zeus
de la sainteté démocratique. Vous avez approuvé mes premières
conclusions, vous avez reconnu à mes côtés que l'heure du prochain
écroulement du messianisme américain avait sonné. Vos régiments
clairsemés ne s'élevaient encore qu'à quelque trois cents paires
d'oreilles par jour. Mais des sites-relais et de nombreux portails
ont bientôt épaissi vos rangs. Comment se fait-il que vous ne
vous soyez pas indignés de mon refus, alors solitaire, de consommer
l'euphorisant universel du sentimentalisme politique, alors
que toute l'Europe se précipitait en aveugle sur la brebis galeuse
que le Titan blessé montrait du doigt: l'Afghanistan? C'est
que vous étiez informés depuis longtemps qu'ils sont trompeurs,
les oracles que profère l'inconscient semi-zoologique de la
politique mondiale. Vous saviez déjà que l'événement simiohumain
à observer, ce n'était pas un apitoiement spectaculaire et émotionnellement
légitime de la planète des enfants de choeur, mais l'effondrement
d'un building invisible: la tour de contrôle de l'univers qui,
depuis 1945, avait rallié le cosmos derrière le panache blanc
des Atlantes s'était écroulé.
Et maintenant, il fallait se résoudre à soumettre le ciel frelaté
de la démocratie du Nouveau Monde à la cure d'amaigrissement
qui lui ferait retrouver quelque peu la raison. Nous allions
renouer avec l'élan du siècle des Lumières, nous allions faire
basculer les héritiers ingrats de Voltaire dans la postérité
généreuse de son génie, nous allions clouer au pilori une démocratie
d'outre-Atlantique qui prétendait ordonner aux descendants de
la Révolution française de s'abêtir à confondre des totems langagiers
avec notre Descartes, nous allions sonner le tocsin au clocher
d'un nouvel apostolat philosophique, nous allions faire monter
sur le bûcher les idéalités contrefaites des dieux nouveaux,
nous allions convaincre les descendants de 1789 de déclarer
la guerre aux fétiches du langage dont se nourrissaient les
Jupiter de la Californie ou du Texas.
Par bonheur, un certain Ben Laden avait rappelé aux hérauts
ensanglantés de la bannière étoilée qu'un milliard et demi de
musulmans frappaient de leurs poings nus aux portes de la civilisation
de la pensée rationnelle. Aujourd'hui vous êtes plus de trois
millions de pifs alertés par l'odeur nauséabonde d'un dieu de
la Liberté non moins squelettique, rachitique et spectral que
celui de feu la "guerre des étoiles": le Terrorisme.
Celui-là, du moins, ne s'auréole pas de constellations verbales,
celui-là porte dans le monde entier d'aujourd'hui les vêtements
du patriotisme et du droit des peuples de disposer d'eux-mêmes.
Le Lucifer du terrorisme nous enseigne seulement que le ciel
du profit a mis la planète de la "liberté", du "droit" et de
la "justice" au service de la sotériologie de Wall Street et
de la City.
6 - " Le temps du
monde fini commence " (Paul Valéry)
Et maintenant, vous savez tous que l'effondrement sanglant de
deux building à New-York et celui, plus mystérieux encore, d'un
autre géant de béton et d'acier situé à plusieurs dizaines de
mètres des premiers et qu'aucun aérolithe ni céleste, ni terrestre
n'a touché, cachent le véritable gratte-ciel écroulé, qui n'est
autre que celui du faux évangélisme capitaliste; et vous savez
que celui-là n'a été percuté de plein fouet que par le dieu
autiste et suicidaire qu'il était devenu progressivement à lui-même.
En vérité, le 11 septembre 2001 a fait débarquer l'apocalypse
financière et bancaire dans le jardin d'enfants de l'eschatologie
démocratique mondiale. Et vous vous demandez maintenant comment
le drapeau étoilé persévèrerait dans sa prétention d'apporter
le pain d'un ciel de la Justice à une espèce qu'il appellera
en vain à s'en prendre à un nain ridicule, le Terrorisme, à
pourchasser un Pygmée, le Terrorisme, à s'échiner contre
un bossu, le Terrorisme.
Vous
savez, vous, que le drame de la cécité qui frappe les empires
d'aujourd'hui est celui de la distance infranchissable qui sépare
désormais leurs ambitions terrestres démesurées des empires
de la peau de chagrin qu'on appelle encore le globe terrestre:
"Le temps du monde fini commence", écrivait Paul
Valéry en 1945; et il enchaînait: "Toute la terre habitable
a été de nos jours reconnue, relevée, partagée entre des nations.
L'ère des terrains vagues, des territoires libres, des lieux
qui ne sont à personne, donc l'ère de libre expansion est close.
Plus un roc qui ne porte un drapeau; plus de vides sur la carte,
plus de région hors des douanes et hors des lois, plus une tribu
dont les affaires n'engendrent quelque dossier et ne dépendent,
par les maléfices de l'écriture, de divers humanistes lointains
dans leurs bureaux. " [Paul Valéry 1871-1945, Regards
sur le monde actuel, 1945]
7
- L 'ignorance et les faux bijoux de la connaissance
Dès
2003, vous m'avez accompagné au théâtre. Nous nous sommes assis
aux premiers rangs. Vous étiez curieux de suivre le déroulement
du drame d'acte en acte; mais les péripéties de la pièce vous
ont laissé sur votre faim. Certes, la tragédie vous a permis
d'enrichir le trésor des documents anthropologiques que vous
m'aviez souvent signalés. Souvenez-vous, par exemple, du spectacle
réconfortant que la France nous a offert quand elle a brutalement
arraché son masque pseudo démocratique au plus puissant empire
de la terre. Nous avons vérifié, à cette occasion, que si les
Gaulois opposaient leur veto à la bénédiction démocratique d'une
guerre de conquête du pétrole en Irak, nous donnions un peu
de courage aux Nations Unis, qui se trouvent placées sous le
contrôle politique de Washington depuis 1945 et que l'empire
américain se voit alors contraint de retirer à la face du monde
le manteau du pacifisme qui sert de tenue d'apparat aux Républiques
verbifiques d'aujourd'hui.
Mais
était-il suffisant de réduire les Tartuffe de leur ciel
à envahir ce pays non seulement à visage découvert, mais en
violation ouverte du droit international et des lois de la guerre?
Etait-il suffisant, disiez-vous, de rendre spectaculaire, l'attrape-nigaud
mythologique qui avait placé le Vieux Continent sous le sceptre
de Washington ? Encore fallait-il que le monde entier comprît
que le faux dévot avait piteusement rejoint le réalisme truqué
d'Israël qui, depuis 1947, s'exerce à la gesticulation pseudo
vertueuse et se présente en victime harcelée par un farouche
ennemi.
8 - Les ficelles
théologiques de l'humanité
Souvenez-vous
du petit valet anglais, un certain Anthony Blair, dont le tartuffisme
est allé jusqu'à proclamer l'univers menacé de se trouver rayé
en trois quarts d'heure du monde des vivants. Vous étiez inquiets
par une représentations demeurée en suspens; et vous vous demandiez
si la pièce n'occultait pas l'ultime secret de l'histoire du
monde, si l'auteur n'avait pas caché les vraies clés de l'histoire
dans sa poche, si les Etats-Unis et Israël n'avait pas appris
à tirer ensemble les ficelles théologiques de l'humanité, tellement
l'histoire illustrait maintenant une course de cochers de la
mort. Car
des applaudissements nourris ont accueilli le discours du vassal
armé de sa fiole de l'apocalypse.
Et puis, observez les rênes de l'attelage : l'Amérique et la
démocratie mondiale emboîtaient le pas à Israël. Vous vous disiez
que le singe masqué conserverait longtemps encore son cerveau
microscopique et que la pièce ne faisait que commencer Avec
quel courage vous m'avez suivi dans mes démonstrations consternées
de ce que l'humanité actuelle ne se trouve pas encore en mesure
de comprendre les évènements stupéfiants qui jalonnent son histoire.
Vous m'avez également fait connaître en grand nombre votre réprobation
de spectateurs pantois de ce que, cent mille ans après la découverte
du feu et de la roue, les quadrumanes épilés que nous appelons
des humains ne soient pas encore cérébralement armés pour observer
les rouages et les ressorts qui en font les otages de leur démence.
Mais songez que l'infirmité de l'entendement de notre espèce
ressortit à une ignorance fort singulière, non seulement en
ce quelle se montre sûre de son savoir, mais en ce qu'elle s'enfonce
toujours et nécessairement dans l'erreur à l'école des démonstrations
qui lui présentent fatalement l'erreur sous les traits séduisants
de la logique la plus sûre d'apparence. Les descendants de l'animal
à toison dont nous sommes issus croient encore qu'ils comprennent
le plus spontanément du monde ce qu'ils entreprennent et ce
qui leur arrive.
9 - L'inconscient
de l'humanité et la philosophie
Vers
2005, plusieurs d'entre vous m'ont suggéré d'introduire dans
la terminologie de la science historique et dans celui de la
géopolitique les néologismes "simianthropologie"
et "simianthrope". Plus nombreux encore sont les
sentinelles sur le qui-vive qui m'ont alors gentiment alerté
qu'il devenait bien impossible de faire comprendre plus avant
aux détenteurs de notre capital psychogénétique en panne qu'un
Etat nucléaire ne saurait se risquer à en attaquer un autre
- comme Israël feint de le croire. Cette petite nation armée
jusqu'aux dents d'une apocalypse de géants n'est pas aussi sotte
qu'elle s'ingénie à le démontrer: elle sait fort bien qu'elle
n'est menacée par aucun ennemi réel et que le feu et le fer
sont les masques d'une victime dotée de longs crocs. Mais comme
il se trouve que, depuis le 11 septembre 2001, c'est précisément
au même jeu que s'exerce l'empire américain sur la scène internationale
et à seule fin de s'étendre continûment sous le rideau de fumée
d'un terrorisme de pygmées qui le menacerait de mort, vous avez
visité les coulisses d'un carnage imaginaire et vous
avez passé en revue à mes côtés les mille cent garnisons d'Alexandre
qui illuminent de leurs torches les terres du saint esprit.
Je
remercie les centaines de vigiles qui m'ont fait remarquer que
l'anthropologie critique est appelée à faire débarquer dans
la science historique et dans la politique de notre temps des
spectrographies d'une forme étrange de l'ignorance, celle qui
apprend à s'ignorer à l'école des masques du savoir qu'elle
se donne. Mais puisque l'ignorance dont les vêtements sont ceux
de la raison a été détectée il y a vingt-cinq siècles par le
premier martyr de la pensée que l'humanité ait exécuté, puisque
le type d'ignorance, dis-je, à laquelle seule la ciguë peut
servir d'antidote, puisque cette ignorance-là se met volontairement
à l'écoute des preuves qu'elle appelle à la piéger en retour,
l'évolutionnisme n'entre-t-il pas maintenant dans un territoire
fort nouveau pour lui, puisque la postérité de Darwin rend désormais
accessibles à nos instruments des clichés radiographiques de
l'état de développement du cerveau moyen de notre espèce? Apprenons
donc à peser de siècle en siècle l'outillage qui nous leurre;
car si c'est sous les vêtements des démonstrations de la prétendue
"vérité" que l'erreur simiohumaine se présente toujours et nécessairement,
alors la philosophe ressortit à la science de l'inconscient
depuis Platon et Freud n'en a défriché que quelques arpents.
10
- Les sentiers riants de la vassalité
D'autres parmi vous - et plus nombreux encore - se demandent
pourquoi le singe parlant se forge des ennemis et des amis qu'il
colloque dans le vide du cosmos et quel profit il tire de faire
semblant de combattre les uns ou de faire alliance avec les
autres, mais toujours, à l'entendre, pour le plus grand bien
de la masse de ses congénères demeurés dans l'ignorance. Vous
m'avez convaincu qu'il est devenu illusoire de tenter de rendre
intelligible l'évolution de notre grain de raison si nous ne
conquérons pas de haute lutte le globe oculaire, la rétine,
la pupille, le nerf optique et le cristallin qui nous armeraient
d'un regard de l'extérieur sur le fonctionnement de la machine
qui nous plonge à tous coups dans la cécité; et vous avez commencé
de coller votre œil à la lunette du télescope qui vous fait
apercevoir dans le lointain les contours du cerveau des peuples
et des nations d'hier et d'aujourd'hui , tellement l'évolution
de notre encéphale se trouve étroitement liée aux vrais progrès
de l'intelligence et de la raison de notre espèce.
Encouragés par vos objurgations incessantes, j'ai semé les pierres
du petit Poucet tout au long d'un décryptage de la servitude
de l'Europe. Vous m'avez encouragé à placer mes cailloux sous
un microscope capable d'enregistrer l'évolution de notre encéphale
proprement politique. En voici un exemple: "Vous autres,
Gaulois, vous n'avez connu que des rois et des guerres jusqu'au
jour où vous vous êtes rangés sous l'autorité de nos lois. Puis,
vous n'avez cessé vos harcèlements, mais nous n'avons usé de
notre victoire que pour percevoir les tributs qui vous accordent
les bienfaits de la paix. C'est vous, le plus souvent, qui commandez
nos légions sur votre territoire, c'est vous qui gouvernez vos
provinces." (Tacite, Histoires, L. IV, chap.74,
Discours du Général Cerialis aux Gaulois tentés par la sécession)
Voyez
comme les sentiers riants de la vassalité sont diversement empierrés
d'un millénaire à l'autre et comme ils se ressemblent. Par bonheur,
vous courez à vive allure sur les pistes d'une science anthropologique
de la servitude de l'Europe. C'est vous qui avez remarqué les
premiers que, depuis le 11 septembre 2001, le déclin que j'avais
annoncé de l'empire américain il y a dix ans obéit à des règles
si simples, si évidentes et si faciles à faire comprendre aux
enfants en bas âge que nous serions confus de recourir à des
vanteries sous prétexte que notre téléobjectif nous permet de
photographier l'encéphale de nos congénères de plus près.
Dès lors que les plus grands empires en décousent avec l'Ulysse
aux cent yeux que vous êtes devenus, que dis-je, dès lors que
la machine ronde dispose de plusieurs centaines de millions
de rétines qui surveillent nuit et jour la rotation de nos congénères
autour du soleil de notre politique, il est fatal que notre
masse encéphalique accélèrera son grossissement à bride abattue.
Combien d'entre vous ne cessent de me rappeler que votre
simianthropologie observe maintenant siècle après siècle les
performances croissantes des neurones que nous avons hérités
d'un lointain quadrumane toisonné!
11
- Un laboratoire planétaire de la mort
Vous
m'avez également signalé qu'il existe un abcès de fixation universel
des progrès de la raison et de l'éthique du chimpanzé vocalisé.
C'est désormais sous les yeux de la planète tout entière, me
dites-vous, qu'Israël et l'empire américain assiègent et affament
une masse immense de nos congénères dans une ville de quinze
cent mille âmes et que ces deux vauriens ont transformé Gaza
en un gigantesque champ d'observation en plein air des capacités
de survie à la famine de nos frères en Allah. Cent quatre-vingt
cinq nations, me dites-vous, viennent de condamner solennellement
la barbarie de cette paire de chenapans internationaux.
Mais vos derniers télégrammes me laissent abasourdi. Est-il
bien vrai que vingt - six hommes politiques de haut rang, dont
MM. Felipe Gonzalez, ancien premier ministre espagnol, M. Javier
Solana, ancien chef des relations extérieures de l'Union européenne,
Romano Prodi, ancien chef du gouvernement italien et ancien
président de la commission européenne, Mme Mary Robinson, ancienne
présidente d'Irlande, M. Richard von Weizsacker, ancien Président
d' Allemagne, M. Helmut Schmitt, ancien Chancelier d'Allemagne,
M. Chris Patten, ancien commissaire européen, M. Hubert Védrine,
ancien ministre des affaires étrangères de la France, M. Thorvald
Stoltenberg, ancien premier ministre de la Norvège auraient
dénoncé cette sauvagerie d'une seule voix et que seuls Washington
et deux de ses vassaux anglo-saxons , Ottawa et Sydney se seraient
rangés du côté des tueurs agenouillés devant les vaines icônes
que les idéalités de la démocratie sont devenues entre leurs
mains?
Est-il
vrai que l'humanité escalade soudainement un pic de la vertu
à donner le vertige à tous les primates ? Est-il vrai que Gaza
signifie "Trésor" en latin ? Est-il vrai que la planète entière
se rue au secours de la ville-martyre ? Est-il vrai qu'au printemps,
une flottille de trente sept navires de ravitaillement tentera
de forcer le blocus ? Est-il vrai que cinquante nations et cent
vingt cinq organisations humanitaires parcourront huit mille
cinq cents kilomètres pour tenter de délivrer les affamés? Est-il
vrai que cent vingt cinq organisations humanitaires de nationalités,
iranienne, indienne, pakistanaise, nippone, népalaise, bahreïnie,
turque, australienne, azerbaïdjanaise, malaisienne, indonésienne
et singapourienne vont inverser le parcours des croisades du
Moyen Age? Est-il vrai que cent nations ont reconnu l'Etat palestinien
et que, parmi eux, on compte des poids lourds tels que l'Argentine
et le Brésil? Est-il vrai que le Monde du 11 décembre
2010 aurait évoqué, pour la première fois depuis sa fondation
en 1944, la "génuflexion" des Etats européens
devant Washington? Est-il vrai que l'Europe aurait approuvé
à l'unanimité vingt-cinq résolutions des Nations unies qui condamneraient
la décision de Washington de légitimer la conquête de la Cisjordanie
par le glaive de l'Etat hébreu et de contraindre les Palestiniens
à négocier un dossier vide? Est-il vrai que l'Europe aurait
demandé à son tour le retour des réfugiés, le rétablissement
des frontières de 1967, la création d'un Etat palestinien souverain
et le partage de Jérusalem entre les deux prétendants?
- Voir L'Europe
aux yeux crevés,
19 décembre 2010
12
- Appel à votre vigilance
Un spectacle aussi réjouissant a incité quelques-uns d'entre
vous à me mettre fort aimablement en garde contre un pessimisme
persévérant de ma réflexion. Vous m'avertissez gentiment que
les démocraties occidentales auraient d'ores et déjà basculé
entièrement et de manière irréversible du côté de l'alliance
du trio de la Russie de l'empire du Milieu et de l'Inde, vous
me dites que l'Europe de la foi et de l'espérance serait redevenue
ascensionnelle à souhait, vous me dites que Washington et Israël
sombrent sous nos yeux dans un naufrage de leur éthique, parce
que les croisés du ciel de la vérité courent à nouveau arracher
à son tombeau une démocratie torturée sur sa potence.
Je
vous mets en garde contre les pièges que les euphories insidieuses
tendent à votre candeur. Sachez que le conflit du Moyen Orient
demeurera insoluble par la négociation diplomatique, tout simplement
parce que la civilisation mondiale périrait à légitimer le rapt
de la plus grande partie de la Palestine par un antique prédateur
ressuscité. Croyez-moi, les verdicts de la raison ne peuvent
descendre définitivement au tombeau. Jamais vous n'obtiendrez
du genre humain que les principes de 1789 sacralisent l'asservissement
d'un peuple. Ce serait demander à l'Eglise d'abolir le dogme
de la transsubstantiation ou de la naissance virginale.
13
- La bancalité cérébrale de la laicité
C'est ici que votre réflexion d'anthropologues de la méthode
historique et de spéléologues du politique doit progresser jusqu'à
vous initier à une philosophie nouvelle de l'évolution de notre
espèce. Car le XVIIIe siècle s'en était tenu à des indignations
de la raison devant les excès de la superstition pieuse et à
une délégitimation colérique des immenses richesses du clergé;
mais l'Etat rationnel et la société cultivée étaient demeurés
dévots au point que la laïcité du siècle suivant se proclamait
encore théologienne jusque dans les écoles de la République
où la croyance en l'existence de Dieu était enseignée aux enfants.
Puis la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat elle-même
a perpétué l' affichage officiel d'une foi religieuse.
Aussi
l'éducation nationale s'appliquait-elle exclusivement et le
plus discrètement possible à effacer les traces d'un enseignement
doctrinal et d'une catéchèse formaliste, de sorte qu'il en est
résulté une sorte de désert ou de vide culturel, tellement la
France d'une raison demeurée sinon liturgique, du moins semi
religieuse se gardait bien de poser ouvertement à l'Etat la
question de la bancalité confessionnelle de la République, alors
que la plus simple logique philosophique imposait à Socrate
de se demander pourquoi le genre simiohumain se forge des personnages
fantastiques, pourquoi il les loge dans le vide de l'immensité
et pourquoi il entre de siècle en siècle dans un dialogue serré
avec des acteurs cérébraux installés dans le cosmos par ses
soins.
14
- Les Robinsons de la démocratie
Ce
rétrécissement du territoire qu'occupe un psychisme humain erratique
a paralysé non seulement la connaissance rationnelle de la complexion
cérébrale et des ressorts mentaux des déserteurs partiels du
règne animal, mais également la scientificité de la méthode
historique et de la politologie. Longtemps l'Occident ne s'en
est pas aperçu, parce que l'hégémonie mondiale qu'exerçaient
ses techniques et ses mathématiques lui donnaient la double
illusion de se colleter avec le monde réel et de détenir les
clés de l'intelligibilité du passé, du présent et de l'avenir.
Souvenez-vous de la IIIe et de la IVe République: la planète
semblait tourner autour des Assemblées nationales. La vaine
éloquence d'un quarteron de députés faisait croire aux cinq
continents que le genre humain se trouvait dirigé de la voix
et du geste par d'étroits cénacles d'élus du peuple souverain.
Du lundi au vendredi, le compte-rendu des débats parlementaires
occupait du haut en bas et en caractères gras la colonne de
gauche de la première page du Monde, jusqu'au
jour où une France abasourdie par les guerres d'Indochine, puis
d'Algérie s'est subitement aperçue que, par sa nature même,
le régime démocratique ne saurait respirer au rythme de l'histoire
du globe terrestre et que le suffrage universel ne jette pas
un regard au cadran de l'horloge où le temps court sur d'autres
chemins que ceux de la gestion municipale des Etats. Le Général
de Gaulle lui-même n'a été qu'un intermède respirant entre deux
séances de l'Assemblée nationale.
Il a fallu attendre le coup de semonce du 11 septembre 2001
pour découvrir que non seulement les démocraties passent au
large de l'histoire de la planète, mais qu'elles sont condamnées
à en ignorer le tragique et les tempêtes, puisque la laïcité
elle-même a seulement déposé la France de la raison et de la
pensée sur un îlot où le coup de théâtre de la mort de tous
les dieux se trouvait apprivoisé par une humanité heureuse de
camper désormais sur une île déserte. Et pourtant, il n'est
pas de révolution cérébrale plus extraordinaire que le débarquement
de la solitude du singe privé de compagnons dans le cosmos.
Depuis lors, les aventures de notre conque osseuse ne seront
décryptables, comme il est dit, plus haut que si nous découvrons
pourquoi notre espèce se plaçait depuis des millénaires sous
la protection de ses idoles.
15 - La planète
du sacré et la France
Le 11 septembre 2001 a rappelé que non seulement la France de
la IIIe, mais de la IVe République n'a jamais rien compris à
l'histoire véritable du monde onirique dans lequel baigne le
simianthrope, puisqu'elle a interdit à ses historiens de jamais
tenter d'expliquer la furie des Croisades, les enjeux anthropologiques
des guerres de religion les couperets des théologies et des
dogmes. Mais la Ve République des Robinsons du cosmos a encore
aggravé le retard cérébral de la nation de Descartes, puisqu'elle
n'en est pas encore revenue de ce qu'il existe un milliard et
demi de musulmans en chair et en os sur la terre et un milliard
de chrétiens à couteaux tirés entre eux sur le point de savoir
pourquoi ils perpètrent sur leurs autels un meurtre dont ils
ont fait leur nectar.
Et
pourtant, il existe une statue du Christ de trente mètres de
hauteur à Rio de Janeiro et une autre de trente-trois mètres
vient de se dresser en Pologne, et pourtant, la Russie se prosterne
à nouveau devant ses icônes antérieures à 1917, tandis qu'en
raison du campement de la France de la laïcité à l'écart des
ciels surpeuplés des autres nations de la terre, la France fondée
sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la France de la
postérité du Discours de la méthode, la France
demeurée ennemie des sciences de l'inconscient se révèle impuissante
à prendre la tête de la guerre des sciences humaines, et d'éclairer
la planète sur la nature délirante de l'étrange animal qui,
partout dans le monde, se regarde encore dans le gigantesque
miroir collectif de ses théologies nationales.
16
- L'inconscient théologique des peuples démocratiques
Vous
qui jouissez de l'immense privilège philosophique d'habiter
le seul territoire du monde en attente du lancement de la fine
fleur de son élite intellectuelle dans l'aventure prodigieuse
d'approfondir la connaissance anthropologique des religions,
sachez que vous y êtes poussés l'épée dans les reins, parce
que la politique et l'histoire des démocraties se révèlent des
décalques fidèles des délires sacrés auxquels les nations demeurent
amarrées.
Puisque,
depuis la nuit des temps notre espèce se forge des dieux à son
image, et cela non point seulement afin de se donner des guides
et des protecteurs sous le soleil et de se laisser piloter par
une éthique utile à l'autorité de leurs Etats et de leurs lois,
mais également afin d'apprendre à se regarder dans les miroirs
géants qui répondent à sa taille et à ses ambitions sur la terre,
vous en conclurez qu'il existe autant de démocraties que de
cosmologies mythiques.
La
nation anglaise a fait de son roi le chef de sa foi insulaire
; et puisque ce peuple obéit comme un seul homme à sa double
effigie sur la terre et au ciel, voyez, en outre, que la nation
espagnole fait don à sa démocratie de l'alliance du Christ avec
le taureau de Mithra, voyez, en outre, que la démocratie allemande
de Luther fait, de la religion de la croix, une copie de la
discipline militaire et de la moralité des Germains de Tacite,
voyez en outre que la démocratie italienne négocie avec le dieu
des chrétiens sur le modèle des Romains avec Mars et Jupiter,
voyez en outre, que la France des docteurs de Sorbonne a mis,
dès le Moyen Age, le christianisme à l'école de la logique d'un
Descartes encore dans les limbes et que nos républiques s'appliquent
à défricher depuis deux siècles la planisphère de la démocratie
par la mise en coupe réglée de l'empire de la liberté à l'aide
des arguments pro et contra des controversistes
du Moyen Age. Apprenez donc qu'il n'y aura pas de connaissance
scientifique de l'histoire et de la politique si vous ne percez
les secrets d'un chimpanzé que la nature a rendu théologique
de naissance. Si vous ne vous y exercez, vous ressemblerez à
un homme qui se regarderait de la tête aux pieds dans un grand
miroir et qui, ayant vendu son image spéculaire aux enchères,
s'imaginerait non seulement avoir perdu son effigie avec son
réflecteur, mais avoir changé entièrement de nature.
17
- L'avenir de Jahvé
Et
maintenant, regardez Jahvé monter la garde dans l'enceinte de
la Knesset, regardez Allah tenir l'immense troupeau de ses fidèles
à l'écart du champ de la politique mondiale, parce que le réel,
dans l'encéphale des lecteurs du Coran se divise entre le territoire
mental des chiites et celui des sunnites. Si après cela, vous
ne dites pas que l'Europe et l'Amérique n'y voient goutte, vous
vous interdirez de monter sur la caravelle de Christophe Colomb
de demain.
Commémorons
dix ans de notre ascension commune par un appel à votre vigilance.
Ne quittez pas le moribond du regard, observez les derniers
soubresauts de l'agonisant, demeurez des cliniciens avertis.
Vous êtes sur vos gardes au chevet d'une civilisation en panne
du "Connais-toi". Si vous n'assistiez aux derniers soubresauts
du géant, comment le chasseriez-vous du territoire des nations
de l'Europe où il s'est incrusté depuis 1949. Mais pour cela,
il vous faut progresser de quelques pas encore dans la connaissance
anthropologique de l'inconscient du politique, sinon, le sort
qui vous attend serait celui des futurs Palestiniens de l'Europe!
Car Jahvé, c'est Israël en chair et en os, tellement les peuples
sont les interlocuteurs glorieux de leurs idoles, tellement
ils en portent les armes et en affichent l'ossature, tellement
le simianthrope s'adresse à sa propre effigie agrandie à l'échelle
de la nation qui en exprime le surmoi dans l'immensité du cosmos.
A
partir de Tibère, les dieux romains se sont sentis menacés.
Isis et Sérapis les talonnaient, et leurs parures sentaient
bon l'universalité du divin. Mais le christianisme lui-même
n'a fait que multiplier les apanages abstraits et insaisissables
du crucifié. Nous venons de souligner qu'il existe, en réalité,
autant de religions de la potence que de nations chrétiennes;
et que, de tous les Etats de la terre, Israël est le seul qui
ait conservé intact le Céleste du territoire de son peuple.
Quand vous aurez élu un Président de la République livré en
sa chair et son sang à un conflit de devoirs, de loyautés, de
vision du monde insolubles, dites-vous bien que si vous lui
demandez tels ou tels arrangements territoriaux avec les Palestiniens,
il vous les accordera du bout des lèvres et sous la contrainte
internationale ; mais quand il verra que le dieu Jahvé n'acceptera
jamais le retour des réfugiés, les frontières de 1967, l'abandon
de Jérusalem, il obéira aux ordres de son Jahvé intérieur
- et jamais l'Europe ne courra vers le destin nouveau qui l'attend
en Asie, et jamais la civilisation européenne ne retrouvera
une vocation, une vision, un destin.
18 - Que signifie
" penser " ?
Observez
donc à mes côtés à quel point le simianthrope européen souffre
encore de deux infirmités crâniennes majeures. La première l'entraîne
à reprocher à l'empire américain de s'étendre par la force des
armes. Mais vous savez, vous, que, depuis six mille ans, les
grandes puissances s'étendent à la manière dont poussent les
cornes des taureaux et que si vous ne décidez pas de les combattre
les armes à la main, elles ne sauraient trahir par miracle d'une
intervention du ciel la complexion conquérante qui leur appartient,
tellement le glaive ne se laisse vaincre que par le glaive.
Fiez-vous donc à la droiture d'esprit qui vous enseigne qu'il
n'y aura pas de laïcité vivante sans mission intellectuelle
de la France, pas de démocratie vivante sans vocation cérébrale
de la nation, pas d'Etat vivant sans appel à l'intelligence
du monde, pas de République vivante sans trophées du "Connais-toi".
Vous
êtes les ouvriers de la maturation politique de l'Europe, vous
êtes les éducateurs du suffrage universel des démocraties, vous
êtes le levain des peuples qui attendent de vous un vrai regard
sur le monde. Si vous ne devenez des guides politiques de l'histoire
de la planète, les générations futures retomberont parmi les
otages de leurs idéalités sur la scène internationale.
19 - Les chimpanzés
du cosmos
Voyez comme la République des évangélistes de la Liberté s'est
seulement félicitée de n'avoir pas laissé la France s'empêtrer
en Irak, mais non d'avoir porté le premier coup d'arrêt à l'expansion
d'un empire! C'est qu'il y faudrait des spectrographies simianthropologiques
des trois chimpanzés du cosmos que nos ancêtres n'ont pas appris
à toiser, le dieu de la Croix, le dieu Jahvé et le dieu Allah.
Beaucoup d'entre vous savent que, depuis vingt-cinq siècles,
une philosophie à peine évadée de la zoologie débattait vainement
de l'existence ou de l'inexistence corporelle ou incorporelle
de "Dieu" et que Freud s'est interrogé le premier sur la généalogie
d'un père mythique du cosmos dans le cerveau des enfants.
Si
vous vous essayez donc à une psychanalyse anthropologique de
la schizoïdie politique de Jahvé et du dieu des chrétiens, vous
observerez comment la créature dichotomisée entre le réel et
le songe copie et partage les embarras politiques et éthiques
du démiurge qu'elle a forgé à son image et ressemblance, comme
elle le dit elle-même. Alors, vous saurez comment Israël se
piège à tenter de fonder la légitimité politique de sa conquête
de la Cisjordanie par les armes sur le rejet de l'autre face
de son idole et de lui-même.
Ne
soyez pas scandalisés par mes blasphèmes, parce que l'avenir
spirituel des dieux tâtonnants a toujours dépendu de leurs prophètes.
Il vous appartient d'enfanter les Isaïe de demain, il vous appartient
de donner à l'athéisme les armes de la raison élévatoire en
mesure de décoder les personnages oniriques qu'on appelait des
dieux.
20
- Les anthropologues du sacré
Quand
vous aurez démontré que les théologies sont des documents biphasés
dont seule une simio-anthropologique peut éclairer les arcanes,
vous saurez également que l'effort actuel d'Israël de renoncer
à l'héritage ascensionnel de Jahvé face au synode des juristes
du ciel romain fournira
à la science historique et à la politologie abyssale à
venir les instruments d'une quête sans laquelle la connaissance
des fondements théo-politiques de la vassalisation de l'Europe
demeureront énigmatiques et sans profit pour les sciences humaines
à venir.
Voir
-
Le Saint Siège et Israël - Qu'est-ce qu'un personnage historique
1
? 5 décembre 2010
Ce sera en anthropologues du sacré qu'il vous faudra plonger
dans les entrailles du mythe dualiste, ce sera en simiologues
du chimpanzé actuel qu'il vous faudra observer la face isaïaque
et la face guerrière de Jahvé.
Vous
êtes l'avenir de la France de la raison. Si vous donnez rendez-vous
à l'intelligence du monde, si vous vous situez dans la postérité
encore à féconder du siècle des lumières, le déclin de l'Amérique
et de son mauvais génie, Israël, feront, du XXIe siècle, le
"royaume des cieux" transfiguré qu'attendent les résurrecteurs
d'une civilisation responsable de la grandeur et du tragique
de ses lucidités.
Je
vous remercie de votre accompagnement de dix ans. Puisse le
chemin que nous avons tracé ou du moins jalonné ensemble entre
l'histoire racontée et l'histoire spectrographiée paraître
heuristique à votre génie, celui de la génération que vous aurez
enfantée à votre propre écoute.
Le 26 décembre 2010