" En ces temps
d'imposture universelle, dire la vérité est un acte révolutionnaire.
"
George Orwell
L'île
Jekyll
Il
était une fois une petite île du nom de Jekyll, à quelques encablures
de la côte de Georgie. Ce petit bout de terre devrait être marqué d'une
croix noire sur toutes les mappemondes et être considéré par le monde
entier comme un des lieux les plus néfastes pour l'humanité qui
ait jamais existé. En effet, les résultats des décisions qui y furent
prises furent si calamiteux pour tout le XXème siècle que ses conséquences
n'en sont pas épuisées ; et le pire est à venir.
C'est dans ce petit îlot bucolique que se tint, en novembre 1910, une
réunion secrète qui donna naissance, trois ans plus tard, la veille
de Noël 1913, à la création du monstre de l'île Jekyll : la Federal
Reserve Bank, connue sous le sigle de FED, et à son bras
armé, le dollar.
Jekyll
? Vous avez dit Jekyll ? Mais c'est bien sûr ! Le nom évoque irrésistiblement
le roman de Robert Louis Stevenson, L'étrange cas du Dr Jekyll
et de Mister Hyde, qui avait paru une vingtaine d'années auparavant
en Angleterre - en 1885 - et qui avait connu un immense succès tant
en raison de ses qualités littéraires que de sa pénétration psychologique
et du thème traité . Le retentissement du roman dans les pays anglo-saxons
protestants devait beaucoup à son sujet : la lutte du Bien et
du Mal dans la conscience de chaque homme. Ces thèmes nous sont
aujourd'hui familiers ; ils sont même d'une brûlante actualité depuis
que notre Picrochole en a fait le carburant de son messianisme démocratico-pétrolier.
Or, l'îlot qui servit de cadre à la naissance de ce qu'on peut appeler
la Banque des Banques, au sens superlatif, comme on parle du Roi des
Rois, s'appelait Ile de la Somme depuis sa découvert en 1562
et devint précisément Jekyll en 1886, soit un an après
la parution du roman de Stevenson. Ce sont ses nouveaux propriétaires
qui la rebaptisèrent.
A
l'origine, elle devait servir de lieu de villégiature à un groupe de
familles si riches - elles représentaient à elles seules, à l'époque,
plus d'un sixième de la richesse du monde - que ces familles jugèrent
prudent de s'isoler hermétiquement dans un ghetto entouré par l'Océan.
Le Jekyll Island Club comptait, parmi ses membres, les Rockefeller,
les Morgan, les Crane, les Gould. Nous retrouverons ces familles dans
la suite du récit.
Le changement de nom de cette île, et surtout le choix de ce nom-là
, ne peuvent pas être considérés comme des actes innocents et anodins.
Manière détournée d'annoncer la couleur ? Message inconscient ? Signal
codé à l'intention des initiés ? A chacun sa vérité, pour reprendre
le titre d'une célèbre pièce de théâtre de Luigi Pirandello.
Incontestablement,
nous avons déjà un pied dans la réalité et l'autre dans le roman c'est-à-dire
dans les souterrains de l'action. C'est pourquoi il m'a semblé intéressant
de commencer par analyser l'aura littéraire et psychologique
des événements qui nimbent la conspiration de 1910. On découvre alors
que le squelette du système monétaire s'habille de chair et de fantasmes,
lesquels enrichissent notre compréhension de la machine machiavélique
qu'une poignée d'hommes a conçue et imposée si solidement que leurs
descendants sont considérés aujourd'hui comme les véritables maîtres
du monde.
Sur
les traces du bon Docteur Jekyll
Qui
était ce Dr Jekyll dont l'histoire a si fortement impressionné les richissimes
banquiers israélites qu'ils donnèrent son nom à leur luxueux ghetto
?
Le
thème traité par Stevenson dans son roman est une variante du mythe
faustien de l'homme qui conclut un pacte avec le diable. A l' heure
où la diabolisation des Etats qui s'opposent à l'extension de l'empire
picrocholien et à son pillage des ressources planétaires, devient l'outil
central de la manipulation des cerveaux, on voit que les thèmes bibliques
élémentaires du combat du Bien contre le Mal, sont un des invariants
les plus tenaces et les plus profondément enracinés dans les cervelles
des peuples dont l'imaginaire religieux et l'arrière-monde moral reposent
sur les textes vétéro-testamentaires - les israélites et les protestants
- lesquels constituent le noyau influent de la politique intérieure
et extérieure de Picrocholand.
Un
vrai Dr Faust a réellement existé à la fin du XV ème siècle en Allemagne.
On pense qu'il est né vers 1480 . L'humaniste Rufus l'a rencontré à
Erfurt et le théologien Mélanchton, son compatriote, l'a connu à Wittenberg
. C'était un personnage trouble, nécromancien, magicien, cartomancien,
voyant, escroc, qui eut une vie errante et agitée. Il se vantait de
pouvoir, grâce à son pacte avec Satan, reproduire les miracles attribués
à Jésus-Christ dans les Evangiles. Dans une époque théologique troublée
par la naissance du schisme protestant - les quatre-vingt quinze (95)
propositions de Luther ont été clouées sur la porte de l'Eglise de Wittenberg
en 1517 - le Dr Faust est devenu une sorte de mythe illustrant la présence
agissante du diable dans la vie de l'homme voué au péché.
Or Stevenson était précisément un esprit religieux et un puritain protestant
. A ses yeux, l'homme fait un mauvais usage de sa science parce que
la raison profane est d'essence diabolique. Il connaissait naturellement
l'histoire de la naissance du protestantisme à Wittenberg et les péripéties
qui l'entouraient.
Son
personnage principal, le " bon " Dr Jekyll est, à sa manière, une réincarnation
du Dr Faust. Il est obsédé par la découverte qu'en chaque homme deux
êtres cohabitent et se combattent férocement : l'un bon, l'autre mauvais.
Apparemment las d'être " bon ", animé du désir pervers de laisser libre
cours à ses penchants les plus fangeux et tenté par la pomme maléfique
de la science profane d'inspiration satanique que dénonce la Genèse,
il cherche et trouve une substance chimique qui lui permet de se dédoubler
physiquement et donc de faire vivre séparément chacune de ses deux identités
.
L'absorption
de la drogue qu'il a fabriquée permet donc à l'honorable et élégant
médecin, célèbre pour sa générosité envers les pauvres et sa bénévolence
accueillante à l'égard de ses amis, de mettre à jour le jumeau hideux
et monstrueux qui se cache en lui , Mister Hyde, comme son nom l'indique,
moyennant une petite coquetterie orthographique - hide signifiant caché
- qui ne trompe personne .
Cette créature aussi repoussante moralement que physiquement, erre la
nuit dans les quartiers sordides de Londres, attaque les enfants et
assassine les vieillards . Ce procédé littéraire , qui sera également
celui d'Oscar Wilde dans son Portrait de Dorian Gray,
traduirait la naïveté psychologique de laisser croire que les turpitudes
et les crimes s'accompagnent de laideurs et de difformités physiques
- et donc que les criminels auraient " la tête de l'emploi "
- s'il n'était le ressort de l'action .
Car la finesse de Stevenson se révèle dans l'analyse de l'évolution
de la psychologie du Docteur Jekyll : au début, sa mutation en criminel
et en jouisseur se traduisait par une immense souffrance physique. Il
lui fallait avaler une grosse rasade de sa potion et endurer mille morts
avant que son corps et son âme se transforment. Mais peu à peu, il y
prend goût et le personnage maléfique devient l'aspect prévalant de
son être, si bien que le liquide n'est plus nécessaire pour faire surgir
Mister Hyde. Il lui suffit de l'évoquer en pensée pour que la métamorphose
se produise instantanément et facilement. Finalement, même le breuvage
n'est plus parvenu à le faire disparaître. Mister Hyde avait tué le
Dr Jekyll et le Mal avait triomphé du Bien .
La conclusion " morale " qu'on peut tirer du roman de Stevenson
est donc que la pente naturelle de l'homme est "le Mal" ,
que celui-ci devient facilement la norme et fait oublier qu'un état
d'honnêteté et de vérité ont pu exister un jour. Nous verrons que la
manière dont le monde a reçu les manipulations monétaires des conspirateurs
de l'île Jekyll a suivi une route rigoureusement parallèle à
celle du héros du roman de Stevenson.
Pourquoi
la réunion de l'île Jekyll
De
nombreux économistes, monétaristes et autres savants spécialistes de
la chose financière poussent l'audace jusqu'à évoquer ,
à propos des résultats de la réunion de 1910 dans l'île Jekyll,
de "l'escroquerie du millénaire" mais n'osent poursuivre le raisonnement
logique jusqu'à son terme afin de conclure que s'il y a escroquerie,
c'est qu'il y avait des escrocs - comme dirait M. de la Palice.
Derrière le système, cherchons les hommes.
La
biographie des auteurs de la conspiration de l'île Jekyll, présentée
aujourd'hui avec la déférence craintive que les historiens vouent à
tout ce qui touche à la naissance et à l'évolution de l'empire picrocholien
et avec la révérence qu'inspirent les puissances d'argent , s'éclaire
à la lumière, notamment, de destins contemporains semblables
- je veux parler de la foudroyante prospérité des oligarques russes
après la dislocation de l'Union soviétique.
Or,
quand une fortune fabuleuse est édifiée en quelques lustres, dans une
époque troublée, Mister Hyde n'est jamais loin. Nous verrons que la
guerre civile américaine, appelée aussi guerre de Sécession,
a été un terreau fertile pour les spéculateurs , les trafiquants et
les filous de tout poil. Plus près de nous, nous avons vu comment
ont procédé les Roman Abramovitch, les Mikhaïl Khodorkovski
, les Alexeï Morchadov, les Vladimir Goussinski, les Boris Berezovski.
Nous avons suivi leurs exploits quasi au jour le jour, durant la période
instable du passage en ex-Union soviétique d'une économie administrée
et centralisée à une économie dite " libérale " et vu, de nos yeux vu,
comment s'édifient en quelques mois , sinon même en quelques
semaines, des
empires financiers pharaoniques.
Un
coup d'Etat invisible
Le modus operandi des participants au complot de novembre 1910
fait apparaître qu'il s'agit bien de l'œuvre d'une redoutable brochette
de Mister Hyde. Leur coup de génie est d'avoir compris qu'ils pourront
suivre le chemin inverse de celui qu'expose le romancier anglais. Grâce
à l'invention de la potion magique de la FED, ils retourneront comme
un gant le thème faustien et parviendront non seulement à se métamorphoser,
sous les yeux du monde entier, en respectables Dr Jekyll, mais passeront
longtemps pour des bienfaiteurs de l'humanité.
Ils
travaillèrent à l'élaboration et à l'exécution de ce piège machiavélique
durant plusieurs années et ils y mirent une patience, une énergie ,
une ruse qui méritent toute notre admiration pour leur savoir-faire
. En effet, réussir à mettre la main sur le système monétaire et bancaire
national, puis mondial, est un coup d'Etat d'autant plus magistral
qu'il est invisible aux yeux du citoyen lambda .
Il faut savoir que celui qui détient la haute main sur la création et
la gestion de la monnaie détient le vrai pouvoir. C'est là que le choix
du nom de Jekyll pour désigner le point de départ de toute la manœuvre
prend tout son sens.
La date du 23 décembre 1913 marque donc la métamorphose du paysage social
et politique du futur empire picrocholien en un village Potemkine. Le
pouvoir est toujours, en apparence, entre les mains des hommes politiques.
Ceux-ci, telles des marionnettes, s'agitent et haranguent les foules
sur le devant de la scène pendant que Mister Hyde, déguisé en Dr Jekyll
et tapi dans les souterrains d'un Château semblable à
celui décrit par Kafka, tire les ficelles et entasse des lingots .
Ces
maîtres de la finance - donc ces maîtres du monde - se transmettent
le pouvoir et les richesses à titre héréditaire. Une parentèle pléthorique
placée à des postes-clés , un jeu d'alliances familiales et de collusions
d'intérêts ont tissé une toile d'araignée sur l'ensemble du système
bancaire picrocholien , lequel enserre aujourd'hui la planète entière
dans ses filets (voir tableau ci-dessous)
.
Lorsque
le coup d'Etat monétaire se double d'une victoire institutionnelle décisive,
comme c'est le cas de la décision du 23 décembre 1913 qui aboutit à
l'anéantissement de l'article le plus important de la Constitution
des USA, il est non seulement tentant, mais approprié de parler
d'un pacte satanique au moins équivalent à celui que le vrai Dr Faust
prétend avoir signé avec le diable et nous verrons que les prétendus
miracles du charlatan du Moyen-Age font pâle figure à côté des miracles
réels des conspirateurs de l'île Jekyll . Les alchimistes du Moyen-Age
en rêvaient, les conspirateurs de l'Ile Jekyll l'ont fait. Ils
ont même fait beaucoup plus fort. Les alchimistes avaient besoin
de plomb, alors que c'est du papier que les comploteurs de 1910 ont
transformé en or.
En effet, la Constitution américaine signée à Philadelphie en 1787
stipule toujours, dans son article 1, section 8, § 5, que "c'est
au Congrès qu'appartiendra le droit de frapper l'argent et d'en régler
la valeur".
Voir
chap. IX : De
Rothschildland en Picrocholand
On
comprend la fascination qu'exerça le roman de Stevenson sur l'esprit
de ces affairistes du Nouveau Monde au début du XIX e siècle , et le
changement de nom de leur îlot est le témoignage éloquent qu'ils étaient
parfaitement lucides sur la portée et le sens de leur action.
La perspective de blanchir, d'un même mouvement l'argent et la réputation
tout en continuant à s'enrichir de manière exponentielle au détriment
des peuples du monde entier, constitue un exploit et une jouissance
dont on devine qu'ils ne pouvaient que séduire des chevaliers d'industrie
de ce calibre, les Mister Hyde désormais travestis en Dr Jekyll.
Une
phrase " l'honorable " John Pierpont Morgan, un des membres éminents
de la conspiration, donne une idée de leur manière de procéder : " Je
n'ai nul besoin d'un avocat qui me dise ce que je n'ai pas le droit
de faire. Je le paie pour qu'il me dise comment faire ce que je veux
faire. " Avec M. JP Morgan, tout est possible.
Après
le grand crash boursier de 1929, M. Louis T. Mc Fadden, membre de la
Chambre des Représentants au Congrès, a accusé la Fédéral Reserve Board
d' avoir intentionnellement déclenché la catastrophe et a demandé qu'il
soit procédé à des investigations sur " l'une des plus grandes conspirations
CRIMINELLES économiques de tous les temps ".
Le
10 juin 1932, il écrivait : " Monsieur le Président, nous avons dans
ce pays une des institutions les plus corrompue que le monde ait jamais
connue. Je me réfère à Fédéral Reserve Board et à Fédéral Reserve
Bank. La F.R.B. et la F.R. agissant ensemble ont appauvri et ruiné
les gens des Etats-Unis (...) et ont pratiquement mis en faillite notre
Gouvernement. "


Source:
** Federal Reserve Directors: A Study of Corporate and Banking Influence
** - - Published 1976 
A
suivre: L'incarnation du système monétaire
: Les conspirateurs de l'Ile Jekyll