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Les aventures mirobolantes de l'Empereur Picrochole II
au Pays des Mille et une Nuits

Aline de Diéguez

Chapitre XII : Le culte du Veau d'Or et la Mondialisation

 
 
 

 

" Il y a deux histoires: l'histoire officielle, menteuse, et l'histoire secrète, où sont les véritables causes des évènements." Honoré de Balzac

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La religion du Veau d'Or - que l'on appelle aujourd'hui Globalisation ou Mondialisation - est vieille comme le monde , même si les formes de son pouvoir et ses manifestations ont varié au cours des siècles avec les conditions politiques et surtout avec les moyens techniques de son exercice.

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1 - Origine et préhistoire du culte du Veau d'Or

2 - Le Veau d'Or des temps modernes

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1 - Origine et préhistoire du culte du Veau d'Or

" Fais-nous un dieu qui marche devant nous … "

Lorsque , dixit le mythe biblique, Moïse revint parmi les siens après avoir passé quarante jours et quarante nuits suspendu à un rocher, sans boire ni manger, à écouter son dieu dicter, puis inscrire sur des morceaux de rocher, les commandements destinés à régir le plus harmonieusement possible la vie de la tribu dont il était le guide, il eut la désagréable surprise de débarquer au milieu d'une fête.

On célébrait dans la plaine le nouveau dieu que des nomades fugitifs d'Egypte, lassés d'attendre le retour de leur chef, avaient fabriqué de leurs mains . Ils avaient en effet sacrifié leurs bijoux , et notamment les anneaux d'or, symboles de l'écoute du divin , que tous, hommes, femmes, enfants portaient aux oreilles, et ils les avaient fait fondre.

Aaron, leur chef en second, avait pris les choses en main en l'absence de Moïse et avait réussi le tour de force particulièrement remarquable au vu des conditions matérielles dans lequelles se déroulait la scène, de construire un moule en forme de bœuf et d'y verser l'or fondu. La figurine qui en est sortie était de taille modeste , mais brillait de mille feux.

"Aaron leur dit: Otez les anneaux d'or qui sont aux oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. Et tous ôtèrent les anneaux d'or qui étaient à leurs oreilles, et ils les apportèrent à Aaron. Il les reçut de leurs mains, jeta l'or dans un moule, et fit un veau en métal fondu. " (Exode 32)

La parabole a donné lieu à des interprétations d'autant plus diverses qu'elle a été rédigée vers le VIè siècle avant notre ère, alors qu'elle relate des événements censés s'être produits un millénaire auparavant. La solitude est lourde à tous les hommes et plus encore à un groupe de fuyards perdus dans un désert et orphelins de leur guide. Apeurés, ils en appellent à un protecteur bien visible . " Fais-nous un dieu qui marche devant nous… " auraient dit les fugitifs à leur nouveau guide !

La petite troupe s'est donc spontanément tournée vers le dieu qu'elle venait de quitter, le dieu solaire égyptien, le grand taureau fécondateur Apis, coiffé du disque d'or qui rayonne entre ses cornes.

Mais un millénaire plus tard, lorsque les lévites inventèrent un nouveau dieu et rédigèrent les textes fondateurs de leur nouvelle religion, leur intention n'était évidemment ni de magnifier un dieu rival, ni de s'interroger sur les états d'âme des fuyards d'Egypte.

Le monothéisme hébreu naissant s'est établi en dévalorisant les symboles des dieux étrangers - notamment des dieux égyptiens - et cela d'autant plus férocement qu'il voulait faire oublier à quel point il s'en était inspiré.

La nouvelle religion n'avait rien d'universel, puisqu'elle ne s'adressait qu'au petit groupe ethnique des Hébreux, le fameux "peuple élu " . Apis, réincarnation d'Osiris et d'Isis, symbole du soleil , de la lune et de la terre nourricière, donc de la vie rayonnante, de la lumière et de la fécondité, devint sous leur stylet vengeur un dérisoire et méprisable "veau " .

Avec le temps, son sens lumineux et universel s'effaça et il se métamorphosa en signe de l'idolâtrie et de la barbarie cupide dans laquelle serait retombé le groupuscule qu'un dieu, aujourd'hui appelé Jahvé, était censé s'être choisi . C'est ainsi que, par extension " l'adoration du veau d'or " devint la manifestation de la stupidité de bédouins crédules , idolâtres et avides de biens matériels.

L'Adoration du Veau d'or, par Nicolas Poussin.

Sur le plan symbolique, le Veau d'or est donc associé pour l'éternité à la soif de pouvoir, à la jouissance immédiate de biens matériels, à l'opulence et à la puissance de l'argent . Il est la manifestation de la vénération pour l'or, c'est-à-dire pour une richesse qui pervertit les âmes et les cœurs . Il symbolise également la tentation toujours présente et toujours renouvelée d'élever l'or et l'argent au rang de divinité - mais de divinité maléfique.

C'est dans cet esprit que, dans son opéra Faust, Gounod fait chanter à son Méphistophélès :

MEPHISTOPHÉLÈS: "Le veau d'or est toujours debout;
On encense Sa puissance
D'un bout du monde à l'autre bout!
Pour fêter l'infâme idole,
Rois et peuples confondus,
Au bruit sombre des écus
Dansent une ronde folle Autour de son piédestal!
Et Satan conduit le bal!

TOUS: Et Satan conduit le bal!

MEPHISTOPHÉLÈS: Le veau d'or est vainqueur des dieux;
Dans sa gloire Dérisoire
Le monstre abjecte insulte aux cieux!
Il contemple, ô rage étrange!
A ses pieds le genre humain
Se ruant, le fer en main,
Dans le sang et dans la fange
Où brille l'ardent métal!
Et Satan conduit le bal!

TOUS: Et Satan conduit le bal! "

Le Bouddha de Bangkok

Mais il n'en a pas toujours été ainsi. Dans de nombreuses civilisations, des Incas aux Egyptiens en passant par l'Orient et les 5,5 tonnes d'or massif de la grande statue de plus de 3 m de haut du grand Bouddha de Bangkok, l'or a uniquement symbolisé la gloire et la puissance des dieux .

Le temple du roi Salomon

Un des rois mythiques de la bible hébraïque, Salomon, l'utilisa également dans cet esprit-là. Il est supposé avoir fait venir l'or du lointain royaume d'Ophir appartenant à la reine de Saba - probablement l'Ethiopie actuelle - et en aurait abondamment usé dans la décoration du temple qu'il est supposé avoir érigé en l'honneur de son dieu et conformément aux instructions qui auraient été communiquées surnaturellement à ses prêtres par le dieu lui-même .

Le temple de Salomon

Jahvé n'étant pas insensible à la beauté et à l'éclat de ce métal, le Salomon légendaire n'aurait pas lésiné sur les fastueuses décorations en or de la maison de son dieu. Le premier temple qui aurait été achevé vers le Xème siècle avant notre ère et détruit par les Babyloniens en -586 était, dit le texte rédigé par les lévites, presque entièrement recouvert de feuilles d'or.

"Le Saint des Saints fut revêtu d'or fin. Il [Salomon] fit un autel de cèdre et le revêtit d'or. (…) Tout le temple il le revêtit d'or, absolument tout le temple. Dans le Débir il fit deux chérubins en bois d'éléagne (...). Il revêtit d'or les chérubins. (…) . Il couvrit d'or le plancher du temple à l'intérieur et à l'extérieur. " (Rois 1, chap.6)

L'arche du temple de Salomon

Mais ce roi, dont les écrits bibliques louent autant la sagesse que la richesse et l'abondance de son harem, aurait rompu avec la tradition qui consistait à n'utiliser l'or que pour le service des dieux. Il fut un grand jouisseur et un adorateur des richesses ostentatoires . Le Midrach apprend que son trône ruisselait d'or et de pierreries et qu'il rivalisait de sompuosité avec le Temple.

Le sceau du roi Salomon

Dans la description mythologique qui en est faite, l'or est partout et les joyaux les plus précieux font de ce trône une sorte d'autel à la gloire du roi . Salomon , en potentat oriental, sorte de Gatsby le magnifique des temps bibliques, aurait été en même temps prêtre de son dieu et prêtre du veau d'or, le second confortant le premier. Le faste et les richesses visibles exercent d'ailleurs un pouvoir fascinatoire sur la grande majorité des esprits :

" Le roi Salomon fit deux cents grands boucliers d`or battu, pour chacun desquels il employa six cents sicles d`or battu, et trois cents autres boucliers d`or battu, pour chacun desquels il employa trois cents sicles d`or; et le roi les mit dans la maison de la forêt du Liban. Le roi fit un grand trône d`ivoire, et le couvrit d`or pur. Ce trône avait six degrés, et un marchepied d`or attenant au trône; il y avait des bras de chaque côté du siège; deux lions étaient près des bras, et douze lions sur les six degrés de part et d`autre. Il ne s`est rien fait de pareil pour aucun royaume. Toutes les coupes du roi Salomon étaient d`or, et toute la vaisselle de la maison de la forêt du Liban était d`or pur. Rien n`était d`argent: on n`en faisait aucun cas du temps de Salomon. "

Rome

L'Eglise catholique officiellement " épouse " mystique d'un Christ prêchant la pauvreté et l'humilité, mais en réalité héritière et continuatrice des Césars romains, se livra, elle aussi, tantôt ouvertement, tantôt en tapinois au fameux culte du Veau d'Or. Durant de nombreux siècles, la croix et les pièces d'or , le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel, Jésus et le Veau d'or firent bon ménage dans tout l'Occident chrétien.

Lorsqu'en 1260, Thomas d'Aquin rendit visite au pape Innocent IV, celui-ci voulut l'éblouir et lui présenta toutes les richesses de la papauté. Après avoir admiré ces trésors, Innocent déclara:

" Voyez-vous, mon brave Thomas, je ne peux pas dire comme le premier pape [l'apôtre Pierre] : "Je n'ai ni argent, ni or."

Thomas d'Aquin acquiesça et ajouta:

- Et vous ne pouvez pas dire non plus: "Au nom de Jésus-Christ, lève-toi et marche!"

La condamnation des fabuleuses richesses d'une papauté dévergondée, jouisseuse et avide de plaisirs, d'évêques et de cardinaux ignorants et arrogants , vivant dans une pompe ostentatoire , figure en bonne place parmi les griefs des Réformateurs allemands. Luther et tous les protestants allemands s'élevaient d'abord contre le luxe des dignitaires de l'Eglise et dénonçaient violemment le commerce des indulgences , véritable pompe à finances du Vatican.

La pratique des indulgences, abandonnée depuis le concile Vatican II (1962-1965) a été remise sporadiquement à l'honneur par le pape Jean-Paul II, notamment lors du jubilé de l'an 2000 . Mais le pape Benoît XVI semble manifester davantage de goût pour cette pratique qui allie si heureusement les dévotions et les rentrées d'argent . Il y recourt pour la troisième fois depuis le début de son pontificat. Il vient , en effet, de se porter garant de la " certitude du pardon de Dieu " pour leurs péchés accordée à tous les pèlerins qui se rendront à Lourdes entre le 8 décembre 2007 et le 8 décembre 2008 à minuit et qui effectueront "avec dévotion" la visite des lieux du sanctuaire marial, dans l'ordre prescrit par les autorités religieuses, l'Eglise n'osant plus monnayer directement " l'indulgence plénière ". La procédure par laquelle Benoît XVI a obtenu l'accord et les garanties de " Dieu " est demeurée secrète.

Le 9 décembre 2008 au matin, les péchés seront ineffaçables et les pécheurs seront justiciables de l'enfer ou au mieux du Purgatoire. Amen.

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2 - Le Veau d'or des temps modernes

D'un dieu à l'autre...

""La politique, c'est l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde", disait Paul Valéry.

Le dieu visible de l'ancienne religion du Veau d'Or, celui "qui marche devant nous " au grand soleil du jour, symbole d'un pouvoir hiérarchique pyramidal, est mort. Mais, c'est bien connu, un dieu ne meurt jamais tout à fait. A côté de l'évolutionnisme biologique, un darwinisme théologique régit la succession des théologies dans les cerveaux. C'est pourquoi un dieu moribond se réincarne ou glisse doucement en tout ou en partie dans le corps de son successeur.

Et l'empire américain vint, qui prit le globe terrestre dans ses serres…

Contrairement au faste de Salomon ou des rois de Babylone, les nouveaux prêtres de la religion du Veau d'or n'affichent ni leurs richesses, ni leurs personnes sur le devant de la scène. Leur coquetterie principale est précisément d'être invisibles. Derrière de hautes palissades d' abstractions, de chiffres et de graphiques , les seigneurs du grand capital se protègent des hommes en chair et en os . Leurs sujets ignorent souvent jusqu'au nom des maîtres qui tiennent leurs destinées entre leurs mains. "Le monde est gouverné par de tout autres personnages que ne se l'imaginent ceux dont l'œil ne plonge pas dans les coulisses" disait déjà Disraëli (1804-1881), dans Coningsby.

La prise du pouvoir par les financiers internationaux et les grands banquiers anglo-saxons s'est opérée en tapinois, tout au long du XIXe siècle. Elle a pris corps avec l'expansion de l'empire colonial britannique qui, à son apogée, a commandé un quart de la planète. A l'aube du XXè siècle , les colonies anglaises d'Afrique, d'Asie, d'Océanie et d'Amérique composaient encore "l'empire sur lequel le soleil ne se couche jamais" . Je reviendrai ultérieurement sur le rôle des banquiers anglais dans la mise sur orbite du nouveau dieu au XIX è siècle .

La guerre des dieux

Mais le Veau d'or financier naissant eut fort à faire pendant la cinquante d'années durant laquelle il fut en butte à la concurrence d'un puissant dieu rival , infiniment plus séducteur que lui, puisqu'il promettait rien moins que le paradis sur la terre. L'idéologie communiste représentait un contre-pouvoir idéologique puissant à la poussée du libéralisme . Durant un demi siècle, elle a coupé l'appétit aux représentants du capital , freiné leurs ardeurs et limé les dents des loups cerviers dont parlait déjà Balzac dans La Comédie humaine.

Voraces et patients, les financiers attendaient leur heure. Après quelques dizaines d'années, le messianisme du prolétariat mondial s'est flétri feuille par feuille et a fini par sombrer dans le marécage d'un marasme économique et social. Il acheva de pourrir définitivement dans les camps de concentration, ces dépotoirs du paradis marxiste dans lesquels furent envoyés les hérétiques de la nouvelle religion. L'effondrement définitif de ce messianisme en 1989 fut si spectaculaire et si sonore qu'il provoqua une onde de choc dont la sismicité pulvérisa le mur qui le symbolisait. Mais l'espérance est un chiendent tenace et elle n'a pas été étouffée sous les gravats du mur.

Depuis une vingtaine d'années, enfin décomplexé et libre de toute entrave éthique , le nouveau dieu de l'adoration du Veau d'Or économico-financier, débarrassé du rival qui lui donnait mauvaise conscience, a pu se déployer dans toute sa puissance.

Petit résumé des trois épreuves surmontées par le nouveau dieu

Mais le nouveau dieu a dû successivement triompher de trois épreuves initiatiques avant d'accéder au statut d'unique divinité mondiale qui est le sien aujourd'hui.

Il s'agissait d'abord de d'imposer la puissance de ses muscles et donc de montrer sa force militaire. Après une première mise en jambes à la fin de la première guerre mondiale - puisque les USA n'entrèrent dans la mêlée qu'en 1917, soit trois ans après le début des hostilités - la seconde guerre mondiale offrit à l'arsenal militaire américain un champ de démonstration si déterminant qu'il fit à l'empire en expansion le cadeau d'une victoire par KO sur toutes les autres puissances militaires de la planète .

Ensuite, il a fallu à la nouvelle divinité consolider son prestige en étalant bijoux et trésors sous la forme d'un gigantesque tapis de billets de banque . Un flot ininterrompu d'argent sorti de rien a alors émerveillé, puis fasciné toutes les nations de la terre. L'envoûtement fut tel que le reste du monde lui accorda, les yeux fermés, le statut enviable de Dieu unique, c'est-à-dire de seul référent universel.

Le monothéisme capitalistico-libéral anglo-saxon flottant sur un mer de dollars s'est alors lancé à la conquête de la planète et, dans un troisième mouvement, tel un tsunami irrésistible, il renversé les frontières qui s'opposaient à son expansion. La mondialisation était née. Comme le fait dire l'apôtre Jean au crucifié : "Tout est accompli " et le règne sans entraves de l'argent-roi a pu débouler sur la planète entière.

Le stade politico-militaire de l'expansion du nouveau dieu

La première épreuve passée avec succès par le dieu naissant fut donc politique.

C'est la victoire sur les armées du IIIe Reich et ses alliés de l'Axe qui donna aux USA le rang prestigieux de superpuissance que la planète entière lui a reconnu pendant toute la seconde moitié du XXe siècle. " Depuis Rome, il n'y a jamais eu une nation qui ait autant éclipsé les autres " proclamait urbi et orbi dans un grand cri de victoire Joseph S. Nye Jr., recteur de la Kennedy School of Government à l'université Harvard et secrétaire d'Etat à la défense sous M. William Clinton. Il exprimait, par ce cri du coeur, l'auto-jubilation dans laquelle barbotait la classe politique de l'empire auto-fascinée par sa propre idéologie et les miracles bien visibles qu'elle produisait chez ses grands prêtres . Dans la patrie du capitalisme florissant, c'est Noël tous les jours pour les protégés du dieu, puisque 1% des plus riches gagnent plus que le total des revenus des 40% les plus pauvres.

Le stade monétaire

La seconde épreuve à laquelle le Veau d'Or fut confronté afin de passer du stade de nourrisson confiné dans les frontières du nouvel Etat en gestation au plein épanouissement de sa puissance, fut monétaire . La multiplication des dollars est un miracle qui soutient la comparaison avec le miracle de la multiplication des pains rapporté par l'apôtre Jean dans les Evangiles.

Avant 1913 , date de la naissance officielle de la machine à produire des dollars, les financiers qui s'étaient enrichis par des spéculations douteuses durant la guerre de Sécession - et qu'on appelle depuis lors les " barons voleurs " - étaient à plusieurs reprises sortis des coulisses où ils rongeaient leur frein . On les vit opérer de fructueux rezzous sur les marchés boursiers . Ainsi, au début du siècle, ils purent piller allègrement les imprudents qui avaient cru rivaliser avec eux et accumuler en toute impunité un considérable magot. Ils orchestrèrent, en effet, quelques paniques spectaculaires à la bourse de New-York en déclenchant, comme ce fut le cas en 1907, une ruée sur les actions de quelques grosses sociétés. Ils procédèrent ensuite à une vente massive de manière à créer la panique, puis rachetèrent ces mêmes actions à la baisse en se présentant en sages sauveurs du bien public.

1907: Le banquier John Pierpont Morgan "sauve" la bourse

Mais l' invention la plus géniale des nouveaux loups-cerviers est indiscutablement la poule aux œufs d'or que fut la création de la FED (le Système fédéral de réserve) durant la nuit du 23 décembre 1913. Depuis lors, les financiers anglo-saxons chantent Alléluia du matin au soir.

Voir : Voyage circummonétaire à la recherche du Roi Dollar et découverte de la caverne d'Ali-Baba2 ème escale

Un de leurs exploits particulièrement célèbre se situe en 1929 lorsqu'ils accompagnèrent et surent gérer en catimini à leur avantage la panique boursière et le joli crash auxquels il prêtèrent la main en ruinant sans vergogne et une fois de plus les petits porteurs.

De nouveau, le même petit gang de "barons voleurs" racheta en masse les titres dévalués et amoncela de colossales fortunes en faisant remonter les cours pendant que les malheureux ruinés se suicidaient en grand nombre.

Forts de la puissance militaire et économique de l'Etat qui les hébergeait, les banquiers anglo-saxons consolidèrent leur empire financier durant l'entre-deux guerres.

La deuxième guerre mondiale qui les vit prêter à un taux usuraire les sommes qui permirent aux belligérants des deux camps de mettre sur pied leur arsenal militaire, puis de s'entre-tuer pendant de longs mois, fut pour eux une période exceptionnellement faste . Prudents , ils exigeaient d'être payés en or. C'est ce pactole juteux qui leur permit, lors des accords de Bretton Woods en juillet 1944 , d'imposer comme unique monnaie de réserve la monnaie-dette privée qu'ils avaient inventée en 1913 .

Voir : Voyage circummonétaire à la recherche du Roi Dollar et découverte de la caverne d'Ali-Baba……4ème escale

C'était déjà là un bel exploit ; mais la machine infernale à produire des dollars atteignit une perfection inespérée le 15 aout 1971. Ce jour-là les banquiers touchèrent en effet le jack-pot et dépassèrent les rêves les plus fous des alchimistes lorsqu'ils réussirent - qui plus est à la faveur d'opérations militaires désastreuses au Vietnam, qui avaient outrageusement déséquilibré la balance commerciale des Etats-Unis et qu'ils surent exploiter à leur avantage - à transformer en or un papier imprimé non gagé et à créer à partir de rien une monnaie dite "flottante", c'est-à-dire dont la valeur oscillait au gré des aléas de leur propre politique.

Voir : Voyage circummonétaire à la recherche du Roi Dollar et découverte de la caverne d'Ali-Baba5ème escale

Ces décisions monétaires eurent pour les financiers anglo-saxons propriétaires de la FED, des conséquences en chaîne plus heureuses les unes que les autres durant trois décennies. Elles furent même momentanément hautement profitables à l'expansion impériale états-unienne, puisque le tour de passe-passe monétaire qui transformait une monnaie privée et nationale en monnaie de réserve internationale équivalente à l'or permettait à l'Etat émetteur, en quelque sorte en compte à demi avec les nouveaux " barons voleurs ", de faire financer par l'étranger son commerce, ses déficits budgétaires sans fond et surtout les guerres qu'il menait en vue de s'approprier les hydrocarbures dont il était assoiffé. De plus, il aurait été impossible à cet Etat de payer la construction et l'entretien de ses 737 bases militaires à l'étranger sans la complaisance intéressée de ses banquiers faux-monnayeurs.

La religion du Veau d'Or a été de tous temps adossée au triomphe des armes, que ce soit à l'époque mythique du roi Salomon, au temps de l'empire perse ou à celui de la puissance temporelle de la papauté triomphante, qui a culminé avec les vagues successives des croisades . L'alibi théologique des uns et les motivations mercantiles des autres avaient alors abouti à des guerres de pillage et à une occupation de la "Terre Sainte" durant un siècle . Il en fut de même de la domination de l'actuel Veau d'Or mondialisé adossé à la monnaie-dette fictive après la campagne victorieuse contre les armées de l'Axe. L'escroquerie avait été si astucieusement montée qu'elle a duré pratiquement sans accrocs de 1913 à 2007.

Voir : Voyage circummonétaire à la recherche du Roi Dollar et découverte de la caverne d'Ali-Baba7ème escale

La mort des frontières

La troisième épreuve a laquelle le nouveau Veau d'Or impérial avait été confronté fut celle de renverser d'un coup d'épaule décidé les barrières douanières des Etats-nations. La fameuse main invisible du marché a d'abord mis à mal, puis abattu purement et simplement les frontières afin de permettre au système économique né outre-Atlantique de se répandre sur la planète entière avec l'avantage inestimable de disposer à gogo d'un flux ininterrompu de capitaux .

Voir Premiers pas sur les traces du Roi-Dollar

L'empire américain et le Veau d'Or financier mondialisé sont les deux faces d'une même médaille , l'empire étant le bras armé des financiers.

Afin de se répandre hors de leurs frontières, ils utilisèrent d'abord les points d'ancrage que leur offrait la fameuse Alliance de l'Organisation de l'Atlantique Nord (OTAN) mise sur pied par le vainqueur après la victoire sur le Reich en 1945 pour fédérer ses vassaux directs, avant de faire quasiment main basse sur la planète entière après la chute du mur de Berlin en 1989. Mais, tout en affirmant le contraire et en se faisant les chantres d'un libéralisme débridé, l'empire et ses financiers conservaient soigneusement un nombre important de leurs propres privilèges et de leurs protections douanières. Ils étaient même parvenus à soumettre tous les autres Etats de la planète à leur législation commerciale interne . Aussi pouvaient-ils interdire la vente de tel ou tel matériel dès lors qu'un seul élément entrant dans sa composition était qualifié souverainement par leurs soins de "matériel sensible" .

C'est ainsi qu'ils purent affaiblir l'industrie des armements des Européens qui avaient imprudemment inclus dans leurs armements quelques éléments et boulons qui se sont trouvés , a posteriori, relever de cette législation. L'Espagne n'a pas pu vendre ses avions au Venezuela tandis que la France et l'Allemagne n'ont pas réussi à lever l'embargo des ventes d'armes que l'empire a imposé à la Chine.

Les ruses sémantiques du Veau d'Or

Habile passe-muraille, le Veau d'or impérial s'est discrètement lové dans des vocables anodins et neutres . Le capitalisme international vilainement vilipendé par son rival messianique sentait le soufre et avait besoin de retrouver une nouvelle virginité. De nos jours, aussi confortablement installé dans le paysage économique et politique que dans les esprits de la quasi totalité des habitants de la planète, de la Chine à la Papouasie, de Mayotte à Los Angeles et de la Perse au Pérou, il a revêtu la tunique de lin blanc d'un alléchant Libéralisme, d'une innocente Globalisation et d'une benoîte Mondialisation . Devenu l'horizon idéologique indépassable de l'univers , il libère peu à peu ses poisons et se révèle une redoutable tunique de Nessus.

Mais un esprit aussi lucide que celui du Général de Gaulle n'a jamais été dupe du puissant système financier et politique qui s'était discrètement abrité dans les vocables bénins destinés à endormir la méfiance des ignorants. Il a flairé et démonté le piège . Puis il a crié que le roi est nu et révélé urbi et orbi que ce grand meccano était simplement un avatar de l'expansion de l'empire américain . Il avait parfaitement compris le mécanisme de ce pillage et ses fondements politiques :

" Le marché n'est pas au-dessus de la nation et de l'Etat. C'est la nation, c'est l'Etat qui doivent surplomber le marché. Si le marché régnait en maître, ce sont les Américains qui régneraient en maîtres sur lui ; ce sont les multinationales, qui ne sont pas plus multinationales que l'OTAN. Tout ça n'est qu'un simple camouflage de l'hégémonie américaine. Si nous suivions le marché les yeux fermés, nous nous ferions coloniser par les Américains. Nous n'existerions plus, nous Européens . "

D'ailleurs l'empire ne cache plus sa volonté hégémonique. Il la proclame même à haute et intelligible voix. Mais la vassalisation sécrète un virus mortel pour la vérité et les libertés publiques. " Seuls les plus petits secrets ont besoin d'être protégés. Les plus gros sont gardés par l'incrédulité publique " écrivait Marshall McLuhan Auteur et chercheur canadien (1911-1980).

La vénération craintive est l'un des symptômes les plus prégnants de cette pathologie . Elle entraîne une surdité et une mutité universelles dans les organes de presse, si bien que le Reste du Monde et notamment les Européens continuent de parler de Globalisation là où il a vassalisation et de Mondialisation là où il y a domination :

"Ni la Pax Britannica, ni la France napoléonienne, ni l'Espagne de Felipe II, ni l'empire de Charlemagne, ni l'empire romain ne peuvent se comparer à l'actuelle domination américaine. Jamais il n'a existé une telle disparité de pouvoir dans le système mondial. " écrit en toutes lettres l'historien Paul Kennedy

Main-mise sur la planète

Le Veau d'or appelé Mondialisation est donc l'expression de la main mise de l'empire américain et de l'armée de ses financiers et de ses multinationales sur la planète.

Après avoir abattu les frontières des Etats-nations, le Veau d'Or a entrepris, avec une persévérance digne d'admiration et en usant de toutes les formes de pressions, de chantage et de menaces sur ses vassaux, ses clients ou ses débiteurs, d'affaiblir, de dissoudre et même de détruire totalement les principes sur lesquels se sont construites les nations . Il s'emploie à saper les fondements de toutes les institutions économiques et sociales qui se voient qualifiées de rétrogrades. Ses serviteurs appellent rupture et adaptation la destruction des protections sociales et du code du travail. Les institutions policières et militaires nationales n'échappent pas au grand bond en arrière et sont remplacées par des structures de gestion supra nationales et mondiales .

Voir: : Il était une fois la mondialisation ... Vue d'ensemble sur la nouvelle religion planétaire

La rapidité foudroyante de l'expansion du nouveau Veau d'or a été favorisée par les progrès des communications terrestres ou aériennes ; mais elle a surtout profité de l'essor des télécommunications et du miracle des communications instantanées rendues possibles grâce à internet. La Mondialisation, ce sont , en effet, des transactions transfrontières de biens et de services, des flux croisés de marchandises et la diffusion accélérée et généralisée des nouvelles technologies . Mais c'est également une spéculation monétaire échevelée qui a métamorphosé le capitalisme économique en financiarisme anonyme sans foi ni loi.

Dans les coulisses de l'empire

Derrière la façade de la puissance politique et militaire de l'empire, le Veau d'or Mondialisation exprime, en effet, les intérêts politiques et financiers d'un très petit nombre de groupes très puissants et très concentrés et d'organisations qui aujourd'hui conduisent et pilotent l'économie de la planète dans la direction qui leur rapporte les profits les plus faramineux. Comme l'écrivait déjà Walter Rathenau (1867-1922), dans le journal autrichien Wiener Freie Presse du , 24 décembre 1912, "Trois cents hommes, dont chacun connaît tous les autres, gouvernent les destinées du continent européen et choisissent leurs successeurs dans leur entourage."

En changeant les mots " continent européen " par " empire américain ", la citation s'applique à la lettre à l'actuelle situation de la planète.

C'est aux pieds de ce nouveau Veau d'Or que les fidèles, appelés tantôt travailleurs, tantôt consommateurs, sont priés de déposer leurs anneaux d'or et leurs bijoux, c'est-à-dire leur force de travail ; c'est en son honneur qu'ils obéissent aux nouveaux commandements de leur l'idole : travaillez, prenez de la peine... ou travaillez plus pour gagner plus... La fameuse réhabilitation de la "valeur travail" , comme le clame un célèbre politicien de l'hexagone, prend tout son sens dans ce contexte.

 

Le poulailler de la Mondialisation

Car le libéralisme mondialisé n'est que la variante d'une fable qui aurait pour titre : La liberté du renard dans le poulailler. Il y près d'un siècle, Jaurès avait déjà décrit le sort des poules dans le poulailler du libéralisme :

" D'abord, et à la racine même [de la lutte des classes], il y a une constatation de fait, c'est que le système capitaliste, le système de la propriété privée des moyens de production, divise les hommes en deux catégories, divise les intérêts en deux vastes groupes, nécessairement et violemment opposés. Il y a, d'un côté eux qui détiennent les moyens de production et qui peuvent ainsi faire la loi aux autres, mais il y a de l'autre côté ceux qui, n'ayant, ne possédant que leur force de travail et ne pouvant l'utiliser que par les moyens de production détenus précisément par la classe capitaliste, sont à la discrétion de cette classe capitaliste. "

Le nouveau Veau d'Or est en effet une idole gourmande. Les salaires vertigineux des dirigeants des grandes entreprises côtoient une misère de plus en plus visible, y compris dans les sociétés industrialisées depuis plus d'un siècle. Le Veau d'or réclame des rendements de plus en plus élevés : 10% est jugé méprisable , l'idole exige 15% et même 20%. En conséquence, la survie des entreprises appelle des plans sociaux et des restructurations avec à la clé des licenciements et des délocalisations dans les pays émergents, là où des salaires de misère et une protection sociale inexistante rendent le coût du travail momentanément plus faible - en attendant que ces peuples se réveillent.

"Vouloir conserver le pouvoir exige le sacrifice du plus grand nombre pour le bénéfice de quelques-uns" , écrivait Mao Tsé-toung, qui en connaissait un rayon en matière de "sacrifiés" . Quel que soit le régime, le sacrifice des pauvres est le moteur des sociétés .

Les poules ne sont pas les seules victimes des renards. Car la guerre fait également rage en sous-main entre les renards eux-mêmes . En effet, le Veau d'or mondialisé est un Janus .

Amasser de l'argent est l'un de ses objectifs et l'une des faces de l'idole.

La seconde face est la lutte pour le pouvoir . Les renards ne se satisfont pas de la chair des poules. Une guerre permanente et sans merci est déclarée entre eux. Les plus puissants éliminent ou avalent les plus faibles comme l'a encore montré récemment la " guerre de l'acier " entre Arcelor et Mittal. Les tournois ne se déroulent plus sur le pré, mais dans le secret des institutions bancaires et à coups d'OPA amicales ou prédatrices. Dans un système construit sur l'appât du gain, le pouvoir s'achète et se vend au plus offrant. Une OPA dite " amicale " est celle dans laquelle les mangeoires des actionnaires sont le plus abondamment garnies de sorte que ceux-ci se rangent spontanément dans le camp du plus offrant.

Le rêve d' un gouvernement mondial

Les multinationales et les institutions internationales qui pilotent la mondialisation aux côtés des responsables politiques aux Etats-Unis, en Israël ou en Grande Bretagne , rêvent d'un nouvel ordre mondial . Le mélange entre des intérêts privés, des hommes politiques , des groupes de pression et des institutions officielles aboutit à une forme de pouvoir inédit dans l'histoire humaine, une manière de privatisation du pouvoir à l'échelle mondiale. Ce groupe en arrive même à imaginer qu'il pourrait parvenir à imposer un gouvernement mondial unifié comme le proclame sans complexe un des plus riches et des plus puissants hommes d'influence de la planète :

" Certains croient que nous (la famille Rockefeller) faisons partie d'une cabale secrète travaillant contre les intérêts des États-Unis. Ils nous traitent d'internationalistes, nous accusent de conspirer avec d'autres de par le monde pour construire une structure politique et économique mondiale intégrée - un gouvernement mondial, si vous préférez. Si c'est là l'accusation, je plaide coupable, et avec fierté ! " - David Rockefeller, Mémoires, 2002

Si M. Rockefeller prend ses désirs pour des réalités et tient pour acquise la bienveillance ou la soumission de l'Europe et du Japon, il semble ignorer qu'il existe des contre pouvoirs , que la Chine, la Russie, l'Inde et une coalition d'Etats en Amérique du Sud qui résistent efficacement à l'idéologie du Veau d'or financiarisé n'ont pas l'intention de plier l'échine devant un Veau d'Or tapissé de billets verts , mais si mité de l'intérieur qu'il ne tient plus debout que par habitude.

Il n'en demeure pas moins vrai que notre super financier se félicite ouvertement de la complaisance et même de la complicité des organes de presse dont la mission aurait dû être de révéler au public l'existence, les manifestations et les implications de ce qu'il déclare lui-même être un " complot mondial ". Il démontre s'il en était besoin que la liberté de la presse et l'existence d'un " quatrième pouvoir " aux côtés des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, est une pure chimère .

Une fois de plus, il est prouvé que tout s'achète et tout se vend , qu'il suffit d'y mettre le prix en sauvant les apparences. Dans le système politique adossé au Veau d'Or mondialisé, la morale et les principes éthiques deviennent à leur tour des marchandises .

"Il aurait été impossible de développer notre projet pour le monde, si nous avions été victimes des éclairages crus de la publicité au cours de ces années. Mais notre oeuvre est maintenant à un stade beaucoup plus sophistiqué et nous sommes prêts à entamer la marche vers un gouvernement mondial. La souveraineté supranationale d'une élite intellectuelle et des banquiers mondiaux est certainement préférable à l'autodétermination nationale pratiquée lors des siècles passés. " - David Rockefeller, au cours d'une réunion du Groupe Bilderberg, à Baden en Allemagne Rapport Hilaire DuBerrier, 1991

La cavalerie financière internationale et la mort programmée du Veau d'Or mondialisé

Comme le disait le sapeur Camenbert : " Quand les bornes sont dépassées, il n'y a plus de limites ." Des facilités monétaires aussi exceptionnelles que celles permises par le système monétaire actuel ne pouvaient que déchaîner les appétits, si bien que, très logiquement, un laxisme budgétaire catastrophique en chaîne s'ensuivit qui menace aujourd'hui d'emporter dans un maelström imminent la quasi totalité des économies occidentales.

Le mécanisme était pourtant tellement simple qu'il était impossible de ne pas voir qu'il portait inscrite sa propre perte dans ses gènes. En effet, chaque fois que l'Empire a besoin d'argent il s'adresse à la FED , autrement dit au consortium de banques privées qui en sont les propriétaires. Celles-ci s'empressent de le créditer du montant désiré mais moyennant un intérêt qui enrichit automatiquement ces mêmes banquiers .

D'où ces banquiers tirent-ils leur argent? De nulle part. Ils se contentent d'imprimer une ligne dans un bilan. C'est bien là qu'est le véritable miracle : l'argent est créé à partir de rien et il produit un bénéfice. [1]

Une fois le robinet ouvert et le flux amorcé, les bénéfices s'écoulent quasi automatiquement dans l'escarcelle des financiers. L'Etat emprunteur se trouve donc dans l'obligation d'emprunter à nouveau afin de rembourser le premier emprunt et ainsi de suite.

Voir : Voyage circummonétaire à la recherche du Roi Dollar et découverte de la caverne d'Ali-Baba…… 8ème escale

Comme ce système pervers fonctionne également au niveau du Fonds monétaire international censé aider les pays émergents, alors qu'il amorce un mécanisme de vis sans fin de l'endettement , il transforme les pays pauvres en vaches à lait des banquiers internationaux.

L'empire est donc à la fois bénéficiaire et victime du Veau d'or monétaire. Mais il a pensé pouvoir sortir de la spirale de l'endettement en inventant à son profit un autre mécanisme pervers par lequel il espérait desserrer l'étau de la voracité de ses propres financiers et qu'il a pudiquement appelé monétarisation de la dette. Il a donc entrepris de vendre ses propres dettes colossales à des banques étrangères et à des institutions internationales sous la forme de " bons du trésor ". Il lui fallait pour cela offrir un appât intéressant, donc un intérêt attractif. Mais afin d'honorer le paiement des nouveaux intérêts, l'Etat était de nouveau contraint d'emprunter et d'ajouter ce montant aux dettes déjà existantes.

On voit que ce mécanisme génère automatiquement des dettes à l'infini et que l'ensemble ressemble au jeu bien connu de la patate chaude, l'essentiel étant de ne pas se trouver au bout de la chaîne.

Mais une fois amorcée, la roue de la cavalerie monétaire internationale décrite par Balzac dans sa pièce Le faiseur, s'est mise à tourner à une vitesse de plus en plus folle, si bien qu'aujourd'hui , elle s'est tellement emballée et le montant des "avoirs négatifs " - c'est-à-dire des dettes impossibles à rembourser - est si colossal qu'il met en péril l'Etat émetteur et tous les intermédiaires gloutons et alléchés par les taux attractifs offerts pour les bons du trésor . Il fragilise également les Etats imprudents qui avaient fait confiance à la loyauté et à la solidité financière de " la plus grande puissance de la planète ", comme elle se dénommait elle-même en se tapant du poing sur la poitrine, tel un gorille courant tout autour des frontières du lopin qu'il a conquis à la force de ses biceps.

La goinfrerie des financiers avec, à leur tête, l'homme qui rêvait d'un gouvernement mondial, est en passe de faire exploser le système tout entier et de tuer la poule aux œufs d'or. Car ce mécanisme a ensuite été appliqué en cascade par toutes les banques face aux emprunts généreusement offerts aux particuliers notamment aux USA. Il émerge aujourd'hui au grand jour sous le nom barbare de titrisation des emprunts [2] et met en péril l'équilibre bancaire international, puisque les titres pourris des emprunts qui ne seront jamais remboursés plombent les bilans des banques. Celles-ci se trouvent dans l'obligation de les transférer plus ou moins discrètement des colonnes de crédit, où ces titres donnaient une allure si fringante aux bilans , aux colonnes des débits , si bien que même les banques internationales les plus prestigieuses annoncent désormais des pertes colossales.

C'était uniquement la confiance dans les divers intervenants de ce grand meccano qui servait de ciment et de garantie du fonctionnement harmonieux de l'ensemble du système . Or, à partir du moment où la méfiance est devenue la norme des relations entre les financiers et entre les banques, le système monétaire international est en voie d'implosion et le Veau d'Or mondialisé sous sa forme actuelle est en passe de finir dans les poubelles de l'histoire.

Et pendant ce temps-là... un très petit groupe de banquiers, de gestionnaires de fonds spéculatifs, de directeurs de capitaux d’investissement et de gros investisseurs ont engrangé des sommes phénoménales . Des institutions parallèles au système bancaire officiel s'étaient créées . Elles avaient offert des crédits à très court terme qui avaient alimenté la spéculation et les fraudes . L'ensemble a abouti à un système si complexe que les plus grandes banques elles-mêmes, et parmi elles Morgan Stanley, City Group ou UBS y ont perdu leur latin . Piégées par des "crédits pourris" , elles ont été obligées de vendre des actifs à de gros détenteurs de capitaux à Abou Dhabi , à Singapour, ainsi qu'à des investisseurs anonymes en Chine et au Moyen-Orient.

C'est pourquoi le petit sourire en coin du principal pontife aux commandes de la machine du Veau d'Or permet d'imaginer que les grands maîtres de la Mondialisation sauront , comme ils l'ont toujours fait jusqu'alors, tirer un bénéfice supplémentaire de l'effondrement de leur monnaie , pendant que le reste du monde pansera ses blessures et comptera ses morts.

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[1] Voir l'excellente et très complète analyse de Rudo de Ruijter sur le fonctionnement des banques , Secrets d'argent, intérêts et inflation

[2] Voir Frédéric Lordon : Quand la finance prend le monde en otage (http://w41k.com/11508 )

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A suivre: Pontifes et cardinaux de la mondialisation

 
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